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NEWSLETTER / 4.11. 2021

Il est temps d’explorer de nouvelles voies en Suisse

Il est temps d’explorer de nouvelles voies en Suisse

En misant sur les produits alimentaires certifiés biologiques, les restaurants et les institutions publiques pourraient servir de modèle pour amorcer le changement vers une agriculture biologique (cf. newsletter juillet). Cependant, la Suisse n’en est encore qu’à ses balbutiements dans ce domaine : dans notre pays, rares sont les projets pilotes tels que la Fondation House of Food(créée par la ville de Copenhague en 2007), qui informe les institutions et les restaurants sur la transformation de leur cuisine en vue de la préparation d’aliments biologiques et durables et les accompagne dans le processus de transformation. House of Food prouve qu’un changement dans les cuisines collectives et les restaurants est tout à fait possible : durant ces dix dernières années, 1600 entreprises de restauration publiques sont passées aux produits biologiques à 90 % à Copenhague et à Aarhus. En Suisse, il manque encore la pression et l’incitation politique pour qu’un système de livraison et de production biologique puisse être mis en place dans les cuisines collectives et les restaurants.

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(VL) Murhof – le concept global mise sur le bio

L’exemple du home Murhof Betreutes Wohnen & Pflege à St. Urban, dans le canton de Lucerne, prouve que d’autres solutions existent : le home Murhof se prépare actuellement à la certification Demeter. L’institution n’entend pas seulement faire certifier la cuisine, mais l’ensemble de l’exploitation, ce qui est une première en Suisse. Lors de l’entrée en fonction du nouveau directeur Hansueli Eggimann en 2017, la cuisine a été entièrement reconvertie au bio.
Mais comment cela est-il réalisable sur le plan financier ? Comment le Murhof parvient-il à faire ce que d’autres prétendent impossible, à savoir cuisiner entièrement bio dans sa grande cuisine et même envisager la certification Demeter ?
En comparaison aux grandes cuisines conventionnelles, le Murhof ne travaille pas avec un seul fournisseur, mais avec un réseau de fournisseurs qui s’est étoffé au cours des années. L’accent est mis sur l’utilisation des produits régionaux. Ainsi, au cœur de ce concept réside la collaboration active et étroite avec trois producteurs Demeter et d’autres exploitations biologiques de la région. Un boucher régional fait également partie du réseau. Le fournisseur Biopartner est aussi l’un des piliers de l’affaire.
Le principal argument des grandes exploitations et restaurants se refusant à une reconversion est toujours le coût supplémentaire engendré par l’utilisation d’aliments biologiques, qui serait impossible à assumer.

Les résident-e-s du home aident à la cuisine

Le Murhof développe une pensée intégrative à plusieurs niveaux : le travail supplémentaire engendré par la préparation des produits frais (peler, parer, laver) est en partie effectué par les résidents et les résidentes du home, qui participent au travail en cuisine. Cela correspond à l’approche globale du home : la plus grande autonomie possible et une contribution active à la vie communautaire. Par ailleurs, le Murhof occupe des collaborateurs et collaboratrices soutenus par l’AI – ici aussi l’approche intégrative est prise en compte. L’achat des produits auprès des paysans de la région permet de bénéficier de prix plus avantageux car il n’y a pas d’intermédiaires. Les paysans en profitent également : ils ont un acheteur fiable et reçoivent un meilleur prix que s’ils livraient leurs produits dans le commerce. Le chef de cuisine du Murhof doit faire preuve d’une grande créativité. Il est en contact étroit avec les producteurs et conçoit sa carte en fonction de l’offre. Un concept gagnant-gagnant.

L’économie circulaire devient réalité

Pirmin Bucheli, paysan bio (actuellement en reconversion Demeter) le confirme également. Le Murhof lui achète ses produits carnés. Pour Pirmin Bucheli, il est essentiel que sa ferme soit le plus durable possible et gérée dans l’optique d’une économie circulaire régionale. Ses vaches paissent dans des pâturages extensifs abritant de nombreuses espèces. Les poules pondeuses vouées à la production des œufs et ses 50 coqs disposent d’un parcours conforme à leur espèce. Son objectif est de passer à l’élevage de poules à deux fins et de frères coqs. Dans un premier temps, il a prolongé la durée de vie de ses poules pondeuses hybrides de six mois à deux ans. Il transforme par ailleurs les poules pondeuses en précieux produits carnés tels que fromage d’Italie, saucisses et poules à bouillir, plutôt que de vouer cette savoureuse viande à une installation de biogaz.
De plus, les céréales fourragères qu’il produit sur sa propre exploitation couvrent une grande partie de ses besoins. Il adhère à la vision d’une agriculture circulaire et d’une évolution régionale vers un système d’alimentation local. En tant que paysan et conseiller communal de la commune de Pfaffnau, il sait à quel point une collaboration étroite entre toutes les parties prenantes est importante, car ce n’est qu’ainsi qu’une chaîne de valorisation régionale peut être créée. Au cœur d’un tel réseau, tous les acteurs impliqués – tant les producteurs que les acheteurs – peuvent faire évoluer petit à petit leur exploitation vers une gestion durable.

/_visionlandwirtschaft_prod/uploads/Sharing_Bilder/opt_Kueche_1000_667.jpgde g. à d. : Ueli Eggimann (chef de projet), Laura De Sousa (cuisine), Hansueli Eggimann (directeur de l’institution), Pirmin Bucheli (agriculteur, conseiller communal)

La commune soutient le concept

Quel est le rôle de la politique – ici la commune – dans l’exemple du Murhof ? L’initiative et le concept émanent clairement du Murhof, à savoir de l’institution elle-même. La commune promeut toutefois l’initiative, notamment parce qu’elle est financièrement viable. Les autorités soutiennent le concept du Murhof et reconnaissent son caractère de modèle et son importance suprarégionale.
Au début, le chef de cuisine actuel du Murhof était sceptique quant à la démarche de certification bio, car il devait abandonner et repenser tous les processus appris et utilisés. Pourtant, depuis que le premier producteur local est arrivé dans sa cuisine avec ses produits et qu’une rencontre personnelle a eu lieu, il a pleinement adhéré au concept et soutient désormais activement le processus de reconversion et de certification. Actuellement, la part de produits frais biologiques atteint 70 % et la tendance est à la hausse.

Restauration collective régionale et écologique

À l’exemple du Murhof, de sa collaboration avec les exploitations agricoles et le boucher du village, il est évident que la restauration collective basée sur des produits régionaux et écologiques est aussi possible ailleurs en Suisse. Il est donc grand temps d’amorcer ce changement structurel. Mais le fait est que les commerces de gros de la restauration tels que Howeg et Saviva (anciennement Scana) ne proposent pas de produits prétransformés répondant aux critères durables et biologiques. Les grandes cuisines ne souhaitant pas préparer les produits frais elles-mêmes, comme le Murhof, n’ont dont pas d’autres options. Vu sous un autre angle, un nouveau secteur d’activité se profile cependant : le paysan lui-même pourrait ainsi se charger de la prétransformation ou une nouvelle entreprise qui effectuerait la prétransformation des produits régionaux et biologiques de production durable pourrait voir le jour dans la commune. Des places de travail seraient ainsi créées dans la région et les émissions de CO2 engendrées par la prétransformation suprarégionale et supranationale diminueraient.

Une façon d’agir visionnaire – ici et maintenant

La façon de penser et d’agir du Murhof révèle une vision à long terme. Se considérant comme un pionnier, le Murhof est convaincu que les impulsions données auront un effet à long terme. Ainsi, l’implication du boucher régional dans la chaîne de livraison a notamment éveillé son intérêt pour une reconversion au bio. Le réseau s’étendra donc en permanence, ce qui simplifiera de plus en plus les conditions de production et de livraison pour les différents acteurs. Dans le cadre du développement de ses projets, le Murhof mise sur une croissance durable et organique basée sur des processus. Une étude de l’association Curaviva (association de branche des institutions au service des personnes ayant besoin de soutien) confirme que le thème de la « durabilité dans la vieillesse » prend de plus en plus d’importance – le Murhof est donc sur la bonne voie.