(VA) Si la Suisse veut atteindre l’objectif climatique zéro émission d’ici 2050, elle doit notamment trouver des idées innovantes de production d’énergie. La visite d’une culture de framboises dans la campagne lucernoise illustre la contribution que pourrait apporter l’agriculture à la transition énergétique.
En cette journée ensoleillée du début mars, les températures douces laissent présager le temps estival sur le plateau lucernois : chaud et ensoleillé. Les plantes ont certes besoin de l’énergie du soleil pour croître, mais à partir d’un certain point, la chaleur devient trop forte pour elles. Le rayonnement solaire toujours plus intense cause des brûlures sur les baies qui deviennent invendables sur le marché frais. Jusqu’ici, la solution consistait à recouvrir les cultures de filets. Le paysan Heinz Schmid a aussi procédé de la sorte. Mais à partir de cette année, il change de méthode. Le producteur de baies tente un essai : ce sont désormais des panneaux solaires qui ombragent une partie de ses framboisiers. Vision Agriculture a rendu visite au chef d’exploitation peu avant l’achèvement de l’installation.
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L’électricité représente un précieux revenu accessoire
Les installations solaires sur des surfaces agricoles, abrégées agri-PV, sont autorisées en Suisse depuis l’été 2022. La construction d’installations solaires en zone agricole est permise à condition que celles-ci présentent un avantage pour la production agricole ou qu’elles servent à des fins d’expérimentation ou de recherche. Cela signifie que les surfaces agri-photovoltaïques doivent continuer de servir en premier lieu à la production de denrées alimentaires, l’électricité étant produite accessoirement.
La plus grande installation agri-photovoltaïque actuelle de Suisse est située dans le canton de Lucerne, chez Bioschmid à Aesch. La ferme, exploitée selon les directives de l’agriculture biologique depuis 1996, produit notamment des myrtilles et des framboises. À l’instar d’autres producteurs de baies, Heinz Schmid couvrait jusqu’ici de temps à autre ses cultures de filets et de films de protection. Ces filets non seulement protègent les plantes contre les événements météorologiques violents comme la grêle ou les fortes pluies, mais ils procurent aussi de l’ombre aux baies durant les périodes de forte chaleur. Exposées à des températures supérieures à 27 °C, les baies souffrent de stress dû à la chaleur : lorsque la plante a emmagasiné la lumière nécessaire à sa croissance, elle ne peut plus stocker de produits métaboliques par la photosynthèse, ce qui entraîne une diminution de la qualité.
Sur une surface expérimentale correspondant à la taille d’un terrain de football, ses framboises sont désormais ombragées par des panneaux solaires. Pour Heinz Schmid, une chose est claire : « La production agricole est prioritaire chez nous. » Il continuera à récolter la même quantité de baies en maintenant leur qualité, tout en produisant de l’électricité pour environ 110 ménages.Photo : Disposition des panneaux solaires dans un système de culture traditionnel avec filets de protection
« Ça fait longtemps que je rêvais d’agri-photovoltaïsme »
C’est grâce à Monika et Heinz Schmid que cette installation a vu le jour ici. Il y a seize ans, Bioschmid posait sa première installation solaire sur le toit de la grange et, quelques années plus tard, il étendait l’installation à tous les bâtiments ruraux de l’exploitation. Enthousiasmé par le solaire, Heinz Schmid avait l’idée de relier la production d’énergie solaire et son exploitation opérationnelle. « Apparemment, j’envisageais déjà l’agri-photovoltaïsme », sourit Heinz Schmid. L’idée de produire de l’énergie au-dessus de ses cultures de baies, sur une surface dont il dispose en tant qu’agriculteur, ne l’a plus lâché depuis. Il a d’abord entrepris lui-même un premier essai sur quelques mètres carrés en installant quelques panneaux à proximité immédiate de sa maison, afin d’observer l’effet que pourrait avoir une telle installation sur les baies. « Quasiment personne ne l’a remarquée », les panneaux passant inaperçus entre les filets usuels des cultures de framboises. Et les baies ? Elles ont poussé aussi bien que celles situées sous les filets. L’effet réel n’a toutefois pas pu être mesuré avec précision sur la petite surface.
Mais cette tentative personnelle a motivé Heinz Schmid à développer son idée à plus grande échelle. À l’occasion d’un échange avec des producteurs bio et la station de recherche Agroscope, une collaboration s’est concrétisée et la décision a été prise de lancer un projet de recherche sur son exploitation. C’était à l’automne 2021. Après des discussions préalables avec le canton, des modifications de la loi, des calculs et une garantie de financement, l’installation est désormais à bout touchant au printemps 2024 et sera exploitée prochainement à des fins de recherche.
En jetant un regard sur son installation, le chef d’exploitation déclare en souriant : « Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est un petit miracle ». Contre toute attente, les choses se sont bien déroulées dans l’ensemble et il a reçu un large soutien des propriétaires des fonds, de la commune, du canton et de l’Office fédéral de l’énergie qui finance également le projet. « Nous avons été soutenus par des fondations et les partenaires nous ont accordé des rabais », déclare Heinz Schmid.
Les premiers résultats sont attendus cet automne
Sur l’installation de Bioschmid, il s’agit de comparer trois systèmes solaires différents, situés à proximité immédiate de la zone de comparaison où les framboises sont cultivées de la manière traditionnelle (voir aussi « Comparaison entre les trois différents systèmes agri-photovoltaïques »). Les effets sur l’agriculture et le potentiel d’une installation solaire posée au-dessus du champ, ainsi que les effets sur la santé des plantes, sur les méthodes de cultures et sur le sol et la biodiversité seront analysés sous la supervision scientifique de l’Agroscope. Dans certains systèmes, les panneaux couvrent notamment durablement le sol et les précipitations n’atteignent pas le sol – même si aucune culture ne se trouve en dessous. Avec son projet pilote, Heinz Schmid souhaite aussi apporter sa contribution afin de résoudre les conflits d’objectifs et de trouver de bonnes solutions. Des solutions qui englobent la protection du climat, la production des denrées alimentaires, la biodiversité et l’aménagement du territoire.
Le projet ne fait pas l’unanimité
Pourtant, le projet de Heinz Schmid n’a pas eu que des échos favorables. Les critiques émanant des milieux de la protection du paysage et de la nature ont pu être abordées lors de notre entretien : comme il est déjà courant de couvrir les cultures dans de tels systèmes de production, le paysage ne change pratiquement pas. « Les panneaux solaires représentent tout simplement une couverture d’un autre type », déclare Heinz Schmid. Il voit aussi des perspectives pour l’agri-photovoltaïque sur des champs de cultures spéciales, qui sont soit déjà équipés de filets, soit toujours cultivés sur les mêmes rangées. D’autres agriculteurs ont également émis des critiques. Pour eux, l’installation représenterait un gaspillage des subventions, une concurrence pour les installations solaires sur les étables et serait, de manière générale, un non-sens total.
Heinz Schmid comprend bien ces réflexions. Il est aussi d’avis qu’il faut équiper en premier lieu toutes les étables et tous les toits des bâtiments de panneaux solaires. « Si les toits des étables sont tous recouverts d’ici dix ans, nous devons savoir ce qui fonctionne, comment et où », estime Heinz Schmid. C’est pour cela que nous devons effectuer des recherches aujourd’hui.
Le raccordement au réseau électrique est un facteur décisif
Pour garantir le succès de l’agri-photovoltaïque à grande échelle, un aspect est décisif selon Heinz Schmid : le raccordement au réseau électrique. « Ce raccordement au réseau pourrait représenter un obstacle pour de nombreuses exploitations », considère Heinz Schmid. De nombreuses terres agricoles ne sont en effet pas raccordées au réseau électrique. Heinz Schmid a dû lui aussi tirer une ligne électrique de 90 mètres pour se raccorder au réseau, afin que le courant produit au-dessus des baies puisse être injecté dans le réseau électrique du gestionnaire de réseau. L’usine située à proximité a aussi fait part de son intérêt pour l’électricité de Heinz Schmid, mais la loi actuelle sur l’énergie ne lui permet pas de la lui vendre. « Cela va changer avec la nouvelle loi pour l’électricité », estime Heinz Schmid (voir encadré 2 loi pour l’électricité). Pour lui, il est évident qu’avec les défis tels que le changement climatique par exemple, l’agriculture doit collaborer avec d’autres secteurs. Non seulement au niveau des lignes électriques, mais des ressources en général.
Cet automne, les premiers résultats de la recherche dévoileront les effets de l’installation solaire sur les cultures de baies au niveau de la qualité, de l’exploitation et du sol. Heinz Schmid a toutefois déjà noté un avantage indéniable l’été dernier : des cueilleuses et cueilleurs heureux. Les températures plus fraîches sont en effet aussi plus agréables. « Ces quelques degrés de moins sous les panneaux valent de l’or durant la période de la cueillette au plus fort de l’été », déclare Heinz Schmid.
Texte encadré 1
Comparaison entre les trois systèmes agri-photovoltaïques
Sur la surface d’essai de 0,72 ha de Bioschmid, trois systèmes solaires différents sont comparés, directement à proximité de la zone de comparaison où les framboises sont cultivées de manière traditionnelle.
En raison de l’exploitation mécanique des champs, la structure de base est la même pour les trois systèmes, tout comme la distance de trois mètres entre les lignes. Le tableau suivant illustre les différences entre les systèmes.
Texte encadré 2
Loi pour l’électricité (loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables)
Le 9 juin 2024, le peuple suisse se prononcera à propos d’une nouvelle loi sur l’énergie, la loi pour l’électricité. Le projet a pour objectif de promouvoir le développement des énergies renouvelables et de renforcer la sécurité du réseau et l’efficacité énergétique.
Dans l’exemple de Bioschmid, cela voudrait dire qu’en cas d’acceptation du projet, la ligne électrique cantonale pourrait aussi être utilisée à titre privé. Heinz Schmid pourrait ainsi se servir de cette ligne électrique pour vendre son électricité directement à l’usine située à proximité, sans devoir tirer une ligne supplémentaire. Cette loi concerne aussi les installations solaires sur les toits en zone agricole, car la production décentralisée d’électricité requiert des adaptations du système d’approvisionnement étant donné qu’ici aussi, davantage d’acteurs y participent. À l’heure actuelle, de nombreuses exploitations agricoles ne peuvent pas exploiter le potentiel de leurs toits en raison de la capacité limitée des lignes. En cas d’acceptation par le peuple, la loi pour l’électricité permettra d’améliorer ces conditions-cadres et de soutenir la constitution de communautés électriques locales. De plus, une prime de marché flottante – une protection contre les prix très bas du marché et un gel des subventions en cas de prix du marché très élevés – sera introduite en guise d’alternative aux rétributions uniques et aux contributions d’investissements déjà établies. Par ailleurs, la réinjection sera désormais rémunérée à un prix harmonisé sur le plan national, calculé sur la base de la moyenne trimestrielle des prix du marché au moment de l’injection. En outre, des rétributions minimales seront fixées pour les petites installations jusqu’à 150 kW.
À l’approche de Noël, un marketing émotionnel bien conçu ouvre la voie à la frénésie annuelle des achats. La planification du repas de Noël en famille ne saurait manquer à l’appel. Fondue chinoise, filet en croûte ou dinde farcie ? Saumon ou truite fumée en entrée ?
En cette fin d’année, Vision Agriculture souhaite à nouveau susciter la réflexion. Et nous nous tournons une fois de plus vers la consommation de viande. Le festin de Noël reflète parfaitement le lien étroit entre les habitudes alimentaires et notre culture ainsi que la manière dont elles se transmettent de génération en génération. Ici, les changements d’habitudes sont particulièrement difficiles, car le comportement alimentaire prend sa source dans des facteurs communautaires tels que les attentes, la bienséance et les obligations. Il est pourtant nécessaire de réduire la consommation individuelle de viande si l’on veut atteindre les objectifs climatiques. La présente newsletter aborde une fois de plus ce thème sous l’angle sociothéorique et montre l’importance de la consommation de viande au niveau communautaire.
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La viande, star des fêtes et source d’émotions subjectives
(VA) L’aliment viande joue un rôle significatif : selon la journaliste polonaise et canadienne Marta Zaraska, la viande est l’aliment des fêtes par excellence. Jouissant d’une estime particulière, elle est quasiment servie à chaque repas festif. Les exemples tels que le menu de Noël, le cervelas de la Fête nationale et les saucisses à rôtir de Saint-Gall à l’Olma illustrent le sens communautaire de la viande. En raison du lien étroit entre la consommation de viande et les festivités, la viande devient l’objet d’émotions subjectives pour les moments agréables et les sentiments d’appartenance qui y sont associés. Cela signifie donc que la viande possède d’autres caractéristiques que celle de nous nourrir. En tant qu’aliment des fêtes, la viande indique traditionnellement qu’à ces occasions au moins, on peut servir suffisamment de nourriture. Une formulation outrancière voudrait que le repas de Noël nous rassemble, et nous apporte joie et contentement.
Le lien culturel avec la viande
Le sociologue français Claude Fischler décrit la diversité de l’alimentation humaine : en raison de leur alimentation omnivore, les hommes sont particulièrement capables de s’adapter aux conditions de leur environnement. Cela a favorisé l’émergence de différents modes d’alimentation dans le monde entier. L’exemple de l’alimentation des Inuits vivant dans l’Arctique et se nourrissant principalement de viande d’animaux chassés et de leurs graisses, et celui de l’alimentation d’un petit paysan d’Asie du Sud-Est, qui ne contient pratiquement pas de protéines animales, illustrent bien cette grande diversité.
En plus des conditions géographiques, les modes d’alimentation sont étroitement liés à l’identité ethnique ; le mode d’alimentation est la dernière chose que les personnes migrantes abandonnent après une immigration. Les pizzerias, les restaurants asiatiques, les kebabs ou les restaurants éthiopiens illustrent bien le désir de conserver les habitudes alimentaires ancrées dans les différentes cultures.
En Suisse, l’élevage fait partie de l’identité ethnique suisse. C’est ainsi que l’exploitation des alpages et les expositions de bétail notamment marquent le patrimoine culturel de la Suisse. À l’origine, le bœuf était utilisé de plusieurs manières : comme animal de trait ou fournisseur de lait et de viande, mais également comme bien d’investissement pour les temps difficiles. L’attachement particulier à l’élevage et à l’agriculture en général est repris par la publicité des produits suisses d’origine animale.
Après la Deuxième Guerre mondiale, la consommation de viande a augmenté et l’aspect exceptionnel de sa consommation de viande s’est démocratisé pour devenir une évidence. Autrefois réservée au rituel du « rôti de Noël », la viande est désormais accessible partout et en tout temps. Les habitudes alimentaires ancrées culturellement en Suisse se sont ainsi modifiées au cours des cent dernières années. Les jeunes générations en particulier n’ont pas connu l’indisponibilité de la viande. Il reste à espérer que le comportement alimentaire puisse emprunter d’autres voies et que des habitudes alimentaires acceptables pour notre planète émergent en Suisse.
L’identité sociale et la norme de consommer de la viande
Pour mieux comprendre encore la signification communautaire de la consommation de viande, nous aimerions introduire la notion d’identité sociale. L’identité sociale fournit ici une explication théorique de la manière dont les individus tirent une connaissance de soi et un sens de leur appartenance à un groupe. L’identité sociale constitue ainsi la partie du concept de soi selon laquelle la personne se définit par son appartenance à un groupe ou s’en distingue par sa non-appartenance. L’alimentation peut aussi faire partie de l’identité sociale. Jonas Klaus, professeur émérite de psychologie sociale à l’Université de Zurich, écrit : «L’identité la plus saillante d’un individu parmi ses nombreuses identités à un moment donné dépendra du contexte social et de la mesure dans laquelle une personne valorise la conception qu’elle a d’elle-même. » (Jonas et al. 2014, S. 156).
Que se passe-t-il alors lorsque le contexte social requiert la consommation de viande ?
Revenons au rôti de Noël. Thomas planifie le repas de fête. Il se souvient du rôti de Noël de sa grand-mère qu’il savourait enfant avec un gratin de pommes de terre et des petits-pois-carottes et qu’il mijote désormais chaque année pour sa famille dans une cocotte en fonte avec du thym et du romarin (la viande comme aliment des fêtes). Il est clair que dans sa famille, on mange de la viande à Noël, et chaque année, il reçoit des compliments pour son repas (identité sociale, attentes). À la télévision, on lui rappelle sans cesse que « nous » en Suisse, nous mangeons de la viande à Noël (identité ethnique, bienséance). En même temps, Thomas aimerait apporter sa contribution en matière de changement climatique et n’approuve pas les méthodes d’élevage actuelles. Mais que dirait sa mère s’il servait un ragoût de lentilles cette année ?
Le rôti de Noël n’est qu’un exemple. D’autres situations de la vie quotidienne comme le kebab nocturne avec les potes, le menu végétarien « bizarre » à la cantine ou le « picorage » de graines de la collègue peuvent illustrer à quel point il est difficile de choisir quelque chose d’« autre » que ce qui est supposé être « normal ». C’est ainsi que la norme de la consommation de viande se transmet et est perçue comme un obstacle psychologique à manger moins de viande. Il se peut que cette norme soit aussi l’une des raisons pour laquelle les individus n’agissent pas selon leurs propres valeurs.
Literaturverzeichnis
Fischler, Claude (1988): Food, self and identity. In: Social Science Information, S. 275–292.
Jonas, Klaus; Stroebe, Wolfgang; Hewstone, Miles (2014): Sozialpsychologie. Berlin, Heidelberg: Springer Berlin Heidelberg.
Zaraska, Marta (2016): Meathooked. The history and science of our 2.5-million-year obsession with meat. New York: Basic Books a member of the Perseus Books Group. Online verfügbar unter http://www.meathookedthebook.com/
La Suisse est fortement concernée par la perte de la biodiversité, qui a déjà de grandes conséquences sur l’agriculture. La diminution de nombreuses espèces d’abeilles sauvages, dont les services de pollinisation sont essentiels à l’agriculture, est très préoccupante. De nouvelles données recueillies par le Dr Andreas Müller dans le but d’actualiser la Liste rouge des espèces d’abeilles menacées montrent qu’environ 10 % des espèces d’abeilles ont déjà disparu. Un très grand nombre d’espèces, à savoir 45 %, seront probablement mises sur la Liste rouge cette année, ce qui a un impact direct sur les rendements de nombreuses plantes cultivées. La pollinisation n’est cependant que l’un des importants services écosystémiques parmi d’autres, qui contribuent tous de manière déterminante à une production agricole prospère et stable. Les faits et la connaissance de ces corrélations sont souvent trop peu considérés dans les décisions politiques, mais aussi dans les exploitations agricoles et dans la gestion du territoire par les pouvoirs publics. En dépit de l’engagement de nombreux agriculteurs et agricultrices en faveur de la biodiversité dans leurs exploitations, la biodiversité diminue drastiquement.
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(VA) Les quatre services essentiels à une biodiversité intacte dans l’agriculture sont la pollinisation, l’interaction entre nuisibles et auxiliaires, la fertilité du sol et un pool génétique diversifié de variétés résistantes. Tous ces services écosystémiques contribuent à garantir des rendements prospères et stables et à diminuer les influences environnementales tels que les effets du changement climatique par exemple. La sécurité de l’approvisionnement en matière de production alimentaire de la Suisse pourrait déjà diminuer nettement pour la prochaine génération si la perte continuelle de la biodiversité ne peut pas être enrayée. C’est pourquoi il est important de ne pas opposer les objectifs de la sécurité de l’approvisionnement et de la biodiversité, mais de les considérer comme un tout. Faute d’une biodiversité fonctionnelle et de qualité, il sera en effet de plus en plus difficile de garantir une production stable dans l’agriculture.
Influence de la pollinisation sur les rendements des pommes, des cerises et des framboises
En considérant les faits ressortant des rapports nationaux, il faut se rendre à l’évidence : la biodiversité en Suisse ne va pas bien du tout. De nombreuses espèces de plantes, d’insectes, d’oiseaux, de champignons, d’algues et de lichens ont déjà disparu localement, voire complètement. Plus de la moitié des espèces sont du moins potentiellement menacées : chez les insectes par exemple, ce sont environ 60 %. Les nouveaux chiffres du Dr Andreas Müller, Natur Umwelt Wissen GmbH, relatifs aux abeilles sauvages révèlent une diminution drastique des espèces. Parmi les 613 espèces d’abeilles sauvages évaluées, 277 doivent désormais figurer sur la Liste rouge. En comparaison avec d’autres groupes d’organismes évalués, 57 des espèces ont disparu, ce qui représente une part très élevée. La proportion élevée d’espèces d’abeilles sauvages menacées et éteintes serait liée aux exigences élevées de ces insectes en matière de ressources alimentaires et de nidification, qui se trouvent en outre souvent dans différents habitats, séparés les uns des autres. Ces nouvelles données montrent que les mesures prises jusqu’ici pour maintenir la biodiversité n’ont, à elles seules, de loin pas l’effet nécessaire sur les populations d’abeilles sauvages. Les services de pollinisation de toutes les espèces d’abeilles réunies sont presque aussi importants que ceux des abeilles mellifères.
La mort des abeilles sauvages a une influence directe sur les rendements des plantes cultivées. Plusieurs études démontrent l’importance de ces pollinisateurs et leur influence sur la production agricole. Dans une étude réalisée en 2021, l’Agroscope constate ainsi déjà un recul de 30 % des rendements en ce qui concerne les cerises, les framboises et les pommes. Les fèves, qui constituent un apport important de protéines, tant dans l’alimentation humaine qu’animale, dépendent fortement des services de pollinisation des bourdons, qui appartiennent à la famille des abeilles véritables. Cela principalement en raison du fait que les fèves fleurissent très tôt dans l’année, lorsque les abeilles mellifères ne volent pas encore. Une étude du FibL indique en outre les mesures concrètes nécessaires dans l’agriculture pour favoriser les abeilles sauvages de manière ciblée. Des chiffres relatifs à la valeur économique ont également été recueillis. Les connaissances sont là – reste la question suivante : de quoi a-t-on besoin pour que ces connaissances soient mises en œuvre dans la pratique ? Ici, des décisions politiques lucides sont aussi nécessaires pour garantir la sécurité alimentaire de notre pays à long terme.
Une fertilité du sol accrue grâce à davantage d’organismes vivants du sol
La biodiversité du sol est décisive pour l’assimilation de nutriments par les plantes, et donc essentielle à la production agricole. La plupart des fonctions du sol sont contrôlées directement ou indirectement par les organismes vivants du sol. Une grande diversité biologique dans le sol est l’une des conditions nécessaires pour une grande biodiversité en surface, une meilleure élimination du matériel végétal mort, une meilleure disponibilité des nutriments et une réduction des émissions de protoxyde d’azote du sol. En fin de compte, sans les organismes vivants du sol, aucune production de denrées alimentaires n’est possible, car ceux-ci garantissent le maintien des fonctions de production et de régulation du sol, en particulier sa teneur en eau et la transformation des substances organiques. L’été dernier, durant la longue période de sécheresse en Suisse, le constat a été le même partout : sur les surfaces à haute teneur en matière organique et comptant donc un grand nombre d’organismes vivants du sol, l’eau était conservée plus longtemps dans le sol, ce qui avait une influence positive directe sur les récoltes.
Interactions entre nuisibles et auxiliaires et pool génétique
Les résultats de différentes recherches démontrent l’importance des insectes et des araignées dans la régulation naturelle des nuisibles dans les cultures agricoles. Ces prédateurs, qui se nourrissent d’une grande partie des nuisibles, peuvent être favorisés par des mesures spatiales sur l’exploitation et des formes d’exploitation adaptées. Cela signifie concrètement que les zones exploitées pour l’agriculture ont besoin de nombreux habitats riches en fleurs pouvant fournir de la nourriture aux auxiliaires à différentes périodes de l’année. Il s’agit de prairies extensives, de haies, de lisières forestières, des bandes fleuries et des lisières. Ces dernières jouent un rôle peu spectaculaire mais très important à cet égard, car elles relient deux types d’habitats, par exemple des plantes vivaces entre forêt et prairie. Les syrphes jouent notamment un rôle important dans le contrôle des nuisibles. Leur avantage réside dans le fait qu’ils apparaissent tôt dans l’année et peuvent ainsi déjà agir contre les premiers nuisibles. Ils hivernent dans des prairies extensives, des jachères ou des lisières. Or ces habitats diminuent si vite et si drastiquement que les syrphes font partie des insectes fortement menacés.
La biodiversité joue également un rôle important dans la sélection des espèces cultivées. La diversité génétique est utilisée et façonnée dans ce but. En matière de variétés cultivées, le pool génétique des anciennes variétés du pays est crucial pour la conservation de la diversité génétique. Plus la diversité génétique d’une espèce est élevée, mieux elle peut s’adapter à de nouvelles réalités, dans la mesure où celles qui présentent un avantage survivent. Dans le cadre du changement climatique, justement, il est important, par exemple, de miser sur des espèces résistantes à la sécheresse.
Le rôle de l’agriculture
L’agriculture est ainsi à la fois bénéficiaire de la biodiversité et l’un des principaux moteurs de la crise de la biodiversité. En Suisse, les principaux facteurs entraînant la perte de la biodiversité sont les apports en nutriments trop élevés dus à l’élevage intensif, l’utilisation étendue d’engrais, la forte pollution due aux pesticides et, de manière générale, les cultures extrêmement intensives. Une réflexion et une action globales sont nécessaires pour pouvoir encore enrayer la crise de la biodiversité. Un exemple : une bande de jachère florale le long d’une grande culture ne sert pas à grand-chose si les insectes qui s’y trouvent succombent aux pesticides provenant de la culture ou si les apports en nutriments dans le sol sont si élevés que les plantes essentielles aux abeilles sauvages ne peuvent s’y établir. Pour que la biodiversité fonctionnelle en particulier puisse aussi être préservée, les connaissances de ces corrélations doivent être intégrées et diffusées beaucoup plus largement. De nombreux agriculteurs et agricultrices se soucient déjà beaucoup de la biodiversité dans leurs exploitations. Ils accomplissent ainsi une tâche essentielle, non seulement pour leur exploitation, mais pour toute l’agriculture. Ils ont cependant besoin de davantage de soutien de la part de la politique agricole et des associations.
« Case » biodiversité en politique
La PA22+ n’apporte que de faibles améliorations en matière de biodiversité. Aucune mesure n’est notamment prévue pour améliorer la qualité de la biodiversité sur les surfaces déjà existantes. Les 3,5% de surfaces de promotion de la biodiversité dans les grandes cultures proposées par le Conseil fédéral et expressément soutenues par le Conseil national apporteront des améliorations. La trajectoire de réduction des émissions de lisier et d’ammoniac, qui s’attaque principalement au problème des excédents de nitrates, a toutefois été revue à la baisse au Parlement. Cela signifie que d’ici 2030 (une révision de la politique agraire n’est prévue qu’alors), aucune amélioration ne sera apportée par la politique agricole, précisément en ce qui concerne l’azote et la protection du climat. Pourtant, il existe de nombreuses solutions, comme des adaptations telles que l’intégration obligatoire des analyses de sol dans les plans de fumure ou des taxes d’incitation sur les engrais chimiques et les fourrages, afin de réguler la pollution azotée en Suisse. L’association des paysans et paysannes pratiquant la production intégrée (IP Suisse) a renforcé son programme de points dans le domaine de la biodiversité, car elle est convaincue que la biodiversité doit être davantage encouragée dans les exploitations IP.
La contre-proposition à l’initiative sur la biodiversité élaborée par le Conseil national sera traitée prochainement par la Commission de l’environnement du Conseil des États. Grâce à cette révision de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, les agriculteurs et agricultrices peuvent s’engager de manière ciblée en faveur de la biodiversité, notamment dans de nouvelles zones de biodiversité alliant protection et utilisation. La révision prévoit 96 millions de francs de plus pour la biodiversité suisse, en grande partie destinés aux exploitations agricoles. Mais il ne suffit pas de préserver la biodiversité sur les terres cultivées. Les forêts aussi, et particulièrement les zones habitées, requièrent des mesures additionnelles urgentes d’ailleurs prévues par la révision de la loi.
Liens / littérature :
La sécurité alimentaire doit être renforcée de manière durable, Albert von Ow, Agroscope :
Dossier Biodiversité, Forum Biodiversité Suisse
https://sciencesnaturelles.ch/biodiversity
L’habitat des insectes renforce la pollinisation et la production agricole, Matthias Albrecht, Agroscope
Mesures des valeurs économiques des services de pollinisation :
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2212041614001156
Hotspot Biodiversité du sol, SCNAT
Évaluation des fonctions du sol, Centre de compétences sur les sols
https://ccsols.ch/fr/utilisation-durable-et-protection/evaluation-des-fonctions-du-sol/
Favoriser les auxiliaires de cultures, Agridea
Syrphes (en allemand)
https://www.nabu.de/news/2020/10/28880.html
https://www.wwf.de/themen-projekte/artensterben/insektensterben
Vision Agriculture a fait réaliser une étude sur la manière dont la politique soutient indirectement sept styles alimentaires différents – de « végétalien » à « à dominante carnée ». En résumé : les aliments des différents styles alimentaires sont soutenus de manière très inégale. En fin de compte, il y a un transfert de plusieurs centaines de francs par personne et par an des styles alimentaires « végétalien » et « optimisé environnement » vers ceux « riche en protéine » et « à dominante carnée ».
>> Lire la newsletter complète en PDF(VA) Il y a deux ans, Vision Agriculture a chiffré les coûts (coûts complets) et les payeurs (consommateurs, contribuables, collectivité) des denrées alimentaires suisses. Il s’est avéré que l’équité du pollueur-payeur et la réalité des coûts sont loin d’être atteintes, même en comparaison avec d’autres domaines politiques.
Après de nouvelles températures record, la question de l’alimentation demeure actuelle. De plus en plus souvent, on entend que la clé de la solution aux problèmes environnementaux réside dans les styles d’alimentation. Récemment, le directeur de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) l’a également mentionné. Que fait la politique agricole dans cette optique ?
Nouvelle étude
Dans une nouvelle étude, Vision Agriculture a analysé la manière dont la politique soutient financièrement ou entrave différents styles de consommation – les encourage ou les décourage. À l’instar de l’étude de 2020, les contributions de la Confédération pour la production de denrées alimentaires et les coûts non couverts à la charge de la collectivité (coûts externes de l’impact de la production sur l’environnement) ont été pris en compte.
Les calculs ont été effectués par la société de conseil bâloise BSS sur mandat de Vision Agriculture et accompagnés par la Haute école spécialisée Kalaidos. Les données sont basées sur les chiffres de l’écobilan pour les aliments et les styles d’alimentation de la société ESU-Services et les estimations de coûts (actualisées) de l’étude « Coûts et financement de l’agriculture » de Vision Agriculture.
Nous avons comparé les coûts indirects de sept styles d’alimentation se distinguant par les quantités consommées de 34 groupes de produits différents (informations plus détaillées dans le tableau ci-après) :
Apports des contribuables et coûts environnementaux
Les contributions de la Confédération à la production des denrées alimentaires ont représenté environ 300 francs par personne en 2020. Il s’agit ici du soutien accordé aux denrées alimentaires consommées de manière générale. Mais si l’on distingue les styles d’alimentation, le tableau est différent. Environ 50 francs par personne et par an ont été consacrés aux aliments du style d’alimentation végane. En revanche, 500 francs ont été alloués à la production d’aliments des styles d’alimentation « axée sur les protéines » et « axée sur la viande » (illustration, zone jaune clair des barres).
Les coûts à charge de la collectivité (coûts externes) acceptés par les politiques et non imputés aux pollueurs s’élevaient en moyenne à 800 francs par personne en 2020. Dans ce cadre, les styles d’alimentation « adaptée à l’environnement » et « végane » affichaient les coûts externes les plus bas, à savoir 450 et 500 francs par personne, tandis que l’alimentation « axée sur les protéines » et celle « axée sur la viande » présentaient les coûts externes les plus élevés, soit 1050 francs chacun (illustration, zone jaune foncé).
Pour la viande, lorsqu’on fait la distinction entre une alimentation modeste (viande hachée, abats) et luxueuse (morceaux nobles), les chiffres divergent encore plus. Sans surprise, les styles d’alimentation les plus encouragés sont ceux qui mettent l’accent sur les morceaux nobles de viande, avec des contributions de l’ordre de 2500 francs par personne en 2020.
Des calculs plus approfondis montrent comment le revenu est indirectement redistribué en Suisse par le biais des subventions versées à la production des denrées alimentaires – à savoir le montant du solde redistribué pour les différents styles d’alimentation, de l’alimentation végane à celle axée sur la viande.
Soutien indirect de différents styles d’alimentation par des contributions de la Confédération et par la prise en charge de coûts externes par la collectivité (en francs) par personne en 2020.
Source : étude BSS (2022). Indirekte Kosten unterschiedlicher Ernährungsstile in der Schweiz. BSS, Bâle.
Aperçu du système global
Aujourd’hui, lorsqu’on évoque la politique agricole, on se réfère volontiers au système dans son ensemble. Les coûts environnementaux de l’agriculture deviennent ainsi le problème des consommatrices et des consommateurs. Cela ressort notamment d’une interview du Tagesanzeiger à Christan Hofer, directeur de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG).
Tagesanzeiger : Comment comptez-vous inciter l’agriculture à produire moins de fourrages et plus d’aliments végétaux pour les êtres humains ?
Le directeur de l’OFAG Christian Hofer : Le changement sera dicté par la demande – c’est la consommation qui doit changer en premier lieu. […] Si la production animale diminue en Suisse, nous importerons plus et exporterons les émissions.
Ce discours, nous l’entendons déjà chez les lobbyistes de l’industrie agroalimentaire. Il est largement trompeur. Les chiffres le montrent : les mesures de la Confédération entravent le développement des styles d’alimentation durables. Malgré toutes les belles paroles, la Confédération continue de faire en sorte que ceux et celles qui s’efforcent d’adopter une alimentation durable soient pénalisés financièrement.
Des styles d’alimentation plus ou moins favorisés
Dans ce cadre, la politique agit non seulement sur les prix, mais aussi de manière plus subtile, sur les plans psychologique et moral. Avec ses subventions pour la viande et les animaux et sa publicité pour « Viande Suisse », la Confédération encourage ouvertement une alimentation axée sur la viande : elle garantit des prix bas, une bonne conscience et une reconnaissance étatique teintée de patriotisme.
Ainsi, la déclaration : « Si la production animale diminue en Suisse, nous importerons simplement plus et exportons les émissions », est tout au plus une demi-vérité.
La publicité pour « Viande Suisse » en est la meilleure preuve. Cette publicité ne peut s’expliquer de manière rationnelle que si la « bonne conscience » encourage la consommation de viande dans son ensemble. Pourquoi peut-on dire cela ? Parce que la part de viande locale ou importée ne dépend pas du choix des consommatrices et consommateurs, mais de la consommation globale. Ce sont les contingents d’importation qui y veillent. Si l’on veut accroître la production de viande suisse, on doit accroître la consommation globale de viande. C’est exactement ce que fait la publicité avec bonne conscience. Elle vise une augmentation de la demande globale en viande – contrairement à ce que prétendent Proviande et le Conseil fédéral.
De plus, même si la consommation restait inchangée, les émissions ne seraient que partiellement exportées, ce pour deux raisons : premièrement, parce que la production en Suisse est déjà plus intensive et donc plus nocive pour l’environnement – notamment en ce qui concerne la pollution par l’azote – que dans de nombreux pays d’origine des importations. Deuxièmement, parce que la Suisse est beaucoup plus densément peuplée. Les coûts environnementaux de la production supplémentaire sont donc particulièrement élevés en Suisse. L’OFAG a également oublié que le taux d’auto-approvisionnement n’est pas une bonne indication de la sécurité de l’approvisionnement.
Responsabilité et marge de manœuvre
Pour terminer, une autre déclaration de Christian Hofer: « Nous examinons actuellement si la politique agricole actuelle fait encore l’objet d’incitations négatives. […] Mais comme déjà mentionné, l’évolution de la production dépend fortement de l’évolution du comportement des consommateurs. »
Il est bon et important d’avoir une vue d’ensemble du système global. Mais cela ne doit pas servir à minimiser la responsabilité et la marge de manœuvre dont on dispose soi-même. La responsabilité envers l’environnement et la marge de manœuvre sont particulièrement élevées dans la politique agricole.
Encadré
Les sept styles d’alimentation
Catégories de produits |
Quantités (en kg par an et par personne) |
|||||||
Moyenne |
Végane |
Ovo-lacto-végétarienne |
Ovo-lacto-pescariste |
Flexitariste |
Axée sur les protéines |
Axée sur la viande |
Adaptée à l’environnement |
|
Lait |
61,0 |
0,0 |
61,0 |
61,0 |
61,0 |
108,5 |
61,0 |
73,0 |
Beurre |
5,6 |
0,0 |
5,6 |
5,6 |
5,6 |
5,6 |
5,6 |
1,0 |
Crème |
9,3 |
0,0 |
9,3 |
9,3 |
9,3 |
16,6 |
9,3 |
1,0 |
Fromage |
18,5 |
0,0 |
18,5 |
18,5 |
18,5 |
32,9 |
18,5 |
15,5 |
Autres produits laitiers |
17,9 |
0,0 |
17,9 |
17,9 |
17,9 |
44,6 |
17,9 |
65,4 |
Viande de bœuf |
11,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
3,7 |
18,3 |
24,4 |
4,0 |
Viande de porc |
21,6 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
7,1 |
35,6 |
47,5 |
4,0 |
Volaille |
10,6 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
3,5 |
17,5 |
23,3 |
5,3 |
Autres viandes |
4,1 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
1,4 |
6,8 |
9,0 |
0,0 |
Œufs |
12,9 |
0,0 |
16,1 |
15,6 |
10,5 |
29,9 |
17,9 |
7,8 |
Céréales |
97,5 |
97,5 |
97,5 |
97,5 |
97,5 |
97,5 |
97,5 |
75,2 |
Pommes de terre |
50,7 |
50,7 |
50,7 |
50,7 |
50,7 |
50,7 |
50,7 |
42,0 |
Graisse végétale, huile |
17,7 |
20,9 |
17,7 |
17,7 |
17,7 |
17,7 |
17,7 |
9,1 |
Sucre |
35,0 |
35,0 |
35,0 |
35,0 |
35,0 |
35,0 |
35,0 |
2,6 |
Légumes |
117,6 |
220,6 |
147,0 |
147,0 |
132,3 |
58,8 |
58,8 |
131,4 |
Fruits |
45,6 |
57,0 |
57,0 |
57,0 |
51,3 |
22,8 |
22,8 |
34,4 |
Autres aliments végétaux |
16,1 |
145,1 |
34,3 |
35,4 |
25,2 |
12,5 |
5,1 |
25,2 |
Jus de pommes / cidre |
7,2 |
7,2 |
7,2 |
7,2 |
7,2 |
7,2 |
7,2 |
20,9 |
Vin |
30,6 |
30,6 |
30,6 |
30,6 |
30,6 |
30,6 |
30,6 |
7,8 |
Dès le 15 mars 2022, l’agronome Laura Spring succédera à Mirjam Halter. Après ses études à l’ETH Zurich, la jeune femme de 37 ans a acquis une grande expérience en matière d’agriculture durable en Suisse et à l’étranger par ses engagements chez Bio Suisse, puis auprès de sa filiale ICBAG. « L’agriculture nous permet de bien vivre, car elle produit des denrées alimentaires. En même temps, elle a une grande responsabilité envers nos bases d’existence. Cette tension crée toujours des conflits d’objectifs et je considère que le rôle de Vision Agriculture est de trouver des solutions à cela ! » déclare la future directrice.
À côté de son poste de membre de la direction générale et responsable de la gestion de la qualité chez ICBAG, Laura Spring a également acquis de l’expérience en matière de campagnes et de relations publiques dans le cadre de son engagement politique pour Les Verts (actuellement députée au Grand Conseil de Lucerne) et ses postes dans diverses ONG.
Continuer
Après Swissmilk, c'est au tour de Proviande de se faire remarquer par sa publicité mensongère. Cette newsletter met en lumière la situation juridique, la possibilité de porter plainte auprès de la Commission Suisse pour la Loyauté (CSL) et les dernières décisions de la CSL en rapport avec les produits agricoles. Une plainte concernant la publicité de Proviande doit montrer si cette voie permet de mettre des limites au greenwashing répandu. Il s'avère problématique que la CSL ait besoin de plusieurs mois pour rendre son jugement - plus longtemps que ne durent de nombreuses campagnes publicitaires.
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(VA) Les organisations des producteurs agricoles ont définitivement pris conscience de la sensibilisation croissante des consommatrices et consommateurs. Le marketing vert saute aux yeux, en particulier pour les produits d’origine animale dont les effets sur l’environnement sont problématiques. Lorsque l’image verte ne correspond pas au contenu, on parle d’écoblanchiment, et les exemples ne manquent pas. Un principe publicitaire particulièrement éhonté : vanter des aliments en les qualifiant de « durables » et de « respectueux de l’environnement » sur la base d’un exemple non représentatif et viser délibérément à ce que tous les aliments de la palette soient perçus comme durables et respectueux de l’environnement. Le fait que la majorité des produits proposés sont issus d’une production conventionnelle, polluante et nocive pour l’environnement est dissimulé.
Droit de la concurrence déloyale et Commission pour la loyauté
Du point de vue juridique, tout n’est cependant pas permis. La loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD) vise à garantir une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée. L’article fondamental de cette loi (art. 2 LCD) prévoit que les deux conditions suivantes soient remplies pour l’application du droit de la concurrence déloyale : le comportement ou la pratique commerciale (1) est trompeur ou contrevient aux règles de la bonne foi et (2) il influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. L’article suivant cite des exemples, dont (art. 3 b) : « Agit de façon déloyale celui qui, notamment […] donne des indications inexactes ou fallacieuses sur […] ses marchandises […]. » En Suisse, les décisions de justice relatives au droit de la concurrence déloyale sont rares jusqu’ici. Comme dans de nombreux domaines, on opte pour l’autorégulation.
La Commission suisse pour la loyauté (CSL) porte elle-même un nom pouvant prêter à confusion. Il ne s’agit en fait pas d’un organisme public, mais d’une organisation d’autorégulation du secteur de la publicité et des relations publiques. Elle émet des recommandations que les annonceurs peuvent suivre s’ils souhaitent éviter des risques juridiques, des plaintes ou des procédures pénales devant les autorités. Les recommandations ne sont pas contraignantes, mais elles ont un certain effet sur la réputation. Tout un chacun peut déposer une plainte auprès de la CSL contre une communication commerciale déloyale. Les exemples des années passées illustrent la manière dont la Commission décide et argumente (voir encadré).
« Lovely favorise la biodiversité »
Une plainte de Pro Natura est en cours auprès de la CSL. La nouvelle campagne Lovely des Producteurs Suisses de Lait avec des messages tels que « Lovely favorise la biodiversité » a été mal perçue par Pro Natura. La publicité est mensongère, car il est prouvé que la production laitière à son niveau actuel entraîne une surfertilisation des milieux proches de l’état naturel sur de grandes surfaces. Comme le cheptel laitier suisse a besoin aujourd’hui déjà de plus de fourrage que celui produit par les prairies et pâturages, la production accrue de lait prônée par la publicité ne peut entraîner que le contraire de ce qu’elle promet : à savoir une production accrue de fourrage concentré (céréales fourragères) dans les champs indigènes, des importations supplémentaires de fourrage concentré et donc davantage de lisier et d’ammoniac et ainsi moins de biodiversité.
L’organisation suisse des producteurs de lait (Swissmilk) a maintenant l’occasion d’exposer son point de vue. La balle sera ensuite dans le camp de la CSL, dont la décision est attendue en février 2022. On s’accorde ainsi beaucoup de temps, plus que ce durent de nombreuses campagnes publicitaires.
Promotion de la viande de Proviande
Proviande n’est pas en reste en matière d’écoblanchiment. Avec un film publicitaire notamment diffusé avant les films au cinéma et à la télévision, Proviande promeut la viande suisse sous le titre « Notre différence est là - notre propre fourrage ».
On nous présente une exploitation d’élevage et d’engraissement de bovins exclusivement nourris de fourrage produit sur ses terres. (Le paysan) « Nous élevons des bœufs et des taureaux d’engraissement. Ils ne reçoivent que de la nourriture qui pousse sur notre ferme. […] Si nous avions plus de surface, peut-être aurions-nous plus d’animaux. Mais l’herbe ne pousse pas plus dans cette région sèche. Et, puisque nous n’avons pas plus d’herbe, nous n’avons pas plus de bétail. » (La paysanne) « C’est notre philosophie. » (Cut, texte affiché) : « La différence est là – Viande Suisse ». (Fin)
On nous suggère que cette philosophie d’alimentation est typique pour la viande suisse – qu’elle correspond à la norme et que la viande suisse est toujours produite de manière durable et respectueuse de l’environnement. Vision Agriculture s’est informée des chiffres précis auprès de la station fédérale de recherches Agroscope. Les données de l’Agroscope le montrent : dans l’élevage allaitant, chez les veaux à l’engrais et dans l’engraissement bovin – sur la base de l’échantillon de l’Agroscope – le fourrage est acheté dans plus de neuf cas sur dix.
Une imposture – habile et consciente
L’astuce est connue : on choisit et on met en avant un cas (exemplaire) précis et on se sert de l’effet psychologique consistant à ce que nous en transposions inconsciemment les caractéristiques à d’autres cas (non exemplaires). Dans la psychologie sociale, on parle de l’effet de halo. La ferme présentée « rayonne » sur les autres exploitations bovines. Chez les consommatrices et consommateurs, incapable de catégoriser le cas d’espèce, l’impression créée n’a pas grand-chose à voir avec la réalité. Les professionnels du marketing le savent bien : il est essentiel que les informations qui permettraient une catégorisation du cas d’espèce exemplaire soient sciemment évitées dans la publicité.
À ce stade, il convient également de rappeler que la Confédération subventionne la publicité de Proviande, ce que beaucoup ignorent.
« Les bœufs suisses sont nourris à 91,5 % de fourrage indigène »
En plus du film publicitaire, quelques déclarations figurant sur le site de Proviande sont contestables, celles-ci étant fallacieuses ou ne correspondant pas à la réalité (cf. détails et preuves dans le courrier à la CSL) :
Souhaitant connaître l’avis de la Commission suisse pour la loyauté sur ces cas, Vision Agriculture a adressé une lettre de réclamation à la CSL.
>> Lien vers la lettre de réclamation
(en allemand)
Autres signalements d’écoblanchiment
La présente newsletter a été rédigée à la suite d’une remarque d’un membre et abonné à la newsletter, qui a vu le film promotionnel de Proviande au cinéma. Vision Agriculture souhaite s’atteler à ce thème important en 2022 également. Nous accueillons volontiers d’autres signalements de messages publicitaires fallacieux – émanant d’organisations de secteurs comme Proviande ou aussi de commerces de détail ou d’entreprises de restauration par exemple.
Appréciations de la Commission suisse pour la loyauté (CSL) dans le domaine de l’agriculture
Selon Vision Agriculture, les appréciations suivantes émises par la CSL au cours de ces dernières années font preuve d’une certaine retenue, mais elles sont compréhensibles. (Toutes les contestations et appréciations sont en allemand).
Aviculture (juin 2018)
https://www.faire-werbung.ch/wp-content/uploads/2018/09/LK3200618.pdf
«Logenplätze für unser Geflügel»
(nicht beanstandet)
«Erhöhte Schlafplätze»
(nicht beanstandet)
Auszug aus Begründung SLK:
«Der Durchschnittsadressat vermag grundsätzlich zu erkennen, dass die Abbildungen und Darstellung nicht 1:1 den tatsächlichen Gegebenheiten entsprechen. Daher ist vorliegend weder der Gesamteindruck des vorliegenden Werbemittels noch die Bewerbung der erhöhten Schlafplätze zu beanstanden, da diese nicht in tatsächlichem Widerspruch zu den gesetzlichen Grundlagen stehen.»
«Ausserdem hat das Geflügel in BTS-Ställen tagsüber stets Zugang zu einem Wintergarten»
(als irreführend beurteilt)
Auszug aus Begründung SLK:
«Wie die Beschwerdegegnerin selber ausführt, ist dieser Zugang zu einem Aussenklimabereich für Mastpoulets in den ersten 21 Lebenstagen freiwillig, da es sogar im Sinne des Tierwohles sei, wenn die Tiere in dieser Zeit keinen solchen Zugang haben. Darüber hinaus ist nicht bestritten, dass die Tiere üblicherweise im Alter von 22-37 Tagen geschlachtet werden.»
Économie laitière (juin 2018)
https://www.faire-werbung.ch/wp-content/uploads/2018/09/LK3200618.pdf
«90 % der Schweizer Bauernbetriebe bewirtschaften ihre Fläche nach dem ÖLN, dem Leistungsnachweis für eine umweltgerechte und nachhaltige Landwirtschaft. Das beschert Lovely und ihren Freundinnen ein gutes Leben.»
(nicht beanstandet)
Auszug aus Begründung SLK:
«Der Durchschnittsadressat geht davon aus, dass Schweizer Kühe ein «gutes Leben» führen, sofern die hiesigen Vorgaben der Tierschutzgesetzgebung, welche im Vergleich zu ausländischen Rechtsordnungen als streng gelten, eingehalten werden. Eine Unrichtigkeit der Aussage lässt sich, zumal der Beschwerdeführer keine konkreten Gesetzesverstösse geltend macht, nicht feststellen. Was ein «gutes Leben» ist, ist nicht absolut bestimmbar oder objektiv messbar, sondern letztlich rein subjektive Ansichtssache.»
Élevage bovin (janvier 2018)
https://www.faire-werbung.ch/wp-content/uploads/2018/01/LK2081117.pdf
«Übrigens: Schweizer Kühe sind glückliche Kühe, dank Familienanschluss und Weidehaltung.»
(nicht beanstandet)
Auszug aus Begründung SLK:
«Nach bisheriger, bereits erwähnter Entscheidpraxis der Lauterkeitskommission erachten die Durchschnittsadressaten Kühe dann als «glücklich», wenn die strikten Vorgaben der Schweizer Tierschutzgesetzgebung eingehalten werden. […] Die Vorstellung des Beschwerdeführers, wann eine Kuh «glücklich» sei, entspricht daher nicht dem Verständnis der Durchschnittsadressaten. Der Begriff «Familienanschluss» im Zusammenhang mit «glücklichen» Kühen wird von den Durchschnittsadressaten in der Schweiz nämlich dahingehendverstanden, dass diese Kühe in den Kreis einer Familie, d.h. einer Bauernfamilie, einbezogen werden. Bei domestizierten Tieren, die durch eine Familie gehalten werden, wird dieser Ausdruck oft verwendet. Die Durchschnittsadressaten sind sich den Tatsachen bewusst, dass einerseits der Grossteil der Landwirtschaftsbetriebe in der Schweiz familiengeführte Betriebe sind, und dass andererseits ein «Familienleben» im Sinne einer Lebensgemeinschaft von Stier, Kuh und Kalb oder auch nur von Kuh und Kalb (Mutterkuhhaltung) oder gar eine Herdenhaltung nach wie vor eine absolute Seltenheit darstellt.»
En misant sur les produits alimentaires certifiés biologiques, les restaurants et les institutions publiques pourraient servir de modèle pour amorcer le changement vers une agriculture biologique (cf. newsletter juillet). Cependant, la Suisse n’en est encore qu’à ses balbutiements dans ce domaine : dans notre pays, rares sont les projets pilotes tels que la Fondation House of Food(créée par la ville de Copenhague en 2007), qui informe les institutions et les restaurants sur la transformation de leur cuisine en vue de la préparation d’aliments biologiques et durables et les accompagne dans le processus de transformation. House of Food prouve qu’un changement dans les cuisines collectives et les restaurants est tout à fait possible : durant ces dix dernières années, 1600 entreprises de restauration publiques sont passées aux produits biologiques à 90 % à Copenhague et à Aarhus. En Suisse, il manque encore la pression et l’incitation politique pour qu’un système de livraison et de production biologique puisse être mis en place dans les cuisines collectives et les restaurants.
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(VL) Murhof – le concept global mise sur le bio
L’exemple du home Murhof Betreutes Wohnen & Pflege à St. Urban, dans le canton de Lucerne, prouve que d’autres solutions existent : le home Murhof se prépare actuellement à la certification Demeter. L’institution n’entend pas seulement faire certifier la cuisine, mais l’ensemble de l’exploitation, ce qui est une première en Suisse. Lors de l’entrée en fonction du nouveau directeur Hansueli Eggimann en 2017, la cuisine a été entièrement reconvertie au bio.
Mais comment cela est-il réalisable sur le plan financier ? Comment le Murhof parvient-il à faire ce que d’autres prétendent impossible, à savoir cuisiner entièrement bio dans sa grande cuisine et même envisager la certification Demeter ?
En comparaison aux grandes cuisines conventionnelles, le Murhof ne travaille pas avec un seul fournisseur, mais avec un réseau de fournisseurs qui s’est étoffé au cours des années. L’accent est mis sur l’utilisation des produits régionaux. Ainsi, au cœur de ce concept réside la collaboration active et étroite avec trois producteurs Demeter et d’autres exploitations biologiques de la région. Un boucher régional fait également partie du réseau. Le fournisseur Biopartner est aussi l’un des piliers de l’affaire.
Le principal argument des grandes exploitations et restaurants se refusant à une reconversion est toujours le coût supplémentaire engendré par l’utilisation d’aliments biologiques, qui serait impossible à assumer.
Les résident-e-s du home aident à la cuisine
Le Murhof développe une pensée intégrative à plusieurs niveaux : le travail supplémentaire engendré par la préparation des produits frais (peler, parer, laver) est en partie effectué par les résidents et les résidentes du home, qui participent au travail en cuisine. Cela correspond à l’approche globale du home : la plus grande autonomie possible et une contribution active à la vie communautaire. Par ailleurs, le Murhof occupe des collaborateurs et collaboratrices soutenus par l’AI – ici aussi l’approche intégrative est prise en compte. L’achat des produits auprès des paysans de la région permet de bénéficier de prix plus avantageux car il n’y a pas d’intermédiaires. Les paysans en profitent également : ils ont un acheteur fiable et reçoivent un meilleur prix que s’ils livraient leurs produits dans le commerce. Le chef de cuisine du Murhof doit faire preuve d’une grande créativité. Il est en contact étroit avec les producteurs et conçoit sa carte en fonction de l’offre. Un concept gagnant-gagnant.
L’économie circulaire devient réalité
Pirmin Bucheli, paysan bio (actuellement en reconversion Demeter) le confirme également. Le Murhof lui achète ses produits carnés. Pour Pirmin Bucheli, il est essentiel que sa ferme soit le plus durable possible et gérée dans l’optique d’une économie circulaire régionale. Ses vaches paissent dans des pâturages extensifs abritant de nombreuses espèces. Les poules pondeuses vouées à la production des œufs et ses 50 coqs disposent d’un parcours conforme à leur espèce. Son objectif est de passer à l’élevage de poules à deux fins et de frères coqs. Dans un premier temps, il a prolongé la durée de vie de ses poules pondeuses hybrides de six mois à deux ans. Il transforme par ailleurs les poules pondeuses en précieux produits carnés tels que fromage d’Italie, saucisses et poules à bouillir, plutôt que de vouer cette savoureuse viande à une installation de biogaz.
De plus, les céréales fourragères qu’il produit sur sa propre exploitation couvrent une grande partie de ses besoins. Il adhère à la vision d’une agriculture circulaire et d’une évolution régionale vers un système d’alimentation local. En tant que paysan et conseiller communal de la commune de Pfaffnau, il sait à quel point une collaboration étroite entre toutes les parties prenantes est importante, car ce n’est qu’ainsi qu’une chaîne de valorisation régionale peut être créée. Au cœur d’un tel réseau, tous les acteurs impliqués – tant les producteurs que les acheteurs – peuvent faire évoluer petit à petit leur exploitation vers une gestion durable.de g. à d. : Ueli Eggimann (chef de projet), Laura De Sousa (cuisine), Hansueli Eggimann (directeur de l’institution), Pirmin Bucheli (agriculteur, conseiller communal)
La commune soutient le concept
Quel est le rôle de la politique – ici la commune – dans l’exemple du Murhof ? L’initiative et le concept émanent clairement du Murhof, à savoir de l’institution elle-même. La commune promeut toutefois l’initiative, notamment parce qu’elle est financièrement viable. Les autorités soutiennent le concept du Murhof et reconnaissent son caractère de modèle et son importance suprarégionale.
Au début, le chef de cuisine actuel du Murhof était sceptique quant à la démarche de certification bio, car il devait abandonner et repenser tous les processus appris et utilisés. Pourtant, depuis que le premier producteur local est arrivé dans sa cuisine avec ses produits et qu’une rencontre personnelle a eu lieu, il a pleinement adhéré au concept et soutient désormais activement le processus de reconversion et de certification. Actuellement, la part de produits frais biologiques atteint 70 % et la tendance est à la hausse.
Restauration collective régionale et écologique
À l’exemple du Murhof, de sa collaboration avec les exploitations agricoles et le boucher du village, il est évident que la restauration collective basée sur des produits régionaux et écologiques est aussi possible ailleurs en Suisse. Il est donc grand temps d’amorcer ce changement structurel. Mais le fait est que les commerces de gros de la restauration tels que Howeg et Saviva (anciennement Scana) ne proposent pas de produits prétransformés répondant aux critères durables et biologiques. Les grandes cuisines ne souhaitant pas préparer les produits frais elles-mêmes, comme le Murhof, n’ont dont pas d’autres options. Vu sous un autre angle, un nouveau secteur d’activité se profile cependant : le paysan lui-même pourrait ainsi se charger de la prétransformation ou une nouvelle entreprise qui effectuerait la prétransformation des produits régionaux et biologiques de production durable pourrait voir le jour dans la commune. Des places de travail seraient ainsi créées dans la région et les émissions de CO2 engendrées par la prétransformation suprarégionale et supranationale diminueraient.
Une façon d’agir visionnaire – ici et maintenant
La façon de penser et d’agir du Murhof révèle une vision à long terme. Se considérant comme un pionnier, le Murhof est convaincu que les impulsions données auront un effet à long terme. Ainsi, l’implication du boucher régional dans la chaîne de livraison a notamment éveillé son intérêt pour une reconversion au bio. Le réseau s’étendra donc en permanence, ce qui simplifiera de plus en plus les conditions de production et de livraison pour les différents acteurs. Dans le cadre du développement de ses projets, le Murhof mise sur une croissance durable et organique basée sur des processus. Une étude de l’association Curaviva (association de branche des institutions au service des personnes ayant besoin de soutien) confirme que le thème de la « durabilité dans la vieillesse » prend de plus en plus d’importance – le Murhof est donc sur la bonne voie.
Lorsqu’il est question de denrées et d’alimentation durables, saines et respectueuses de l’environnement, ce sont les consommateurs et consommatrices, les commerces de détail et l’agriculture qui sont tenus responsables. Un secteur n’est que rarement mentionné : la restauration. Cette dernière dispose pourtant d’un vaste rayon d’action pour établir auprès du grand public les produits de l’agriculture durable qu’ils soient bio ou issus de l’agriculture régénérative ou d’autres méthodes de production agro-écologiques.
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(VA) En réalité, les restaurants entièrement bio sont très rares en Suisse. Trois projets visant à une utilisation accrue de produits bio dans la restauration publique (crèches, écoles, universités, hôpitaux, établissements médicosociaux, administrations) sont actuellement prévus en Suisse. C’est ainsi qu’à Bienne par exemple, le projet d’une nouvelle cuisine de production centralisée pour les crèches, les hôpitaux, etc., prévoit de cuisiner uniquement avec des produits bio et régionaux dès 2023.
Les coûts ne sont pas les seuls obstacles
Quelles sont les causes de la part limitée de produits bio dans la restauration en Suisse ? Tentons de les établir sur la base d’entretiens avec les responsables de deux restaurants et des personnes de la branche.
1. Le restaurant végétarien et végane tibits parle par exprérience, car ses propriétaires s’efforcent d’étoffer constamment leur offre en matière de produits bio. La plus grande partie des produits d’origine animale tels que le lait et le fromage sont déjà bio, tout comme les produits de boulangerie. Pourtant, la certification bio se heurte à des obstacles. Elle est complexe et engendre des coûts et un investissement personnel. À titre d’exemple, l’entrepôt et le flux de marchandises doivent, du point de vue logistique, être séparés des produits conventionnels et des autres labels. De plus, à côté des contrôles légaux de l’inspectorat des denrées alimentaires, des contrôles annuels supplémentaires sont effectués par un inspecteur bio.
2. tibits constate également que le prix du bio par produit est de 20 et 50 % plus élevé que celui des produits conventionnels, ce qui se répercute en fin de compte sur le prix de vente. Bio Suisse appuie cette déclaration : « Le supplément pour les produits bio varie entre 0 et 300 %. Il est ainsi évident que certains produits ne peuvent quasiment pas être utilisés dans la restauration. Inversement, cela signifie aussi qu’il existe des produits bio dont le prix seul n’est pas un obstacle. »
3. Après une brève recherche, on constate rapidement que la disponibilité des produits issus de l’agriculture durable est liée à une grande incertitude pour les restaurateurs·trices. D’autant plus qu’à l’heure actuelle, le client souhaite se voir offrir de tout à tout moment. De nombreux restaurants travaillent avec des plats précuisinés qu’ils se procurent auprès de la grande distribution. Il leur manque souvent les connaissances et les structures pour acheter et cuisiner eux-mêmes des produits frais régionaux et de saison.
4. La formation dans le domaine de la restauration et de la cuisine représente inévitablement aussi un point de friction. Bio Suisse confirme la déclaration d’un apprenti cuisinier selon laquelle l’utilisation de produits et de concepts durables n’est pas enseignée et très peu souvent abordée.
5. Il n’existe aucun point de contact ni source d’informations quant à l’utilisation de produits de saison, régionaux et agroécologiques. C’est ce qu’a constaté un pop-up restaurant Zero Waste régénératif. Les responsables on dû consacrer beaucoup de temps à la recherche, la mise en œuvre puis à l’élaboration de la carte. Ils n’ont trouvé aucune plateforme ni organisation à l’intention des restaurants proposant des informations relatives à la reconversion bio.
6. Enfin, la logistique joue également un rôle : Bio Suisse déclare qu’il n’y a par exemple en Suisse aucun fournisseur de légumes préparés dans le domaine du bio. Cela signifie que les restaurateurs·trices en achèteraient probablement si un fournisseur les proposait, et vice versa. Pour permettre aux agriculteurs·trices bio de rivaliser avec le reste du marché, Bio Suisse estime qu’il faut les intégrer dans les systèmes de planification des magasins et des cuisines des grands acteurs du marché.
Tout cela montre que les restaurateurs·trices doivent d’abord surmonter de nombreux obstacles afin de laisser derrière eux les connaissances qui leur ont été enseignées et le système imposé.
Le conseil et une étroite collaboration sont essentiels
Martin Ott, directeur de la formation biodynamique à Rheinau, le constate lors de notre entretien : un changement fondamental s’impose au niveau du comportement et de la logistique dans le commerce et la restauration. Il estime toutefois que cette mutation n’est pas facile à entreprendre. En plus du changement nécessaire dans la tête des gens, les agriculteurs·trices et les restaurateurs·trices devraient collaborer davantage et plus étroitement. La faiblesse face à la logistique et à l’approvisionnement des groupes mondiaux et des grandes entreprises pourrait ainsi se muer en une force régionale axée sur l’artisanat et la diversité.
Ces chaînes de valorisation doivent néanmoins être élaborées en premier lieu. L’exemple du Danemark donne une idée de ce qui pourrait être efficace en Suisse également. En l’espace de dix ans, 1600 cuisines publiques et privées de Copenhague et d’Aarhus sont parvenues à atteindre une part de bio allant jusqu’à 90 % et ce, en grande partie sans augmentation des coûts. Cela a été possible grâce à un changement fondamental : davantage d’ingrédients frais, de nouvelles recettes, des aliments préparés sur place, moins de produits finis et moins de viande ainsi qu’une réduction massive des pertes de denrées alimentaires. Les principaux facteurs de ce succès reposent sur les impulsions ciblées de la politique, une collaboration étroite de toutes les parties prenantes et un soutien direct dans les cuisines fourni par la fondation Copenhagen House of Food.
L’expérience du Danemark le prouve : il vaut la peine d’investir de l’argent dans la formation et le conseil. Grâce aux conseils de la fondation House of Food de Copenhague, on utilise désormais 90 % de produits bio, en particulier dans les petites cuisines. Les cuisines centrales atteignent même 60 à 70 %.
Il est temps de changer de système
Le problème ne vient en fait pas des acteurs isolés, mais du système. Un changement de système doit s’opérer dans de nombreux domaines. Beaucoup de chefs se servent auprès de la grande distribution, car les menus sont ainsi plus faciles à planifier et la quantité est garantie. La connaissance des produits régionaux et de saison, de nouvelles recettes et de la planification des menus peut inverser cette attitude. Dans ce cadre, le contact direct avec les agriculteurs·trices est crucial, car une étroite collaboration peut faciliter la planification et la reconversion. Car une chose est claire – on ne peut pas tout simplement commander en version bio auprès de la grande distribution les produits conventionnels utilisés jusqu’ici. Il est évident qu’il manque en Suisse un interlocuteur pour faciliter la conversion. Un accompagnement du début à la fin par des spécialistes permettrait de lever les obstacles liés à la reconversion.
Bio Suisse assume désormais de cette tâche et souhaite ainsi résoudre les problèmes soulevés.
L’importance de la politique
Pour nous, et peut-être pour vous aussi chères lectrices et chers lecteurs, il est évident qu’à l’image du Danemark, la politique a un rôle essentiel à jouer pour qu’un changement efficace puisse se produire dans la restauration. La politique suisse dispose de nombreuses possibilités pour encourager cette mutation de manière concrète. Elle peut investir durablement dans la formation, la logistique et les structures de transformation, fonder une organisation, telle la House of Food à Copenhague, qui s’occuperait de la formation continue et du conseil dans les cuisines, lancer des initiatives contre le gaspillage des denrées alimentaires, créer un campus d’innovation ou promouvoir l’agriculture agroécologique plutôt que l’agriculture conventionnelle. Elle devrait notamment fixer un objectif quant au calendrier et au pourcentage minimal d’aliments ou de produits bio issus de la production agroécologique que nous voulons introduire dans la restauration publique.
Les possibilités et les actions requises existent et ont déjà été élaborées. C’est pourquoi en Suisse, nous n’avons aucune raison de retarder ce changement ou de le réaliser qu’à moitié. Si la politique suisse continue de résister aux changements en vue d’un monde plus durable (pas uniquement dans le secteur de la restauration), nous serons bientôt à la traîne en Europe, d’autant plus que les progrès sont rapides, notamment chez nos voisins français, allemands et autrichiens.
Toute personne a droit à une alimentation saine et la Suisse s’y est engagée en vertu du droit international. Il est donc temps de rendre la nourriture saine accessible.
Un débat historique sur l’avenir de notre secteur agroalimentaire trouve un épilogue provisoire ce week-end. Cette votation est historique à plus d’un titre : avec son initiative, une citoyenne, une femme n’ayant aucun lien avec le monde agricole a osé remettre en question le système agricole pratiquement enlisé depuis 20 ans. Pour les puissants messieurs des cercles agricoles établis et les bénéficiaires de ce secteur, Franziska Herren et le mouvement populaire qu’elle a déclenché ont été perçus comme une provocation inouïe. La conséquence implacable a été la mobilisation pour le 2 × NON des institutions qui devraient en réalité porter la responsabilité de l’échec de la politique agricole.
ContinuerCe week-end, une chose est claire : une grande partie de la population en a assez des pesticides dans les eaux souterraines, dans les sols, partout dans l’écosystème et dans le corps ; elle en a assez de la détention plus qu’intensive des animaux et d’une agriculture qui détruit ses propres moyens de subsistance avec des milliards de subventions. Le NON aux initiatives ne résout en effet pas ces problèmes pour l’instant.
Parmi les agricultrices et agriculteurs aussi, une majorité silencieuse est convaincue qu’un redressement est nécessaire pour sortir de l’impasse où se trouvent l’agriculture et la politique agricole. Ils attendent que l’on s’attèle aux causes des incitations négatives, ils ne veulent pas être constamment accusés de pollueurs, mais souhaitent que la politique du sparadrap interminable et infructueuse du Parlement et de l’administration soit enfin remplacée par des réformes efficaces.
Le changement concret s’amorce en silence
De nombreux paysans et paysannes m’ont confié : « Ce que veulent les initiatives, nous le voulons aussi. » Mais dans la confusion et les discussions de plus en plus conflictuelles, pour beaucoup, il n’était plus possible de défendre les initiatives. Bon nombre d’entre eux ont également exprimé des doutes quant à la voie tracée par les initiatives, mais ont déclaré explicitement leur soutien à l’objectif. Cela est significatif pour la suite.
Depuis de nombreuses années, quasi aucune autre initiative n’a tant attiré l’attention dans les milieux agricoles, la population et les médias, n’a entraîné une telle prise de conscience sur des faits et corrélations peu connus jusqu’ici et n’a provoqué une si grande pression à agir que l’initiative pour une eau potable propre. L’initiative pour une eau potable propre et l’initiative contre les pesticides ont apparemment tapé dans le mille. Elles ont remis sur le tapis de graves problèmes que la politique a dissimulés durant des décennies.
En silence, dans le sillage de ces initiatives, de nombreuses actions positives ont vu le jour à travers ce processus de prise de conscience. Cette dernière a évolué dans les fermes et auprès des consommatrices et consommateurs au fil des discussions constantes sur la durabilité (manquante) du secteur agroalimentaire. Un vent nouveau souffle aujourd’hui sur une foule de projets et d’initiatives. Toute mutation s’amorce avec discrétion. Il s’agit désormais de renforcer ces nombreuses énergies positives inspirées et motivées par ces initiatives, de les regrouper, de les soutenir, afin qu’elles puissent annoncer un avenir digne de nos petits-enfants. Je suis convaincu qu’en empruntant cette voie constructive et concrète, les clivages creusés par l’opposition amère et souvent très peu objective aux initiatives appartiendront bientôt au passé.
Changement chez Vision Agriculture également
Vision Agriculture s’est fortement engagée dans les discussions publiques et politiques entourant les initiatives. Celles-ci ont été pour nous un moyen tout aussi crucial de continuer à promouvoir la mutation du système agricole et alimentaire. Nous sommes à l’origine d’innombrables articles de presse. Il arrivait que les médias nous approchent quotidiennement pour s’informer, obtenir des contacts, des idées ou des évaluations. Nous avons fourni un soutien intense au comité d’initiative pour une eau potable propre sous forme de conseils spécialisés, de recherches, d’informations et de travail médiatique.
Avec cet engagement, qui a souvent mis à rude épreuve le bureau et le comité, une période mouvementée et extrêmement passionnante se termine pour moi auprès de Vision Agriculture. Après un long travail de préparation, je remets le flambeau à ma successeuse à l’occasion du dimanche de votation. Mirjam Halter reprend désormais la direction, avec le soutien de Ralph Hablützel, Andrea Hablützel et d’Edith Häusler.
J’aimerais remercier chaleureusement tous les lecteurs et lectrices de la newsletter, en particulier nos membres, nos sponsors, les nombreux journalistes, les organisations partenaires et tous les paysans et paysannes avec qui nous avons mené de vifs échanges pour leur collaboration inspirante, ouverte et intense. Je continuerai à m’engager pour le changement dans d’autres contextes et me réjouis de pouvoir rester en contact avec de nombreuses forces engagées.
Andreas Bosshard
Cofondateur de Vision Agriculture et directeur depuis de nombreuses années
Andreas Bosshard - un « animal agronomique » remet le flambeau
On trouve des personnalités exceptionnelles en politique, dans l’art, dans l’économie, etc. Leur action marque les esprits. Ce sont des personnes de caractère. Elles veulent changer les choses, elles sont critiques, dérangeantes, obstinées, elles se heurtent à la résistance, polarisent et inspirent. Andreas Bosshard est l’une d’entre elles. Il a été le moteur de la création de Vision Agriculture et de la publication du Livre blanc de l’agriculture suisse. En courageux précurseur, sa vision était claire : il voulait réformer l’agriculture suisse sclérosée avec une force indépendante et des personnes partageant ses idées. Fort de ses convictions, il s’est donné pour mission de trouver de nouvelles voies pour l’agriculture suisse. Doté d’un esprit d’analyse, foisonnant d’idées, obstiné, rebelle et bosseur infatigable et efficace, Andreas a été notre tête à penser depuis la création de l’association Vision Agriculture en 2007. Grâce à lui, notre association est devenue une puissante force réformatrice dans le monde agricole suisse.
Au bout de 15 ans de travail inlassable et après mûre réflexion, Andreas Bosshard a décidé de se retirer de la direction de Vision Agriculture et de réorienter sa riche carrière professionnelle et son engagement en faveur d’une agriculture digne de nos petits-enfants. Avec le départ d’Andreas, Vision Agriculture perd une personnalité forte et entreprenante, une source d’inspiration et sa figure de proue. Vision Agriculture sera désormais dirigée par Mirjam Halter, jusqu’ici directrice adjointe d’Andreas Bosshard.
Andreas, nous te tirons notre chapeau ! Ton courage et ton engagement pour Vision Agriculture et l’agriculture suisse sont exceptionnels. Nous te remercions de tout cœur pour tes longues années d’activité indéfectible et couronnée de succès au sein de Vision Agriculture. Tes prestations et tes mérites sont dignes d’estime et de reconnaissance.
Markus Jenny
Président Vision Agriculture
Durant ces dernières décennies, la Confédération a largement orienté sa politique agricole vers les intérêts de l’industrie en amont et en aval en accordant des subventions et des allègements douaniers pour les fourrages au détriment d’autres préoccupations sociales importantes. Les régions de montagne ont également subi cette évolution et en sont fortement touchées. Dans ces régions, la production animale intensive utilisant des fourrages importés cadre particulièrement mal avec ce que nous, les consommatrices, consommateurs et contribuables, attendons de l’agriculture. L’initiative pour une eau potable propre représente par conséquent une chance unique pour l’agriculture de montagne : l’occasion de générer à nouveau un revenu grâce à des produits et des prestations d’intérêt public exceptionnelles conformes à leur potentiel naturel.
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(VA) Spontanément, on pourrait penser que les paysans et la population des cantons de montagne comptent parmi les partisans convaincus des objets soumis à votation le 13 juin – en particulier l’initiative pour une eau potable propre. Celle-ci veut en effet redistribuer les paiements directs – les retirer aux types de production nuisant à l’environnement et les allouer à de véritables prestations d’intérêt public auxquelles les régions de montagne contribuent bien plus que le reste de l’agriculture. Pourquoi donc de nombreux paysans des régions de montagne s’opposent-ils à l’initiative pour une eau potable propre ?
Les plus-values sont mises à mal
Le motif réside dans les fourrages achetés en complément. Les prestations d’intérêt public et la bonne image des produits des régions de montagne sont de plus en plus mises à mal. La politique a entraîné peu à peu une dépendance des exploitations agricoles en accordant des allègements douaniers ciblés pour les fourrages importés, notamment dans le cadre de la politique agricole 2011. Les représentants de Fenaco et compagnie ont contribué de manière décisive à cette évolution au Parlement. Des incitations ont été créées afin que le transport de grandes quantités de fourrage vers les montagnes en vaille la peine. De nombreux paysans et paysannes de montagne se sont adaptés à cette situation et craignent désormais d’emprunter une autre voie respectueuse du climat et de l’environnement. Ils sont encouragés par les nombreux bénéficiaires de cette évolution.
En important du fourrage, l’agriculture contribue aujourd’hui à réduire massivement et rapidement la biodiversité dans les régions de montagne également, comme elle l’a fait il y a des décennies dans les zones de collines et de plaine.
Que révèlent les chiffres ? Dans sa nouvelle étude intitulée « Agriculture et environnement dans les cantons », Vision Agriculture a effectué une évaluation des statistiques et des données disponibles en vue d’analyser les différences régionales en matière de type de production, de nuisances environnementales par les nutriments et les pesticides dans les milieux proches de l’état naturel, les eaux de surface et les eaux souterraines ainsi que les conséquences sur le paysage.
Les prestations d’intérêt public sont en baisse
Les chiffres des comptes économiques régionaux de l’agriculture le montrent : dans le domaine des fourrages, les cantons de montagne ne font actuellement pas mieux que ceux du Plateau. Sur les recettes de la vente de la viande et du lait, un franc sur deux revient au marchand de fourrage ou au vétérinaire. Les chiffres relatifs à l’impact sur le paysage sont également médiocres. Selon la statistique de la superficie la plus récente, l’augmentation du nombre de bâtiments agricoles s’est poursuivie pratiquement sans relâche ces dernières années.
La situation est meilleure en ce qui concerne la pollution environnementale par les nutriments (phosphore, azote) et les pesticides. La teneur en nutriments dans les eaux est nettement inférieure. Les émissions d’azote dans l’air sont également élevées dans certains cantons de montagne, mais de manière très localisée, contrairement aux régions de plaine et de collines. La pollution environnementale des eaux souterraines par les nitrates et les pesticides n’est pas préoccupante. Si l’on considère l’ensemble des incidences environnementales, les cantons de montagne, dont les prairies constituent la principale exploitation, s’en sortent bien mieux (voir tableau ci-dessous). Ils respectent aujourd’hui déjà la législation environnementale.
Cela souligne leur potentiel en matière de prestations véritables en faveur de la société au-delà de toute attente. Cependant, les fourrages en provenance du monde entier remettent de plus en plus en question ces prestations et plus-values.
De solides perspectives – économiques et pour l’image
L’évolution est prévisible. La politique agricole va s’orienter vers la réalité des coûts en raison des objectifs climatiques, les consommatrices et consommateurs seront donc de plus en plus amenés à assumer l’intégralité des coûts des denrées alimentaires. Dans les régions de plaine, des paiements forfaitaires massifs tomberont inévitablement et, dans ce contexte, les paiements pour la prévention des dommages environnementaux arriveront également à échéance.
Ces fonds « chercheront » de véritables prestations d’intérêt public. Les exploitations de montagne qui s’orientent avec cohérence vers leur fort potentiel de services en faveur du bien commun génèrent une plus-value parfaitement justifiée pour la société dans le cadre de la production alimentaire – pour le paysage, la biodiversité et le tourisme.
L’initiative pour une eau potable propre représente dès lors une grande chance pour les exploitations de montagne : après le délai de transition, elles renoncent au fourrage importé, à l’intensification constante de leur production et à la dégradation de la biodiversité sur leurs terres. En contrepartie, elles reçoivent pour leurs prestations une part importante des subventions dégagées par l’initiative pour une eau potable propre et la politique climatique.
Cette perspective est plus sûre que la production de viande et de lait à la merci des gros producteurs de fourrage et des tarifs douaniers préférentiels sur les fourrages – sur le plan économique et surtout en matière d’image. En outre, la sécurité de l’approvisionnement de tout le pays s’en voit renforcée.
Agriculture et environnement dans les cantons : évaluation globale
Classement | Canton | Classement moyen 1 |
1 | GL | 6.75 |
2 | GR | 7.65 |
3 | OW | 9.04 |
4 | UR | 9.65 |
5 | AI | 10.35 |
6 | JU | 10.85 |
7 | NW | 11.12 |
8 | BB | 11.31 |
9 | VS | 12.08 |
10 | BE | 12.23 |
11 | NE | 12.38 |
12 | TI | 12.62 |
13 | SH | 13.00 |
14 | ZG | 13.42 |
15 | AR | 13.88 |
16 | SZ | 13.88 |
17 | LU | 14.00 |
18 | VD | 14.08 |
19 | GE | 14.15 |
20 | AG | 14.31 |
21 | SG | 14.60 |
22 | ZH | 14.92 |
23 | FR | 15.54 |
24 | SO | 16.31 |
25 | TG | 16.96 |
1Classement moyen sur l’ensemble des indicateurs. Les can-
tons de même rang ont été classés selon la valeur moyenne
des classements attribués. Source : VA (2021), Agriculture
et environnement dans les cantons.
En juin prochain, nous voterons sur l’initiative pour une eau potable propre. Cette initiative est bien plus qu’un signal urgent nécessaire. Modérée, elle est également appliquée au bon endroit avec les moyens adéquats. Enfin de compte, elle ne veut rien d’autre que ce que veulent eux-mêmes le Conseil fédéral et le Parlement – selon la Constitution, les lois environnementales, les engagements internationaux et les déclarations et stratégies publiques. Cette initiative est malgré tout qualifiée de radicale, voire d’extrême par le Conseil fédéral et d’autres cercles. Comment concilier cela – du Conseil fédéral à BioSuisse – avec l’attachement actuel de la population à une agriculture et à un secteur agroalimentaire durables ?
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(VA) Il est frappant de constater que l’initiative pour une eau potable propre veut résoudre les problèmes que tout le monde veut résoudre – ou du moins le prétend. Elle est aussi libérale : au lieu d’interdire, elle veut mettre fin aux incitations négatives du gouvernement et utiliser les fonds publics avec prudence. Même dans son approche libérale, elle est modérée et laisse beaucoup de temps et de marge de manœuvre pour son application. Et pourtant, les opposants affirment que cette initiative est radicale.
Respecter le droit environnemental
La nécessité d’agir contre les pesticides est désormais claire pour la plupart des gens. Après la suspension de la politique agricole 22+, le Parlement a rapidement adopté la «loi fédérale sur la réduction des risques liés à l’utilisation de pesticides » pour ne pas se retrouver les mains vides le 13 juin prochain. Les risques devraient être diminués de moitié d’ici 2027. L’objectif est modeste. Or, selon les études de l’Eawag largement diffusées, les valeurs écotoxicologiques sont dépassées à raison d’un facteur de dix à trente fois. Rien n’a encore été décidé concernant les aires d’alimentation importantes des captages d’eau potable.
Au-delà du fait que le problème actuel touchant l’eau potable, les eaux de surface et les animaux et plantes sauvages est occulté par les « risques liés à l’utilisation des pesticides », l’objectif de réduction est un pas dans la bonne direction. Ce n’est pas pour autant que l’initiative pour une eau potable propre est inutile, bien au contraire. Seules des mesures concrètes supplémentaires permettront d’atteindre l’objectif de réduction. Même avec cette initiative, d’autres mesures seront nécessaires pour garantir le respect des lois environnementales en matière de pesticides.
Les nuisances environnementales dues à l’azote constituent le second volet important de l’initiative. En mars dernier, le Parlement a refusé les objectifs contraignants relatifs aux excédents d’azote. Les émissions d’ammoniac dues à l’agriculture violent massivement le droit environnemental suisse, presque partout sur le Plateau et dans la zone des collines. Sur les 17 000 tonnes d’excédents qui endommagent les forêts proches de l’état naturel, les marais et les prairies riches en espèces, environ deux tiers proviennent des fourrages importés.
L’initiative pour une eau potable propre promeut le respect de la législation environnementale en vigueur en adoptant une approche aussi libérale que possible. Elle ne veut pas interdire, mais seulement mettre fin aux paiements directs destinés aux méthodes de production non durables. Une étape raisonnable, aucune trace de radicalité. Les autres aides, tels les suppléments pour le lait et la protection douanière, ne sont pas concernées par l’initiative.
Prendre au sérieux les objectifs climatiques
L’initiative pour une eau potable propre vise aussi indirectement les objectifs climatiques. La production animale bien trop élevée n’est pas seulement problématique pour l’environnement en Suisse, mais aussi pour la protection du climat sur le plan mondial (en raison du méthane et du protoxyde d’azote). Selon la « Stratégie Climat pour l’agriculture » de la Confédération, l’agriculture et l’alimentation doivent réduire les émissions de gaz à effet de serre de deux tiers d’ici à 2050. En totale contradiction avec cet objectif, la Confédération combat néanmoins l’initiative pour une eau potable propre au moyen d’études, partant du principe que (a) la consommation de viande ne diminuera pas à l’avenir et (b) que l’on continuera d’importer à grande échelle des produits nécessitant le défrichement des forêts vierges dans les pays d’origine. Elle arrive ainsi à la conclusion qu’une réduction de la production de viande en Suisse entraîne obligatoirement une augmentation des importations et une pollution accrue du point de vue global.
Si nous prenons au sérieux les objectifs officiels en matière de climat, de gaspillage alimentaire et d’importations durables, nous n’importerons pas plus, mais moins à l’avenir. Les importations annuelles de fourrage concentré de 1,2 million de tonnes ne sont pas compatibles avec les objectifs. Cela est très pertinent pour l’évaluation de l’initiative pour une eau potable propre. Lorsque le Conseil fédéral avance l’argument de l’augmentation des importations, une chose est claire : il ne prend pas plus au sérieux ses objectifs climatiques en matière de politique agricole qu’il ne l’a fait en matière de droit environnemental au cours des dernières décennies (en savoir plus).
D’ailleurs, le même jour, nous voterons sur la loi sur le CO2. Celle-ci donne à la Confédération la compétence d’augmenter la taxe d’incitation sur les combustibles fossiles actuelle d’environ cent francs par tonne de CO2 à environ deux cents francs. Pendant ce temps, dans le cadre de la politique agricole, la production de viande bovine et de lait, y compris celle qui utilise du fourrage importé, est subventionnée à hauteur d’environ trois cents francs par tonne d’équivalent CO2 (sans compter les paiements directs pour la gestion du paysage). Le Conseil fédéral et le Parlement ne considèrent pas encore le climat, l’agriculture et l’alimentation comme un tout.
Faire payer les coûts aux pollueurs
Aujourd’hui, tout le monde exige une agriculture et un secteur agroalimentaire durables. Nombreux sont ceux qui réalisent que cela n’est possible que si les paiements directs, les autres subventions et les prix ne génèrent pas de fausses incitations. Mais presque personne n’a encore vraiment songé à ce que cela signifie concrètement pour la politique agricole.
C’est pourquoi Vision Agriculture esquisse dans un nouveau document une vision de la voie vers une agriculture et un secteur agroalimentaire durables au sens des objectifs climatiques officiels et des autres objectifs de la Confédération. Elle démontre également le rôle crucial joué par la révision des subventions et, plus généralement, le principe du pollueur-payeur ou la « réalité des coûts » (voir encadré 1 ci-dessous).
L’initiative pour une eau potable propre est dans tous les cas sur la bonne voie dans cette perspective à long terme : elle constitue une première étape vers une réalité des coûts accrue dans notre agriculture et notre secteur agroalimentaire, vers une réduction du gaspillage des ressources et plus d’équité envers ceux qui produisent et consomment durablement, et ce non seulement dans les marchés de niche, mais de manière générale. Sans une répartition équitable des coûts, il est illusoire d’envisager un système agricole et alimentaire durable.
Conclusion
L’initiative pour une eau potable propre est nécessaire afin que le Parlement et le Conseil fédéral prennent plus au sérieux le droit environnemental que par le passé. L’initiative lève en outre les premiers obstacles à une agriculture et une alimentation durables.
Si l’on compare les ambitions et la réalité de la politique agricole de ces dernières années et décennies, on constate malheureusement que le Conseil fédéral n’a cessé de tromper la population sur l’impact environnemental (voir encadré 2). Des améliorations ont été saluées, mais ensuite les chiffres d’affaires de la production animale et de l’industrie liée à l’agriculture ont pris le pas sur le droit environnemental, les objectifs climatiques et le principe du pollueur-payeur.
Si le Conseil fédéral et le Parlement rejettent l’initiative pour une eau potable propre et ne jugent pas utile de proposer un contre-projet, le message est clair : la violation généralisée du droit environnemental et le déclin de la biodiversité continuent d’être admis. Les contribuables continuent de subventionner des méthodes de production nuisibles à l’environnement. Les modèles de consommation durables continuent d’être systématiquement désavantagés. Les dégâts collatéraux devront être supportés par la collectivité.
C’est cela que nous qualifions de radical, et non pas l’initiative. Les personnes bien informées jugeant pourtant l’initiative radicale ou extrême ne montrent aucune volonté de faire ne serait-ce qu’un premier pas vers une agriculture et un secteur agroalimentaire durables.
Encadré 1 : Document de réflexion « Réalité des coûts dans l’agriculture et l’alimentation »
Comme le soulignait Vision Agriculture dans une étude il y a six mois, la politique agricole suisse va largement à l’encontre du principe du pollueur-payeur et de la « réalité des coûts ». Dans la perspective du droit environnemental et des objectifs climatiques, cela devient de plus en plus problématique.
Le principe du pollueur-payeur est d’ailleurs ancré dans la Constitution (Art. 74 Cst.) : « La Confédération légifère sur la protection de l’être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes. Elle veille à prévenir ces atteintes. Les frais de prévention et de réparation sont à la charge de ceux qui les causent. » La législation sur l’agriculture ne se gêne néanmoins pas de bafouer cette disposition.
Les paiements directs pour la « production de lait et de viande basée sur les herbages » (PLVH) est un exemple éloquent du résultat d’un renversement du principe de pollueur-payeur. Plutôt qu’édicter les prescriptions nécessaires au respect de la législation environnementale ou appliquer des taxes incitatives sur les émissions excessives, la Confédération distribue de l’argent aux exploitations agricoles pour autant qu’elles n’utilisent pas davantage de fourrage concentré. Et ce même si les émissions sont bien supérieures au niveau acceptable pour l’environnement. Depuis 2014 (voir également encadré 2), les contributions versées à grande échelle sont à la mesure du dépassement des valeurs limites des apports d’azote dans les écosystèmes proches de l’état naturels.
Selon une évaluation de la station de recherche Agroscope, l’impact environnemental est pratiquement nul – pour un coût d’environ 110 millions de francs par année. Dans le rapport d’évaluation et la newsletter de l’Office fédéral, le manque de résultat est passé sous silence et le programme décrit comme un succès. Il en va de même dans le texte du site internet relatif à la contribution PLVH.
Il y a deux ans, cette approche problématique, qui viole clairement le principe du pollueur-payeur inscrit dans la Constitution et dans la législation environnementale, a été étendue à l’utilisation des pesticides. Depuis 2019, la Confédération verse des « contributions à l’efficience des ressources » pour les méthodes d’application réduisant les émissions. Elle subventionne des appareils de pulvérisation et des techniques d’application particulières.
Sur la base de cette expérience, Vision Agriculture présente aujourd’hui un document de réflexion qui met en évidence le rôle important du principe du pollueur-payeur et de la réalité des coûts dans la transition vers une agriculture et un secteur agroalimentaire durables. Le premier pas en direction du principe du pollueur-payeur ou de la réalité des coûts est la suppression des subventions pour les modes de production ayant une incidence négative pour l’environnement – c’est précisément ce que revendique l’initiative pour une eau potable propre en matière de pesticides, d’excédents alimentaires et d’antibiotiques prophylactiques.
Encadré 2 : Politique agricole, cheptel et excédents d’éléments nutritifs dans les pronostics du Conseil fédéral et dans la réalité
Dans son message sur la PA 14-171, le Conseil fédéral écrivait : « En ce qui concerne la garde d’animaux, il faut s’attendre avec la PA 14–17 à un recul d’environ 9 % des UGB […] » et cependant, comme l’extension de la production fourragère et la réduction du cheptel « entraîneront une baisse de près de 10 % des importations d’aliments concentrés par rapport au scénario de référence, la PA 14–17 renforcera la production nette de calories. » En réalité, le cheptel n’a pas du tout diminué (+0,3 %), tout comme les importations d’aliments concentrés (+0,2 %)2.
Quant aux excédents d’azote, l’écart entre les prévisions et la réalité est récurrent dans les messages du Conseil fédéral de 2002 à 2018, sans que des leçons en aient été tirées (plus de détails ici et ici, p. 30). On peut en déduire que le Conseil fédéral a placé le chiffre d’affaires de la production animale et des industries liées à l’agriculture au-dessus du droit environnemental (cf. texte principal).
1FF 2012 2310. 2 Cheptel en unités gros bétail (UGB) : OFAG, rapport agricole ; importations d’aliments concentrés : OFS, bilan des fourrages 2017 (importations des « fourrages commercialisables ») ; chiffres 2013/2018 (PA 2011/2014-17).
Des systèmes économiques entiers sont actuellement bouleversés à une vitesse impressionnante. Le secteur financier, l'industrie automobile, l'industrie de l'énergie, tous sont au milieu d'un bouleversement fondamental qui est censé les sortir d'une dynamique autodestructrice alors qu'il est grand temps d'agir. Il n'y a que dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire où les forces qui continuent à donner le ton veulent à tout prix empêcher le changement. Avec une ténacité redoutable, elles continuent de présenter des solutions de façade comme des réponses durables pour les enjeux auxquels nous sommes confrontés. Mais en coulisses, un changement tout aussi fondamental vers un nouveau système agricole et alimentaire est en cours. Avec une série de newsletter, nous essayons rendre ces solutions plus visibles, de les placer dans un contexte plus large et de contribuer à leur donner la force nécessaire pour permettre de changer le système.
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(VA) Dans le forum de discussion d'une conférence internationale sur l'avenir de l'utilisation des pesticides dans l'agriculture, une historienne de la science qui fait des recherches sur l'histoire de l'agriculture en Allemagne a déclaré : "Je suis étonnée de constater que dans l'agriculture, on débat encore exactement des mêmes questions et problèmes qu'il y a 30 ans". On peut faire exactement le même constat concernant l'agriculture suisse. Pesticides, biodiversité, surplus de fertilisants, baisse de la fertilité des sols, émissions de gaz climatiques, efficacité énergétique négative, pollution de l'eau, etc. Tous ces chantiers existentiels datent de plusieurs décennies, sans qu'aucun progrès significatif n'ait été réalisé, voir le contraire. L'agriculture conventionnelle détruit ses propres moyens de subsistance à un rythme effréné, et ce avec l'aide de milliards de subventions financées par l'État.
De nombreux secteurs de l'économie ont reconnu - ou ont été contraints par la politique - de reconnaître le besoin urgent d'agir. Ils subissent une transformation aussi profonde qu'incroyablement rapide. L'industrie automobile investit des milliards dans le remplacement du moteur à combustion qui, il y a encore quelques années, dominait le trafic routier depuis un siècle environ, sans aucune alternative apparente. Tout aussi fondamental est le changement dans le secteur de l'énergie, où des groupes entiers de consommateurs disparaissent en grande partie en raison des gains d'efficacité et où le soleil/le vent deviennent soudainement moins chers que les "anciennes" sources d'énergie néfastes pour l'environnement et le climat, qui semblaient absolument indispensables il y a peu de temps encore.
Agriculture : des fausses solutions qui continuent d'être vendues comme une réponse durable
Le contraste avec l'agriculture ne pourrait pas être plus flagrant. Au lieu de s'attaquer à la source du problème et de remplacer le "moteur à combustion", pour ainsi dire, d'énormes investissements sont encore réalisés dans la recherche pour rendre ce même "moteur" plus efficace et productif. Les tracteurs deviennent un peu plus puissants chaque année afin qu'ils puissent continuer à tirer leur équipement lourd sur des sols de plus en plus compacts. De plus en plus de technologies se retrouvent dans ce qui est déjà une activité agricole largement industrialisée, ce qui rend leur dépendance vis-à-vis de l'industrie encore plus grande. Même dans les derniers recoins des vallées alpines, les souffleurs de feuilles vrombissants remplacent désormais les râteaux à main, les hélicoptères le transport du foin par de petits téléphériques et les robots les modestes machines à traire. Grâce à une technologie robotisée, les pesticides doivent être utilisés "de manière encore plus ciblée" et "leur risque doit être encore plus réduit". Ce slogan de l'agrochimie, vieux de plusieurs décennies, a même trouvé sa place dans le "Plan d'action Produits phytosanitaires" du gouvernement fédéral et continue de façonner chaque débat parlementaire sur la " solution " au problème des pesticides.
Les problèmes ne diminueront pas si nous essayons de les résoudre avec les mêmes moyens que ceux qui les ont causés. Les coûts de ces solutions sont en constante augmentation et les revenus de la production diminuent en conséquence. La facture est payée par les agriculteurs qui se laissent prendre dans la logique implacable du "progrès". De nombreuses exploitations agricoles se sont endettées. La dette agricole n'est nulle part aussi élevée qu'en Suisse. L'État entre dans la brèche et maintient le système en vie avec des paiements se chiffrant en milliards, alors que les déficits environnementaux et les dettes continuent de s'accroître.
Contraste avec la transformation énergétique
Derrière cette évolution grotesque de l'agriculture se cache un récit qui est encore aujourd'hui profondément ancré dans les esprits et que l'industrie agroalimentaire continue de cultiver à grands frais. Après tout, elle y gagne énormément d'argent. Dans un petit pays comme la Suisse, elle extrait plus d'une demi-douzaine de milliards de francs par an des exploitations agricoles.
Le secteur de l'énergie montre pourtant comment d'autres industries ont réussi à surmonter l'ancien paradigme de la croissance. Imaginez que les fournisseurs d'énergie avertissent à chaque occasion que l'humanité devra disposer de beaucoup plus d'énergie à l'avenir parce qu'elle continuera à se développer rapidement et que ses besoins énergétiques augmenteront donc fortement. Par conséquent, il faudrait extraire davantage de pétrole, produire davantage d'énergie nucléaire et utiliser même les dernières réserves d'énergie hydroélectrique - bien sûr, tout devrait être fait avec le plus grand soin, avec la technologie la plus moderne et de manière durable. Et bien sûr avec l'ajout des énergies renouvelables, qui ne pouvaient malheureusement rester qu'une niche au vu de la demande. Une telle façon de penser – une norme incontestée il y a encore quelques années - ne serait guère osée par un homme politique qui souhaite être pris au sérieux aujourd'hui.
Les vieux schémas de pensée bloquent le changement
Il est depuis longtemps reconnu que nous n'avons pas besoin de sources d'énergie supplémentaires malgré la croissance rapide de la population en Suisse. Au contraire, le potentiel des économies d'énergie est bien plus important que l'augmentation de la population, et nous devons satisfaire le plus rapidement possible la demande restante à partir de ressources durables qui sont à notre portée et qui fonctionnent de manière totalement différente de l'ancien système d'approvisionnement énergétique. Ce changement de paradigme est devenu une réalité depuis longtemps. Il suffit de penser au secteur de l'éclairage, où aujourd'hui 80 % de l'énergie électrique auparavant nécessaire peut être économisée grâce au remplacement des ampoules à incandescence par la technologie LED, avec le même niveau de confort et une demande d’éclairage plus élevée. Pensons aussi au secteur du bâtiment, où les bâtiments modernes d'aujourd'hui non seulement consomment beaucoup moins d'énergie, mais produisent même de l'énergie si toutes les possibilités sont exploitées. Cela a bouleversé les idées reçues et a fait place à une nouvelle réalité.
Un récit encore profondément ancré dans de vieux concepts
Dans le secteur agricole et alimentaire, en revanche, les représentants de l'agriculture continuent de propager le même récit à chaque occasion qui se présente: L'humanité est en pleine croissance, nous avons donc un besoin urgent de plus de nourriture. Les multinationales agroalimentaires et les politiciens qui donnent le ton continuent de propager ce conte de fées dépassé depuis longtemps sur la demande mondiale croissante de nourriture dans les débats politiques, les médias, dans d'innombrables projets de recherche scientifique et même dans les salles de classe. Selon eux, l'humanité serait obligée d'exploiter encore plus de surface et d'animaux sur les terres disponibles - c'est pourquoi elle a besoin de technologies encore plus nombreuses et encore meilleures, d'additifs, de robots, de drones...
D'énormes ressources privées et gouvernementales sont encore gaspillées pour continuer à cultiver selon cette idée dépassée. Pour le développement du secteur agroalimentaire, le refus de repenser le système de production a un effet désastreux. Des dizaines de millions d'argent public sont utilisés pour financer des projets de recherche qui sont ancrés dans les anciens réseaux et paradigmes, souvent liés à l'industrie et aux profiteurs de l'ancien système. Ils n'ont aucun intérêt à provoquer ce changement, qui est pourtant inévitable.
Le changement de système nécessite une diversification des solutions
Cela est d'autant plus fatal que, tout comme dans le secteur de l'énergie, les connaissances sur la manière dont un changement de système pourrait réussir sont en fait largement disponibles depuis longtemps. Tout comme le changement de système dans le secteur de l'énergie n'est pas simplement des panneaux solaires, le changement de système dans l'agriculture n'est pas simplement biologique. Le bio est un label, un bon label. Mais aucun changement de système n'est accompli par une seule marque, un seul concept. L'industrie solaire a été extrêmement importante pour la transformation du système énergétique, Tesla a été extrêmement important pour la transformation de l'industrie automobile - mais l'avenir de l'approvisionnement en énergie n'est pas simplement solaire et l'avenir de l'automobile n'est pas simplement Tesla, et l'avenir de l'agriculture n'est pas que biologique. Ce qu'il faut, c'est une variété de solutions qui, prises dans leur ensemble, rendent possible le changement de système et qui apportent leur contribution respective.
Dans ce contexte, il est important de souligner en toute clarté que le bio a énormément contribué au changement de système émergent. Le bio est plus ou moins le Tesla de l'agriculture. Toutefois, de nombreuses autres approches, dont certaines vont bien au-delà des exigences biologiques et apportent des améliorations fondamentales supplémentaires grâce à une approche de réflexion hors des sentiers battus, demeurent pour l'instant largement ignorées. Derrière cela se cache souvent un système. Les grands distributeurs et même les labels de durabilité établis n'ont aucun intérêt à laisser émerger la concurrence. Ils se sont confortablement installés dans le système actuel. Toutes les nouvelles approches sont généralement catégorisées dans les médias agricoles avec l'affirmation habituelle : "c'est une niche intéressante, mais elle ne convient pas pour nourrir la grande majorité". Contre l'émission de SRF "Netz Natur", qui a présenté il y a quelques semaines un excellent documentaire (en allemand) sur les méthodes agricoles d'avenir, les milieux agricoles conventionnels veulent même engager une poursuite judiciaire, par l'intermédiaire de l'Union suisse des paysans. Voilà où nous en sommes arrivés dans le domaine de l'agriculture : quiconque pense à l'avenir est immédiatement freiné, ridiculisé ou même poursuivi par le principal lobby agroalimentaire.
Mais ce n'est pas si inhabituel. C'est exactement comme cela qu'à l'époque, les premiers pionniers de l'électricité dans l'industrie automobile ont été ridiculisés, méprisés et contrecarrés. Aujourd'hui, ils donnent le ton. Leurs investissements, aidés par des politiques publiques cohérentes, les ont fait sortir de la niche dans laquelle ils étaient et ont rendu possible le changement de système.
Rendre les solutions visibles !
Nous aimerions soutenir et promouvoir les pionniers souvent encore invisibles grâce à notre travail. Il s'agit parfois d'approches étonnamment simples et extrêmement efficaces, tant sur le plan économique qu'écologique, mais qui présentent un potentiel énorme précisément parce qu'elles sortent des sentiers battus. Dans une série d'articles, nous présenterons ces "solutions de niche", souvent peu spectaculaires en apparence, qui rendront finalement possible un changement de système, démontrant ainsi la variété des solutions déjà disponibles et la façon dont elles peuvent fonctionner ensemble pour permettre une véritable transformation du système de production agricole. Nous n'avons pas le choix. Et tout est (presque) prêt. Faisons le maintenant !
Vos quatre contributions personnelles qui feront la différence pour l'agriculture de l'avenir:
(VL) Qui doit supporter les coûts de production des biens et des services ? En principe, la réponse est claire et largement acceptée : Celui qui génère les coûts est celui qui doit payer, en l’occurrence, le consommateur. Si c'est le cas, on parle de "vérité des coûts". Dans l'agriculture et l'alimentation, ce principe est aujourd'hui bouleversé. Les méthodes de production et les modes de consommation nuisibles à l'environnement sont massivement favorisés par l'État. Les biens produits de manière non durable deviennent ainsi beaucoup trop bon marché, tandis les biens durables demeurent trop chers. Le problème n'est donc pas le consommateur qui n'est pas prêt à payer beaucoup plus cher pour une alimentation durable, mais un système de politique agricole qui fausse les prix en faveur d'une consommation néfaste pour l’environnement et qui entrave donc systématiquement les modes de consommation durables. Une nouvelle étude de Vision Agriculture quantifie pour la première fois l'ampleur de ce déséquilibre. Afin d'atteindre les objectifs de la politique agricole dans le domaine de l'environnement et de la sécurité alimentaire, il sera essentiel de réorienter fondamentalement le système actuel pour tenir compte de la vérité des coûts.
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Loin des coûts véritables
Les résultats de l'étude le montrent : L'agriculture et l'alimentation sont aujourd'hui très éloignées du principe de la vérité des coûts. Des combustibles fossiles aux contributions pour les pulvérisateurs de pesticides et la publicité pour la viande en passant par l'élimination des déchets d'abattoirs, la production alimentaire est subventionnée par le gouvernement fédéral de toutes les manières imaginables. À cela s'ajoutent les coûts environnementaux au détriment de la collectivité, qui sont causés, par exemple, par les pesticides ou les émissions d'ammoniac et nécessitent des contre-mesures onéreuses.
Ce qui est particulièrement problématique : ce sont les produits les plus polluants pour la collectivité qui sont les plus subventionnés. La production de denrées alimentaires d'origine animale, qui représente la moitié de la production de calories et les trois quarts des coûts environnementaux de l'agriculture, soit 3,6 milliards de francs, est subventionnée quatre fois plus par la Confédération que la production de denrées alimentaires d'origine végétale. Dans le cas de la viande de bœuf, par exemple, les consommateurs paient donc moins de la moitié du coût véritable de la production.
Contradiction avec les objectifs et les stratégies
Lorsque les haricots ou les burgers végétariens coûtent plus cher que le poulet ou la viande hachée, un comportement durable équivaut à nager à contre-courant. L'opinion populaire dans les milieux agricoles, selon laquelle le problème réside dans les consommateurs qui ne sont pas prêts à payer plus cher pour des produits durables (voir par exemple le président de l'Union suisse des paysans Ritter dans la NZZ du 11.08.2020), est bien trop simpliste. L'agriculture et l'alimentation sont aujourd’hui systématiquement accompagnées de mauvaises incitations économiques qui entravent les modes de production et de consommation sains et durables.
La politique fédérale est également en contradiction avec ses propres objectifs et stratégies, et ce pas seulement dans le domaine de l'environnement. Selon la Stratégie suisse pour la nutrition (OSAV 2017), on consomme trop de viande et de produits laitiers à forte teneur en graisses et trop peu de produits céréaliers, de pommes de terre, de légumineuses et de légumes. Avec ses conditions-cadres pour l'agriculture, la Confédération contribue ainsi à des modes de consommation malsains et nuisibles à l'environnement.
L'absence de vérité des coûts explique également pourquoi la politique agricole, malgré l'importance des fonds qui lui sont alloués, est loin de répondre aux exigences du droit de l'environnement (voir le rapport "Indicateurs d’appréciation de la politique agricole suisse", avec résumé en français). Aujourd'hui, la Confédération verse des centaines de millions de francs par an pour limiter les dégâts, c'est-à-dire simplement pour veiller à ce que les objectifs environnementaux ne soient pas encore davantage manqués, comme le montre une récente étude prenant la biodiversité comme exemple.
Une question d'équité
Toutefois, les coûts réels dans l'agriculture ne sont pas seulement une condition préalable à la réalisation des objectifs environnementaux, mais aussi et surtout une question d'équité.
Loin du principe du pollueur-payeur, la politique actuelle pénalise, par exemple, les végétariens ou les agriculteurs qui, par leur comportement, font beaucoup pour l'environnement.
Comment parvenir à la vérité des coûts ?
La vérité des coûts dans l'agriculture signifie concrètement :
Plan directeur requis
Un plan directeur est nécessaire pour ancrer la vérité des coûts dans la politique agricole et ainsi empêcher que des milliards de fonds publics ne continuent à faire obstacle à une agriculture durable. Son horizon dépasse ainsi les étapes quadriennales de la politique agricole. Il doit également être étroitement coordonné avec les objectifs et stratégies officiels de l'administration fédérale dans les domaines de l'environnement, du climat, de la santé et de l'alimentation.
Littérature citée
OSAV (2017) Stratégie suisse de nutrition : savourer les repas et rester en bonne santé. Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaire OSAV, Berne.
> Rapport « coûts et financement de l’agriculture » (F)
> Rapport méthodologique (en allemand)
> FAQ – Questions et réponses sur le rapport (F)
L'acceptation de l'Initiative pour une eau potable propre aurait un impact positif sur l'environnement et sur le revenu des agriculteurs en Suisse. C'est ce qu’a montré une étude antérieure d'Agroscope. Avec une étude complémentaire publiée aujourd'hui, Agroscope inclut également les impacts environnementaux de l’initiative à l'étranger. Et surprise : on s'attend désormais à ce que l'initiative ait des effets très négatifs sur l'environnement à l'étranger. Cependant, ce résultat n'est atteint qu'avec une série d'astuces et d'hypothèses totalement irréalistes.
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(VA) L'institut de recherche Agroscope a publié aujourd'hui sa deuxième analyse des effets de l'Initiative pour une eau potable propre, précisément à temps pour les négociations de la commission des États CER portant sur l'initiative.
Mais Agroscope ne fait pas seulement de la politique avec son timing exact. Le contenu est également plus politique que scientifique. Cette étude confirme une étude précédente qui affirmait déjà que l'adoption de l'Initiative pour une eau potable propre permettrait de réduire de deux tiers l'utilisation de pesticides en Suisse et d'améliorer massivement la qualité de l'eau et de l'environnement en conséquence.
Cependant, avec cette nouvelle étude, Agroscope affirme toutefois avoir découvert que l'Initiative pour une eau potable propre est finalement préjudiciable à l'environnement. La raison : la Suisse devrait importer davantage de denrées alimentaires en raison de la baisse des rendements. Et chaque calorie importée de l'étranger serait massivement plus nocive pour l'environnement que les aliments produits en Suisse.
Des astuces pour atteindre le résultat souhaité
Afin de prouver cette affirmation hasardeuse - avec laquelle Agroscope contredit de nombreuses autres études - l'institut de recherche fonde sa modélisation sur des hypothèses presque rocambolesques.
Vision Agriculture a fait partie du groupe de suivi de l'étude et a critiqué avec véhémence ces hypothèses. Dans aucun cas, Agroscope n'a pris en compte les points critiqués par le groupe de suivi et n'a corrigé aucune des hypothèses de modélisation totalement irréalistes.
Un exemple : dans son modèle, Agroscope suppose qu'une extensification a lieu au niveau national par le biais de l'initiative, ce qui a relativement peu d'impact sur le bilan écologique, mais entraîne une baisse de la production. Cela entraînerait donc une augmentation des importations. À l'étranger, en revanche, Agroscope part du principe que pour chaque calorie supplémentaire importée, des terres agricoles additionnelles sont sollicitées au détriment des zones semi-naturelles. C'est totalement irréaliste. On mélange ainsi les torchons et les serviettes en comparant l'incomparable. Cette hypothèse hasardeuse du modèle conduit à un résultat extrêmement négatif de l'impact environnemental à l'étranger. Agroscope conclut que l'Initiative pour une eau potable propre favorise la déforestation et que presque tous les autres facteurs environnementaux seraient également affectés de manière négative.
L'étude est pleine de telles absurdités (pour plus de détails, voir l‘encadré ci-dessous), qui aboutissent en fin de compte exactement au résultat qui devait en découler.
La crédibilité d’Agroscope compromise
Les résultats de l'étude Agroscope doivent être classés avec le mot-clé "politique d'une administration fédérale", ils n'ont rien de scientifique. Vision Landwirtschaft se distancie donc de l'étude sous toutes ses formes.
Dans ce contexte, l'engagement de la directrice d'Agroscope, Eva Reinhard, dans l'introduction de l'étude, semble être une mauvaise blague :
"Elle (la science) développe des bases scientifiquement solides et communique ces informations. Elle soutient ainsi une discussion objective et aide à trouver ensemble des solutions durables."
Encadré : Les principales lacunes de la nouvelle étude d’Agroscope sur l'Initiative pour une eau potable propre
Documents correspondants :
- Étude d'Agroscope (en allemand, résumé en français)
- Informations complémentaires de Vision Agriculture (en allemand)
L'agriculture régénérative - un nouveau mouvement dans le paysage agricole
De plus en plus d'agriculteurs remettent en question le credo : "Des cultures saines et des rendements élevés ne sont possibles que si nous fertilisons et pulvérisons". La plante n'a-t-elle pas besoin de quelque chose de complètement différent pour se développer, à savoir un sol sain et vivant ? Cette conviction est à l'origine de l'"agriculture régénérative". Elle est devenue un mouvement auquel de plus en plus d'agriculteurs se sentent attirés. Ils renoncent volontairement à l'utilisation de pesticides et d'engrais artificiels. L'accent est mis sur un sol sain et fertile. Le portrait suivant d'une ferme pionnière montre comment l'agriculture régénérative fonctionne.
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Sol et plantes : un seul système
Le sol et la plante sont en échange permanent, mais bien plus encore : ils interagissent, pour ainsi dire, comme un organisme entier. Les plantes produisent du sucre par photosynthèse. En plus de leurs propres besoins, elles approvisionnent le sol et les micro-organismes qui y vivent, tels que les bactéries et les champignons. La plante transmet 90 % de sa photosynthèse au sol. La plante fait donc partie d'une relation symbiotique. Elle nourrit les organismes du sol et reçoit d'eux exactement ce dont elle a besoin, à savoir les éléments nutritifs du sol qui sont décomposés et mis à la disposition des plantes. En principe, l'agriculteur ne doit rien faire de plus que de préparer le sol et l'écosystème de telle sorte que les interactions entre la plante et le sol puissent se dérouler de manière optimale. Un facteur central est ici la teneur en humus du sol. En effet, les organismes du sol ont besoin d'un sol riche en humus. Dès qu'un climat de sol est établi dans lequel les organismes du sol se sentent à l'aise, ils fournissent à la plante tout ce dont elle a besoin pour une croissance saine et vigoureuse.
La ferme Stucki
La famille Stucki produit selon ces principes dans sa ferme près de Dägerlen, dans la région de Winterthur.
Le fermier Ralf Stucki dans un de ses champs de légumes.
Travailler avec le sol
Nous marchons sur les 26,5 hectares de la ferme Stucki. On y cultive principalement des légumes et des fruits. En plus des cochons de laine, des poulets, des canards et des dindes, 24 vaches laitières pâturent également sur les terres. "Ici, vous pouvez voir les premiers champs de légumes", dit Ralf Stucki. En me retournant, je vois de longues bandes recouvertes d'herbe coupée. Stucki s'agenouille et enfonce ses doigts dans la couche d'herbe. C'est du paillis, explique-t-il. Je fais de même et je fore mes doigts dans la couche d'herbe : sous l'herbe, il fait agréablement chaud, même si la température est tombée presque à zéro ces derniers jours.
Sous l'herbe, il fait agréablement chaud.
De près, je peux voir comment les feuilles vert clair des petits céleris poussent hors de la couche de paillis. Selon Ralf Stucki, le paillis doit être fraîchement coupé et vert lorsqu'il est déchargé afin que l'énergie obtenue par photosynthèse soit entièrement contenue dans l'herbe. Lorsqu'elle est rejetée dans le champ, l'herbe se décompose lentement en un an. Au cours de ce processus, les éléments nutritifs contenus dans l'herbe sont transférés au sol. Avant que cela ne se produise, la couche de paillis a un effet isolant, c'est-à-dire qu'elle stocke la chaleur. Cela est particulièrement important au printemps et permet en même temps de protéger le sol contre l'assèchement. Grâce à la couche de paillis, explique Ralf Stucki, il n'y a pratiquement pas de mauvaises herbes qui pourraient concurrencer les plantes encore petites. Comme le sol est protégé du soleil brûlant et des fortes pluies, il ne s'agglutine pas et ne se tasse pas.
Semis de céleri sous paillis.
Ralf Stucki est satisfait du résultat, les plantes se développent superbement dans la couche de paillis. De plus, la quantité de travail nécessaire est faible, après avoir planté et recouvert de paillis, tout est fait, dit-il avec satisfaction. Il n'a plus besoin de rouler sur le sol, de le travailler davantage, de le fertiliser et certainement pas de le pulvériser. Comme la couche de paillis minimise l'évaporation de l'eau, il n'a presque jamais besoin d'arroser les semis. En fait, il n'aura plus rien à faire avec la plante, dit-il en souriant, jusqu'à ce qu'il puisse la récolter. Un hectare de paillis nécessite quatre hectares d'herbe sur pied, ajoute Ralf Stucki. Pour s'assurer que le travail avec le paillis reste faisable et qu'il en vaille la peine en termes de rendement, de nouveaux plants sont plantés dans le paillis après la récolte.
Les oignons et le raifort poussent dans la rangée directement à côté des plants de céleri. Les Stuckis travaillent avec des cultures mixtes. Ce n'est pas pour rien que l'on dit en allemand que "les bons voisins grandissent ensemble". Les maladies et les parasites ont moins de chances de se propager dans les cultures mixtes. En outre, chaque plante a des besoins nutritifs différents. Cultivés dans des cultures mixtes, elles n'enlèvent rien les unes aux autres. C'est une autre façon d'empêcher le lessivage des sols et d'éviter l'application d'engrais. Ralf Stucki développe les combinaisons de plantes en échange avec le producteur de semences biologiques Sativa Rheinau AG. Actuellement, le quinoa pousse aux côtés des courgettes et des aubergines, le fenouil aux côtés des lentilles, des fèves et des petits pois.
Culture mixte d'aubergine et de fenouil.
Observer et apprendre
Le désir d'expérimenter de Stucki et sa grande ouverture d'esprit pour apprendre de nouvelles choses sont impressionnants, avec un enthousiasme contagieux! Il est clair que ce sont précisément ces qualités qui constituent la base de cette exploitation, qui propose 280 produits différents. Comme ils ne livrent pas aux grossistes, mais vendent leurs produits directement, les Stuckis peuvent se concentrer sur la variété plutôt que sur la quantité. C'est à son tour un point de départ idéal pour travailler et expérimenter avec des cultures mixtes.
Deux fois par an, Ralf Stucki se consacre à la terre d'une manière très particulière. Il crée une sorte d'infusion à partir d'orties fraîches, enrichie de raifort et d'extraits d'algues. Stucki injecte ces enzymes végétales, appelées "Rottenlenker", dans le sol avec une sous-soleuse afin de nourrir directement les microorganismes du sol. Le fumier animal est également utilisé de manière similaire. Les Stuckis n'utilisent pas d'excréments d'animaux directement dans les champs, car cela serait bien trop agressif pour le sol et les organismes qui y vivent. On peut littéralement le sentir lorsque le fermenteur ou le thé de compost a été étalé et que le sol commence à travailler : "Le sol sent comme après une pluie fraîche d'été, il commence à respirer", dit Stucki. Son expérience le confirme : les plantes bénéficient de ces soins du sol, elles sont beaucoup plus vitales.
La structure légère et la couleur marron foncé sont signes d'un sol très vivant.
L'agriculteur comme "chercheur"
Outre l'observation et l'évaluation constante, Stucki fait également des expériences : par exemple, l'incorporation de paillis dans le sol au lieu de le poser en couche apporte un rendement moindre - Stucki a tout essayé. Le fait que les arbres de Noël poussent en combinaison avec les abricotiers, en revanche, s'est avéré être une bonne idée. Les sapins protègent le sol du dessèchement en été, les arbres fruitiers font de l'ombre aux sapins et en hiver, les poules vivent entre les arbres. De cette façon, les sapins argentés restent exempts de parasites tels que les cochenilles et l'araignée rouge. Même les souris restent à l'écart grâce aux poulets. En plus de toutes ces expériences, Stucki veut aussi que tout soit faisable et que la ferme avec ses cinq employés soit économiquement viable. Et c'est le cas.
Des arbres de Noël mélangés à des abricotiers.
La ferme - un système autonome
En poursuivant la conversation avec Stucki, on remarque rapidement les visions qui influencent son travail. Outre sa joie d'expérimenter, la pensée de Stucki est proche de l'approche de l'agriculture régénérative. Ralf Stucki poursuit une agriculture dans le sens de la nature, il s'efforce de trouver des sols sains avec un bon équilibre hydrique. En outre, il est important pour lui de prendre des décisions holistiques qui tiennent compte à la fois des intérêts écologiques, sociaux et économiques.
Sa ferme fonctionne comme un cycle fermé. Par exemple, les aliments pour animaux (herbe, plus un peu d'orge, de maïs, de blé et de soja) dans la ferme Stucki sont tous produits sur place, de sorte que rien d'autre ne doit être acheté. En juillet, lorsque les tomates sont sur le point d'être récoltées, les plantes vivaces sont traitées avec un mélange lait-eau pour les protéger des attaques fongiques. Le climat acide, qui est causé par la fermentation du lait sur les feuilles, empêche les champignons de se fixer sur les feuilles. Pour Stucki, régénérer signifie que tout est pensé ensemble comme un système unifié : le sol, les plantes, les animaux et l'homme. Tous ces piliers interagissent les uns avec les autres et peuvent se nourrir et se soutenir mutuellement. Le changement climatique, qui ne cesse de progresser, imposera de nouvelles exigences à l'agriculture et nécessitera une remise en question. Ici aussi, l'approche de l'agriculture régénérative est particulièrement prometteuse, lorsqu'il s'agit par exemple de protéger le sol contre l'assèchement ou de cultiver des zones comme éventuels puits de CO2.
Le chemin parcouru par la famille Stucki est donc d'une grande actualité sous de nombreux aspects. Ou, comme le dit lui-même Stucki : "Je ne sais pas ce qui est juste, mais j'ai définitivement le sentiment qu'il est plus juste de suivre cette voie plutôt que l'agriculture conventionnelle de plus en plus dépendante, et que cette voie peut nous amener plus loin que celle que nous avons suivie jusqu'à présent".
Le Conseil fédéral a présenté aujourd'hui son dernier message sur la réforme de la politique agricole. Les précédentes propositions qui manquaient fortement d’ambition ont été considérablement améliorées. Mais une fois de plus, la perspective d'une politique agricole qui respecte au moins le droit environnemental fait défaut. En ce qui concerne les émissions d'azote, le Conseil fédéral est même en deçà des objectifs précédents et souhaite utiliser de nouveaux programmes pour promouvoir plus fortement l'élevage. En plus de Vision Landwirtschaft, de plus en plus d'organisations veulent maintenant obliger le gouvernement fédéral à respecter au moins les objectifs environnementaux d'ici 2035. Pour y parvenir, des améliorations fondamentales sont encore nécessaires, notamment l'omission des paiements et des programmes qui font plus de mal que de bien: "Moins, c'est souvent plus".
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(VL) L'Office fédéral de l'agriculture y travaille intensément depuis plus de deux ans et une bonne partie de ses ressources humaines a été investie dans ce projet : La "Politique agricole 2022+". Et les attentes sont importantes. La PA22+ a été annoncé il y a de nombreuses années comme une étape de réforme substantielle. Les initiatives en matière de pesticides, d'eau potable et d'élevage intensif, les objectifs climatiques, mais aussi les mauvaises nouvelles presque hebdomadaires concernant l'eau potable polluée par les pesticides, la mort des insectes, la perte de biodiversité et le changement climatique génèrent une forte pression supplémentaire.
Une tactique de mystification délibéré
En effet, le message plutôt exhaustif sur la PA22+ donne l'impression d'une réforme. Certains défis et déficits sont énumérés en détail (comme dans de nombreux messages et rapports agricoles précédents), des objectifs sont fixés et d'innombrables nouvelles mesures et changements sont proposés. Certaines d'entre elles devraient en effet apporter des améliorations substantielles. Il manque cependant une analyse sérieuse qui montrerait si et ce que les mesures apporteraient. Le message est encore loin d'atteindre les objectifs environnementaux et donc de se conformer au droit de l'environnement.
Une violation systématique des lois sur la protection de l’environnement
La politique agricole est largement au point mort depuis 20 ans. La seule chose qui a été réalisée pendant cette période a été une répartition plus équitable des ressources entre les zones de vallée et de montagne et donc une croissance beaucoup plus lente des terres agricoles sur les pentes raides - un succès auquel Vision Landwirtschaft a largement contribué. En outre, les programmes de protection des animaux ont été étendus.
Toutefois, en ce qui concerne les graves déficits environnementaux constatés, notamment en matière d'azote, de pesticides et de biodiversité, aucun progrès n'a été réalisé au cours des 20 dernières années malgré des milliards de paiements, et dans certains cas, la situation s'est même encore détériorée. Il semble que l'on doive maintenant s'attaquer pour la première fois à l'immobilisme. Mais les mesures concrètes sont encore loin d'atteindre les objectifs environnementaux, qui sont juridiquement contraignants. La solution ne réside pas dans un enchevêtrement de nouveaux programmes, parfois contradictoires. Même après la mise en œuvre des programmes coûteux sur le plan administratif, l'agriculture continuera à enfreindre la législation environnementale de manière chronique, causant des dommages qui se chiffrent en milliards d'euros chaque année. La réhabilitation des seuls captages d'eau potable, en raison de la concentration excessive en pesticides, risque de coûter des centaines de millions de francs suisses aux contribuables au cours des deux prochaines années.
Le mécontentement s'empare d'autres domaines
L'absence d'une orientation cohérente de la politique agricole vers une agriculture durable se joue en fin de compte principalement sur le dos de l'agriculture. L'activisme bureaucratique tient non seulement ce secteur en haleine, mais aussi la Confédération et les cantons avec une charge administrative inutile. Mais plus encore, de nombreux agriculteurs ont le sentiment de devenir de plus en plus la cible de l'indignation publique. Les défaillances et les dommages environnementaux leur sont imputés. Pour la plupart, ils réagissent simplement aux incitations grotesques de l'administration fédérale.
Le mécontentement suscité par le fait que la politique agricole onéreuse de la Suisse ne soit même pas capable de produire des conditions au moins juridiquement conformes, alors que d'autres pays ont fait de grands progrès au cours de la même période avec des moyens beaucoup plus modestes, s'est considérablement accru dans de nombreuses organisations.
Des revendications essentielles largement soutenues
Vision Landwirtschaft n'est heureusement plus la seule organisation avec des demandes plus ambitieuses pour un changement de politique agricole aujourd'hui. Pour la première fois, les larges organisations membres de l'Alliance Agraire, dont six organisations paysannes, s'engagent à l'unanimité en faveur des objectifs environnementaux de l'agriculture dans une nouvelle prise de position: elles exigent que la politique agricole respecte la législation environnementale d'ici 2035. Outre l'échéance, le document préconise également une trajectoire de réduction contraignante pour l'azote et les pesticides afin d'atteindre cet objectif.
Automatisme en cas d'objectifs manqués
Une autre nouvelle demande de l’Alliance Agraire concerne l'obligation d'introduire des taxes d'incitation ou des instruments aussi efficaces que les interdictions ou les réductions forfaitaires des paiements si les objectifs intermédiaires ne sont pas atteints. Cet automatisme doit éviter que le Conseil fédéral ne se contente de reporter indéfiniment à l'avenir les objectifs non atteints, comme cela a été le cas jusqu'à présent, voire de les annuler complètement. Utilisant l'exemple de l'azote, une nouvelle analyse de Vision Landwirtschaft montre que cela a effectivement été le cas au cours des 20 dernières années et que la population a été trompée à maintes reprises.
Le vent a tourné
Le Conseil fédéral et l'Office fédéral de l'agriculture ne semblent pas encore avoir suffisamment pris en compte le mécontentement croissant de la population face aux échecs de la politique agricole. En tout cas, le Conseil fédéral n'a pas encore trouvé de réponse aux initiatives concernant l'eau potable, les pesticides et l'élevage intensif dans son message. Vision Agriculture fera également tout son possible lors de la prochaine discussion parlementaire pour que l'AP22+ soit utilisé de manière cohérente pour trouver des solutions au lieu d'un travail administratif inutile, comme cela avait été promis.
Pourtant, les solutions sont depuis longtemps sur la table. C'est ce que démontrent également les milliers d'agricultrices et d’agriculteurs qui gèrent déjà aujourd'hui leurs exploitations de manière durable. En matière de politique climatique, le vent a déjà tourné. Le vent contraire de la politique agricole, qui rend encore aujourd’hui la vie difficile aux exploitations agricoles gérées de manière durable, doit maintenant aussi complètement tourner pour soutenir de manière cohérente ceux qui préparent leur agriculture pour l'avenir.
Informations supplémentaires:
- Prise de position Alliance Agraire - trajectoire de réduction
- Analyse sur l’azote de Vision Landwirtschaft
- Publication taxe d'incitation sur la recherche agricole
L’avenir du sucre suisse fait débat. Car la culture de betteraves sucrières menace de perdre tout attrait économique malgré l’énorme soutient étatique. La raison: la chute des prix du sucre sur le marché mondial. La politique agricole 22+ décidera du cadre de la poursuite de la production indigène de sucre. Jusqu’à présent, la discussion a surtout tourné autour de la rentabilité. Grâce à une campagne d’image conséquente élaborée par l’industrie sucrière, les graves problèmes écologiques sont passés à la trappe.
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(VA) C’est une volonté politique que le sucre soit encore cultivé en Suisse aujourd’hui. Et cela coûte cher au contribuable – environ 70 millions de francs par année. Cela représente environ 4000 francs par hectare, soit plus que la plupart des cultures.
Comme le prix du sucre baisse continuellement sur les marchés internationaux, la production de sucre est soumise à une pression croissante. Pour remédier à cette situation, les contributions à la culture ont encore été augmentées ces dernières années et un régime de protection douanière a été mis en place. Ces deux mesures sont controversées, c’est pourquoi la Confédération les a limitées jusqu’en 2021.
Dans le cadre de la politique agricole 2022+, il va donc falloir décider si et comment nous voulons continuer à produire du sucre à l’avenir dans notre pays. De nouvelles études commandées par l’industrie sucrière montrent que la rentabilité peut être nettement augmentée par des optimisations dans la chaîne de production. Ainsi le sucre suisse pourrait aussi avoir un avenir sans soutiens supplémentaires de l’État. Toutefois, un aspect important est occulté dans ce point de vue.
Grands déficits en matière de développement durable
Les aspects écologiques ont été presque complètement exclus de la discussion jusqu’à présent. Cela est probablement dû avant tout au fait que l’industrie sucrière a commandé plusieurs études qui attribuent un bon bilan écologique à la culture sucrière suisse. Cela a donné l’impression que tout va au mieux dans ce domaine. Mais les résultats des études ont été fondamentalement remis en question par des organisations environnementales, et les déclarations ont été critiquées comme étant tendancieuses.Alternatives à la culture de la betterave sucrière dangereuse pour l’environnement
Et si nous arrêtions de produire du sucre en Suisse? Une importation de sucre de betteraves de l’étranger ne serait guère plus écologique, mais serait plus de moitié moins chère que la matière première indigène.Bilan
La question de savoir s’il est logique de subventionner autant la culture de la betterave sucrière, a été soulevée à maintes reprises ces dernières années. D’autant plus que la Confédération mène en même temps des campagnes de prévention pour réduire la consommation de sucre.Informations supplémentaires:
>> Comment l’État rend la vie plus douce aux producteurs suisse de sucre
>> Étude économique sucre suisse
>> Fiche technique du FiBL sur les betteraves Bio (en allemand) «Merkblatt Zuckerrüben»
Encadré 1: Utilisation massive de pesticides dans la culture traditionnelle de la betterave sucrière
Encadré 2: Défis et solutions pour une culture durable de betteraves sucrières
Abandonner les pesticides dans la culture de la betterave sucrière, c’est un challenge. Le chemin du succès commence déjà avant le semis. Ainsi, le bon site, les propriétés du sol, une rotation culturale adaptée, ainsi que la sélection des variétés jouent une grand rôle pour un développement sain et une bonne capacité de résistance. Aujourd’hui, il existe déjà sur le marché des variétés très résistantes qui sont moins sensibles à la cercosporiose et également bien tolérantes à la rhizomanie.
Le Danemark est considéré comme un pays modèle en matière de politique agricole. Par exemple, nulle part ailleurs les émissions d'azote ou l'utilisation de pesticides n'ont été réduites aussi fortement ces dernières années alors que la productivité est restée la même. Et pratiquement aucun autre pays ne poursuit des objectifs aussi ambitieux en matière de protection du climat dans l'agriculture. Vision Agriculture voulait savoir sur le terrain en quoi consistent ces succès.
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(VA) Hautement professionnelle, spécialisée et taillée pour toujours plus d'efficacité et de protection de l'environnement dans un marché à peine protégé : c'est ainsi que peut se résumer la vision politique de l'agriculture du Danemark. Le premier après-midi du voyage de recherche, au cours d'une visite à l'immense institut de recherche agricole de Folum, nous apprenons comment les Danois font face à ce défi de manière ciblée.
Dans le cadre d'essais de grande envergure sur de vastes parcelles, la productivité et les effets environnementaux de différentes grandes cultures sont examinés, en particulier leur efficacité énergétique et les pertes d'azote. La productivité de loin la plus élevée, même supérieure à celle du maïs, avec des pertes d'azote nettement plus faibles et une meilleure efficacité énergétique, est obtenue par une prairie artificielle pérenne avec un peuplement de ray-grass hybride et de fétuque. Elle n'est fauchée que 3 fois par an, soit à peine la moitié de la fréquence d'une prairie intensive en Suisse.
Cette utilisation extensive des terres permet en effet d'économiser beaucoup d'énergie et d'argent tout en réduisant les dépressions de rendement qui se produisent dans les prairies après chaque coupe. "Cela maximise à la fois le rendement économique et le rendement de la biomasse ", explique le responsable de projet Sillebak Kristensen. Inconvénient : l'alimentation est difficile à digérer et donc peu adaptée aux vaches performantes, qui produisent en moyenne environ un quart de plus de lait par vache et par an qu'en Suisse.
Afin d'éliminer cet inconvénient, l'institut de recherche, en étroite collaboration avec des entreprises de construction de machines, a développé une sorte d'estomac de vache artificiel dans lequel le matériau vert est pratiquement pré-digéré. Sous haute pression, l'herbe est broyée et séparée en une fraction liquide et une fraction solide. Les protéines sont extrudées de la fraction liquide et la fraction solide est transformée en cubes d'alimentation à haute énergie. Bien que ces procédés techniques coûtent de l'argent et ne pourvoient pas complètement à leur propre financement, ils offrent des perspectives intéressantes. La protéine extrudée peut non seulement être utilisée comme alimentation locale de haute qualité pour la production laitière, mais sa composition le rend également adapté aux non-ruminants. Ce processus pourrait présenter un intérêt particulier pour la Suisse, car il pourrait remplacer dans les herbages une partie des importations de soja en augmentation constante pour les porcs et les poulets.
Cette approche d'optimisation rationnelle et techniquement orientée est caractéristique de l'approche adoptée dans l'agriculture et l'industrie alimentaire danoises. La coopération étroite et partiellement institutionnalisée entre la recherche publique, la vulgarisation semi-privée et les entreprises privées dans l'agro-industrie est également typique. De telles coopérations sont à l'origine de nombreuses innovations. Outre l’institut de recherche de Folum, un vaste parc d'innovations agricoles a été construit il y a 30 ans sur une prairie à l'extérieur d'Aarhus, où des sociétés de conseil et des entreprises privées du secteur agro-alimentaire travaillent en étroite collaboration sous un même toit.
Par exemple, le fabricant danois de machines agricoles Samson, spécialisé dans l'épandage efficace d’engrais de ferme, y est très présent. En raison de la réglementation extrêmement stricte concernant les pertes d'azote, les agriculteurs sont dépendants des techniques qui leur permettent d'atteindre ces objectifs en premier lieu. L'une des spécialités de Samson est la tonne à lisier, qui peut être utilisée pour incorporer les engrais de ferme dans le sol sans presque aucune perte. L'entreprise construit ses machines dans un nouveau bâtiment d'usine moderne près de Viborg. Les vastes bureaux très soignés rappellent davantage les banques ou les entreprises pharmaceutiques que les constructeurs de machines agricoles. Samson prospère et se développe. En raison de la forte demande au Danemark, l'entreprise est un leader mondial dans l'épandage efficace d’engrais de ferme et attend actuellement que d'autres pays de l'UE se conforment à sa réglementation et que la demande pour les produits Samson continue de croître.
Samson démontre ainsi comment des réglementations environnementales strictes stimulent l'innovation et aident les entreprises à atteindre une position de leader et améliorer leurs possibilités d’exportation dans le monde entier grâce à une technologie efficace. En revanche, les fabricants suisses de machines agricoles autrefois florissants, tels que Rapid et Bucher, ne sont plus que l'ombre de leur gloire d'antan. L'époque où les entreprises suisses jouaient un rôle de premier plan dans la mécanisation de l'agriculture de montagne est révolue depuis longtemps.
Approche politique en matière de pesticideLe Danemark adopte une approche différente à l'égard des pesticides. Les innovations techniques en matière de pulvérisation étant déjà largement épuisées, le pays a opté pour un instrument politique dans ce domaine : des taxes d’incitation. Ce faisant, les coûts des pesticides ont tellement augmenté que les produits toxiques sont désormais utilisés avec beaucoup plus de retenue. Aujourd'hui, au Danemark, la pulvérisation n'est guère effectuée de manière préventive ou selon des plans de traitement fixes, mais seulement si elle est inévitable pour assurer le rendement. Étant donné que les produits plus toxiques sont taxés plus lourdement que les produits moins toxiques, une réduction sensible de la toxicité a également été obtenue, ce qui a encore réduit la pollution environnementale. Grâce à cette mesure relativement simple d'introduction d'une taxe incitative, l'utilisation des pesticides a pu être réduite de 40 % en quelques années seulement.
La Suisse ne peut qu'en rêver : le plan d'action fédéral des produits phytosanitaires, élaboré il y a trois ans, prévoit une cinquantaine de mesures impressionnantes. Toutefois, ces mesures visent à réduire l'utilisation des pesticides de seulement 12 %. Dans une étude commandée par la Confédération à l'ETH Zurich, l'approche danoise a été examinée en détail et décrite comme très efficace. Toutefois, la résistance tenace de l'Union suisse des paysans a jusqu'à présent empêché ne serait-ce que l’examen de l'introduction de taxes d’incitation en Suisse dans le plan d'action. L'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) préfère recourir à d'innombrables petites mesures peu efficaces, et repousse ainsi le problème tout en augmentant la charge administrative.
Les pesticides et la lixiviation des nitrates sont également une question centrale dans l'agriculture danoise, car plus de 70 % des terres sont utilisées de manière intensive pour l'agriculture et, en même temps, pratiquement toute l'eau potable provient des sols agricoles. Pour les Danois, une utilisation durable des sols qui protège les eaux souterraines est donc vitale. Contrairement à la Suisse, où l'eau potable polluée peut être diluée assez longtemps par d'autres sources provenant de régions agricoles exploitées moins intensivement, le Danemark ne dispose pas de cette alternative. Cette condition préalable particulière du pays est au cœur de la politique agricole du Danemark, qui est axée de manière cohérente sur l'environnement.
Une autre différence fondamentale entre la Suisse et le Danemark concernant la politique agricole est évidente. Malgré une production intensive et une proportion de surface agricole utile beaucoup plus élevée qu'en Suisse, le lobby agricole a peu d'influence au Parlement. Le lien à l'agriculture est beaucoup plus faible chez les citoyens, dont près de 90% vivent dans les zones urbaines, qu'en Suisse. L'agriculture est considérée comme une industrie comme une autre. La politique agricole au Danemark est pragmatique etguère déterminée par les mythes qui dominent encore à ce jour dans les autres pays européens. Le marché agricole n'est donc pratiquement pas protégé et les contributions à la surface sont inférieurs à 10% de ceux de la Suisse. Il n’y a pas non plus lieu de craindre une exécution ciblée sur les objectifs qui repose sur un système de contrôle et de sanctions ingénieux et performant, contrairement à la Suisse qui montre de fortes lacunes d'exécution.
Comme tout succès, la politique agricole danoise, proche des citoyens, et le développement rapide de l'agriculture danoise vers une production plus respectueuse de l'environnement et plus efficace ont aussi leurs revers. Le changement structurel dans les exploitations agricoles danoises est beaucoup plus important qu'en Suisse. Sur un marché pratiquement non protégé, seules des exploitations agricoles de plusieurs centaines d'hectares, gérées avec professionnalisme, peuvent souvent survivre. Elles gagnent encore de l'argent aujourd'hui, mais l'agriculture à temps partiel est presque inexistante, et les diverses structures agricoles que nous connaissons en Suisse ont largement disparu.
La politique agricole suisse n'a pas besoin de réinventer la roue pour enfin résoudre les nombreux problèmes environnementaux qui se posent depuis des décennies. Elle peut apprendre beaucoup du Danemark. Vision Agriculture veut maintenant initier un tel échange. Des groupes de travail seront mis en place avec des spécialistes danois et les autorités intéressées afin de déterminer comment les programmes menés avec succès au Danemark peuvent être transférés dans notre pays. Le fait qu'un tel échange n'ait guère eu lieu jusqu'à présent est surprenant. "Nous avons beaucoup de visiteurs de nombreux pays d'Europe et d'Asie. En revanche, je ne me souviens pas de Suisses...", a déclaré en souriant Martin Hansen, responsable de la vulgarisation.
Exécution cohérente et sans failles : une caméra dans le réservoir qui peut être contrôlée directement par l'organisme de contrôle (devant le hangar moderne ouvert en bas à droite de l'image) documente si l'acide sulfurique prescrit pour la réduction de l'ammoniac est effectivement utilisé. Photo : Peter Maly
2,7 millions d'hectares, soit 60 % de la superficie du Danemark, sont consacrés à l'agriculture. Cela signifie que le Danemark possède presque trois fois plus de terres agricoles (c'est-à-dire sans alpages) que la Suisse, mais un peu moins d’exploitations agricoles. En conséquence, la taille moyenne d'une exploitation agricole est plus de trois fois supérieure à celle de la Suisse.
90% des terres agricoles sont affectées aux grandes cultures, seules 200 000 ha sont des prairies et pâturages. Les sols sont essentiellement sablonneux, les précipitations sont plus faibles et la période de végétation plus courte qu'en Suisse.
La production agricole est essentiellement hautement spécialisée et orientée vers les domaines à forte valeur ajoutée et les exportations. Le Danemark est le plus grand producteur mondial de semences de graminées et l'un des plus grands producteurs de fourrures de visons. Les piliers économiques les plus importants sont la production laitière et porcine. Le budget agricole, qui doit être réduit dans les années à venir, s'élève actuellement à environ 1 milliard de francs suisses par an, contre 3,6 milliards en Suisse.Le Danemark a ouvert la voie en réduisant les pertes d'azote dans l'agriculture pour deux raisons. D'une part, l'UE a exercé une pression avec la directive sur les nitrates pour la protection des eaux ; d'autre part, son propre approvisionnement en eau potable a été de plus en plus menacé dans les années 1980 par des niveaux élevés de nitrates provenant de l'agriculture intensive. Le Danemark a donc mis en œuvre de nombreux programmes de réduction des nitrates.
Par exemple, l'épandage de lisier avec des déflecteurs est interdit depuis les années 1990. Depuis 2011, sauf exceptions (lisier acidifié et cultures arables sur pied), la rampe à pendillards n'est plus autorisée ; le lisier doit être incorporé dans le sol par des procédures d'injection. La couverture de toutes les installations servant à stocker le lisier ainsi que des aliments pour animaux optimisés en N et en P est généralement obligatoire. En hiver, les cultures intermédiaires sont obligatoires sur les terres assolées. Si le nombre requis de plantes par mètre carré n'est pas atteint, l'azote maximal autorisé pour l'épandage est réduit. Soit ce chiffre est réduit à 90% des chiffres économiquement optimaux, soit les drainages doivent être conduits sur de petits étangs/mini zones humides (70% des sols au Danemark sont drainés), où les copeaux de bois et les plantes absorbent le P et aussi une partie du N.
Une grande importance a également été accordée à la réduction des émissions d'ammoniac. L'acidification du lisier par l'acide sulfurique est une solution répandue afin de respecter les valeurs limites fixées. Cela réduit les émissions de plus de 50 %, mais permet de garder plus d'animaux à la ferme. La mesure est coûteuse et ne bénéficie pas d'un soutien de l’État.
Dans les régions où les émissions d'ammoniac sont excessives, le nombre d'animaux a également été réduit au niveau de chaque exploitation. La raison de ces mesures est la directive sur la biodiversité de l'UE. Elle oblige les pays à respecter les charges critiques (Critical Loads) pour l'ammoniac afin de protéger la biodiversité. Toutefois, l'objectif obligatoire n'a pas encore été pleinement atteint au Danemark. Au lieu de 2020, l'objectif doit maintenant être atteint d'ici 2022, faute de quoi des pénalités seront dues.
Enfin et surtout, la limitation de l'utilisation de l'azote au niveau des exploitations agricoles est un instrument important pour les Danois afin de prévenir les dommages environnementaux. L'apport maximal possible d'azote est calculé en fonction du "BAT level for the specific farm ". Contrairement au bilan de fumure, qui devrait assumer ce rôle en Suisse mais n’y arrive pas en raison de nombreuses lacunes, la solution danoise est largement étanche. Ainsi, ce sont toujours les Best Available Techniques (BAT) qui sont prises en compte dans le bilan. Seuls ceux qui utilisent réellement ces meilleures techniques disponibles ont suffisamment d'éléments nutritifs disponibles sur l’exploitation pour leurs cultures. Les agriculteurs ont donc tout intérêt à réduire leurs émissions.
Figure 1: Émissions et dépôts d'azote d'origine agricole au Danemark et dans l'UE. À titre de comparaison : en Suisse, les émissions ont pu être constamment réduites jusqu'en 1997 ; depuis lors, elles sont restées constantes bien au-dessus des valeurs cibles légales.
Figure 2: Efficacité de l'utilisation de l'azote dans l'agriculture danoise. À titre de comparaison : en Suisse, l'efficacité de l’azote en agriculture est passée de 22% en 1990 à 30% en 2005. Depuis lors, aucune autre amélioration n'a été réalisée.
Avec la culture des fruits et légumes, c’est en viticulture que la plupart des pesticides sont utilisés. C’est pourquoi on considère ardu de se passer de ces substances toxiques. De plus en plus de pionniers montrent comment cela est possible. Le vigneron Bruno Martin est l’un de ceux qui a particulièrement bien réussi dans cette voie. Grâce au soin qu’il porte à la biodiversité, il peut même se passer d’engrais. Il montre ainsi la voie vers une agriculture d’avenir sans poison et respectueuse des ressources, qui travaille avec la nature plutôt que contre elle, engendrant ainsi moins de coûts autant dans la production que pour l’environnement.
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Les bases de la viticulture sans pesticides
Quiconque navigue sur le Lac de Bienne ne peut ignorer les vignobles qui ornent les coteaux de la rive gauche du Lac de Bienne. La production de vin blanc caractérise traditionnellement les vignobles au pied du Jura. Des cépages comme le Chasselas, le Chardonnay ou des cépages de la famille des Pinot se sentent particulièrement bien sur les sols calcaires typiques du site. Les vignes profitent de l’effet d’accumulation de chaleur du lac et des avantages microclimatiques des pentes en terrasses.
Aussi idyllique que la région viticole ensoleillée soit décrite, elle a aussi des revers: la majeure partie des vignes sont exploitées selon les directives PER et donc avec une forte utilisation de pesticides. Seuls quelques vignerons s’engagent avec conviction dans la production de vins Bios. Bruno Martin de Ligerz est l’un d’eux. Il s’investit avec passion pour une viticulture respectueuse de la nature et va bien au-delà de l’agriculture biologique elle-même: il renonce complètement aux pesticides sur toujours plus de parcelles et n’utilise plus que des stimulateurs des défenses naturelles des plantes. Son credo est un sol sain où poussent des plantes saines qui peuvent se protéger contre les ravageurs.
Dans le plus grand respect de la nature
Celui qui discute avec le vigneron remarque rapidement quelles visions forgent sa pensée. Son esprit pionnier, son courage et ses succès durement gagnés sont contagieux.
Bruno Martin exploite le domaine viticole depuis 1982. Ses huit hectares de vignes ornent les pentes de Ligerz, un petit village viticole sur la rive gauche du Lac de Bienne. S’y ajoutent environ 58 ares de surfaces écologiques dotées d’une variété de précieux éléments écologiques. Depuis bientôt 20 ans, l’exploitation suit les directives de Bio-Suisse et de Demeter.
Bruno Martin dans ses vignes avec un mur de pierres sèches qu’il a construit
Bruno Martin a appris tôt déjà de sa grand-mère l’importance d’une nature intacte. C’est elle qui lui a donné les valeurs qui l’ont façonné jusqu’à aujourd’hui: une approche respectueuse de ses semblables, mais aussi une approche juste et durable avec les bases de production.
Lorsqu’il a pu reprendre les vignes de sa grand-mère, il était le seul agriculteur, exploitant alors encore en PI, à renoncer à l’utilisation en long et en large de ces poisons acaricides. Il en a payé le prix fort déjà la première année lorsque les feuilles de ses vignes ont subi de gros dégâts à cause d’une infestation d’acariens, entraînant de fortes pertes de rendement. Cela l’a amené à réfléchir. À la place d’investir dans des pesticides, il a commencé à miser sur une biodiversité intacte. Il s’est intéressé aux bases de production du sol, il a planté des arbres et des haies, il a construit des murs de pierres sèches, il a renoncé au travail du sol et il a enherbé ses vignes.
Plus que Bio
Peu après s’être reconverti au Bio, le cépage rouge «Regent», l’une des premières variétés résistantes aux maladies fongiques «PIWI», est apparue sur le marché en 1991. Bruno Martin n’a pas hésité et il a planté ses premières vignes PIWI, dont la proportion a continuellement augmenté, jusqu’à atteindre environ 60% aujourd’hui. Cela lui a permis de réduire massivement l’utilisation de pesticides également autorisés en agriculture biologique (cuivre et soufre).
Les premiers vins de Bruno Martin produits entièrement sans pesticides, seront disponibles sur les rayons de la Coop dès l’automne prochain. Lorsqu’on lui demande pourquoi il va encore plus loin que les producteurs Bios ou Demeter dans sa conception de production sans pesticides, il répond simplement: «Les visions sont les semences pour les récoltes du futur». Il est convaincu que l’immobilisme conduit à une impasse et qu’il est indispensable de continuer le développement du «Bio» actuel.
Comment produire du vin sans pesticides
Le chemin vers la production d’un vin sans pesticides a été semé d’obstacles. Bruno Martin est un battant, et il sait comment atteindre ses objectifs. Une production sans pesticides n’est possible qu’en combinant différentes mesures et conditions préalables:
Le sol et le climat du site déterminent souvent en viticulture le succès ou l’échec en relation avec la lutte contre des maladies fongiques. Les variétés PIWI prospèrent magnifiquement dans les vignobles au top et peuvent y exploiter au mieux leur résistance aux maladies fongiques.
Après la floraison des vignes, quand les raisins ont à peu près la taille d’un petit pois, les vignes sont généreusement «effeuillées». Toutes les feuilles autour du raisin doivent être enlevées afin que l’humidité ne s’accumule pas.
Une fois toutes ces mesures prises, Bruno Martin doit parfois encore recourir au cuivre ou au soufre (Demeter autorise max. 3kg cuivre/ha/an) – mais seulement pour ses anciennes variétés sensibles aux maladies. Le mildiou peut être bien maîtrisé avec un traitement au cuivre et aux effets limités de l’utilisation du soufre. Par contre, le cuivre n’agit pas contre l’oïdium (une autre infection fongique courante de la vigne), et il faut alors utiliser du soufre.
Depuis que Bruno Martin enherbe ses vignes toute l’année et qu’il ne fertilise plus ses plantes, ses vignes n’ont plus jamais subi d’attaque de botrytis (pourriture grise qui provoque le pourrissement des raisins).
Écosystème en équilibre ou «agriculture régénérative»
Le mot «biodiversité» revient toujours dans la conversation avec Bruno Martin. Son vignoble de Ligerz est unique dans cette région. Haies, arbres fruitiers à haute tige, prairies écologiques riches en fleurs, nichoirs, murs de pierres sèches, et même hôtel pour belette embellissent les coteaux de ses vignes. Des éléments de structure se trouvent au moins tous les 50 mètres pour ce que Bruno Martin appelle la biodiversité «au-dessus du sol». Ces éléments sont entretenus avec l’amour du détail, pour que de petits êtres vivants y trouvent refuge, comme les lézards, les bourdons, les abeilles sauvages et les andrènes, ou encore des serpents. Lors de la fauche dans les vignes, une attention est aussi portée aux plantes particulières. Le résultat est impressionnant. On trouve par exemple dans son vignoble l’orchis à odeur de bouc, une espèce d’orchidée très rare et menacée, qui forme aujourd’hui l’une des plus grandes populations de Suisse.
Un hôtel pour belettes dans les vignes de Bruno Martin
Biodiversité aussi dans le sol
Pour Bruno Martin, la biodiversité souterraine est tout aussi importante que celle «au-dessus du sol». Elle a une influence énorme sur l’équilibre des sols et des plantes. Bruno Martin ne travaille pas ses sols. Il laisse ce travail aux innombrables organismes du sol qui s’occupent de l’ameublissement, de l’aération et de la perméabilité.
Lors de la reprise de vignes par Bruno Martin dans le passé, l’assainissement du sol était généralement la première mesure. Un tel assainissement ne réussit qu’en collaboration avec la nature et avec de nombreuses années de patience: ajout de compost, semis de radis fourrager, années de transition sans aucune mesure et assouplissement de démolition (ameublissement du sol jusque dans des couches profondes) ne sont que quelques-unes des mesures prises pour créer une structure de sol saine. Si le sol trouve alors un équilibre, ni apport d’engrais ni travail du sol ne sont plus nécessaires. Seule de la dolomie, une roche carbonatée riche en calcium et en magnésium, est épandue sur le sol tous les 10 ans.
Bruno Martin vit depuis des années avec ce que l’on appelle une «agriculture régénérative». Il ne cesse de le répéter: «Quand le sol, les vignes et la biodiversité sont en équilibre, alors mes raisins restent en bonne santé.»
Le courage d'innover
Bruno Martin est un vigneron convaincu, qui s’est engagé sans concession sur la voie d’une agriculture sans pesticides. Il souhaite aussi motiver d’autres agriculteurs à réfléchir aux systèmes de production actuels, à les remettre en question et à toujours emprunter de nouvelles voies.
La conversion à une production sans pesticides demande non seulement du courage et de la persévérance, mais avant tout une confiance dans la nature et ces processus.
Un avis juridique publié aujourd’hui est explosif: il montre que le texte constitutionnel de l’initiative pour une eau potable propre (IEPP) laisse une grande marge de manœuvre au Parlement pour la mise en œuvre. Elle peut être utilisée pour des solutions pratiques et sensées. L’expertise arrive en même temps à la conclusion que le Conseil fédéral a adopté une position tendancieuse et erronée dans son message sur l’initiative, au détriment de l’IEPP. La Haute école des sciences agronomiques HAFL en rajoute encore et calcule les possibles impacts de l’initiative sur la base d’informations erronées du Conseil fédéral – pour le compte de l’Union suisse des paysans dans sa campagne contre l’IEPP. Un exemple frappant de ce qui se passe entre l’industrie agricole, les autorités fédérales et la science.
ContinuerAvec son message sur l’initiative pour une eau potable propre, le Conseil fédéral a provoqué en décembre dernier un sacré embarras. Le texte de l’initiative a été interprété de manière si partiale que même les auteurs de l’initiative observent que cela allait beaucoup plus loin que leurs propres attentes. Derrière cette interprétation rigide se cache naturellement un calcul. Le Conseil fédéral est ainsi parvenu à la conclusion que „l’initiative aurait des conséquences considérables et néfastes pour l’agriculture suisse et la sécurité alimentaire“, et qu’elle devrait donc être absolument rejetée. Vision Agriculture avait alors qualifié le message du Conseil fédéral de propos alarmistes déconnectés de la réalité.
Le Conseil fédéral induit les électeurs en erreur
Désormais, un avis juridique arrive à la conclusion que dans son message, le conseil fédéral a interprété le texte de l’initiative IEPP non seulement de manière tendancieuse, mais aussi trop rigide et irrecevable du point de vue juridique. D’après les analyses juridiques détaillées, le texte de l’initiative laisse au Parlement une importante latitude dans la mise en œuvre. Elle peut être en principe utilisée de manière à ce que les effets négatifs sur l’agriculture puissent être évités.
Cette expertise commandée conjointement par l’Association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA) et la Fédération Suisse de Pêche (FSP), est rendue encore plus explosive suite à un arrêt récent du Tribunal fédéral. Le 10 avril, il a accusé le Conseil fédéral de désinformation si grave avant la votation concernant l’initiative sur la pénalisation du mariage, que pour la première fois une votation populaire devra probablement être répétée. Dans le cas de l’IEPP aussi, les fausses informations du Conseil fédéral devraient préoccuper le public et peut-être aussi occuper les tribunaux dans les mois à venir.
Une Haute école s’égare dans les bas-fonds de la politique
Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Au contraire, la désinformation du Conseil fédéral à propos de l’IEPP a déjà d’autres répercussions. La Haute école des sciences agronomiques HAFL publie également aujourd’hui une étude qui se base sur les hypothèses tendancieuses du Conseil fédéral sans esprit critique et en toute connaissance de cause, et devient ainsi une déclaration scientifiquement indéfendable – à nouveau au détriment de l’IEPP.
À savoir: l’étude a été commanditée par l’Union suisse des paysans dans le cadre de sa campagne de plusieurs millions contre l’initiative pour une eau potable propre. Plus encore: l’Union suisse des paysans a elle-même contribué au contenu de l’étude. C’est l’Union suisse des paysans qui a sélectionné les exploitations agricoles sur lesquelles calculer les impacts de l’initiative. Il s’agit d’exploitations dont la production est plus intensive que la moyenne, qui fournissent moins de services environnementaux que la moyenne, et qui seraient donc beaucoup plus touchées par l’initiative que les exploitations moyennes.
Manifestement, le HAFL n’était pas tout à fait à l’aise avec ce choix d’exploitations. „Il est important de préciser que les exploitations sélectionnées ne sont pas représentatives de l’agriculture suisse. Par conséquent, les résultats ne peuvent en aucun cas être généralisés“, écrivent les auteur(e)s dans l’introduction.
La HAFL s’interroge ainsi elle-même sur la pertinence de son étude. Elle a néanmoins publié l’étude, et des conclusions d’une portée considérable sont quand même tirées – bien sûr dans l’esprit du commanditaire qu’est l’Union suisse des paysans.
Hormis le choix tendancieux des exploitations analysées et l’interprétation restrictive juridiquement intenable, l’étude du HAFL présente d’autres faiblesses graves. Les données économiques chiffrées n’ont pas été calculées correctement et les pertes de rendement possibles ont été fixées bien trop haut (voir encadré 1 en allemand). Il est frappant de constater que toutes les erreurs vont dans le même sens: elles présentent des impacts sur l’agriculture aussi négatifs que possible qui résulteraient de l’initiative
Toutefois, certaines conclusions de l’étude – déjà largement connues – ne sont pas touchées par les hypothèses et les calculs erronés. L’IEPP constitue un défi particulier pour les exploitations particulièrement intensives avec des grandes cultures et des cultures spéciales, ainsi que pour celles qui achètent beaucoup d’aliments pour animaux (voir encadré 2 en allemand). Cet effet correspond justement à l’intention des auteurs de l’initiative, à savoir ne plus subventionner les formes d’exploitations qui nuisent à l’environnement avec des fonds publics, mais à la place mieux soutenir celles qui exploitent à un niveau adapté au site.
Moralité de l'histoire
Pourquoi une Haute école de renom s’est laissée entraîner dans les bas-fonds de la politique sous la coupe de l’Union suisse des paysans avec une étude aussi discutable, cela reste un mystère. Les opposants à l’IEPP ont visiblement un tel respect pour l’initiative qu’ils ne croient pas pouvoir venir à bout de l’initiative avec des moyens justes et objectifs. Le Conseil fédéral comme la Haute école prennent un risque énorme avec les informations fallacieuses qu’ils diffusent, et ils mettent en danger leur atout le plus important: leur crédibilité.
Par ailleurs, la Haute école a rejeté une demande de Vision Agriculture au HAFL de compléter l’étude avec des hypothèses réajustées et réalistes ainsi qu’une sélection représentative d’exploitations.
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Encadré 1 en allemand: Wo die HAFL-Studie daneben liegt
Encadré 2 en allemand: Was die HAFL-Studie an Erkenntnissen bringt
Autres documents en allemand:
- Avis juridique de VSA et FSP: Rechtsgutachten von VSA und SFV
- Étude HAFL: HAFL-Studie
- Communiqué de Vision Agriculture sur le message du Conseil fédéral Message du Conseil fédéral
Jusqu’à présent, l’impact de la politique agricole était mesuré avec des indicateurs qui voilaient plus qu’ils ne clarifiaient. Ce manque de transparence est une condition préalable décisive pour que le Parlement puisse axer la politique agricole en grande partie sur les intérêts de l’industrie proche de l’agriculture, plutôt que sur les objectifs fixés par la loi. Pour remédier à cette situation, Vision Agriculture a publié, en collaboration avec d’autres organisations, 21 indicateurs. Ils donnent pour la première fois un aperçu général de la réalisation des objectifs de la politique agricole en se basant sur les bases légales. Ils montrent que seuls 2 des 21 objectifs sont atteints. Cela concerne non seulement tous les objectifs environnementaux importants, mais aussi les objectifs économiques et sociaux qui ne sont pas atteints, souvent largement. Dans le même temps, les ressources les plus importantes sont utilisées pour des objectifs qui ont déjà été plus qu’atteints.
>> Résumé "Indicateurs d’appréciation de la politique agricole suisse"
>> Riassunto "Indicatori per la valutazione della politica agricola svizzera"
>> Berechnungsgrundlagen (bases de calcul pour les valeurs relatives aux indicateurs 2019, table Excel, en allemand)
La politique agricole a connu un boom en 2018. Pas moins de cinq textes liés à l’agriculture ont été soumis au référendum – depuis les années 1990 il n’y en avait jamais eu autant. 2018 a également été l’année où la Confédération a présenté avec l’AP22+ sa vision tant attendue pour la poursuite de la politique agricole. Toutes ces activités n’ont mis en évidence qu’une seule chose: l’immobilisme. L’initiative pour une eau potable propre, qui a été déposée en janvier de cette année, a provoqué en revanche quelques remous.
(VA) Cela faisait longtemps que la Suisse n’avait pas autant discuté d’agriculture et de politique agricole. Cinq projets agricoles, sur lesquels la population a dû se prononcer, ont fourni matière à discussion tout au long de l’année 2018.
À part générer des frais, rien à signaler pourrait résumer le bref bilan. Tous les textes agricoles ont été rejetés à une exception près. Cette acceptation a été d’autant plus forte pour l’initiative pour la sécurité alimentaire, un contre-projet élaboré par la Confédération face au texte de l’Union suisse des paysans, qui a retiré son projet en voyant qu’il n’avait aucune chance. Le texte a été accepté avec un résultat record de près de 80%.
La raison de ce succès est aussi simple que modeste: le texte laissait une interprétation très ouverte, qui a été assidûment utilisée. Les organisations environnementales y voyaient un modèle écologique, les associations économiques une occasion de réduire la protection aux frontières, tandis que l’Union suisse des paysans en espérait en revanche un renforcement de la production nationale, une restriction de l’écologie et une sauvegarde de la protection aux frontières. Aucune grande organisation ne s’est lancée dans la course contre ce texte. Également parce qu’il ne visait aucune modification explicite au niveau des lois. Un jeu démocratique inutile dans lequel les électeurs ont étonnamment joué avec passivité.
Le Conseil fédéral a achevé ce jeu inutile en novembre 2018 en présentant sa vision du futur développement de la politique agricole, qui a été élaborée ces deux dernières années: un dossier costaud de 160 pages, difficile à lire, avec de nombreuses répétitions, et quasiment dépourvu de vision. Les problèmes sont abordés et la nécessité d’agir est bien reconnue, mais le courage d’agir fait défaut. Une fois de plus, l’immobilisme est masqué par le tumulte habituel de rapports sans fin et de nombreux petits changements, qui permettront à l’administration de continuer ces prochaines années sans faire de mal à quiconque.
Immobilisme sous contrôle
Pourtant l’absence de bilan de la politique agricole suisse est grotesque au vu des milliards investis provenant de nos impôts. La Suisse s’est dotée d’un système agricole qui coûte 5 à 10 fois plus cher que dans les pays étrangers voisins. La justification de ces dépenses tient avant tout dans le soutien à une agriculture suisse durable. Pourtant la politique agricole n’a pas atteint un seul des objectifs environnementaux juridiquement contraignants ces 20 dernières années. Dans les domaines importants comme la biodiversité, l’efficience énergétique ou les émissions, la Suisse se classe parmi les pires pays d’Europe. Économiquement aussi il s’agit d’un désastre. Poussée par de fausses incitations de l’État, l’exploitation agricole suisse moyenne ne gagne aujourd’hui plus un seul centime de sa production trop chère et souvent bien trop intensive. Une grande partie de l’argent ne reste pas dans les mains des agriculteurs, mais atterri dans les secteurs en amont et en aval, qui gagnent des milliards grâce au système agricole suisse, et qui continuent d’augmenter chaque année.
Le document soumis à la consultation sur la réforme agricole 2022+ et publié il y a quelques semaines, contrairement à ce qu’avait promis le Conseil fédéral, n’apporte aucune réponse satisfaisante à la question de savoir comment remédier aux problèmes.
Mouvements de la base
Un petit groupe externe à l’establishment de la politique agricole a créé un véritable événement. En janvier dernier, l’association „Une eau propre pour tous“ a déposé l’initiative populaire „Pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l’utilisation de pesticides et l’utilisation d’antibiotiques à titre prophylactique“ après une collecte éclair de signatures. Presqu’aucune initiative n’a déclenché autant d’écho dans les médias à un stade aussi précoce que celle sur l’eau potable propre. Elle a suscité bien des inquiétudes au sein des milieux paysans. Des débats ont été organisés, une série ininterrompue de lettres ont rempli pendant des mois les colonnes des lecteurs de journaux paysans, et tout soudain ont eu lieu d’intenses discussions dans les milieux paysans autour des problèmes des pesticides, des préoccupations environnementales ou de la protection des eaux.
Non sans raison. L’initiative devrait être capable de changer fondamentalement la politique agricole et lui donner l’impulsion que la politique agricole officielle bloque depuis 20 ans avec moults efforts et actions fumeuses.
Étant donné l’absence de perspectives et solutions de la politique de la Confédération, l’initiative pour une eau potable propre est porteuse d’espoir pour de nombreuses organisations. Actuellement, plusieurs études sont en cours pour évaluer l’impact d’une acceptation de l’initiative sur l’agriculture. Les premiers résultats montrent qu’une mise en œuvre pragmatique du texte de l’initiative pourrait résoudre quelques-unes des plus importantes lacunes de la politique agricole de manière raisonnable et sans nuire à l’agriculture, en particulier dans les domaines de la qualité de l’eau, de la biodiversité, des pesticides, de l’élevage et des antibiotiques. On doit se défaire de l’idée que le prix des denrées alimentaires augmenterait, entre autres car les coûts de production peuvent être considérablement réduits en même temps que la pollution de l’environnement. La sécurité alimentaire peut même être améliorée avec des sols et des eaux moins pollués.
L'histoire se répète?
Le flot d’initiatives populaires liées à l’agriculture et l’incapacité d’agir de la politique officielle rappellent les années 1990. Aujourd’hui comme autrefois, un mécontentement diffus se fait sentir dans la population concernant le système agricole, qui coûte bien trop cher et provoque dans le même temps d’énormes dommages collatéraux. Aujourd’hui comme autrefois, les profiteurs du système disposant d’un bon réseau, et financièrement solides, tentent d’étouffer dans l’œuf tout effort de réforme. Alors que ce blocage tournait largement à vide lors des étapes de la réforme de la politique agricole 2014-17, il est à nouveau couronné de succès dans la constellation actuelle de la Berne fédérale. Plus l’impasse politique s’éternise, plus le malaise et la pression viendront du bas. L’initiative pour une eau potable propre en est un signe avant-coureur. D'autres initiatives sont en route.
Le boom de la politique agricole va donc perdurer ces prochaines années.
Le succès du domaine Lenz à Uesslingen (TG) repose sur quatre piliers: le premier est l’exploitation de la vigne selon les directives biologiques. Le deuxième est la promotion de la biodiversité qui va bien au-delà des directives. Troisièmement, Roland Lenz mise sur une grande diversité de cépages. Les nouveaux cépages résistants aux champignons sont enfin la cerise sur le gâteau. Avec ces quatre piliers, il peut presque se passer de tout pesticides aujourd’hui. Et dans la cave aussi, Roland Lenz utilise de moins en moins d’auxiliaires.
Continuer(VA) Le vignoble de Roland Lenz se distingue nettement de l’image habituelle d’un vignoble suisse. Ses parcelles sont traversées par des prairies naturelles, des buissons et de grands arbres. Entre les rangées, du vert pousse spontanément. Pour libérer de l’espace pour toute une variété d’organismes vivants, il a arraché 13 pour cent de ses vignes et planté environ 600 arbres. Grâce à une grande biodiversité, Roland Lenz n’a pratiquement aucun ravageur. Il n’a pas non plus eu besoin de pulvériser contre la drosophile du cerisier jusqu’à présent. Il est convaincu que ses vignes n’offrent simplement aucune possibilité d’attaque car elles sont protégées par de nombreux auxiliaires différents.
Illustration: Roland Lenz dans ses vignes. Photo: VA
Technique de confusion
En viticulture biologique, on ne traite qu’à partir d’un seuil de tolérance plus élevé qu’en viticulture conventionnelle. Mais Roland Lenz n’apprécie pas non plus des pesticides bio comme «Audienz», un insecticide avec la matière active spinosad, qui est autorisé en agriculture biologique par exemple contre la drosophile du cerisier. «Je ne veux utiliser aucun de ces soi-disant «insecticides bio»! Qu’ils soient d’origine naturelle ou chimique de synthèse, les pesticides sont des poisons pour les êtres vivants», explique-t-il. Il existe d’autres stratégies efficaces pour lutter contre les ravageurs: «Nous travaillons contre la drosophile du cerisier avec des pièges et utilisons la confusion sexuelle contre les vers de la grappe. Cela veut dire que nous utilisons des ampoules qui émettent des hormones féminines afin que les mâles ne puissent pas trouver de femelles et qu’il ne puisse pas y avoir de copulation».
La vitalité par la diversité
Roland Lenz est un inconditionnel de la diversité. Sur ses 17 hectares, il a 34 cépages différents. La diversité des cépages réduit aussi le risque des maladies. «Les vignes les plus vigoureuses se trouvent au milieu de parcelles mixtes. Est-ce que vous saviez que la vigne tisse en quelque sorte des amitiés?», philosophe-t-il. En plus de réduire le risque de maladies, la diversité des cépages offre aussi des avantages en cas de sécheresse, qui a justement été un problème majeur pour de nombreux viticulteurs cette année. Ses vignes sont protégées contre la grêle par des filets latéraux pérennes. Il en résulte en même temps une ombre souhaitable, de sorte que les raisins ne prennent pas de coups de soleil. Autre avantage: pas besoin d’attacher les pousses, ce qui représente une importante économie de temps de travail. Les dommages causés par les tempêtes et les pertes dues aux oiseaux sont également réduits. Contrairement aux filets jetables, les filets réutilisables sont fixés à environ un demi mètre du sol et ne posent aucun problème pour les oiseaux ou les hérissons.
Nouveaux cépages résistants aux champignons
De «nouveaux cépages» ont été plantés sur 11 hectares, soit 60 pour cent de ses parcelles de vignes. Ils sont résistants contre les champignons (voir encadré «cépages résistants»). Sur ces surfaces, Roland Lenz peut se passer de pesticides, y compris de cuivre que les viticulteurs utilisent contre les champignons et qui est problématique.
Les cépages traditionnels généralement très sensibles aux champignons, comme le Pinot Noir, ne couvrent plus que 6,5 hectares chez Roland Lenz. Il n’a pas encore trouvé de nouveau cépage vraiment bon et résistant qui pourrait remplacer le Pinot Noir. Aujourd’hui, Roland Lenz produit 60 pour cent de vin blanc et 40 pour cent de vin rouge. Pourquoi? «La sélection de variétés pour le vin rouge pour la culture sans pesticides est beaucoup plus difficile que celle des variétés pour le blanc. En plus, le climat de la Suisse alémanique est parfait pour le vin blanc», répond-il.
Produit naturel au carré
A la place d’utiliser des pesticides, Roland Lenz fortifie ses vignes avec des extraits d’algues. Ils rendent les vignes plus résistantes aux champignons et favorisent la cicatrisation, par exemple quand des feuilles sont arrachées. Si nécessaire, Roland Lenz utilise de la levure chimique contre le «vrai mildiou», et depuis peu des extraits de mélèze. Il fait confiance à son instinct au moment du traitement. Il s’appuie aussi sur ce qu’on appelle des «microorganismes effectifs» avec lesquels il a inoculé ses sols. Ils forment un système symbiotique avec les racines de la vigne. Chacun des 34 cépages est examiné séparément afin de trouver le meilleur moment pour les vendanges. A partir des raisins de deux parcelles avec des plants de Souvignier gris et de Léon Millot, Roland Lenz produit le fameux «Cerowein»: absolument aucun auxiliaire, ni dans le vignoble, ni dans la cave, c’est ce qui le caractérise. C’est remarquable quand on pense combien d’auxiliaires sont encore autorisés en vinification Bio. Le vin est devenu un produit design que l’on peut façonner arbitrairement avec des tas d’additifs. La plupart ne doivent même pas être déclarés.
Exigences élevées mais réalistes
Il arrive aussi parfois que cela tourne mal. «2015, une année humide et chaude : après trois jours de pluie je ne pouvais pas aller dans les vignes et je ne pouvais rien épandre, même pas les extraits de plantes fortifiants. Et j’ai perdu la récolte de Cabernet Jura sur deux hectares à cause de ce trou dans la défense contre les champignons», raconte Roland Lenz. Sa réussite économique lui permet de constituer des réserves pour de tels cas. En collaboration avec l’Institut de recherche de l’agriculture biologique FiBL et le marchand de vin Delinat, Roland Lenz procède à un essai de production de Pinot Noir sans pesticides. Son objectif est de cultiver toutes ses vignes totalement sans pesticides, même sans pulvérisation de cuivre. Ce sont des exigences très élevées, mais absolument réalistes, dit-il, car il a pu déjà cultiver toutes les nouvelles variétés sans pesticides. Chaque année, il renouvelle trois ou quatre pour cent du vignoble en plantant de nouveaux cépages, évidemment résistants aux champignons. Roland Lenz a de la chance avec son sol vivant: ses terres n’étaient pas un vignoble auparavant et n’ont pas été contaminées par des pesticides. Il n’a donc pas eu à reconstruire l’écosystème du sol pendant des décennies comme d’autres vignerons.
Les nouveaux cépages offrent des coûts avantageux
Roland Lenz renonce à la plupart des auxiliaires non seulement dans le vignoble, mais aussi pendant la vinification. Il économise ainsi beaucoup d’argent et réduite d’environ 50 pour cent des coûts de main-d’œuvre. L’entreprise avec Karin et Roland Lenz, deux apprentis viticulteurs, un employé de bureau et une aide-ménagère, se porte bien sur le plan économique. Par hectare de vigne, Roland Lenz compte environ 90 heures pour une récolte ou environ 1’500 francs de coûts de main-d’œuvre. C’est le même prix que pour une récolteuse. Et ils sont plus efficaces et flexibles qu’avec l’utilisation d’une telle machine. 20 client(e)s aident chaque fois à la vendange. Roland Lenz partage ses efforts entre culture de la vigne et conseils, production de raisin, vinification et vente. Son but est d’atteindre une clientèle jeune. Il ne veut donc pas proposer que du haut de gamme. Il n’y parvient que parce qu’il maîtrise les coûts. Selon lui: «Avec une bouteille que je vends 17,50 francs, j’ai encore une bonne valeur ajoutée». Roland Lenz produit plus de 70 vins différents par an.
Récompenses
L’International Wine Challenge, AWC Vienna est le plus grand concours de vins du monde avec plus de 12000 vins soumis, produits de manière conventionnelle ou biologique. Dans cet environnement international, les vins de Lenz rencontrent un vif succès et sont largement en mesure de concurrencer les vins conventionnels: en 2015 et 2016, chacun de ses vins présentés a été récompensé avec deux médailles d’or et quatre d’argent! Sur ces deux années, son vin «Panorama» a obtenu la meilleure note avec 91 points. De plus, Roland Lenz a déjà été nommé à deux reprises Meilleur Vigneron Bio Suisse de l'année, en 2015 et 2018. En cliquant ici, vous accédez au site web du domaine viticole Lenz.
Illustration: Roland Lenz dans sa cave. Photo: VA
Vinification
La quantité et la nature des substances utilisées dans la production de raisins restent un sujet d’actualité dans les médias. Il est parfois visible même pour les profanes si des herbicides ont été pulvérisés ou non entre les rangées. Par contre, ce qui se passe ensuite lors de la vinification est largement inconnu du public. Vision Agriculture a fait des recherches sur les substances autorisées dans différents systèmes ou labels pour les comparer. Cliquez ici pour la table «Auxiliaires autorisés en vinification» .Et pour vous inspirer, nous énumérons aussi les auxiliaires qu’utilise Roland Lenz pour vinifier son «Cerowein»: aucun.
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Cépages résistants
Les deux plus importantes maladies, pour lesquelles l'utilisation répétée de produits phytosanitaires est nécessaire pour les cépages traditionnels, sont le mildiou et l'oïdium. Ces maladies cryptogamiques n'étaient à l'origine pas présentes sur le territoire européen. Elles ont été introduites au 19ème siècle par l’importation de nouvelles variétés originaires d’Amérique du Nord et se sont répandues de manière exponentielle à cette époque. La viticulture en Europe a menacé de périr, à cause du phylloxéra, qui sévissait à cette même période. Depuis cette époque, toutes les variétés traditionnelles doivent être traitées avec des fongicides jusqu’à 20 fois par an, en fonction des conditions météorologiques et des moyens employés, car une attaque peut détruire totalement une récolte. Les cépages résistants aux maladies cryptogamiques (aussi appelés «PIWI») sont à l’origine issus de croisements entre des cépages européens et des espèces américaines porteuses de résistances. Aujourd’hui, on connaît de nouveaux cépages multi-résistants dont la résistance aux moisissures est stable car elle est basée sur plusieurs gènes.
(Source: https://www.piwi-international.de/fr/information-fr.html)
(VA) Deux textes concernant l’agriculture sont soumis en même temps à votation le 23 septembre. L’Initiative pour des aliments équitables veut favoriser des denrées alimentaires produites de manière équitable et durable dans le cadre des accords commerciaux internationaux existants. L’Initiative pour la souveraineté alimentaire veut aussi plus de durabilité et d’équité envers les agriculteurs. Mais cela avant tout dans une perspective paysanne traditionnelle, avec des interventions de l’état importantes et un risque de conflits avec des accords commerciaux existants. Que penser de ces textes? Nous résumons quelques réflexions sur ces initiatives dans cette newsletter.
Les exploitants Christian Meier et Bruno Künzli sont représentatifs de nombreux agriculteurs qui ne pratiquent pas la culture biologique, mais qui réussissent à produire des céréales panifiables IP-Suisse sans fongicides, ni insecticides ou raccourcisseurs de tige, ni même herbicides. Un défi exigeant entre rentabilité et écologie, qui demande une grande capacité d’observation, de calcul et de bonne intelligence. Soutenir et mettre en réseau des exploitants qui produisent sans pesticides est l’un des objectifs du projet «Agriculture suisse sans pesticides» de Vision Agriculture.
(VA) Un nombre croissant d’agriculteurs IP-Suisse cultivent leurs céréales sans pesticides. Selon le gérant d’IP-Suisse Fritz Rothen, cela représente environ 2 pour cent des surfaces de céréales panifiables. Cela ne semble pas beaucoup. Pourtant ce chiffre est d’autant plus remarquable qu’il n’y a pas de supplément de prix pour les céréales IP-Suisse sans pesticides. Sans compter que renoncer aux pesticides est un challenge: les céréales sont très sensibles à la concurrence des mauvaises herbes. Ces dernières peuvent entraîner d’importantes pertes de rendement.
Moins de pesticides, moins de coûts
L’une des clés de la rentabilité dans la culture céréalière sans pesticides, tient à la baisse des charges: «En renonçant aux herbicides, j’économise 121 francs par hectare, soit 15 francs pour le tracteur, 26 francs pour la location du pulvérisateur et 80 francs d’herbicide. De plus, selon la prolifération des mauvaises herbes, j’ai parfois moins de travail que pour pulvériser», énumère Christian Meier, agriculteur dans la cinquantaine à Niederwenigen près de Zurich.
Christian Meier et sa fille Ladina dans le champ de blé. Photo: Vision Landwirtschaft
Maintenir les mauvaises herbes sous contrôle
Pour que cela marche sans pesticides, il est important de contrôler les mauvaises herbes avec des mesures culturales comme une rotation équilibrée des cultures avec une certaine part de prairies artificielles. Alors que Christian Meier maintient une rotation des cultures fixe, le quarantenaire Bruno Künzli varie la rotation des cultures sous les noyers thurgoviens et sème ses céréales panifiables après une culture qui a été maintenue chimiquement et mécaniquement sans mauvaises herbes. En 2017, il a pu cultiver 60 pour cent de ses terres assolées sans herbicides. «Cependant, c’est ma dernière année avec du blé panifiable. A la place, je vais agrandir les surfaces d’amidonnier et d’épeautre car ces variétés, grâce à une croissance élevée, sont beaucoup mieux adaptées à la culture sans herbicides.» L’agriculteur Christian Meier rapporte la même expérience avec le seigle. «Le seigle est si haut qu’il empêche les mauvaises herbes de germer par manque de lumière.» Ni les mauvaises herbes ni les ravageurs n’ont pu nuire à ses cultures cette année. Cependant, il doit vivre avec une perte de rendement car la grêle a cassé environ 30% des grains.
Diversité des modèles d’exploitation
Christian Meier doit faire des réserves en prévision d’événements climatiques défavorables. Dans son modèle d’exploitation, dont il tire un revenu agricole de Fr. 45’000.-, il élève aussi des vaches laitières en plus de la culture des champs. «En été, quand les génisses d’élevage sont sur les pâturages, il reste du temps pour du travail supplémentaire.» Il gagne environ la moitié de son revenu annuel total comme photographe de mariage. C’est ainsi qu’ils arrivent à joindre les deux bouts avec sa femme, qui travaille à temps partiel comme jardinière d’enfants, et leurs quatre enfants de 2 à 16 ans.
Toujours quelque chose de nouveau
Bruno Künzli n’est pas non plus qu’agriculteur. Il est également courtier en assurances, mécanicien sur machines, moniteur de plongée et opérateur touristique. Le métier d’agriculteur est le plus dur de tous. Bruno Künzli est un homme qui calcule et qui compare. Il bidouille sans arrêt avec des idées innovantes qu’il teste. C’est la seule manière pour lui et ses parents de gagner encore un revenu durable sur l’exploitation. Et c’est ainsi qu’il s’en sort avec moins de pesticides. Il travaille sur différentes formes de production, qu’il recherche principalement sur internet ou en échange avec des agriculteurs bio. Il expérimente par exemple le sel pour combattre le criocère des céréales. L’agriculture lui a permis d’avoir un revenu d’environ Fr. 41’000.- en 2017.
Fonds fédéraux pour la gestion des risques
L’agriculteur Künzli reçoit un supplément de prix pour la culture sans herbicides quand il ne laboure pas le sol. Il peut alors utiliser le semis sous litière, une méthode de semis sans labour dans laquelle les résidus végétaux de la culture précédente couvrent le sol avant et après le nouveau semis, ou le semis en bandes fraisées. Avec cette méthode, le travail du sol se limite à une étroite bande de sol travaillée et aussitôt ensemencée. Le semis direct est aussi possible: l’ensemencement a lieu directement après la récolte de la culture précédente sans travail du sol. En renonçant au labour, il est difficile de se passer d’herbicides. Pourtant Bruno Künzli n’est plus autorisé à utiliser d’herbicides après la récolte de la culture préparatoire s’il veut recevoir des contributions à l’efficience des ressources. Il faut une météo idéale et un sol sec pour la lutte mécanique contre les mauvaises herbes. «Ce créneau si étroit est souvent synonyme de stress», déclare Bruno Künzli. Il doit profiter de chaque moment favorable pour contrôler mécaniquement les plantes adventices. Selon Bruno Künzli, cela entraîne des coûts supplémentaires pour le désherbage mécanique ainsi qu’un risque accru pour la culture. Mais ces facteurs sont couverts par les contributions fédérales supplémentaires. «Je reçois 150 francs par hectare pour le semis sous litière et 400 francs pour les cultures sans herbicides. J’économise en plus 150 francs de la pulvérisation.» Ces contributions et l’économie réalisée couvrent tout juste le travail supplémentaire et le rendement inférieur auxquels on peut s’attendre dans une culture sans pesticides. Avec les subventions fédérales, la quantité récoltée joue une rôle moindre dans la rentabilité économique. Les paiements directs aident à mieux gérer le risque d’une mauvaise année.
Bruno Künzli dans le champ d’amidonnier. Photo: Vision Landwirtschaft
Le rôle du marché
Fritz Rothen, gérant d’IP-Suisse, souligne que les consommateurs, mais aussi les transformateurs, exigent de plus en plus de céréales sans pesticides. Cela a des conséquences: «A partir des semis 2018, il y aura une interdiction de glyphosate pour les céréales panifiables Extenso. Cela vaut aussi pour la culture préparatoire.» Les céréales Extenso IP-Suisse ne sont donc pas traitées avec l’herbicide le plus controversé et le plus fréquemment utilisé. Mais elles ne sont pas totalement exemptes de pesticides, car l’utilisation d’autres herbicides est toujours autorisée. Au moins, cette interdiction du glyphosate a fait bouger les industries en amont et en aval. Les fabricants de machines auraient soudainement mis sur le marché des outils de désherbage mécanique plus précis. Ils pourraient être utilisés autant avant la sortie de terre qu'après la germination des grains de céréales.
Variétés suisses résistantes
Les semences de céréales IP-Suisse proviennent exclusivement de variétés suisses. D’une part, elles sont plus résistantes aux maladies et aux ravageurs que de nombreuses variétés étrangères, et d’autre part elles produisent de la farine de haute qualité, déclare Fritz Rothen. «Les céréales panifiables exemptes de pesticides sont de plus en plus comparables aux céréales conventionnelles sur le plan économique», ajoute-t-il. Jowa, une filiale de Migros, achète 80 pour cent des céréales panifiables pour ses boulangeries avec le label IP-Suisse et joue ainsi un rôle décisif dans la détermination de la qualité et du prix. Migros ne fait pas encore la promotion de céréales sans pesticides. De plus petits moulins, comme l’entreprise Bachmann à Willisdorf (TG), à qui l’agriculteur Bruno Künzli livre ses céréales, ou le moulin Steinmauer (AG), qui prend les céréales panifiables de l’agriculteur Christian Meier, font de la publicité avec le slogan «voll Natur» («pleine nature»). Fritz Rothen en est convaincu: «L’avenir appartient à la culture de plantes résistantes, au travail minimum du sol, et aux techniques robotiques pour les travaux sur le terrain.»
La recherche comme l’innovation au moyen de la technologie moderne et de la sélection, montrent la voie vers une agriculture sans pesticides.
René Sgier, exploitant de «Hansjürg Imhof Bioprodukte» à Schwerzenbach (ZH), réfléchit de manière pratique. Il cultive des légumes sur 70 hectares, sans pesticides. Il gère la plus grande exploitation maraîchère de Suisse selon les directives Demeter. Il n’a aucune baguette magique. Mais il observe, réfléchit, soupèse et prend des décisions économiquement intelligentes. Il explique sans idéologie, mais avec beaucoup d’expertise, ce qu’il entend par de bonnes pratiques culturales: sélectionner quelques variétés, choisir des sites appropriés et favoriser les auxiliaires. Il prend soin du sol pour préserver autant que possible sa structure et bien laisser prospérer les organismes qui y vivent. Il crée ainsi dès le départ un bon climat pour des plantes saines.
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[1] Dans la définition du Plan de réduction des pesticides en Suisse (2016, p. 6) le Bt n’est pas considéré comme un pesticide, mais comme un produit phytosanitaire non problématique pour l’environnement.
René Sgier
Jeunes plants de brocoli pour la production de semences d'une variété résistante aux ravageurs
Réussir sans pesticides reste encore pour beaucoup une utopie. Pourtant des centaines d’agriculteurs et d’agricultrices prouvent chaque jour en Suisse et dans le monde qu’une agriculture productive et rentable est possible sans une utilisation régulière de poison. L’objectif ambitieux du nouveau projet de Vision Agriculture est de contribuer à la percée en Suisse d’une agriculture libérée des pesticides. Un grand nombre d’organisations des domaines de l’agriculture, de l’environnement, de la santé et de la consommation partagent cette vision.
Noël approche à grands pas, et vous cherchez un sapin de Noël écologique?
Même les sapins de Noël suisses ne sont pas toujours écologiques. Toutefois, il y a de plus en plus de producteurs qui s'engagent pour une culture durable et qui abandonnent totalement ou partiellement les pesticides. Le commerce soutient ces efforts: en collaboration avec Coop, Vision Agriculture a élaboré des directives pour la culture de sapins de Noël avec une utilisation réduite de produits chimiques. Landi applique également ces lignes directrices depuis cette année. Ainsi deux des plus grands fournisseurs assurent une plus grande durabilité pour la féérie de Noël.
La demande touche la population; pour son initiative pour une eau potable propre, Franziska Herren a recueilli plus de 100’000 signatures en peu de temps avec une petite équipe et pratiquement aucun soutien de grandes organisations. Personne ne l’aurait cru possible. Les listes de signatures seront remises au Palais fédéral dès la mi-janvier. Cette initiative en a sous le capot!
La sécurité alimentaire n’est pas garantie par un taux d’auto-approvisionnement le plus élevé possible. L’agriculture suisse produit aujourd’hui si intensivement qu’elle est devenue en grande partie dépendante d’importations de l’étranger. Cette évolution n’apporte qu’un succès limité du point de vue économique, et détruit de plus en plus la base la plus importante de la sécurité alimentaire.
L'intégralité de cette newsletter n'est disponible qu'en allemand.
(VL) Les animaux maltraités dans l’exploitation thurgovienne de Hefenhofen a suscité une vague d’indignation dans toute la Suisse. Ce cas laisse un goût amer. Souvent des actions ne sont entreprises que lorsque la pression de l’opinion publique devient trop forte, même dans le domaine de la protection des animaux, dans laquelle l’application marche encore le mieux. Le laisser-faire dans l’exécution de la législation est une tradition dans le système suisse de l’agriculture. C’est un véritable poison pour sa plus grande richesse : la confiance des consommateurs et des contribuables.
Dans la législation agricole, le bien-être des animaux est effectivement de loin le plus rigoureusement appliqué. Car les autorités le savent bien : en cas d’incident dans ce domaine, la vindicte populaire déferle. Qu’un cas comme Hefenhofen puisse arriver est donc surprenant et montre qu’on détourne encore les yeux même dans ce domaine si sensible et émotionnel.
Dans d’autres domaines pour lesquels la majorité de la population se sent moins concernée, le laisser-faire est devenu une pratique systématique dans le système agraire. Rien que dans le domaine de l’environnement, les infractions non sanctionnées ou même existantes cachées par les autorités ne sont plus d’actualité.
Exemple de l’ammoniaque
Prenons l’exemple des émissions d’ammoniaque dans le canton de Lucerne. Le cheptel y est particulièrement élevé en raison d’un „développement interne“ longtemps et activement soutenu par l’administration et d’énormes importations de fourrage. Ce développement est si intense que les valeurs limites d’émission d’ammoniaque, dites „critical loads“, sont dépassées de plusieurs fois et depuis des nombreuses années sur presque tout le territoire à cause de l’élevage animal. Cela est en contradiction autant avec les conventions internationales que le droit fédéral, car cela endommage durablement les écosystèmes les plus sensibles comme les forêts et les tourbières. Le Conseil d’Etat lucernois a reconnu la situation et constaté en 2007 que la rénovation et les nouvelles constructions d’étables les émissions doivent être réduites de 20% par rapport à l’état initial en 2000, une réglementation prise en exemple dans toute la Suisse.
Pourtant l’autorité d’exécution se soucie de cette décision comme d’une guigne. Des agrandissements et nouvelles constructions de poulaillers et de porcheries continuent de recevoir des autorisations. Pour les requêtes, ce ne sont pas les demandeurs mais le service cantonal qui calcule l’impact des émissions du projet. Toutes les astuces possibles sont utilisées. Le bilan des émissions est si bien arrangé que la réduction des émissions de 20% prescrite par le Conseil d’Etat est atteinte sur le papier. Même quand des exploitations doublent leur cheptel, le calcul cantonal arrive à présenter la réduction suspecte de 20%. Comme par magie, cela marche même sans les mesures actuellement disponibles – mais un peu moins attractives économiquement parlant – pour la purification de l’air évacué.
Tous ont détourné les yeux de ce bidouillage jusqu’à présent. Aucun journal n’en a encore fait état, et de nombreuses personnes impliquées en politique et des offices connaissent les astuces de la branche depuis des années. Pendant ce temps, l’effectif lucernois de bétail continue joyeusement d’augmenter. Ainsi l’énorme réduction officiellement souhaitée des émissions d’ammoniaque reste un vœu pieux des politiques et ne sera jamais atteinte.
Exemple de la protection des eaux
Un domaine dans lequel il y a des manquements graves est la protection des eaux. Pro Natura a constaté avec des études détaillées dans différents cantons de la Suisse orientale et de la Suisse romande que les bandes tampons de protection des cours d’eau ne sont pas respectées dans plus de la moitié des cas étudiés concernant l’utilisation d’engrais. L’enquête de Pro Natura a certes engendré quelques articles dans la presse, mais l’indignation s’est vite éteinte et le laisser-faire routinier a vite repris ses droits. Du côté des autorités, rien ne semble avoir été entrepris pour prendre le problème à bras le corps.
Prolifération incontrôlée des pesticides
Un exemple préoccupant de mise en œuvre pratiquement inexistante concerne l’utilisation de pesticides dans l’agriculture. Dans ses recherches pour le plan de réduction des pesticides, Vision Agriculture a fait faire des sondages pour connaître comment l’application des pesticides est contrôlée en Suisse et comment les directives légales sont mises en œuvre. Cela a révélé que des violations dans l’utilisation des pesticides sont à l’ordre du jour dans certaines régions concernant la législation sur l’environnement. Dans de nombreux cantons, l’observation de la distance aux cours d’eau ou aux routes n’est jamais contrôlée et en conséquence souvent pas respectée. Une infraction a même été signalée dans l’exploitation d’une école d’agriculture, le long de la route directement devant la fenêtre d’une salle de classe.
La situation dans les vignobles valaisans est particulièrement frappante. Dans le périmètre étudié, pas un seul cas n’a été rapporté dans lequel la distance aux routes, bosquets ou cours d’eau n’a été respectée lors des vols d’épandage par hélicoptère. La plupart du temps la zone tampon manquait complètement. Alors même que sur le terrain le marquage des lignes de vol était visible en permanence. Les distances minimales ont été systématiquement ignorées lors d’application d’herbicides au sol. Même la pulvérisation de cours d’eau avec des pesticides depuis un hélicoptère ou depuis le sol est monnaie courant en Valais. Aucune de ces infractions flagrantes à la législation, au vu et au su de tous, n’a été dénoncée ne serait-ce qu’une seule fois par des organisations locales de protection de l’environnement.
Vision Agriculture a immédiatement rendu les offices compétents de la Confédération et des cantons attentifs à ces violations graves consignées en détail (rapport sur demande). C’était déjà en 2013. Mais depuis, ni l’office valaisan de l’agriculture ni les offices fédéraux n’ont entrepris quoi que ce soit. Finalement, Kassensturz et Sonntagsblick ont fait écho au scandale valaisan sur les pesticides en juin dernier et ont couvert le cas de manière exhaustive. Le battage médiatique a enfin fait bouger les autorités. Mais le mal est déjà fait depuis longtemps. L’image du vin valaisan pourrait souffrir durablement de cette déficience institutionnelle.
Les autorités font partie intégrante du système
Ce n’est pas simplement par paresse ou indifférence que les autorités détournent volontairement les yeux. La force motrice est généralement une pression massive de la branche, qui travaille étroitement avec la presse agricole. Si un fonctionnaire ou un office enquête activement sur un manquement, réduit des paiements directs ou annule une autorisation, la personne en charge est contactée par téléphone ou convoquée à une rencontre pour être interrogée. Ou l’office concerné est menacé de réduction de budget par des interventions au parlement cantonal. Dans d’autres cas, les fonctionnaires sont publiquement traînés dans la boue par les médias agricoles. C’est aussi ce qui est arrivé au vétérinaire de Thurgovie quand il a voulu activement intervenir il y a quelques années dans un cas de protection des animaux.
La culture du laisser-faire, profondément ancrée dans le système agraire, est susceptible d’être une des plus grandes faiblesses de la politique agricole suisse. Dans de nombreux domaines, l’application de la législation agricole est quasiment inexistante, même s’il existe de grande différences d’un canton à l’autre.
Ce n’est qu’avec une culture de la transparence, du regard critique et du développement constructif, que l’agriculture peut préserver la grande confiance dont elle jouit encore aujourd’hui dans le public. Se forger une bonne réputation est un travail de longue haleine, et il suffit de quelques scandales pour la détruire. C’est pourquoi Vision Agriculture s’engage, malgré les vents contraires qui soufflent toujours violemment, pour une observation active et une application efficace et cohérente de la législation.
Newsletter disponible seulement en allemand "Fleisch: Wo Schweiz drauf steht, ist nicht mehr viel Schweiz drin"
La production de sapins suisses est en augmentation. Mais la provenance locale n'est pas toujours motivée par des choix écologiques. Un projet mené par Coop et Vision Agriculture montre comment il est possible de lier les deux !
La valeur ajoutée produite par l’agriculture suisse est en queue de peloton sur le plan international. En comparaison avec l’année précédente, les chiffres du Rapport agricole 2015 indique une diminution de 15% pour se situer à 1.8 milliards de francs. Cependant, les chiffres de la Confédération ne reflètent qu’une partie de la réalité, car ils considèrent le soutien des prix comme partie intégrante de la valeur ajoutée. Le déficit compensé par ce soutien s’est en réalité empiré pour passer de 1.5 milliard de francs en 2014 à 2.3 milliards pour 2015.
La mise en consultation du plan d’action national sur les produits phytosanitaires (PAN-PPh) se termine à la fin de la semaine. Vision Agriculture ne peut que soutenir la démarche entreprise par la Suisse d’élaborer un plan d’action national. De même, nous soutenons les propositions formulées dans le PAN visant à améliorer l’utilisation et la sécurité des produits phytosanitaires (PPh), avec comme optique d’en utiliser « aussi peu que possible mais autant que nécessaire ». Toujours-est-il que la version actuelle du PAN reste clairement éloignée des missions qui lui sont confiées.
Les producteurs suisses voient le prix du lait chuter suite à une surproduction. La perspective d’un prix plus élevé étant de plus en plus lointaine, l’examen des coûts est déterminant pour l’amélioration des revenus. En Suisse, ce sont les exploitations qui suivent la doctrine du haut rendement qui dominent dans la production laitière, et elles affichent de mauvais résultats. La production basée sur les herbages, en particulier orientée sur la pâture, est significativement meilleure marché. En utilisant ce potentiel, les producteurs pourraient gagner globalement au moins 160 millions de francs en plus – tout en ayant un meilleur bilan écologique, en créant une détente sur le marché du lait et en améliorant le bien-être animal. Ces résultats sont présentés dans la nouvelle Fiche Info de Vision Agriculture.
Pour garantir l’approvisionnement alimentaire des hommes, selon la thèse largement répandue, il faut impérativement augmenter les rendements agricoles. Cependant un examen plus approfondi des interrelations complexes montre qu’une production encore plus intensive est la stratégie la plus inefficace et la plus nuisible à la sécurité de l’approvisionnement dans les pays avec une agriculture „high-input“.
Dans un pays comme la Suisse, avec une production agricole intensive, accroître encore les rendements ne contribuerait ni à la sécurité alimentaire nationale, ni à l’alimentation mondiale, bien au contraire. Nous en avons déjà parlé dans une newsletter précédente (novembre 2015). Ici la question est : est-ce qu’il existe des alternatives ? De fait, il n’en manque pas. Les quatre les plus importantes ne sont pas seulement meilleur marché, mais agissent aussi plus rapidement, de manière plus durable, en respectant plus la santé et l’environnement qu'une croissance des rendements.
Conclusion
Il existe des mesures qui peuvent augmenter le taux d’auto-approvisionnement et la sécurité de l’approvisionnement de manière bien plus forte et meilleur marché qu’une production intensive et conditionnée à de hauts rendements, qui entraîne de grands dommages à l’environnement et réduit le potentiel de production du sol. Parmi ces mesures efficaces, il y a les efforts qui intègrent le gaspillage alimentaire, la consommation de viande et l’utilisation efficiente des ressources. De telles mesures doivent à l’avenir être au centre des efforts de la politique agricole pour la sécurité alimentaire et remplacer l’actuelle détermination indéfendable à rechercher des rendements les plus hauts possibles qui doivent continuer à croître. Cela laisserait ainsi une important marge de manœuvre pour une production plus durable, plus respectueuse de l’environnement, et qui en même temps maintiendrait et améliorerait des bases de production au lieu de les dégrader de plus en plus.
En Suisse, les pesticides sont utilisés en quantités nettement supérieures aux besoins. D’ici à 2020, il serait possible d’en réduire l’utilisation de plus de 50%. C’est ce qui ressort du plan de réduction des pesticides publié aujourd’hui par Vision Landwirtschaft, dont les revendications sont soutenues par une large alliance des cercles de l’agriculture, de l’approvisionnement en eau potable, de la protection des eaux, de l’environnement, de la santé et des consommateurs. Le plan de réduction des pesticides présente des alternatives possibles à l’utilisation actuelle des pesticides et complète ainsi le plan d’action national sur les produits phytosanitaires que le Conseil fédéral va mettre en consultation ces prochaines semaines.
Le plan de réduction des pesticides est basé sur une analyse systématique de la situation en Suisse et sur les expériences faites dans les pays ayant déjà élaboré un plan d’action en vue de réduire l’emploi des produits phytosanitaires. Cette analyse montre que la Suisse fait partie des pays qui utilisent des pesticides en quantités particulièrement élevées. Les dépassements par rapport aux prescriptions légales sont quotidiens. La présence de bien plus de 100 substances indésirables est régulièrement constatée dans les eaux. Pour ce qui est de la transparence et de la disponibilité des données en matière d’utilisation de pesticides, la Suisse se situe en queue de classement des pays d'Europe. Les conséquences des pesticides sur la biodiversité, la santé des populations et le sol ne sont connues que de manière fragmentaire et les risques sont élevés en proportion. L’analyse met également en évidence le fait qu’une forte utilisation de pesticides n’est souvent pas judicieuse sur le plan économique.
Les alternatives ne sont jusqu’à présent pas assez exploitées
Les mesures décisives qui pourraient garantir une production sûre et durable des aliments issus des cultures agricoles, ne reposent pas sur l’utilisation de pesticides, mais sur la mise en place adaptée des cultures et de bonnes pratiques d'exploitation. Dans les zones privées et urbanisées, il est même possible de bannir complètement l’usage des pesticides problématiques – c'est ce qui a été fait en France. Certaines mesures parfaitement réalisables permettent de réduire l’emploi de pesticides de 40-50% dans l’agriculture et même de 80% dans les zones privées, sans difficultés d’approvisionnement et sans coûts supplémentaires pour le contribuable – mais en revanche avec un impact positif sur les eaux, le sol et la biodiversité.
De nombreuses organisations appartenant aux cercles de l’agriculture, de l’approvisionnement en eau potable, de la protection des eaux, de l’environnement, de la santé et des consommateurs soutiennent explicitement l’orientation principale du plan de réduction des pesticides et exigent de la Confédération que celle-ci exploite les alternatives à l’emploi de pesticides et mette résolument à profit les opportunités socio-économiques et écologiques qui en découlent. Le «plan d’action visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires» de la Confédération sera envoyé en consultation prochainement et confronté à l’actuel plan de réduction des pesticides.
Les antécédents
En mars 2012, la Conseillère nationale Tiana Moser a déposé un postulat (12.3299) chargeant le Conseil fédéral d'examiner si – et sous quelle forme – un plan d'action visant à la réduction des risques et à l'utilisation durable des produits phytosanitaires, similaire à celui prévu par l'UE, permettrait de réduire la pollution causée par les pesticides en Suisse. Le 23.5.2012, le Conseil fédéral a proposé d’accepter le postulat; le Conseil national l’a adopté le 15.6.2012. Le 21.5.2014, le Conseil fédéral a publié la détermination des besoins correspondants.
Un an auparavant, le 2.5.2013, la Commission de la science, de l'éducation et de la culture s’était prononcée dans sa motion 13.3367 en faveur d’un paquet de mesures visant à l’utilisation durable des produits phytosanitaires et un certain pourcentage de réduction de leur emploi jusqu’en 2023. Le Conseil national et le Conseil des États ont approuvé sans opposition. Depuis, les offices fédéraux travaillent à l’établissement de ce plan d’action.
En collaboration avec un groupe d'accompagnement, Vision Agriculture a élaboré le plan de réduction des pesticides publié ce jour. Celui-ci respecte l’orientation principale du plan d’action fédéral tout en donnant une vision globale de l’emploi des pesticides et en présentant des possibilités de réduction substantielle. Les bases, faits et mesures ainsi rassemblés ont pour but de soutenir la procédure de réduction déterminante des pesticides en vue de protéger la santé des populations et l’environnement.
Faits & chiffres clés
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Documents et liens: La version intégrale du plan de réduction des pesticides est disponible en français et en allemand; le résumé, en français, en allemand et en italien. La version imprimée peut être commandée auprès de Vision Landwirtschaft, les versions PDF sont à télécharger sur les sites Internet de Vision Landwirtschaft et d’autres organisations.
www.pestizidreduktionsplan.ch
Quelle est la valeur ajoutée de l’agriculture suisse ? Elle est indiquée dans les comptes économiques suisses de la Confédération : 2,2 milliards de francs. Mais ce chiffre est trompeur et camoufle la situation économique réelle de l’agriculture car ni la protection à la frontière, ni les prestations d’intérêt général fournies par l’agriculture ne sont prises en compte. Une nouvelle étude montre ce à quoi devrait ressembler un calcul proche de la réalité qui se base sur les chiffres de la Confédération et de l‘OCDE. La différence avec les chiffres officiels se monte à plus de 3 milliards de francs.
Pourquoi l’Union suisse des paysans lance une initiative et ne veut pas dire quels objectifs elle poursuit.
La Confédération contrôle la répartition des dépenses agricoles avec les enveloppes financières destinées à l’agriculture. La procédure de consultation sur les enveloppes 2018-21 se termine le 18 février. Vision Agriculture rejette catégoriquement les réductions proposées par le Conseil fédéral pour les paiements directs axés sur les prestations et revendique à la place une réduction et une importante réallocation des „contributions à la sécurité de l’approvisionnement“ peu efficientes et préjudiciables.
Une autre agriculture est possible, et vous n’êtes pas seuls à la revendiquer: tel est le message que l’Association Pissenlit voudrait transmettre aux paysans. À cette fin, les quatre membres de l’association sont allés à la rencontre d’agriculteurs vaudois pour les interroger sur leurs pratiques agricoles, leurs motivations, leurs préoccupations.
Produire le plus possible possible, c'est devenu le but principal des organisations paysannes, en le justifiant par la sécurité à l'approvisionnement. Mais des simulations de scénarios de Vision Agriculture montrent qu'ainsi la sécurité à l'approvisionnement n'est pas renforcée mais fragilisée. En temps de crise, la Suisse peut parfaitement se nourrir elle-même avec une réduction de 10 à 20% de la production.
Selon un récent sondage, la population suisse attend de l'agriculture suisse qu'elle continue sur la voie de la réforme de la politique agricole 2014-17 vers plus de durabilité. Le peuple élit en ce moment un nouveau Parlement. Cela influence aussi la direction que prendra la future politique agricole.
Les nouveaux programmes de prestations de la PA 2014-17 ont reçu un accueil favorable des paysans et paysannes – meilleur que ce qu'attendait la Confédération. C'est ce que montrent les chiffres présentés actuellement de l'Office fédéral de l'Agriculture (OFAG). Cependant l'OFAG veut maintenant en partie revenir en arrière sur les changements qu'il avait lui-même instaurés. Les contributions à la biodiversité doivent en particulier être massivement réduites.
Miguel Altieri, professeur à Berkeley (USA) reconnu à travers le monde comme pionnier de l'agroécologie, participe ces jours-ci à deux conférences en Suisse. L'agroécologie une science transdisciplinaire qui étudie les agroécosystèmes dans leur contexte technique et socio-culturel à la recherche de plus d'autonomie. Elle offre une alternative à l'agriculture industrielle productiviste qui nous mène dans une impasse environnementale, économique et sociale.
Le Bio peut toujours devenir "conventionnel". Mais le Bio, c'est aussi très varié. Toujours plus d'exploitations Bio vont aujourd'hui bien au-delà des exigences "ordinaires" de l'agriculture biologique. L'exploitation maraîchère de Roger Gündel montre à quoi cela peut mener. Son type d'agriculture se distancie plus de l'agriculture biologique que le Bio ne le fait de l'agriculture conventionnelle. Son "Bio+" montre clairement le potentiel qui existe dans une agriculture adaptée au lieu et à la nature.
Quatre initiatives sur l'agriculture sont déjà lancées. Et maintenant c'est le Conseil fédéral qui veut aussi modifier l'article constitutionnel sur l'agriculture. C'est ce qu'il a décidé dans sa séance d'aujourd'hui. La lutte acharnée pour l'orientation à donner à l'argent dédié à l'agriculture est définitivement relancée, à peine un an après l'introduction de la nouvelle politique agricole PA 2014-174-17. Sans raison objective, que sur des considérations sur des enjeux électoralistes et associatifs.
À peine les premiers décomptes de paiements directs disponibles, qu'ils sont aussitôt utilisés à des fins politiques. Avec les chiffres trompeurs de quelques cas individuels, certains milieux paysans voudraient montrer que le nouveau système de paiements directs a des effets "catastrophiques". Mais une vue d'ensemble sérieuse ne sera pas disponible avant février 2015. Ce qu'il faut maintenant, ce ne sont pas de nouvelles tergiversations politiques, mais un regard positif tourné vers l'avenir, et le soutien des exploitations agricoles dans la mise en pratique des nouveaux programmes pour rendre l'agriculture durable sur les plans économique et écologique.
Le soutien, par le Confédération et les cantons, de l'élevage d'animaux non adapté au site et partiellement ou totalement indépendant du sol est contradictoire à plusieurs niveaux avec les tâches principales politiques et légales – comme pour l'aménagement du territoire, les objectifs environnementaux de l'agriculture, mais aussi les buts de la Constitution concernant l'agriculture pour une production durable et paysanne. Le boom de nouvelles constructions d'étables avec une base fourragère propre insuffisante, ne doit plus être soutenu avec de l'argent des contribuables et des privilèges.
Les experts sont rarement aussi unanimes: les "bandes fleuries" proposées par l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) comme nouvel élément de compensation écologique nuit à la biodiversité dans les terres agricoles plus qu'elle ne lui est utile. Pourtant la Confédération s'accroche à ces bandes fleuries. Les dessous d'une ineptie.
Christophe Viret exploite 45 ha de grandes cultures et de prairies au-dessus de Morges. En bio depuis 2012, il pratique le non labour sur toutes ses parcelles depuis 20 ans, et suit sa propre voie, proche de l'agroforesterie ou de la permaculture, à la recherche de l'autonomie de son exploitation.
L'Union suisse des paysans (USP) lance une "initiative populaire pour la sécurité alimentaire", pour "préserver, à long terme, l'approvisionnement de la population suisse avec des denrées alimentaires issues d'une production indigène diversifiée".
Vision Landwirtschaft (VL) a influencé de manière décisive la nouvelle politique agricole. De nombreuses innovations dérivent directement ou indirectement de notre think tank. Grâce à un réseau nouvellement formé et qui fonctionne bien, et au travail de fond de VL qui a toujours donné le ton, de nombreuses propositions de réforme ont pu percer au Parlement malgré une opposition massive des cercles les plus conservateurs. Réjouissons-nous de ce qui est été atteint : la PA 2014-17 est un premier pas en direction d'une agriculture respectueuse des ressources et d'une politique agricole efficace et ciblée.
L'agriculture est fière de ses rendements de plus en plus hauts et de son rôle primordial dans l'approvisionnement de la population. A cette fin elle utilise volontiers, ou par obligation, des produits phytosanitaires. Mais à quel prix? Après de nombreux cas de maladies et de décès professionnels liés aux pesticides, une opposition paysanne s'est mise en place en France contre l'utilisation intensive des pesticides.
L'audition du train d'ordonnances arrive à terme fin juin. Ces ordonnances apportent il est vrai de nombreuses améliorations par rapport à la situation actuelle, mais dans l'ensemble ne s'en tiennent pas au message du Conseil fédéral, sur la base duquel le Parlement a débattu. Les perdants sont les régions de montagne, l'environnement, la valeur ajoutée et le revenu de l'agriculture. Vision Landwirtschaft réclame des corrections substantielles. Cependant malgré nos critiques, nous refusons résolument de combattre la PA 2014-17 avec un référendum.
1.1 | Contribution au maintien d'un paysage ouvert (Fr./an) | -20*20 = -400 | |
3.1.1 | Contribution à la qualité pour prairie extensive | -4*200 = -800 | |
3.1.2 | Contribution à la qualité pour prairie peu intensive | -4*50 = -200 | |
5.3 | Contribution à la production de lait et de viande basée sur herbages | -20*100 = -2'000 | |
Total Fr./J. | -3'400* |
Il est vrai qu’il y a toujours des agriculteurs qui présentent fièrement les vaches les plus belles et les meilleures dans les expositions internationales. Et il y a encore des agriculteurs qui élèvent des animaux de pointe dans leurs étables. Cependant ce qui pousse à cette évolution vers des rendements laitiers extrêmes n’a presque plus rien à voir avec une agriculture autochtone, et rime bien plus avec industrie et profit.
Immense a été le soulagement en ce jour d’hiver ensolleilé. Il y a encore un mois, la Commision des Etats chargée de l’examen préalable faisait contre toute attente un retour en arrière sur certaines clés de voûte de cette réforme. Mais le Conseil des Etats a pris fait et cause pour la réforme du Conseil fédéral au plénum en ce 12 décembre. Il est même revenu sur quelques manoeuvres de détournement du Conseil national. Ainsi les étapes de la réforme, dans ses grandes lignes, sont sous toit pour les quatre prochaines années.
Réforme de la politique agricole: Le lobby de l’Union suisse des paysans fait perdre du revenu et de la valeur ajoutée aux paysans