L'effort pour rendre la politique agricole un petit peu plus ciblée, durable et conforme à la constitution avec la PA 2014-17 a été, et reste, énorme pour le parlement, pour l'administration, pour les associations, et tout particulièrement pour les agriculteurs. Il y avait ainsi un large consensus dans les milieux agricoles: maintenant il faut avant tout calme et consolidation, loin de nouveaux ajustements précipités.
L'Union suisse des paysans (USP) a d'abord cassé ce consensus avec son initiative pour la sécurité alimentaire. Le président de l'USP a lancé en interne le projet explicitement avec le but de faire marche arrière avec la politique agricole. L'USP s'était battue becs et ongles contre une répartition efficiente et ciblée du budget destiné à l'agriculture, et elle espère regagner de l'influence sur la politique agricole avec son initiative.
Dans la rue, les gens ont signé, motivés par la promesse d'une production alimentaire suisse durable. Qui n'aurait pas signé? Minutieusement organisée, l'USP a rapidement récolté les signatures nécessaires. Mais voilà: jusqu'à aujourd'hui, personne ne sait vraiment ce que l'USP veut réellement avec son texte vide de sens contre lequel personne ne peut avoir sérieusement quelque chose à dire – sauf qu'il est totalement inutile et déjà couvert par la constitution actuelle.
Pendant longtemps, l'initiative pâlotte n'était pas prise très au sérieux. Cela a changé avec la décision du Conseil fédéral d'aujourd'hui de soumettre au peuple un contre-projet. Cela donne inutilement du poids à l'initiative de l'USP, dont les portails médias réagissent avec enthousiasme. L'attention désirée est enfin là.
Comment le Conseil fédéral a-t-il eu cette idée saugrenue d'opposer un contre-projet à une initiative vide de sens? Contre la volonté de l'Office fédéral de l'agriculture, et probablement celui de la plupart des conseillers fédéraux, le ministre de l'agriculture Schneider-Ammann a poussé à voter pour ce contre-projet.
Outre un motif électoral, le contre-projet est une entreprise dangereuse. Non seulement cela relance hâtivement les querelles sur le budget agricole, mais cela envoie un message confus et problématique à la population. Le Conseil fédéral, qui a toujours légitimé sa politique agricole avec la constitution, veut maintenant modifier le texte de la constitution?
La question reste ouverte de ce que signifierait un double non du peuple. Peut-être simplement l'expression d'un ras-le-bol de la majorité face à ces luttes acharnées autour des milliards d'argent du contribuable et de la politique agricole à la dérive. Les manœuvres électorales et des associations vont affaiblir davantage l'édifice complexe et instable de la politique agricole. Il s'est maintenu jusqu'à présent grâce à un large consensus de base parmi la population, à savoir que l'agriculture est importante pour nous tous et que cela justifie ce soutien unique avec l'argent de la Confédération.
Ce que Vision Agriculture trouve particulièrement fâcheux, c'est que le mandat constitutionnel existant de 1996 – depuis un référendum particulièrement plébiscité avec 78% des voix – doit être modifié alors qu'il a encore à peine été mis en œuvre. Avec la nouvelle politique agricole, ce sont aussi plus de 1,5 milliard de francs distribués chaque année sans objectif clair ni aucune preuve de leur efficacité par rapport aux objectifs constitutionnels (voir ci-dessous), alors que tant de buts reconnus restent hors d'atteinte et que la valeur ajoutée de l'agriculture continue toujours de baisser.
Une discussion constructive sur la politique agricole sera encore plus difficile à mener dans la confusion des initiatives et du contre-projet. Malgré cela, Vision Agriculture va continuer à tout faire pour informer au mieux sur le sujet et montrer qu'une agriculture durable, économiquement saine et plus efficace, respectueuse de la nature – ce qui correspondrait à la réalisation du mandat constitutionnel existant et comblerait les grandes lacunes jusqu'ici toujours béantes – n'est pas seulement possible, mais est aussi urgente et dans l'intérêt même des familles paysannes.
Bon à savoir: Haute production de denrées alimentaires, mais soutien inefficace de l'État
Le système des paiements directs révisé dans la politique agricole 2014-17 confère une haute priorité à la sécurité de l'approvisionnement. Cette catégorie de paiements directs "contributions à la sécurité de l'approvisionnement" est la mieux dotée avec 1,1 milliard de francs chaque année (en moyenne environ Fr. 20'000.- par exploitation et par an). Cependant toutes les enquêtes jusqu'à présent ont montré que ces contributions à la sécurité de l'approvisionnement n'ont quasiment rien à voir avec leur objectif et même affaiblissent plutôt la sécurité à l'approvisionnement. Elles sont inefficientes et encouragent une production non adaptée au site et nuisible à l'environnement. Pour améliorer la sécurité alimentaire, cette catégorie de paiements directs préjudiciables devrait être transformée en un instrument axé sur des objectifs. Aucune initiative nécessaire pour cela, mais bien la mise en œuvre du mandat constitutionnel existant.
Dans la politique agricole 2014-17, environ 80 pour cent des paiements directs sont directement liés à la production de denrées alimentaires. Il n'y a pas de paiements directs sans aucun lien à la production. L'agriculture suisse produit actuellement à un niveau record. Il n'y a aucune extensification pourtant toujours peinte comme le diable sur la muraille. C'est aussi dans ce contexte qu'une " initiative pour la sécurité alimentaire" est abstruse. Tous les autres objectifs sont déjà couverts par la constitution existante. Ce n'est pas sans raison que les initiants ne pouvaient rien dire de concret sur ce qu'ils visent avec leur initiative jusqu'à maintenant – sauf que le budget agricole devrait de nouveau être réparti à l'avenir avec si possible moins de paperasse et sans prestations écologiques requises.
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