L'agriculture régénérative - un nouveau mouvement dans le paysage agricole
De plus en plus d'agriculteurs remettent en question le credo : "Des cultures saines et des rendements élevés ne sont possibles que si nous fertilisons et pulvérisons". La plante n'a-t-elle pas besoin de quelque chose de complètement différent pour se développer, à savoir un sol sain et vivant ? Cette conviction est à l'origine de l'"agriculture régénérative". Elle est devenue un mouvement auquel de plus en plus d'agriculteurs se sentent attirés. Ils renoncent volontairement à l'utilisation de pesticides et d'engrais artificiels. L'accent est mis sur un sol sain et fertile. Le portrait suivant d'une ferme pionnière montre comment l'agriculture régénérative fonctionne.
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Sol et plantes : un seul système
Le sol et la plante sont en échange permanent, mais bien plus encore : ils interagissent, pour ainsi dire, comme un organisme entier. Les plantes produisent du sucre par photosynthèse. En plus de leurs propres besoins, elles approvisionnent le sol et les micro-organismes qui y vivent, tels que les bactéries et les champignons. La plante transmet 90 % de sa photosynthèse au sol. La plante fait donc partie d'une relation symbiotique. Elle nourrit les organismes du sol et reçoit d'eux exactement ce dont elle a besoin, à savoir les éléments nutritifs du sol qui sont décomposés et mis à la disposition des plantes. En principe, l'agriculteur ne doit rien faire de plus que de préparer le sol et l'écosystème de telle sorte que les interactions entre la plante et le sol puissent se dérouler de manière optimale. Un facteur central est ici la teneur en humus du sol. En effet, les organismes du sol ont besoin d'un sol riche en humus. Dès qu'un climat de sol est établi dans lequel les organismes du sol se sentent à l'aise, ils fournissent à la plante tout ce dont elle a besoin pour une croissance saine et vigoureuse.
La ferme Stucki
La famille Stucki produit selon ces principes dans sa ferme près de Dägerlen, dans la région de Winterthur.
Le fermier Ralf Stucki dans un de ses champs de légumes.
Travailler avec le sol
Nous marchons sur les 26,5 hectares de la ferme Stucki. On y cultive principalement des légumes et des fruits. En plus des cochons de laine, des poulets, des canards et des dindes, 24 vaches laitières pâturent également sur les terres. "Ici, vous pouvez voir les premiers champs de légumes", dit Ralf Stucki. En me retournant, je vois de longues bandes recouvertes d'herbe coupée. Stucki s'agenouille et enfonce ses doigts dans la couche d'herbe. C'est du paillis, explique-t-il. Je fais de même et je fore mes doigts dans la couche d'herbe : sous l'herbe, il fait agréablement chaud, même si la température est tombée presque à zéro ces derniers jours.
Sous l'herbe, il fait agréablement chaud.
De près, je peux voir comment les feuilles vert clair des petits céleris poussent hors de la couche de paillis. Selon Ralf Stucki, le paillis doit être fraîchement coupé et vert lorsqu'il est déchargé afin que l'énergie obtenue par photosynthèse soit entièrement contenue dans l'herbe. Lorsqu'elle est rejetée dans le champ, l'herbe se décompose lentement en un an. Au cours de ce processus, les éléments nutritifs contenus dans l'herbe sont transférés au sol. Avant que cela ne se produise, la couche de paillis a un effet isolant, c'est-à-dire qu'elle stocke la chaleur. Cela est particulièrement important au printemps et permet en même temps de protéger le sol contre l'assèchement. Grâce à la couche de paillis, explique Ralf Stucki, il n'y a pratiquement pas de mauvaises herbes qui pourraient concurrencer les plantes encore petites. Comme le sol est protégé du soleil brûlant et des fortes pluies, il ne s'agglutine pas et ne se tasse pas.
Semis de céleri sous paillis.
Ralf Stucki est satisfait du résultat, les plantes se développent superbement dans la couche de paillis. De plus, la quantité de travail nécessaire est faible, après avoir planté et recouvert de paillis, tout est fait, dit-il avec satisfaction. Il n'a plus besoin de rouler sur le sol, de le travailler davantage, de le fertiliser et certainement pas de le pulvériser. Comme la couche de paillis minimise l'évaporation de l'eau, il n'a presque jamais besoin d'arroser les semis. En fait, il n'aura plus rien à faire avec la plante, dit-il en souriant, jusqu'à ce qu'il puisse la récolter. Un hectare de paillis nécessite quatre hectares d'herbe sur pied, ajoute Ralf Stucki. Pour s'assurer que le travail avec le paillis reste faisable et qu'il en vaille la peine en termes de rendement, de nouveaux plants sont plantés dans le paillis après la récolte.
Les oignons et le raifort poussent dans la rangée directement à côté des plants de céleri. Les Stuckis travaillent avec des cultures mixtes. Ce n'est pas pour rien que l'on dit en allemand que "les bons voisins grandissent ensemble". Les maladies et les parasites ont moins de chances de se propager dans les cultures mixtes. En outre, chaque plante a des besoins nutritifs différents. Cultivés dans des cultures mixtes, elles n'enlèvent rien les unes aux autres. C'est une autre façon d'empêcher le lessivage des sols et d'éviter l'application d'engrais. Ralf Stucki développe les combinaisons de plantes en échange avec le producteur de semences biologiques Sativa Rheinau AG. Actuellement, le quinoa pousse aux côtés des courgettes et des aubergines, le fenouil aux côtés des lentilles, des fèves et des petits pois.
Culture mixte d'aubergine et de fenouil.
Observer et apprendre
Le désir d'expérimenter de Stucki et sa grande ouverture d'esprit pour apprendre de nouvelles choses sont impressionnants, avec un enthousiasme contagieux! Il est clair que ce sont précisément ces qualités qui constituent la base de cette exploitation, qui propose 280 produits différents. Comme ils ne livrent pas aux grossistes, mais vendent leurs produits directement, les Stuckis peuvent se concentrer sur la variété plutôt que sur la quantité. C'est à son tour un point de départ idéal pour travailler et expérimenter avec des cultures mixtes.
Deux fois par an, Ralf Stucki se consacre à la terre d'une manière très particulière. Il crée une sorte d'infusion à partir d'orties fraîches, enrichie de raifort et d'extraits d'algues. Stucki injecte ces enzymes végétales, appelées "Rottenlenker", dans le sol avec une sous-soleuse afin de nourrir directement les microorganismes du sol. Le fumier animal est également utilisé de manière similaire. Les Stuckis n'utilisent pas d'excréments d'animaux directement dans les champs, car cela serait bien trop agressif pour le sol et les organismes qui y vivent. On peut littéralement le sentir lorsque le fermenteur ou le thé de compost a été étalé et que le sol commence à travailler : "Le sol sent comme après une pluie fraîche d'été, il commence à respirer", dit Stucki. Son expérience le confirme : les plantes bénéficient de ces soins du sol, elles sont beaucoup plus vitales.
La structure légère et la couleur marron foncé sont signes d'un sol très vivant.
L'agriculteur comme "chercheur"
Outre l'observation et l'évaluation constante, Stucki fait également des expériences : par exemple, l'incorporation de paillis dans le sol au lieu de le poser en couche apporte un rendement moindre - Stucki a tout essayé. Le fait que les arbres de Noël poussent en combinaison avec les abricotiers, en revanche, s'est avéré être une bonne idée. Les sapins protègent le sol du dessèchement en été, les arbres fruitiers font de l'ombre aux sapins et en hiver, les poules vivent entre les arbres. De cette façon, les sapins argentés restent exempts de parasites tels que les cochenilles et l'araignée rouge. Même les souris restent à l'écart grâce aux poulets. En plus de toutes ces expériences, Stucki veut aussi que tout soit faisable et que la ferme avec ses cinq employés soit économiquement viable. Et c'est le cas.
Des arbres de Noël mélangés à des abricotiers.
La ferme - un système autonome
En poursuivant la conversation avec Stucki, on remarque rapidement les visions qui influencent son travail. Outre sa joie d'expérimenter, la pensée de Stucki est proche de l'approche de l'agriculture régénérative. Ralf Stucki poursuit une agriculture dans le sens de la nature, il s'efforce de trouver des sols sains avec un bon équilibre hydrique. En outre, il est important pour lui de prendre des décisions holistiques qui tiennent compte à la fois des intérêts écologiques, sociaux et économiques.
Sa ferme fonctionne comme un cycle fermé. Par exemple, les aliments pour animaux (herbe, plus un peu d'orge, de maïs, de blé et de soja) dans la ferme Stucki sont tous produits sur place, de sorte que rien d'autre ne doit être acheté. En juillet, lorsque les tomates sont sur le point d'être récoltées, les plantes vivaces sont traitées avec un mélange lait-eau pour les protéger des attaques fongiques. Le climat acide, qui est causé par la fermentation du lait sur les feuilles, empêche les champignons de se fixer sur les feuilles. Pour Stucki, régénérer signifie que tout est pensé ensemble comme un système unifié : le sol, les plantes, les animaux et l'homme. Tous ces piliers interagissent les uns avec les autres et peuvent se nourrir et se soutenir mutuellement. Le changement climatique, qui ne cesse de progresser, imposera de nouvelles exigences à l'agriculture et nécessitera une remise en question. Ici aussi, l'approche de l'agriculture régénérative est particulièrement prometteuse, lorsqu'il s'agit par exemple de protéger le sol contre l'assèchement ou de cultiver des zones comme éventuels puits de CO2.
Le chemin parcouru par la famille Stucki est donc d'une grande actualité sous de nombreux aspects. Ou, comme le dit lui-même Stucki : "Je ne sais pas ce qui est juste, mais j'ai définitivement le sentiment qu'il est plus juste de suivre cette voie plutôt que l'agriculture conventionnelle de plus en plus dépendante, et que cette voie peut nous amener plus loin que celle que nous avons suivie jusqu'à présent".
Avec la culture des fruits et légumes, c’est en viticulture que la plupart des pesticides sont utilisés. C’est pourquoi on considère ardu de se passer de ces substances toxiques. De plus en plus de pionniers montrent comment cela est possible. Le vigneron Bruno Martin est l’un de ceux qui a particulièrement bien réussi dans cette voie. Grâce au soin qu’il porte à la biodiversité, il peut même se passer d’engrais. Il montre ainsi la voie vers une agriculture d’avenir sans poison et respectueuse des ressources, qui travaille avec la nature plutôt que contre elle, engendrant ainsi moins de coûts autant dans la production que pour l’environnement.
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Les bases de la viticulture sans pesticides
Quiconque navigue sur le Lac de Bienne ne peut ignorer les vignobles qui ornent les coteaux de la rive gauche du Lac de Bienne. La production de vin blanc caractérise traditionnellement les vignobles au pied du Jura. Des cépages comme le Chasselas, le Chardonnay ou des cépages de la famille des Pinot se sentent particulièrement bien sur les sols calcaires typiques du site. Les vignes profitent de l’effet d’accumulation de chaleur du lac et des avantages microclimatiques des pentes en terrasses.
Aussi idyllique que la région viticole ensoleillée soit décrite, elle a aussi des revers: la majeure partie des vignes sont exploitées selon les directives PER et donc avec une forte utilisation de pesticides. Seuls quelques vignerons s’engagent avec conviction dans la production de vins Bios. Bruno Martin de Ligerz est l’un d’eux. Il s’investit avec passion pour une viticulture respectueuse de la nature et va bien au-delà de l’agriculture biologique elle-même: il renonce complètement aux pesticides sur toujours plus de parcelles et n’utilise plus que des stimulateurs des défenses naturelles des plantes. Son credo est un sol sain où poussent des plantes saines qui peuvent se protéger contre les ravageurs.
Dans le plus grand respect de la nature
Celui qui discute avec le vigneron remarque rapidement quelles visions forgent sa pensée. Son esprit pionnier, son courage et ses succès durement gagnés sont contagieux.
Bruno Martin exploite le domaine viticole depuis 1982. Ses huit hectares de vignes ornent les pentes de Ligerz, un petit village viticole sur la rive gauche du Lac de Bienne. S’y ajoutent environ 58 ares de surfaces écologiques dotées d’une variété de précieux éléments écologiques. Depuis bientôt 20 ans, l’exploitation suit les directives de Bio-Suisse et de Demeter.
Bruno Martin dans ses vignes avec un mur de pierres sèches qu’il a construit
Bruno Martin a appris tôt déjà de sa grand-mère l’importance d’une nature intacte. C’est elle qui lui a donné les valeurs qui l’ont façonné jusqu’à aujourd’hui: une approche respectueuse de ses semblables, mais aussi une approche juste et durable avec les bases de production.
Lorsqu’il a pu reprendre les vignes de sa grand-mère, il était le seul agriculteur, exploitant alors encore en PI, à renoncer à l’utilisation en long et en large de ces poisons acaricides. Il en a payé le prix fort déjà la première année lorsque les feuilles de ses vignes ont subi de gros dégâts à cause d’une infestation d’acariens, entraînant de fortes pertes de rendement. Cela l’a amené à réfléchir. À la place d’investir dans des pesticides, il a commencé à miser sur une biodiversité intacte. Il s’est intéressé aux bases de production du sol, il a planté des arbres et des haies, il a construit des murs de pierres sèches, il a renoncé au travail du sol et il a enherbé ses vignes.
Plus que Bio
Peu après s’être reconverti au Bio, le cépage rouge «Regent», l’une des premières variétés résistantes aux maladies fongiques «PIWI», est apparue sur le marché en 1991. Bruno Martin n’a pas hésité et il a planté ses premières vignes PIWI, dont la proportion a continuellement augmenté, jusqu’à atteindre environ 60% aujourd’hui. Cela lui a permis de réduire massivement l’utilisation de pesticides également autorisés en agriculture biologique (cuivre et soufre).
Les premiers vins de Bruno Martin produits entièrement sans pesticides, seront disponibles sur les rayons de la Coop dès l’automne prochain. Lorsqu’on lui demande pourquoi il va encore plus loin que les producteurs Bios ou Demeter dans sa conception de production sans pesticides, il répond simplement: «Les visions sont les semences pour les récoltes du futur». Il est convaincu que l’immobilisme conduit à une impasse et qu’il est indispensable de continuer le développement du «Bio» actuel.
Comment produire du vin sans pesticides
Le chemin vers la production d’un vin sans pesticides a été semé d’obstacles. Bruno Martin est un battant, et il sait comment atteindre ses objectifs. Une production sans pesticides n’est possible qu’en combinant différentes mesures et conditions préalables:
Le sol et le climat du site déterminent souvent en viticulture le succès ou l’échec en relation avec la lutte contre des maladies fongiques. Les variétés PIWI prospèrent magnifiquement dans les vignobles au top et peuvent y exploiter au mieux leur résistance aux maladies fongiques.
Après la floraison des vignes, quand les raisins ont à peu près la taille d’un petit pois, les vignes sont généreusement «effeuillées». Toutes les feuilles autour du raisin doivent être enlevées afin que l’humidité ne s’accumule pas.
Une fois toutes ces mesures prises, Bruno Martin doit parfois encore recourir au cuivre ou au soufre (Demeter autorise max. 3kg cuivre/ha/an) – mais seulement pour ses anciennes variétés sensibles aux maladies. Le mildiou peut être bien maîtrisé avec un traitement au cuivre et aux effets limités de l’utilisation du soufre. Par contre, le cuivre n’agit pas contre l’oïdium (une autre infection fongique courante de la vigne), et il faut alors utiliser du soufre.
Depuis que Bruno Martin enherbe ses vignes toute l’année et qu’il ne fertilise plus ses plantes, ses vignes n’ont plus jamais subi d’attaque de botrytis (pourriture grise qui provoque le pourrissement des raisins).
Écosystème en équilibre ou «agriculture régénérative»
Le mot «biodiversité» revient toujours dans la conversation avec Bruno Martin. Son vignoble de Ligerz est unique dans cette région. Haies, arbres fruitiers à haute tige, prairies écologiques riches en fleurs, nichoirs, murs de pierres sèches, et même hôtel pour belette embellissent les coteaux de ses vignes. Des éléments de structure se trouvent au moins tous les 50 mètres pour ce que Bruno Martin appelle la biodiversité «au-dessus du sol». Ces éléments sont entretenus avec l’amour du détail, pour que de petits êtres vivants y trouvent refuge, comme les lézards, les bourdons, les abeilles sauvages et les andrènes, ou encore des serpents. Lors de la fauche dans les vignes, une attention est aussi portée aux plantes particulières. Le résultat est impressionnant. On trouve par exemple dans son vignoble l’orchis à odeur de bouc, une espèce d’orchidée très rare et menacée, qui forme aujourd’hui l’une des plus grandes populations de Suisse.
Un hôtel pour belettes dans les vignes de Bruno Martin
Biodiversité aussi dans le sol
Pour Bruno Martin, la biodiversité souterraine est tout aussi importante que celle «au-dessus du sol». Elle a une influence énorme sur l’équilibre des sols et des plantes. Bruno Martin ne travaille pas ses sols. Il laisse ce travail aux innombrables organismes du sol qui s’occupent de l’ameublissement, de l’aération et de la perméabilité.
Lors de la reprise de vignes par Bruno Martin dans le passé, l’assainissement du sol était généralement la première mesure. Un tel assainissement ne réussit qu’en collaboration avec la nature et avec de nombreuses années de patience: ajout de compost, semis de radis fourrager, années de transition sans aucune mesure et assouplissement de démolition (ameublissement du sol jusque dans des couches profondes) ne sont que quelques-unes des mesures prises pour créer une structure de sol saine. Si le sol trouve alors un équilibre, ni apport d’engrais ni travail du sol ne sont plus nécessaires. Seule de la dolomie, une roche carbonatée riche en calcium et en magnésium, est épandue sur le sol tous les 10 ans.
Bruno Martin vit depuis des années avec ce que l’on appelle une «agriculture régénérative». Il ne cesse de le répéter: «Quand le sol, les vignes et la biodiversité sont en équilibre, alors mes raisins restent en bonne santé.»
Le courage d'innover
Bruno Martin est un vigneron convaincu, qui s’est engagé sans concession sur la voie d’une agriculture sans pesticides. Il souhaite aussi motiver d’autres agriculteurs à réfléchir aux systèmes de production actuels, à les remettre en question et à toujours emprunter de nouvelles voies.
La conversion à une production sans pesticides demande non seulement du courage et de la persévérance, mais avant tout une confiance dans la nature et ces processus.
Le succès du domaine Lenz à Uesslingen (TG) repose sur quatre piliers: le premier est l’exploitation de la vigne selon les directives biologiques. Le deuxième est la promotion de la biodiversité qui va bien au-delà des directives. Troisièmement, Roland Lenz mise sur une grande diversité de cépages. Les nouveaux cépages résistants aux champignons sont enfin la cerise sur le gâteau. Avec ces quatre piliers, il peut presque se passer de tout pesticides aujourd’hui. Et dans la cave aussi, Roland Lenz utilise de moins en moins d’auxiliaires.
Continuer(VA) Le vignoble de Roland Lenz se distingue nettement de l’image habituelle d’un vignoble suisse. Ses parcelles sont traversées par des prairies naturelles, des buissons et de grands arbres. Entre les rangées, du vert pousse spontanément. Pour libérer de l’espace pour toute une variété d’organismes vivants, il a arraché 13 pour cent de ses vignes et planté environ 600 arbres. Grâce à une grande biodiversité, Roland Lenz n’a pratiquement aucun ravageur. Il n’a pas non plus eu besoin de pulvériser contre la drosophile du cerisier jusqu’à présent. Il est convaincu que ses vignes n’offrent simplement aucune possibilité d’attaque car elles sont protégées par de nombreux auxiliaires différents.
Illustration: Roland Lenz dans ses vignes. Photo: VA
Technique de confusion
En viticulture biologique, on ne traite qu’à partir d’un seuil de tolérance plus élevé qu’en viticulture conventionnelle. Mais Roland Lenz n’apprécie pas non plus des pesticides bio comme «Audienz», un insecticide avec la matière active spinosad, qui est autorisé en agriculture biologique par exemple contre la drosophile du cerisier. «Je ne veux utiliser aucun de ces soi-disant «insecticides bio»! Qu’ils soient d’origine naturelle ou chimique de synthèse, les pesticides sont des poisons pour les êtres vivants», explique-t-il. Il existe d’autres stratégies efficaces pour lutter contre les ravageurs: «Nous travaillons contre la drosophile du cerisier avec des pièges et utilisons la confusion sexuelle contre les vers de la grappe. Cela veut dire que nous utilisons des ampoules qui émettent des hormones féminines afin que les mâles ne puissent pas trouver de femelles et qu’il ne puisse pas y avoir de copulation».
La vitalité par la diversité
Roland Lenz est un inconditionnel de la diversité. Sur ses 17 hectares, il a 34 cépages différents. La diversité des cépages réduit aussi le risque des maladies. «Les vignes les plus vigoureuses se trouvent au milieu de parcelles mixtes. Est-ce que vous saviez que la vigne tisse en quelque sorte des amitiés?», philosophe-t-il. En plus de réduire le risque de maladies, la diversité des cépages offre aussi des avantages en cas de sécheresse, qui a justement été un problème majeur pour de nombreux viticulteurs cette année. Ses vignes sont protégées contre la grêle par des filets latéraux pérennes. Il en résulte en même temps une ombre souhaitable, de sorte que les raisins ne prennent pas de coups de soleil. Autre avantage: pas besoin d’attacher les pousses, ce qui représente une importante économie de temps de travail. Les dommages causés par les tempêtes et les pertes dues aux oiseaux sont également réduits. Contrairement aux filets jetables, les filets réutilisables sont fixés à environ un demi mètre du sol et ne posent aucun problème pour les oiseaux ou les hérissons.
Nouveaux cépages résistants aux champignons
De «nouveaux cépages» ont été plantés sur 11 hectares, soit 60 pour cent de ses parcelles de vignes. Ils sont résistants contre les champignons (voir encadré «cépages résistants»). Sur ces surfaces, Roland Lenz peut se passer de pesticides, y compris de cuivre que les viticulteurs utilisent contre les champignons et qui est problématique.
Les cépages traditionnels généralement très sensibles aux champignons, comme le Pinot Noir, ne couvrent plus que 6,5 hectares chez Roland Lenz. Il n’a pas encore trouvé de nouveau cépage vraiment bon et résistant qui pourrait remplacer le Pinot Noir. Aujourd’hui, Roland Lenz produit 60 pour cent de vin blanc et 40 pour cent de vin rouge. Pourquoi? «La sélection de variétés pour le vin rouge pour la culture sans pesticides est beaucoup plus difficile que celle des variétés pour le blanc. En plus, le climat de la Suisse alémanique est parfait pour le vin blanc», répond-il.
Produit naturel au carré
A la place d’utiliser des pesticides, Roland Lenz fortifie ses vignes avec des extraits d’algues. Ils rendent les vignes plus résistantes aux champignons et favorisent la cicatrisation, par exemple quand des feuilles sont arrachées. Si nécessaire, Roland Lenz utilise de la levure chimique contre le «vrai mildiou», et depuis peu des extraits de mélèze. Il fait confiance à son instinct au moment du traitement. Il s’appuie aussi sur ce qu’on appelle des «microorganismes effectifs» avec lesquels il a inoculé ses sols. Ils forment un système symbiotique avec les racines de la vigne. Chacun des 34 cépages est examiné séparément afin de trouver le meilleur moment pour les vendanges. A partir des raisins de deux parcelles avec des plants de Souvignier gris et de Léon Millot, Roland Lenz produit le fameux «Cerowein»: absolument aucun auxiliaire, ni dans le vignoble, ni dans la cave, c’est ce qui le caractérise. C’est remarquable quand on pense combien d’auxiliaires sont encore autorisés en vinification Bio. Le vin est devenu un produit design que l’on peut façonner arbitrairement avec des tas d’additifs. La plupart ne doivent même pas être déclarés.
Exigences élevées mais réalistes
Il arrive aussi parfois que cela tourne mal. «2015, une année humide et chaude : après trois jours de pluie je ne pouvais pas aller dans les vignes et je ne pouvais rien épandre, même pas les extraits de plantes fortifiants. Et j’ai perdu la récolte de Cabernet Jura sur deux hectares à cause de ce trou dans la défense contre les champignons», raconte Roland Lenz. Sa réussite économique lui permet de constituer des réserves pour de tels cas. En collaboration avec l’Institut de recherche de l’agriculture biologique FiBL et le marchand de vin Delinat, Roland Lenz procède à un essai de production de Pinot Noir sans pesticides. Son objectif est de cultiver toutes ses vignes totalement sans pesticides, même sans pulvérisation de cuivre. Ce sont des exigences très élevées, mais absolument réalistes, dit-il, car il a pu déjà cultiver toutes les nouvelles variétés sans pesticides. Chaque année, il renouvelle trois ou quatre pour cent du vignoble en plantant de nouveaux cépages, évidemment résistants aux champignons. Roland Lenz a de la chance avec son sol vivant: ses terres n’étaient pas un vignoble auparavant et n’ont pas été contaminées par des pesticides. Il n’a donc pas eu à reconstruire l’écosystème du sol pendant des décennies comme d’autres vignerons.
Les nouveaux cépages offrent des coûts avantageux
Roland Lenz renonce à la plupart des auxiliaires non seulement dans le vignoble, mais aussi pendant la vinification. Il économise ainsi beaucoup d’argent et réduite d’environ 50 pour cent des coûts de main-d’œuvre. L’entreprise avec Karin et Roland Lenz, deux apprentis viticulteurs, un employé de bureau et une aide-ménagère, se porte bien sur le plan économique. Par hectare de vigne, Roland Lenz compte environ 90 heures pour une récolte ou environ 1’500 francs de coûts de main-d’œuvre. C’est le même prix que pour une récolteuse. Et ils sont plus efficaces et flexibles qu’avec l’utilisation d’une telle machine. 20 client(e)s aident chaque fois à la vendange. Roland Lenz partage ses efforts entre culture de la vigne et conseils, production de raisin, vinification et vente. Son but est d’atteindre une clientèle jeune. Il ne veut donc pas proposer que du haut de gamme. Il n’y parvient que parce qu’il maîtrise les coûts. Selon lui: «Avec une bouteille que je vends 17,50 francs, j’ai encore une bonne valeur ajoutée». Roland Lenz produit plus de 70 vins différents par an.
Récompenses
L’International Wine Challenge, AWC Vienna est le plus grand concours de vins du monde avec plus de 12000 vins soumis, produits de manière conventionnelle ou biologique. Dans cet environnement international, les vins de Lenz rencontrent un vif succès et sont largement en mesure de concurrencer les vins conventionnels: en 2015 et 2016, chacun de ses vins présentés a été récompensé avec deux médailles d’or et quatre d’argent! Sur ces deux années, son vin «Panorama» a obtenu la meilleure note avec 91 points. De plus, Roland Lenz a déjà été nommé à deux reprises Meilleur Vigneron Bio Suisse de l'année, en 2015 et 2018. En cliquant ici, vous accédez au site web du domaine viticole Lenz.
Illustration: Roland Lenz dans sa cave. Photo: VA
Vinification
La quantité et la nature des substances utilisées dans la production de raisins restent un sujet d’actualité dans les médias. Il est parfois visible même pour les profanes si des herbicides ont été pulvérisés ou non entre les rangées. Par contre, ce qui se passe ensuite lors de la vinification est largement inconnu du public. Vision Agriculture a fait des recherches sur les substances autorisées dans différents systèmes ou labels pour les comparer. Cliquez ici pour la table «Auxiliaires autorisés en vinification» .Et pour vous inspirer, nous énumérons aussi les auxiliaires qu’utilise Roland Lenz pour vinifier son «Cerowein»: aucun.
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Cépages résistants
Les deux plus importantes maladies, pour lesquelles l'utilisation répétée de produits phytosanitaires est nécessaire pour les cépages traditionnels, sont le mildiou et l'oïdium. Ces maladies cryptogamiques n'étaient à l'origine pas présentes sur le territoire européen. Elles ont été introduites au 19ème siècle par l’importation de nouvelles variétés originaires d’Amérique du Nord et se sont répandues de manière exponentielle à cette époque. La viticulture en Europe a menacé de périr, à cause du phylloxéra, qui sévissait à cette même période. Depuis cette époque, toutes les variétés traditionnelles doivent être traitées avec des fongicides jusqu’à 20 fois par an, en fonction des conditions météorologiques et des moyens employés, car une attaque peut détruire totalement une récolte. Les cépages résistants aux maladies cryptogamiques (aussi appelés «PIWI») sont à l’origine issus de croisements entre des cépages européens et des espèces américaines porteuses de résistances. Aujourd’hui, on connaît de nouveaux cépages multi-résistants dont la résistance aux moisissures est stable car elle est basée sur plusieurs gènes.
(Source: https://www.piwi-international.de/fr/information-fr.html)
La quantité et la nature des substances utilisées dans la production de raisins restent un sujet d’actualité dans les médias. Il est parfois visible même pour les profanes si des herbicides ont été pulvérisés ou non entre les rangées. Par contre, ce qui se passe ensuite lors de la vinification est largement inconnu du public. Vision Agriculture a fait des recherches sur les substances autorisées dans différents systèmes ou labels pour les comparer.
Continuer
Les exploitants Christian Meier et Bruno Künzli sont représentatifs de nombreux agriculteurs qui ne pratiquent pas la culture biologique, mais qui réussissent à produire des céréales panifiables IP-Suisse sans fongicides, ni insecticides ou raccourcisseurs de tige, ni même herbicides. Un défi exigeant entre rentabilité et écologie, qui demande une grande capacité d’observation, de calcul et de bonne intelligence. Soutenir et mettre en réseau des exploitants qui produisent sans pesticides est l’un des objectifs du projet «Agriculture suisse sans pesticides» de Vision Agriculture.
(VA) Un nombre croissant d’agriculteurs IP-Suisse cultivent leurs céréales sans pesticides. Selon le gérant d’IP-Suisse Fritz Rothen, cela représente environ 2 pour cent des surfaces de céréales panifiables. Cela ne semble pas beaucoup. Pourtant ce chiffre est d’autant plus remarquable qu’il n’y a pas de supplément de prix pour les céréales IP-Suisse sans pesticides. Sans compter que renoncer aux pesticides est un challenge: les céréales sont très sensibles à la concurrence des mauvaises herbes. Ces dernières peuvent entraîner d’importantes pertes de rendement.
Moins de pesticides, moins de coûts
L’une des clés de la rentabilité dans la culture céréalière sans pesticides, tient à la baisse des charges: «En renonçant aux herbicides, j’économise 121 francs par hectare, soit 15 francs pour le tracteur, 26 francs pour la location du pulvérisateur et 80 francs d’herbicide. De plus, selon la prolifération des mauvaises herbes, j’ai parfois moins de travail que pour pulvériser», énumère Christian Meier, agriculteur dans la cinquantaine à Niederwenigen près de Zurich.
Christian Meier et sa fille Ladina dans le champ de blé. Photo: Vision Landwirtschaft
Maintenir les mauvaises herbes sous contrôle
Pour que cela marche sans pesticides, il est important de contrôler les mauvaises herbes avec des mesures culturales comme une rotation équilibrée des cultures avec une certaine part de prairies artificielles. Alors que Christian Meier maintient une rotation des cultures fixe, le quarantenaire Bruno Künzli varie la rotation des cultures sous les noyers thurgoviens et sème ses céréales panifiables après une culture qui a été maintenue chimiquement et mécaniquement sans mauvaises herbes. En 2017, il a pu cultiver 60 pour cent de ses terres assolées sans herbicides. «Cependant, c’est ma dernière année avec du blé panifiable. A la place, je vais agrandir les surfaces d’amidonnier et d’épeautre car ces variétés, grâce à une croissance élevée, sont beaucoup mieux adaptées à la culture sans herbicides.» L’agriculteur Christian Meier rapporte la même expérience avec le seigle. «Le seigle est si haut qu’il empêche les mauvaises herbes de germer par manque de lumière.» Ni les mauvaises herbes ni les ravageurs n’ont pu nuire à ses cultures cette année. Cependant, il doit vivre avec une perte de rendement car la grêle a cassé environ 30% des grains.
Diversité des modèles d’exploitation
Christian Meier doit faire des réserves en prévision d’événements climatiques défavorables. Dans son modèle d’exploitation, dont il tire un revenu agricole de Fr. 45’000.-, il élève aussi des vaches laitières en plus de la culture des champs. «En été, quand les génisses d’élevage sont sur les pâturages, il reste du temps pour du travail supplémentaire.» Il gagne environ la moitié de son revenu annuel total comme photographe de mariage. C’est ainsi qu’ils arrivent à joindre les deux bouts avec sa femme, qui travaille à temps partiel comme jardinière d’enfants, et leurs quatre enfants de 2 à 16 ans.
Toujours quelque chose de nouveau
Bruno Künzli n’est pas non plus qu’agriculteur. Il est également courtier en assurances, mécanicien sur machines, moniteur de plongée et opérateur touristique. Le métier d’agriculteur est le plus dur de tous. Bruno Künzli est un homme qui calcule et qui compare. Il bidouille sans arrêt avec des idées innovantes qu’il teste. C’est la seule manière pour lui et ses parents de gagner encore un revenu durable sur l’exploitation. Et c’est ainsi qu’il s’en sort avec moins de pesticides. Il travaille sur différentes formes de production, qu’il recherche principalement sur internet ou en échange avec des agriculteurs bio. Il expérimente par exemple le sel pour combattre le criocère des céréales. L’agriculture lui a permis d’avoir un revenu d’environ Fr. 41’000.- en 2017.
Fonds fédéraux pour la gestion des risques
L’agriculteur Künzli reçoit un supplément de prix pour la culture sans herbicides quand il ne laboure pas le sol. Il peut alors utiliser le semis sous litière, une méthode de semis sans labour dans laquelle les résidus végétaux de la culture précédente couvrent le sol avant et après le nouveau semis, ou le semis en bandes fraisées. Avec cette méthode, le travail du sol se limite à une étroite bande de sol travaillée et aussitôt ensemencée. Le semis direct est aussi possible: l’ensemencement a lieu directement après la récolte de la culture précédente sans travail du sol. En renonçant au labour, il est difficile de se passer d’herbicides. Pourtant Bruno Künzli n’est plus autorisé à utiliser d’herbicides après la récolte de la culture préparatoire s’il veut recevoir des contributions à l’efficience des ressources. Il faut une météo idéale et un sol sec pour la lutte mécanique contre les mauvaises herbes. «Ce créneau si étroit est souvent synonyme de stress», déclare Bruno Künzli. Il doit profiter de chaque moment favorable pour contrôler mécaniquement les plantes adventices. Selon Bruno Künzli, cela entraîne des coûts supplémentaires pour le désherbage mécanique ainsi qu’un risque accru pour la culture. Mais ces facteurs sont couverts par les contributions fédérales supplémentaires. «Je reçois 150 francs par hectare pour le semis sous litière et 400 francs pour les cultures sans herbicides. J’économise en plus 150 francs de la pulvérisation.» Ces contributions et l’économie réalisée couvrent tout juste le travail supplémentaire et le rendement inférieur auxquels on peut s’attendre dans une culture sans pesticides. Avec les subventions fédérales, la quantité récoltée joue une rôle moindre dans la rentabilité économique. Les paiements directs aident à mieux gérer le risque d’une mauvaise année.
Bruno Künzli dans le champ d’amidonnier. Photo: Vision Landwirtschaft
Le rôle du marché
Fritz Rothen, gérant d’IP-Suisse, souligne que les consommateurs, mais aussi les transformateurs, exigent de plus en plus de céréales sans pesticides. Cela a des conséquences: «A partir des semis 2018, il y aura une interdiction de glyphosate pour les céréales panifiables Extenso. Cela vaut aussi pour la culture préparatoire.» Les céréales Extenso IP-Suisse ne sont donc pas traitées avec l’herbicide le plus controversé et le plus fréquemment utilisé. Mais elles ne sont pas totalement exemptes de pesticides, car l’utilisation d’autres herbicides est toujours autorisée. Au moins, cette interdiction du glyphosate a fait bouger les industries en amont et en aval. Les fabricants de machines auraient soudainement mis sur le marché des outils de désherbage mécanique plus précis. Ils pourraient être utilisés autant avant la sortie de terre qu'après la germination des grains de céréales.
Variétés suisses résistantes
Les semences de céréales IP-Suisse proviennent exclusivement de variétés suisses. D’une part, elles sont plus résistantes aux maladies et aux ravageurs que de nombreuses variétés étrangères, et d’autre part elles produisent de la farine de haute qualité, déclare Fritz Rothen. «Les céréales panifiables exemptes de pesticides sont de plus en plus comparables aux céréales conventionnelles sur le plan économique», ajoute-t-il. Jowa, une filiale de Migros, achète 80 pour cent des céréales panifiables pour ses boulangeries avec le label IP-Suisse et joue ainsi un rôle décisif dans la détermination de la qualité et du prix. Migros ne fait pas encore la promotion de céréales sans pesticides. De plus petits moulins, comme l’entreprise Bachmann à Willisdorf (TG), à qui l’agriculteur Bruno Künzli livre ses céréales, ou le moulin Steinmauer (AG), qui prend les céréales panifiables de l’agriculteur Christian Meier, font de la publicité avec le slogan «voll Natur» («pleine nature»). Fritz Rothen en est convaincu: «L’avenir appartient à la culture de plantes résistantes, au travail minimum du sol, et aux techniques robotiques pour les travaux sur le terrain.»
La recherche comme l’innovation au moyen de la technologie moderne et de la sélection, montrent la voie vers une agriculture sans pesticides.
Dans le verger et dans la petite pépinière de Helmut Müller" et Monika Bühler, on se sent comme au paradis. Ici prospèrent plus de 80 variétés de pommes, plus de 120 variétés de poires, plus de 60 variétés de prunes et de pruneaux, ainsi que des cerises et des raisins. Helmut et Monika cultivent beaucoup de variétés, même très rares. Les fruits sont vendus directement à la ferme, comme fruits de table ou sous forme de jus et de cidre, qui sont aussi vendus dans des magasins Bio. Le cidre de leurs pommes les a même rendus célèbres dans le monde entier. L’exploitation agricole thurgovienne se base depuis 30 ans sur la production biologique et elle génère un revenu suffisant pour une exploitation à titre principal sur une superficie de seulement 10 hectares sans «cultures intensives». Et cela malgré les prix modestes auxquels Monika et Helmut vendent leurs produits biologiques de haute qualité.
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Helmut, quelle est la philosophie de votre exploitation?
Nous misons tout sur les fruits. Tout notre assortiment pousse sur des arbres vigoureux et robustes. Le verger se compose de 600 grands arbres fruitiers haute-tige. Notre énorme diversité de variétés nous aide à tenir à distance les maladies et les ravageurs. Ainsi, nous n’effectuons que 2 à 3 traitements de soutien avec des produits autorisés en agriculture biologique. Nous n’utilisons que des fongicides autorisés en agriculture biologique, aucun insecticide et évidemment aucun herbicide.
Quels sont les principes actifs que tu utilises encore et quand?
En 2017, j’ai pulvérisé les pommes et les poires deux fois avec du soufre en poudre, et cette année ce sera au maximum trois fois car il y a plus de fleurs. J’utilise du soufre en poudre avec parcimonie, à savoir 0,8 kg de soufre pur par hectare, ce qui est très peu.
Le soufre agit contre les champignons, quand est-ce que tu pulvérises?
Environ deux semaines avant la floraison la première fois, ensuite une deuxième fois juste après la floraison en même temps qu’une préparation à base d’algues brunes. Après quoi début juin de nouveau avec du soufre et la préparation aux algues, ce qui stimule l’arbre pour la fructification. Quand les fruits se forment, je ne fais plus de traitement. Un jour, je serais complètement débarrassé des pesticides, y compris les naturels.
Qu’est-ce qui manque donc pour que ce soit possible?
Je cultive encore quelques variétés de pommes qui sont sensibles aux maladies ou qui souffrent grandement des modifications liées au changement climatique. Par exemple la Pomme Cloche, la Reine des Reinettes et la Gravenstein. Elles représentent environ 30% de mes fruits de table. Si je ne pulvérise pas ces arbres avec du soufre, il n’y aura pas de fruits de table mais cela sera suffisant pour la production de jus. Mais nous observons attentivement et nous savons quelles variétés sont robustes contre les maladies et les ravageurs. Je pense que d’ici 5 ans, j’aurai remplacé ces arbres par des variétés moins sensibles. Une des jeunes plantations contient déjà une centaine de variétés très prometteuses.
Tu n’utilises plus de cuivre, alors qu’il est toujours autorisé comme fongicide en agriculture biologique?
Pour les pommes et les poires, plus du tout. Sur les cerises, je pulvérise 50 grammes de cuivre pur par hectare contre la tavelure et selon l’infestation de l’année précédente. C’est aussi très peu, mais je voudrais bien m’en passer. Je teste actuellement différentes variétés de cerises dans l’espoir d’en trouver qui ne sont pas sensibles.
Le changement climatique semble t’aider à utiliser moins de pesticides
Oui, les précipitations se répartissent différemment qu’autrefois, et je choisis des variétés moins sensibles aux maladies. Avec celles-ci, la tavelure n’est pas un problème. Je fais pousser mes propres petits arbres. Ce qui veut dire que j’ai des plantes parfaitement adaptées à mon site. Et à travers cette diversité de variétés, je réduis le risque de perte totale de rendement ou de propagation épidémique de maladies. D’un autre côté, la hausse nette des températures entraîne l’apparition de nouvelles maladies et nouveaux ravageurs qui étaient encore inconnus dans notre pays (par ex. Marssonina et coquette). Il existe quelques variétés de fruits qui n’arrivent plus à faire face à ces changements. À propos de changement climatique et d’eau: la gestion rationnelle de l’eau est une préoccupation importante pour nous. Nous collectons dans des citernes souterraines jusqu’à 100 mètres cube d’eau provenant des toitures de nos bâtiments, pour couvrir les besoins en eau de nos jeunes plantes. L’eau de la cidrerie est aussi réutilisée pendant les périodes sèches.
Comment arrives-tu à te débrouiller avec si peu de produits pulvérisés?
Nos arbres fruitiers haute-tige sont robustes, forts, et ils sont en bonne santé. Leurs racines sont profondes et vont chercher elles-mêmes l’eau et les nutriments. Je n’ai plus fertilisé le sol depuis 9 ans. Il est très actif, et c’est important pour la santé des plantes. Comme nous ne produisons par pour le commerce de gros, nous pouvons laisser mûrir nos fruits sur les arbres et offrir à nos clients des fruits très aromatiques et digestes. Les petits défauts visuels ne posent aucun problème.
Et comment est-ce que tu maîtrises une éventuelle infestation d’insectes?
Grâce à l’énorme diversité, les insectes nuisibles ne posent pas vraiment de problème. Et si cela arrive, les pertes se limitent à quelques arbres ou quelques variétés. Bien sûr, nous favorisons les auxiliaires à différents niveaux (abeilles mellifères, abeilles sauvages, haies, plantes vivaces à fleurs, 100 nichoirs etc.). Je fauche les prairies de manière alternée entre les arbres. Ainsi, il y a toujours des bandes herbeuses qui fleurissent et d’autres qui sont récoltées. J’utilise le foin et le regain pour nos chèvres, je les vends ou je les utilise comme paillis pour revitaliser les sols. Contre la drosophile du cerisier, je préfère des variétés précoces pour les fruits à noyaux.
Et la question fondamentale: est-ce que votre concept de fonctionnement est aussi satisfaisant pour vous financièrement?
Nous n’avons pas de dette, et c’est très important pour nous. De plus, ce n’est pas produire le plus possible de fruits qui nous intéresse. Nous vendons à la ferme les fruits de table qui conviennent pour cela, soit environ un quart de la récolte. Avec le reste, nous produisons du jus de fruit et du cidre que nous vendons également à bon prix, en partie pour notre propre mise en bouteille depuis le tonneau.
Quel est votre revenu annuel?
Les bonnes années, nous réalisons un chiffre d’affaires maximum d’environ CHF 100’000 dont CHF 38’000 de paiements directs. Ceux-ci couvrent les coûts d’assurance, d’entretien des machines, d’amortissement, d’eau et d’électricité. Nous maintenons les coûts d’exploitation aussi bas que possible et ça va. En moyenne, nous payons des impôts sur env. CHF 50’000 - 60’000 de revenus agricoles pas an, y compris les revenus locatifs de la maison d’habitation à côté. Les mauvaises années comme 2017, lorsque nous avons subi de graves dommages à cause du gel, nous devons puiser dans les réserves. Nous vendons nos pommes à la ferme à 1 ou 2 francs le kilo, selon leur «beauté». Tout le monde devrait pouvoir se payer des pommes biologiques, c’est notre credo. Et Jacques Perritaz produit exclusivement à partir de nos pommes un cidre qui fait le tour du monde: en ce moment, c’est la boisson «branchée» dans la jet set de New York. «Premier Emois» est exporté dans 19 pays! Cette reconnaissance vaut plus que de l’argent.
Est-ce que ce modèle économique est bon pour vous?
Oui, bien sûr, nous n’avons pas de salaires à payer, nous ne faisons pas d’investissements coûteux et nous produisons à bas prix. Généralement, nous effectuons nous-mêmes des réparations et des rénovations. Cela dure depuis quatre générations, depuis 130 ans. Nous sommes tout simplement satisfaits.
Comment voyez-vous votre avenir?
Nous sommes en discussion avec un successeur potentiel, car j’aurai bientôt 60 ans, et cela se présente bien. Nous en manquons ni de travail, ni de joie: que vouloir de plus?
Portrait de l’exploitation
Interview et photos: Fausta Borsani
Le fait qu’une production de fruits de table, extensive et en harmonie avec la nature, est économiquement rentable, aussi en comparaison avec la culture intensive de fruits, est confirmé par les chiffres des récents travaux d’Ivo Bosshard supervisés par IG-Kulturlandschaft (en allemand).
René Sgier, exploitant de «Hansjürg Imhof Bioprodukte» à Schwerzenbach (ZH), réfléchit de manière pratique. Il cultive des légumes sur 70 hectares, sans pesticides. Il gère la plus grande exploitation maraîchère de Suisse selon les directives Demeter. Il n’a aucune baguette magique. Mais il observe, réfléchit, soupèse et prend des décisions économiquement intelligentes. Il explique sans idéologie, mais avec beaucoup d’expertise, ce qu’il entend par de bonnes pratiques culturales: sélectionner quelques variétés, choisir des sites appropriés et favoriser les auxiliaires. Il prend soin du sol pour préserver autant que possible sa structure et bien laisser prospérer les organismes qui y vivent. Il crée ainsi dès le départ un bon climat pour des plantes saines.
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[1] Dans la définition du Plan de réduction des pesticides en Suisse (2016, p. 6) le Bt n’est pas considéré comme un pesticide, mais comme un produit phytosanitaire non problématique pour l’environnement.
René Sgier
Jeunes plants de brocoli pour la production de semences d'une variété résistante aux ravageurs
Le Bio peut toujours devenir "conventionnel". Mais le Bio, c'est aussi très varié. Toujours plus d'exploitations Bio vont aujourd'hui bien au-delà des exigences "ordinaires" de l'agriculture biologique. L'exploitation maraîchère de Roger Gündel montre à quoi cela peut mener. Son type d'agriculture se distancie plus de l'agriculture biologique que le Bio ne le fait de l'agriculture conventionnelle. Son "Bio+" montre clairement le potentiel qui existe dans une agriculture adaptée au lieu et à la nature.