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VISION AGRICULTURE / 7.5. 2019

Initiative pour une eau potable propre: désinformation du Conseil fédéral et d'une Haute école

Initiative pour une eau potable propre: désinformation du Conseil fédéral et d'une Haute école

Un avis juridique publié aujourd’hui est explosif: il montre que le texte constitutionnel de l’initiative pour une eau potable propre (IEPP) laisse une grande marge de manœuvre au Parlement pour la mise en œuvre. Elle peut être utilisée pour des solutions pratiques et sensées. L’expertise arrive en même temps à la conclusion que le Conseil fédéral a adopté une position tendancieuse et erronée dans son message sur l’initiative, au détriment de l’IEPP. La Haute école des sciences agronomiques HAFL en rajoute encore et calcule les possibles impacts de l’initiative sur la base d’informations erronées du Conseil fédéral – pour le compte de l’Union suisse des paysans dans sa campagne contre l’IEPP. Un exemple frappant de ce qui se passe entre l’industrie agricole, les autorités fédérales et la science.

Avec son message sur l’initiative pour une eau potable propre, le Conseil fédéral a provoqué en décembre dernier un sacré embarras. Le texte de l’initiative a été interprété de manière si partiale que même les auteurs de l’initiative observent que cela allait beaucoup plus loin que leurs propres attentes. Derrière cette interprétation rigide se cache naturellement un calcul. Le Conseil fédéral est ainsi parvenu à la conclusion que „l’initiative aurait des conséquences considérables et néfastes pour l’agriculture suisse et la sécurité alimentaire“, et qu’elle devrait donc être absolument rejetée. Vision Agriculture avait alors qualifié le message du Conseil fédéral de propos alarmistes déconnectés de la réalité.

Le Conseil fédéral induit les électeurs en erreur

Désormais, un avis juridique arrive à la conclusion que dans son message, le conseil fédéral a interprété le texte de l’initiative IEPP non seulement de manière tendancieuse, mais aussi trop rigide et irrecevable du point de vue juridique. D’après les analyses juridiques détaillées, le texte de l’initiative laisse au Parlement une importante latitude dans la mise en œuvre. Elle peut être en principe utilisée de manière à ce que les effets négatifs sur l’agriculture puissent être évités.

Cette expertise commandée conjointement par l’Association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA) et la Fédération Suisse de Pêche (FSP), est rendue encore plus explosive suite à un arrêt récent du Tribunal fédéral. Le 10 avril, il a accusé le Conseil fédéral de désinformation si grave avant la votation concernant l’initiative sur la pénalisation du mariage, que pour la première fois une votation populaire devra probablement être répétée. Dans le cas de l’IEPP aussi, les fausses informations du Conseil fédéral devraient préoccuper le public et peut-être aussi occuper les tribunaux dans les mois à venir.

Une Haute école s’égare dans les bas-fonds de la politique

Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Au contraire, la désinformation du Conseil fédéral à propos de l’IEPP a déjà d’autres répercussions. La Haute école des sciences agronomiques HAFL publie également aujourd’hui une étude qui se base sur les hypothèses tendancieuses du Conseil fédéral sans esprit critique et en toute connaissance de cause, et devient ainsi une déclaration scientifiquement indéfendable – à nouveau au détriment de l’IEPP.

À savoir: l’étude a été commanditée par l’Union suisse des paysans dans le cadre de sa campagne de plusieurs millions contre l’initiative pour une eau potable propre. Plus encore: l’Union suisse des paysans a elle-même contribué au contenu de l’étude. C’est l’Union suisse des paysans qui a sélectionné les exploitations agricoles sur lesquelles calculer les impacts de l’initiative. Il s’agit d’exploitations dont la production est plus intensive que la moyenne, qui fournissent moins de services environnementaux que la moyenne, et qui seraient donc beaucoup plus touchées par l’initiative que les exploitations moyennes.

Manifestement, le HAFL n’était pas tout à fait à l’aise avec ce choix d’exploitations. „Il est important de préciser que les exploitations sélectionnées ne sont pas représentatives de l’agriculture suisse. Par conséquent, les résultats ne peuvent en aucun cas être généralisés“, écrivent les auteur(e)s dans l’introduction.

La HAFL s’interroge ainsi elle-même sur la pertinence de son étude. Elle a néanmoins publié l’étude, et des conclusions d’une portée considérable sont quand même tirées – bien sûr dans l’esprit du commanditaire qu’est l’Union suisse des paysans.

Hormis le choix tendancieux des exploitations analysées et l’interprétation restrictive juridiquement intenable, l’étude du HAFL présente d’autres faiblesses graves. Les données économiques chiffrées n’ont pas été calculées correctement et les pertes de rendement possibles ont été fixées bien trop haut (voir encadré 1 en allemand). Il est frappant de constater que toutes les erreurs vont dans le même sens: elles présentent des impacts sur l’agriculture aussi négatifs que possible qui résulteraient de l’initiative

Toutefois, certaines conclusions de l’étude – déjà largement connues – ne sont pas touchées par les hypothèses et les calculs erronés. L’IEPP constitue un défi particulier pour les exploitations particulièrement intensives avec des grandes cultures et des cultures spéciales, ainsi que pour celles qui achètent beaucoup d’aliments pour animaux (voir encadré 2 en allemand). Cet effet correspond justement à l’intention des auteurs de l’initiative, à savoir ne plus subventionner les formes d’exploitations qui nuisent à l’environnement avec des fonds publics, mais à la place mieux soutenir celles qui exploitent à un niveau adapté au site.   

Moralité de l'histoire

Pourquoi une Haute école de renom s’est laissée entraîner dans les bas-fonds de la politique sous la coupe de l’Union suisse des paysans avec une étude aussi discutable, cela reste un mystère. Les opposants à l’IEPP ont visiblement un tel respect pour l’initiative qu’ils ne croient pas pouvoir venir à bout de l’initiative avec des moyens justes et objectifs. Le Conseil fédéral comme la Haute école prennent un risque énorme avec les informations fallacieuses qu’ils diffusent, et ils mettent en danger leur atout le plus important: leur crédibilité.

Par ailleurs, la Haute école a rejeté une demande de Vision Agriculture au HAFL de compléter l’étude avec des hypothèses réajustées et réalistes ainsi qu’une sélection représentative d’exploitations.

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Encadré 1 en allemandWo die HAFL-Studie daneben liegt  

Encadré 2 en allemandWas die HAFL-Studie an Erkenntnissen bringt 


Autres documents en allemand
:

- Avis juridique de VSA et FSP: Rechtsgutachten von VSA und SFV

- Étude HAFL: HAFL-Studie

- Communiqué de Vision Agriculture sur le message du Conseil fédéral Message du Conseil fédéral