Vision Landwirtschaft s'est beaucoup consacrée aux pesticides et à leur utilisation en agriculture ces dernières années. Il a en résulté le plan de réduction des pesticides en Suisse et d'autre études. Elles montrent que l'utilisation des pesticides peut être fortement réduit en Suisse et qu'à long terme une agriculture sans pesticides est possible et nécessaire. Cela pourrait rapporter à l'agriculture suisse d'importants avantages sur le marché à l'avenir.
La Suisse fait partie des pays avec une utilisation particulièrement grande de pesticides. Une grande partie de cette utilisation de poisons n'est pas indispensable. Avec des mesures facilement applicables, on pourrait la réduire de 50% d'ici à 2020. C'est ce que montre le Plan de réduction des pesticides en Suisse que Vision Landwirtschaft a publié en mai 2016.
Mais à plus long terme, il faut un changement de paradigme. Une production alimentaire dépendante de l'utilisation permanente de poisons n'a pas de futur. Une agriculture sans pesticide est tout à fait réalisable et n'est pas une utopie. Cela aussi le montrent des études, entre autres de Vision Landwirtschaft, mais aussi et surtout de nombreuses exploitations agricoles qui se passent depuis longtemps de pesticides. Vision Landwirtschaft a rallié presque 30 organisations des milieux de l'agriculture, de l'environnement, de la santé, de la technique et des consommateurs autour de la vision d'un futur de l'agriculture suisse sans pesticide. Maintenant, il faut encore le soutien actif des politiques et de l'administration fédérale.
L'avenir de l'agriculture suisse réside dans une production de qualité, qui se démarque de l'étranger, et pas seulement sur le papier mais avec une preuve solide par l'acte. Une production sans pesticide est une caractéristique distinctive qui apporte une plus-value énorme aux hommes et à l'environnement, que l'on peut communiquer facilement, et que de nombreux consommateurs souhaitent. Presqu'aucun autre pays que la Suisse n'a d'aussi bonnes conditions et autant de fonds publics pour matérialiser une telle agriculture. Il n'y a donc aucune raison pour retarder une mise en oeuvre active.
En 2021, le Parlement a décidé de soumettre à déclaration obligatoire la vente et la distribution, à savoir le commerce, de produits phytosanitaires et de fertilisants (spécialement les aliments concentrés et les engrais). En même temps, la déclaration a été rendue obligatoire pour les entreprises et les personnes qui utilisent des produits phytosanitaires à titre professionnel. Cela concerne l’agriculture, les entreprises de travaux agricoles ainsi que les exploitants d’infrastructures et d’espaces verts dans le secteur privé ou le secteur public. Pour la saisie de toutes les données exigées par la déclaration obligatoire, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a développé l’application web digiFLUX en étroite collaboration avec les futurs utilisateurs et utilisatrices. Une période transitoire de quelques années avec une déclaration obligatoire simplifiée devrait faciliter l’introduction des saisies numériques. L’OFAG a toutefois communiqué récemment des reports dans le calendrier (https://digiflux.info/fr/#actualites).
Une résistance, qui semble venir du secteur commercial, s’organise désormais contre le devoir de communiquer. Cela n’est pas étonnant, car digiFLUX garantit enfin la transparence dans le commerce des pesticides et des engrais chimiques. Jusqu’ici, seules les exploitations agricoles étaient tenues de fournir des données sous différentes formes. La revendication selon laquelle digiFLUX ne devrait pas causer davantage de travail pour les agricultrices et agriculteurs est légitime. Toutefois, la transparence dans le commerce répartit désormais la responsabilité sur l’ensemble de la chaîne de valorisation. Il s’agit d’une nouveauté qui revêt aussi une importance cruciale, car toutes les parties concernées portent ainsi leur part de responsabilité.
digiFLUX est un instrument indispensable au fonctionnement sans faille de tous les acteurs concernés à l’échelle nationale. Parmi eux, on compte aussi l’OFAG, l’OFEV et les cantons, qui ont urgemment besoin de ces données pour le monitoring agro-environnemental (MAE)et les indicateurs agroenvironnementaux (DC-IAE), afin de garantir un contrôle efficace du résultat des mesures de la politique environnementale. D’autre part, digiFLUX apporte une précieuse contribution au développement durable par l’identification des modèles et des causes des dangers dans l’optique d’un processus d’amélioration continue.
Dans les échanges avec les agriculteurs et agricultrices qui pratiquent l’épandage de pesticides, la question de l’impact sur la santé des utilisatrices et utilisateurs est récurrente.
Il existe peu de données à ce sujet en Suisse. Dans d’autres pays, certaines maladies pouvant être causées par les pesticides sont classées comme des maladies professionnelles. La définition du « délai de rentrée » livre quelques indices quant au danger sanitaire : des délais sont fixés pour le retour dans les cultures si, le lendemain de la pulvérisation, aucun travail de suivi ne peut être effectué en toute sécurité malgré le port de vêtements de travail et de gants. Pendant cette période, les travaux sur les feuilles sont totalement interdits et il faut attendre que les résidus sur les feuilles se soient suffisamment dégradés pour qu’il soit à nouveau possible de marcher sur la parcelle en toute sécurité avec des vêtements de travail et des gants. Agridea estime cette mesure nécessaire uniquement pour les produits requérant une protection de niveau 3. Toutefois, ces produits sont apparemment très toxiques, sinon de telles mesures de protection ne seraient pas recommandées aux utilisatrices et utilisateurs. Une étude du SECO s’est également penchée sur la question. Elle montre que certains effets sur la santé constatés dans l’agriculture sont plus fréquents que dans d’autres professions. Il est prouvé scientifiquement que les maladies spécifiques survenant chez les agricultrices et agriculteurs ont un rapport avec l’utilisation de produits phytosanitaires. La tendance émanant de la littérature concerne deux types de maladies : les cancers et les lésions du système nerveux.
Le sujet n’a été que très peu abordé en Suisse par l’opinion publique, l’accent étant mis sur les effets des pesticides sur les consommatrices et consommateurs ou l’environnement. Dans le canton de Zurich, les parlementaires Benjamin Krähenmann (Les Vert-e-s), Hans Egli (UDF) et Konrad Langhart (Le Centre) ont déposé une intervention à ce sujet. « Même si des études internationales indiquent une direction claire, les données disponibles en Suisse sont encore minimes », peut-on lire dans le texte. Le thème s’invite ainsi désormais dans les discussions politiques.
Une première étude sur la surveillance des pesticides portant principalement sur les consommatrices et consommateurs dirigée par la biologiste Dr Caroline Linhart est actuellement menée en collaboration avec l’Université de Neuchâtel.
En Suisse, il n’existe jusqu’à présent aucune organisation suprasectorielle indépendante susceptible de porter un regard global et critique sur le thème des pesticides et de fournir au grand public et aux milieux intéressés des informations et des prestations pertinentes au sujet des pesticides et des stratégies phytosanitaires alternatives. Il importe de combler cette lacune. Le présent rapport conceptuel soumet au débat une proposition de plateforme indépendante sur les pesticides.
L’établissement d’une plateforme Pesticides peut bénéficier aux processus de décision politiques et aux débats publics et accélérer la transition vers une utilisation du sol fondée sur des principes agroécologiques. La création de la plateforme proposée ici requiert toutefois un engagement, notamment financier, de toutes les institutions partenaires et organisations intéressées par la maîtrise des multiples défis liés aux pesticides et aux stratégies phytosanitaires alternatives.
Cette plateforme a pour objectif d’établir un service de coordination entre la science, les ONG, les agriculteurs, les pouvoirs publics et la classe politique. Elle est censée rechercher des faits ayant trait aux multiples aspects des pesticides, traiter les informations techniques en collaboration avec les institutions existantes et diffuser le savoir correspondant auprès du grand public. La plateforme constituera un service d’information indépendant et offrira aux personnes intéressées des services relatifs aux champs thématiques pertinents. Le présent rapport conceptuel présente des champs thématiques importants, nécessitant selon nous des actions urgentes.
Nous sommes toutes et tous partie d’une vaste expérience, car les pesticides sont désormais partout – dans l’air, dans l’eau, dans la nature, dans notre nourriture et même dans l’urine – les traces de pesticides issus de l’agriculture se retrouvent partout. Les pesticides menacent la biodiversité et les effets de ces substances dans notre corps sont encore largement inexplorés. Il est toutefois peu probable que les poisons nous fassent du bien. Pour les insectes et les oiseaux, il n’est plus question d’expérience depuis longtemps déjà. Les pesticides utilisés dans l’agriculture sont en effet tellement agressifs pour la nature que l’écosystème en est déséquilibré. Le Pestizidatlas Schweiz édité conjointement par la Fondation Heinrich-Böll et Public Eye relève des faits et tendances et des experts y expliquent le commerce juteux des pesticides ainsi que leurs conséquences.
L’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a publié la statistique de vente des produits phytosanitaires (Pph) en Suisse pour la période allant de 2008 à 2020. La quantité globale de produits vendus continue de baisser depuis 2013. Cela est réjouissant au premier abord et montre que l’évolution positive se poursuit. Malgré cela, les quantités de produits particulièrement toxiques commercialisés stagnent depuis des années. Dans ce cadre, l’OFAG souhaite inverser la tendance avec son plan d’action produits phytosanitaires national.
À première vue, les chiffres de vente des pesticides durant l’année 2020 semblent satisfaisants, mais il vaut la peine d’y regarder de plus près.
Comme on le sait, la quantité de pesticides utilisés ne donne aucune indication directe de leur potentiel de risque. Il apparaît ainsi que le volume de vente des pesticides présentant les risques les plus grands a conservé son niveau élevé ces dernières années. Les substances actives ont parfois des effets négatifs à des concentrations très minimes déjà sur notre équilibre hormonal et/ou peuvent nuire fortement à l’environnement. Les insecticides en particulier sont devenus beaucoup plus dangereux ces 30 dernières années pour les organismes non ciblés. C’est ainsi que certains nouveaux insecticides sont toxiques pour les abeilles et les insectes aquatiques dans des concentrations infimes de l’ordre de quelques milliardièmes.
Dans une comparaison à long terme, la commercialisation des insecticides n’a pas diminué, ceux-ci étant très fréquemment utilisés dans l’agriculture en Suisse.
Dans les données publiées, il est aussi frappant de constater l’augmentation des ventes de Mancozeb de 22 tonnes en 2019 à 89 tonnes en 2020, alors que les caractéristiques de perturbateur endocrinien de ce fongicide sont préoccupantes pour la santé humaine. L’UE a interdit l’utilisation du principe actif Mancozeb en octobre 2020 et l’a retiré du marché. En conséquence, cette substance active nocive pour la santé a également été interdite en Suisse. Le hic, c’est que le délai d’utilisation a été fixé au 4.1.2022 et que les stocks se sont vidés dans l’intervalle.
Des données plus significatives sont absolument nécessaires
Afin de pouvoir mieux évaluer les risques liés à l’environnement et à la santé humaine, des données transparentes sur l’utilisation précise des pesticides dans l’agriculture suisse sont indispensables. Car les agriculteurs peuvent aussi avoir recours à des principes actifs stockés et les conditions météorologiques exercent également une influence majeure sur l’usage des pesticides en général dans l’agriculture. Dans ce cadre, on peut supposer que l’année 2021, froide et humide, a globalement entraîné un recours plus important aux pesticides que d’autres années.
Cependant, pour pouvoir évaluer cela correctement, nous avons besoin de chiffres précis quant à l’usage des pesticides, sur le modèle de la Californie ou du Danemark. Dans l’UE également, des efforts sont entrepris en vue d’une meilleure exploitation des données récoltées afin de préserver l’homme et l’environnement contre les effets négatifs.
L'industrie agrochimique suisse produit et exporte de nombreux pesticides qui sont très toxiques et n'ont pas le droit d'être utilisés en Suisse. Cependant, ces toxines se retrouvent dans nos assiettes via les aliments importés, comme le montre une nouvelle étude de l’ONG Public Eye. Souvent, les quantités mesurées sont bien supérieures aux limites légales. À l'inverse, de nombreux pesticides hautement toxiques sont également autorisés en Suisse et interdits à l'étranger. Comme la Suisse n'exporte pratiquement pas de denrées alimentaires, nous ne causons aucun dommage à l'étranger. De plus en plus d'études prouvent que le cocktail de pesticides que nous consommons chaque jour par le biais de notre alimentation et de notre eau potable peut avoir de graves conséquences sur la santé, même dans notre pays. Une grande partie des données à ce sujet est encore tenue sous silence. Il est à craindre que d'autres nouvelles inquiétantes nous parviennent du commerce mondial des pesticides, particulièrement opaque, auquel la Suisse participe en première ligne.
L'agriculture régénérative - un nouveau mouvement dans le paysage agricole
De plus en plus d'agriculteurs remettent en question le credo : "Des cultures saines et des rendements élevés ne sont possibles que si nous fertilisons et pulvérisons". La plante n'a-t-elle pas besoin de quelque chose de complètement différent pour se développer, à savoir un sol sain et vivant ? Cette conviction est à l'origine de l'"agriculture régénérative". Elle est devenue un mouvement auquel de plus en plus d'agriculteurs se sentent attirés. Ils renoncent volontairement à l'utilisation de pesticides et d'engrais artificiels. L'accent est mis sur un sol sain et fertile. Le portrait suivant d'une ferme pionnière montre comment l'agriculture régénérative fonctionne.
(VA) Que se passerait-il si un agriculteur était convaincu que le système plantes-sol n'a pas besoin d'additifs ou de pulvérisations pour être productif ? Un sol sain et vivant et des cycles nutritifs fermés seraient-ils suffisants pour que la plante puisse se développer ? C'est précisément le principe de base de l'agriculture régénérative. Mais qu'en est-il des rendements ? Certains producteurs qui utilisent les méthodes de l'agriculture régénérative sont convaincus qu'ils peuvent atteindre des rendements comparables à ceux de l'agriculture conventionnelle. Mais comment cela est-il possible ?
Sol et plantes : un seul système
Le sol et la plante sont en échange permanent, mais bien plus encore : ils interagissent, pour ainsi dire, comme un organisme entier. Les plantes produisent du sucre par photosynthèse. En plus de leurs propres besoins, elles approvisionnent le sol et les micro-organismes qui y vivent, tels que les bactéries et les champignons. La plante transmet 90 % de sa photosynthèse au sol. La plante fait donc partie d'une relation symbiotique. Elle nourrit les organismes du sol et reçoit d'eux exactement ce dont elle a besoin, à savoir les éléments nutritifs du sol qui sont décomposés et mis à la disposition des plantes. En principe, l'agriculteur ne doit rien faire de plus que de préparer le sol et l'écosystème de telle sorte que les interactions entre la plante et le sol puissent se dérouler de manière optimale. Un facteur central est ici la teneur en humus du sol. En effet, les organismes du sol ont besoin d'un sol riche en humus. Dès qu'un climat de sol est établi dans lequel les organismes du sol se sentent à l'aise, ils fournissent à la plante tout ce dont elle a besoin pour une croissance saine et vigoureuse.
La ferme Stucki
La famille Stucki produit selon ces principes dans sa ferme près de Dägerlen, dans la région de Winterthur.
Le fermier Ralf Stucki dans un de ses champs de légumes.
Travailler avec le sol
Nous marchons sur les 26,5 hectares de la ferme Stucki. On y cultive principalement des légumes et des fruits. En plus des cochons de laine, des poulets, des canards et des dindes, 24 vaches laitières pâturent également sur les terres. "Ici, vous pouvez voir les premiers champs de légumes", dit Ralf Stucki. En me retournant, je vois de longues bandes recouvertes d'herbe coupée. Stucki s'agenouille et enfonce ses doigts dans la couche d'herbe. C'est du paillis, explique-t-il. Je fais de même et je fore mes doigts dans la couche d'herbe : sous l'herbe, il fait agréablement chaud, même si la température est tombée presque à zéro ces derniers jours.
Sous l'herbe, il fait agréablement chaud.
De près, je peux voir comment les feuilles vert clair des petits céleris poussent hors de la couche de paillis. Selon Ralf Stucki, le paillis doit être fraîchement coupé et vert lorsqu'il est déchargé afin que l'énergie obtenue par photosynthèse soit entièrement contenue dans l'herbe. Lorsqu'elle est rejetée dans le champ, l'herbe se décompose lentement en un an. Au cours de ce processus, les éléments nutritifs contenus dans l'herbe sont transférés au sol. Avant que cela ne se produise, la couche de paillis a un effet isolant, c'est-à-dire qu'elle stocke la chaleur. Cela est particulièrement important au printemps et permet en même temps de protéger le sol contre l'assèchement. Grâce à la couche de paillis, explique Ralf Stucki, il n'y a pratiquement pas de mauvaises herbes qui pourraient concurrencer les plantes encore petites. Comme le sol est protégé du soleil brûlant et des fortes pluies, il ne s'agglutine pas et ne se tasse pas.
Semis de céleri sous paillis.
Ralf Stucki est satisfait du résultat, les plantes se développent superbement dans la couche de paillis. De plus, la quantité de travail nécessaire est faible, après avoir planté et recouvert de paillis, tout est fait, dit-il avec satisfaction. Il n'a plus besoin de rouler sur le sol, de le travailler davantage, de le fertiliser et certainement pas de le pulvériser. Comme la couche de paillis minimise l'évaporation de l'eau, il n'a presque jamais besoin d'arroser les semis. En fait, il n'aura plus rien à faire avec la plante, dit-il en souriant, jusqu'à ce qu'il puisse la récolter. Un hectare de paillis nécessite quatre hectares d'herbe sur pied, ajoute Ralf Stucki. Pour s'assurer que le travail avec le paillis reste faisable et qu'il en vaille la peine en termes de rendement, de nouveaux plants sont plantés dans le paillis après la récolte.
Les oignons et le raifort poussent dans la rangée directement à côté des plants de céleri. Les Stuckis travaillent avec des cultures mixtes. Ce n'est pas pour rien que l'on dit en allemand que "les bons voisins grandissent ensemble". Les maladies et les parasites ont moins de chances de se propager dans les cultures mixtes. En outre, chaque plante a des besoins nutritifs différents. Cultivés dans des cultures mixtes, elles n'enlèvent rien les unes aux autres. C'est une autre façon d'empêcher le lessivage des sols et d'éviter l'application d'engrais. Ralf Stucki développe les combinaisons de plantes en échange avec le producteur de semences biologiques Sativa Rheinau AG. Actuellement, le quinoa pousse aux côtés des courgettes et des aubergines, le fenouil aux côtés des lentilles, des fèves et des petits pois.
Culture mixte d'aubergine et de fenouil.
Observer et apprendre
Le désir d'expérimenter de Stucki et sa grande ouverture d'esprit pour apprendre de nouvelles choses sont impressionnants, avec un enthousiasme contagieux! Il est clair que ce sont précisément ces qualités qui constituent la base de cette exploitation, qui propose 280 produits différents. Comme ils ne livrent pas aux grossistes, mais vendent leurs produits directement, les Stuckis peuvent se concentrer sur la variété plutôt que sur la quantité. C'est à son tour un point de départ idéal pour travailler et expérimenter avec des cultures mixtes.
Deux fois par an, Ralf Stucki se consacre à la terre d'une manière très particulière. Il crée une sorte d'infusion à partir d'orties fraîches, enrichie de raifort et d'extraits d'algues. Stucki injecte ces enzymes végétales, appelées "Rottenlenker", dans le sol avec une sous-soleuse afin de nourrir directement les microorganismes du sol. Le fumier animal est également utilisé de manière similaire. Les Stuckis n'utilisent pas d'excréments d'animaux directement dans les champs, car cela serait bien trop agressif pour le sol et les organismes qui y vivent. On peut littéralement le sentir lorsque le fermenteur ou le thé de compost a été étalé et que le sol commence à travailler : "Le sol sent comme après une pluie fraîche d'été, il commence à respirer", dit Stucki. Son expérience le confirme : les plantes bénéficient de ces soins du sol, elles sont beaucoup plus vitales.
La structure légère et la couleur marron foncé sont signes d'un sol très vivant.
L'agriculteur comme "chercheur"
Outre l'observation et l'évaluation constante, Stucki fait également des expériences : par exemple, l'incorporation de paillis dans le sol au lieu de le poser en couche apporte un rendement moindre - Stucki a tout essayé. Le fait que les arbres de Noël poussent en combinaison avec les abricotiers, en revanche, s'est avéré être une bonne idée. Les sapins protègent le sol du dessèchement en été, les arbres fruitiers font de l'ombre aux sapins et en hiver, les poules vivent entre les arbres. De cette façon, les sapins argentés restent exempts de parasites tels que les cochenilles et l'araignée rouge. Même les souris restent à l'écart grâce aux poulets. En plus de toutes ces expériences, Stucki veut aussi que tout soit faisable et que la ferme avec ses cinq employés soit économiquement viable. Et c'est le cas.
Des arbres de Noël mélangés à des abricotiers.
La ferme - un système autonome En poursuivant la conversation avec Stucki, on remarque rapidement les visions qui influencent son travail. Outre sa joie d'expérimenter, la pensée de Stucki est proche de l'approche de l'agriculture régénérative. Ralf Stucki poursuit une agriculture dans le sens de la nature, il s'efforce de trouver des sols sains avec un bon équilibre hydrique. En outre, il est important pour lui de prendre des décisions holistiques qui tiennent compte à la fois des intérêts écologiques, sociaux et économiques.
Sa ferme fonctionne comme un cycle fermé. Par exemple, les aliments pour animaux (herbe, plus un peu d'orge, de maïs, de blé et de soja) dans la ferme Stucki sont tous produits sur place, de sorte que rien d'autre ne doit être acheté. En juillet, lorsque les tomates sont sur le point d'être récoltées, les plantes vivaces sont traitées avec un mélange lait-eau pour les protéger des attaques fongiques. Le climat acide, qui est causé par la fermentation du lait sur les feuilles, empêche les champignons de se fixer sur les feuilles. Pour Stucki, régénérer signifie que tout est pensé ensemble comme un système unifié : le sol, les plantes, les animaux et l'homme. Tous ces piliers interagissent les uns avec les autres et peuvent se nourrir et se soutenir mutuellement. Le changement climatique, qui ne cesse de progresser, imposera de nouvelles exigences à l'agriculture et nécessitera une remise en question. Ici aussi, l'approche de l'agriculture régénérative est particulièrement prometteuse, lorsqu'il s'agit par exemple de protéger le sol contre l'assèchement ou de cultiver des zones comme éventuels puits de CO2.
Le chemin parcouru par la famille Stucki est donc d'une grande actualité sous de nombreux aspects. Ou, comme le dit lui-même Stucki : "Je ne sais pas ce qui est juste, mais j'ai définitivement le sentiment qu'il est plus juste de suivre cette voie plutôt que l'agriculture conventionnelle de plus en plus dépendante, et que cette voie peut nous amener plus loin que celle que nous avons suivie jusqu'à présent".
Plus de 600 000 abeilles sont mortes dans le canton d'Argovie à cause d'un pesticide contenant la substance active fipronil. Le produit avait été homologué par l'OFAG, mais ne contenait pas les ingrédients indiqués. L'OFAG ne fait que des tests par échantillonage au hasard en laboratoire. Entre 2014 et 2018, par exemple, seuls 28 produits ont été testés en laboratoire, avec 16 produits présentant des différences entre les quantités de substances actives et les quantités autorisées. Les étiquettes contenaient souvent des noms de substances actives, des concentrations ou des numéros de lots incorrects.
Le chlorprophame est hautement toxique pour les hommes et les animaux. La substance active porte atteinte aux organismes aquatiques avec des effets à long terme, et est également considérée comme cancérogène et dommageable pour les organes. En Suisse, la substance active est utilisée en tant qu’inhibiteur de germes dans la transformation des pommes de terres. Les pesticides sont ainsi pulvérisés directement dans les entrepôts. La substance active ne se dépose pas seulement sur les pommes de terre, mais il pénètre aussi l’intérieur des pommes de terre. Ensuite, ces pommes de terre sont utilisées pour faire des frites destinées à la consommation humaine.
Lorsque la substance active est utilisée une fois dans l’entrepôt de pommes de terre, elle n’est pas dégradée mais s’accumule dans les matériaux de construction du bâtiment. En raison de sa forte toxicité, les États membres de l’UE devaient retirer leurs autorisations nationales des produits en contenant jusqu’en octobre 2020 suite à la décision de la Commission européenne de non-renouvellement de l’approbation de la substance active chlorprophame. La substance active a déjà été interdite en France et en Allemagne. Les anciens locaux de stockage doivent être assainis, éventuellement démolis pour cause de résidus trop importants.
Les autorités d’homologation en Suisse n’ont pas encore interdit le chlorprophame. Une interdidction de la substance active pourrait être introduite au plus tôt en été 2020. Alors que les effets nocifs sur la santé humaine sont connus depuis longtemps. Les lacunes identifiées dans le rapport de contrôle sur la procédure d’homologation des pesticides, doivent être enfin corrigées et une base juridique doit être mise en place afin que des homologations de substances actives puissent être retirées immédiatement.
Dans une étude pilote, la SSIGE a étudié, en collaboration avec d’autres acteurs, le comportement à long terme des pesticides et de leurs métabolites dans les eaux souterraines. Les recherches montrent combien les métabolites peuvent avoir une longue durée de vie. Par exemple, les métabolites de la chloridazone peuvent se retrouver en quantités inchangées dans les eaux souterraines même des années après l’arrêt de son utilisation.
Lors de l’homologation des pesticides, on ne connaît généralement rien sur les effets à long terme qui peuvent avoir de graves conséquences pour les hommes, les animaux et l’environnement!
Un produit de pulvérisation que n’importe qui peut acheter, mal déclaré et importé d’une société boîte aux lettres sans employé, a empoisonné des milliers d’abeilles. Personne ne sait quelle quantité de cet insecticide a déjà été vendue et où il a été utilisé - ni l’Office fédéral de l’agriculture compétent ni la coopérative agricole bernoise Fenaco qui l’a vendu. L’exemple est typique et montre à quel point la Suisse est négligente dans sa façon de gérer les pesticides hautement toxiques. L’utilisation de pesticides en Suisse est une totale boîte noire avec de nombreuses bombes à retardement qui nous attendent encore. Chaque fois qu’une boîte noire explose, les autorités dédramatisent ou s’attellent à limiter les dégâts au lieu d’enfin attaquer le mal de la situation inacceptable à la racine.
Les agriculteurs le prouvent. Cela fonctionne sans pesticides. L'agriculteur Hans Egli de Steinmaur cultive des céréales sans pesticides pour Fredy Hiestand. Autrefois il pouvait traverser les champs avec un pulvérisateur, mais aujourd'hui, il utilise une herse étrille pour lutter contre le mauvaises herbes dans son blé.
Fredy Hiestand paie huit francs de plus par 100 kg pour le blé produit sans pesticides et déclare : "Jusqu'à présent, nous avons entièrement payé le supplément de prix, car nous pensons qu'il faut enfin faire quelque chose".
Les insecticides ne nuisent pas qu’indirectement aux oiseaux en décimant les populations d’insectes, donc en détériorant leurs ressources alimentaires. Un groupe de recherche canadien a maintenant montré pour la première fois que déjà des quantités très petites de résidus d’insecticides avec une longévité très élevée peuvent modifier le comportement des oiseaux migrateurs et réduire fortement leurs chances de survie.
Si des plantes ou des graines traitées avec des néonicotinoïdes sont mangées par des oiseaux, cela entraîne alors une réduction de la consommation de nourriture après quelques heures déjà. Les oiseaux perdent du poids. Chez les oiseaux migrateurs, cela a pour conséquence de partir avec quelques jours de retard et en plus affaiblis par les poisons lors de leur long vol de retour dans leurs zones d'hivernage.
En Suisse, l’utilisation de trois pesticides contenant des néonicotinoïdes a récemment été interdite en plein air depuis peu, pourtant on trouve toujours des résidus de ces neurotoxines dans des écosystèmes sensibles et sur des surfaces cultivées depuis des décennies de manière biologique. Les substances actives à longue durée de vie et leurs métabolites ont été emportées des zones d’utilisation par formation de poussières et de pluies et constituent aujourd’hui encore pour des insectes, des araignées et des vers une charge chronique de pesticides.
L’histoire s’est déjà répétée à maintes reprises: la toxicité des pesticides et leurs effets néfastes sur l’environnement ou la biodiversité ne sont reconnus qu’après des années ou des décennies. Ensuite seulement le pesticide est retiré du marché. L’industrie est alors prête avec un nouveau pesticide prétendument sûr. Jusqu’à ce que les problèmes engendrés redeviennent inacceptables et ainsi de suite.
Pour Vision Agriculture, il n’y a qu’un seul moyen de sortir de cette spirale infernale: sortir d’une agriculture basée sur les pesticides.
En ce qui concerne les pesticides, la Suisse présente de graves lacunes dans l’exécution des lois et des ordonnances. Personne ne sait et ne contrôle de facto quels pesticides sont utilisés dans le paysage, et les informations, lorsqu’elles sont disponibles, sont retenues par les autorités parfois délibérément.
Il n’est donc pas surprenant que le non-respect des lois et des ordonnances soit à l’ordre du jour parmi les autorités et les utilisateurs. C’est ce que montrent des études d’ONG. Les conséquences sont des dépassements fréquents des valeurs limites de pesticides dans les eaux de surface et l’eau potable, ou le manque toujours plus marqué de pollinisateurs dans le paysage.
Pour Vision Agriculture et de plus de plus d’organisations paysannes et environnementales, c’est clair: il ne sera pas possible de maîtriser les traitements avec des pesticides. Les coûts que les pesticides font porter sur l’environnement, la population et surtout les générations futures sont énormes. Le plan d’action de la Confédération n’apporte pas de solution, puisqu’il n’a même pas pour objectif une situation qui serait conforme à la loi. Il n’y a qu’une seule voie possible: se diriger vers la sortie. Des alternatives sont disponibles depuis longtemps ou sont en cours d’élaboration.
La dernière étude exhaustive NAQUA de la Confédération montre que "les nitrates et les résidus de produits phytosanitaires, en particulier, compromettent durablement la qualité des eaux souterraines". Même la Confédération, qui serait elle-même responsable d’une eau potable irréprochable, qualifie la situation de grave.
Pourtant elle n’offre jusqu’à présent aucune solution. Son "Plan d'action des produits phytosanitaires" à peine convaincant, avec ses innombrables mesures non contraignantes ou peu efficaces, ne va pas changer grand-chose à la situation intenable. À l’heure actuelle, seules les deux initiatives sur les pesticides offrent de perspectives de solution.
L'Association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA) est convaincue que l'initiative sur l'eau potable serait très bénéfique tant pour l'environnement que pour l'agriculture suisse. Les experts ont fondé leurs conclusions sur un avis juridique détaillé ainsi que sur les scénarios calculés par Agroscope, qui entreraient en jeu si l'initiative était adoptée.
L'association swisscleantech s'engage pour une économie durable. Christian Zeyer, directeur, explique pourquoi l'agriculture doit devenir justement plus durable et quelles nouvelles technologies peuvent contribuer à réduire au minimum l'utilisation des pesticides et des engrais minéraux.
Swisscleantec voit une opportunité de réduire à l'avenir de 90% l'utilisation de pesticides grâce à l'utilisation d'aides techniques telles que des drones ou des robots désherbeurs. Il faudra probablement un certain temps avant que ces assistants techniques ne conquièrent les champs suisses, car l'utilisation des pesticides est beaucoup trop bon marché par rapport à l'achat d'un robot, par exemple pour biner. Si les prix des pesticides étaient augmentés et que des taxes incitatives étaient instaurées sur ces produits, l'utilisation de cette nouvelle technologie respectueuse de l'environnement deviendrait plus attrayante.
La RTS est allée tester la présence de quelques pesticides dans des mèches de cheveux prélevés sur 9 parlementaires romands lors de la session pendant laquelle les deux initiatives concernant les pesticides ont été rejetées sans contre-projet. Sur les 9 échantillons, 2 échantillons ne contenaient aucun des substances recherchées, 5 échantillons en contenaient 1 et 2 échantillons ont révélé la présence de 3 néonicotinoïdes.
Les parlementaires qui s’étaient prêtés au jeu étaient plus ou moins surpris à la lecture des résultats. Il est connu que de telles substances se retrouvent partout dans l’environnement et qu’il est pratiquement impossible de les éviter, quelques soient les efforts pour consommer par exemple Bio.
Jean-Noé Morier-Genoud a repris il y a trois ans un domaine avec sa femme et ses enfants, qu’il a immédiatement reconverti en Bio: «depuis qu’on utilise des pesticides de synthèse, on ne sélectionne que la qualité du fruit, de la facilité à le commercialiser, ça veut dire que le fruit doit être rouge avant d’être mûr (…) plutôt que de sélectionner la résistance aux champignons, aux insectes ou aux mauvaises herbes. Il fait être d’accord qu’on doit changer quelque chose et la clé du succès c’est la diversité des cultures, la diversité sur la ferme je pense la sélection des variétés.»
Avec la culture des fruits et légumes, c’est en viticulture que la plupart des pesticides sont utilisés. C’est pourquoi on considère ardu de se passer de ces substances toxiques. De plus en plus de pionniers montrent comment cela est possible. Le vigneron Bruno Martin est l’un de ceux qui a particulièrement bien réussi dans cette voie. Grâce au soin qu’il porte à la biodiversité, il peut même se passer d’engrais. Il montre ainsi la voie vers une agriculture d’avenir sans poison et respectueuse des ressources, qui travaille avec la nature plutôt que contre elle, engendrant ainsi moins de coûts autant dans la production que pour l’environnement.
Bruno Martin - «Les visions sont les semences pour les récoltes du futur»
Les bases de la viticulture sans pesticides
Quiconque navigue sur le Lac de Bienne ne peut ignorer les vignobles qui ornent les coteaux de la rive gauche du Lac de Bienne. La production de vin blanc caractérise traditionnellement les vignobles au pied du Jura. Des cépages comme le Chasselas, le Chardonnay ou des cépages de la famille des Pinot se sentent particulièrement bien sur les sols calcaires typiques du site. Les vignes profitent de l’effet d’accumulation de chaleur du lac et des avantages microclimatiques des pentes en terrasses.
Aussi idyllique que la région viticole ensoleillée soit décrite, elle a aussi des revers: la majeure partie des vignes sont exploitées selon les directives PER et donc avec une forte utilisation de pesticides. Seuls quelques vignerons s’engagent avec conviction dans la production de vins Bios. Bruno Martin de Ligerz est l’un d’eux. Il s’investit avec passion pour une viticulture respectueuse de la nature et va bien au-delà de l’agriculture biologique elle-même: il renonce complètement aux pesticides sur toujours plus de parcelles et n’utilise plus que des stimulateurs des défenses naturelles des plantes. Son credo est un sol sain où poussent des plantes saines qui peuvent se protéger contre les ravageurs.
Dans le plus grand respect de la nature
Celui qui discute avec le vigneron remarque rapidement quelles visions forgent sa pensée. Son esprit pionnier, son courage et ses succès durement gagnés sont contagieux.
Bruno Martin exploite le domaine viticole depuis 1982. Ses huit hectares de vignes ornent les pentes de Ligerz, un petit village viticole sur la rive gauche du Lac de Bienne. S’y ajoutent environ 58 ares de surfaces écologiques dotées d’une variété de précieux éléments écologiques. Depuis bientôt 20 ans, l’exploitation suit les directives de Bio-Suisse et de Demeter.
Bruno Martin dans ses vignes avec un mur de pierres sèches qu’il a construit
Bruno Martin a appris tôt déjà de sa grand-mère l’importance d’une nature intacte. C’est elle qui lui a donné les valeurs qui l’ont façonné jusqu’à aujourd’hui: une approche respectueuse de ses semblables, mais aussi une approche juste et durable avec les bases de production.
Lorsqu’il a pu reprendre les vignes de sa grand-mère, il était le seul agriculteur, exploitant alors encore en PI, à renoncer à l’utilisation en long et en large de ces poisons acaricides. Il en a payé le prix fort déjà la première année lorsque les feuilles de ses vignes ont subi de gros dégâts à cause d’une infestation d’acariens, entraînant de fortes pertes de rendement. Cela l’a amené à réfléchir. À la place d’investir dans des pesticides, il a commencé à miser sur une biodiversité intacte. Il s’est intéressé aux bases de production du sol, il a planté des arbres et des haies, il a construit des murs de pierres sèches, il a renoncé au travail du sol et il a enherbé ses vignes.
Plus que Bio
Peu après s’être reconverti au Bio, le cépage rouge «Regent», l’une des premières variétés résistantes aux maladies fongiques «PIWI», est apparue sur le marché en 1991. Bruno Martin n’a pas hésité et il a planté ses premières vignes PIWI, dont la proportion a continuellement augmenté, jusqu’à atteindre environ 60% aujourd’hui. Cela lui a permis de réduire massivement l’utilisation de pesticides également autorisés en agriculture biologique (cuivre et soufre).
Les premiers vins de Bruno Martin produits entièrement sans pesticides, seront disponibles sur les rayons de la Coop dès l’automne prochain. Lorsqu’on lui demande pourquoi il va encore plus loin que les producteurs Bios ou Demeter dans sa conception de production sans pesticides, il répond simplement: «Les visions sont les semences pour les récoltes du futur». Il est convaincu que l’immobilisme conduit à une impasse et qu’il est indispensable de continuer le développement du «Bio» actuel.
Comment produire du vin sans pesticides
Le chemin vers la production d’un vin sans pesticides a été semé d’obstacles. Bruno Martin est un battant, et il sait comment atteindre ses objectifs. Une production sans pesticides n’est possible qu’en combinant différentes mesures et conditions préalables:
Site / conditions météorologiques / variétés
Le sol et le climat du site déterminent souvent en viticulture le succès ou l’échec en relation avec la lutte contre des maladies fongiques. Les variétés PIWI prospèrent magnifiquement dans les vignobles au top et peuvent y exploiter au mieux leur résistance aux maladies fongiques.
Vitalité du sol et des plantes
Bruno Martin mentionne toujours le mot «équilibre» quand il parle de ses vignes. Si le sol et les plantes sont surchargées, par ex. avec de trop forts épandages d’engrais ou une utilisation trop fréquente de pesticides et de machines, les bases de production importantes ne sont plus équilibrées, ce qui entraîne un stress, diminue leur résistance et conduit donc à des pertes de rendement.
Gestion de la fauche
Cela doit être vert entre les vignes, la diversité végétale doit se développer, fleurir et germer: sur l’exploitation de Bruno Martin, les pieds de vigne ne sont fauchés la première fois que lorsque le mildiou, un champignon redouté en viticulture, apparaît. L’herbe haute autour des vignes doit encore être maîtrisée afin que les plantes sèchent bien. Après cette première coupe, les rangs de vigne sont fauchés en alternance. Les petits organismes ont ainsi toujours la possibilité de se déplacer dans d’autres bandes herbeuses.
Filets de protection contre la grêle
Les ceps de vigne sont dirigés vers le haut par des filets de protection contre la grêle. Cela favorise un meilleur séchage des pieds de vigne et réduit ainsi le risque d’attaque par des infections fongiques. Un autre avantage des filets de protection contre la grêle, est le rejet de l’eau de pluie. L’eau s’écoule le long des filets jusqu’à l’extérieur de la vigne, où elle s’infiltre. Encore un effet positif pour un séchage rapide des vignes.
Effeuillage
Après la floraison des vignes, quand les raisins ont à peu près la taille d’un petit pois, les vignes sont généreusement «effeuillées». Toutes les feuilles autour du raisin doivent être enlevées afin que l’humidité ne s’accumule pas.
Une fois toutes ces mesures prises, Bruno Martin doit parfois encore recourir au cuivre ou au soufre (Demeter autorise max. 3kg cuivre/ha/an) – mais seulement pour ses anciennes variétés sensibles aux maladies. Le mildiou peut être bien maîtrisé avec un traitement au cuivre et aux effets limités de l’utilisation du soufre. Par contre, le cuivre n’agit pas contre l’oïdium (une autre infection fongique courante de la vigne), et il faut alors utiliser du soufre.
Depuis que Bruno Martin enherbe ses vignes toute l’année et qu’il ne fertilise plus ses plantes, ses vignes n’ont plus jamais subi d’attaque de botrytis (pourriture grise qui provoque le pourrissement des raisins).
Écosystème en équilibre ou «agriculture régénérative»
Le mot «biodiversité» revient toujours dans la conversation avec Bruno Martin. Son vignoble de Ligerz est unique dans cette région. Haies, arbres fruitiers à haute tige, prairies écologiques riches en fleurs, nichoirs, murs de pierres sèches, et même hôtel pour belette embellissent les coteaux de ses vignes. Des éléments de structure se trouvent au moins tous les 50 mètres pour ce que Bruno Martin appelle la biodiversité «au-dessus du sol». Ces éléments sont entretenus avec l’amour du détail, pour que de petits êtres vivants y trouvent refuge, comme les lézards, les bourdons, les abeilles sauvages et les andrènes, ou encore des serpents. Lors de la fauche dans les vignes, une attention est aussi portée aux plantes particulières. Le résultat est impressionnant. On trouve par exemple dans son vignoble l’orchis à odeur de bouc, une espèce d’orchidée très rare et menacée, qui forme aujourd’hui l’une des plus grandes populations de Suisse.
Un hôtel pour belettes dans les vignes de Bruno Martin
Biodiversité aussi dans le sol
Pour Bruno Martin, la biodiversité souterraine est tout aussi importante que celle «au-dessus du sol». Elle a une influence énorme sur l’équilibre des sols et des plantes. Bruno Martin ne travaille pas ses sols. Il laisse ce travail aux innombrables organismes du sol qui s’occupent de l’ameublissement, de l’aération et de la perméabilité.
Lors de la reprise de vignes par Bruno Martin dans le passé, l’assainissement du sol était généralement la première mesure. Un tel assainissement ne réussit qu’en collaboration avec la nature et avec de nombreuses années de patience: ajout de compost, semis de radis fourrager, années de transition sans aucune mesure et assouplissement de démolition (ameublissement du sol jusque dans des couches profondes) ne sont que quelques-unes des mesures prises pour créer une structure de sol saine. Si le sol trouve alors un équilibre, ni apport d’engrais ni travail du sol ne sont plus nécessaires. Seule de la dolomie, une roche carbonatée riche en calcium et en magnésium, est épandue sur le sol tous les 10 ans.
Bruno Martin vit depuis des années avec ce que l’on appelle une «agriculture régénérative». Il ne cesse de le répéter: «Quand le sol, les vignes et la biodiversité sont en équilibre, alors mes raisins restent en bonne santé.»
Le courage d'innover
Bruno Martin est un vigneron convaincu, qui s’est engagé sans concession sur la voie d’une agriculture sans pesticides. Il souhaite aussi motiver d’autres agriculteurs à réfléchir aux systèmes de production actuels, à les remettre en question et à toujours emprunter de nouvelles voies.
La conversion à une production sans pesticides demande non seulement du courage et de la persévérance, mais avant tout une confiance dans la nature et ces processus.
Alors que le Parlement débat sans fin du problème des pesticides en agriculture, et qu'il ne prend aucune mesure contraignante sous la pression de l'agro-industrie et des organisations agricoles rétrogrades, les CFF agissent: d'ici 2025, ils se passeront totalement de l'herbicide controversé glyphosate. Les CFF étaient le plus gros acheteur privé de glyphosate qu'il utilisait pour lutter contre les mauvaises herbes sur les voies ferrées
Ce qui est remarquable dans cette démarche des CFF, c'est qu'ils ne veulent pas simplement remplacer le pesticide probablement cancérigène par un autre. Ils veulent utiliser des procédés alternatifs respectueux de l'environnement, dont de l'eau chaude. Cela présente aussi l'avantage de ne nécessiter que quatre traitements par an, beaucoup moins qu'avec le glyphosate. Avec cette décision, les CFF deviendront libres de pesticides.
La politique agricole officielle promet une agriculture durable depuis 20 ans. Elle n’a pas tenu sa promesse jusqu’ici. Au contraire, une grande partie de l’argent investi affaiblit la production durable. Une étude récemment publiée par Agroscope montre qu’un OUI à l’initiative pour une eau potable propre (IEPP) obligerait la Confédération à utiliser enfin l’argent des contribuables de manière cohérente pour une agriculture durable.
La station de recherches agronomiques Agroscope a examiné les conséquences possibles de l’initiative pour une eau potable propre (IEPP) sur l’agriculture au moyen de modèles de calculs détaillés. Différents scenarii ont été défini, chacun avec une mise en œuvre différente du texte de l’initiative. 15 des 18 scenarii ne sont pas réalistes et ont été majoritairement pris en compte dans l’étude sous la pression de l’Union suisse des paysans. Ils interprètent le texte de l’initiative de manière beaucoup plus restrictive que les auteurs de l’initiative eux-mêmes. Une telle interprétation du texte de l’initiative n’est donc en aucun cas réaliste et elle restreindrait l’agriculture bien plus fortement que nécessaire.
Peu de scenarii sont réalistes
Seuls 3 scenarii (Nr. 3, 6 et 9) correspondent à une interprétation réaliste du texte de l’initiative. C’est ce que montre Vision Agriculture dans son évaluation publiée dans le rapport d’Agroscope. Selon ces scenarii, la plus grande partie des terres agricoles de Suisse seraient exploitées à l’avenir sans pesticides après adoption de l’initiative. Les dépassements fréquents des valeurs limites de pesticides dans les captages d’eau potable et dans les eaux de surface qui sont constatés en Suisse depuis tant d’années sur presque l’ensemble des régions de grandes cultures sans amélioration, pourraient enfin appartenir au passé.
Il en va de même pour les émissions provenant de la détention d’animaux, en particulier de l’ammoniac. Ces émissions ont dépassé de plusieurs fois les valeurs limites légales dans la plupart des régions ces dernières décennies. D’après les résultats de la modélisation, l’IEPP entraîne une diminution modérée des effectifs d’animaux ainsi que des émissions – un résultat que la politique agricole n’a pas atteint jusqu’ici malgré les centaines de millions de francs des contribuables dépensés. L’IEPP devrait ainsi poser efficacement les jalons d’une agriculture enfin conforme à la législation suisse en matière de protection de l’environnement et des eaux.
Hausse du revenu agricole
D’après les calculs du modèle, les impacts économiques attendus sont particulièrement réjouissants du point de vue agricole. Si le scénario Nr. 6, le plus réaliste des trois scenarii mentionnés (évolution moyenne des prix) est retenu comme référence, le revenu augmente de 12% pour les exploitations qui maintiennent les Prestations écologiques requises PER; avec le scénario Nr. 9 qui se base sur une évolution des prix plus favorable, l’augmentation s’élèverait même à 32%. Même les exploitations qui arrêtent les PER et renoncent aux paiements directs (environ 11%), gagnent en moyenne 2% de plus car ils sont en mesure de compenser la perte des paiements directs par des rendements bruts plus élevés.
En ce qui concerne la production et l’utilisation des terres, les résultats du modèle montrent une hausse des terres ouvertes; le recul des surfaces de betteraves sucrières, d’oléagineux ainsi que des vignes, des fruits et des baies, est compensé par une augmentation des céréales et des légumes. Cela montre bien que les défis d’une adaptation essentielle aux exigences de l’IEPP pour différentes directions de production, s’inscrivent généralement dans une cadre réalisable, mais qu’ils sont d’importances diverses. Des programmes de soutien et d’ajustement appropriés doivent être mis en place pour une phase de transition de 8 ans pour les types de production particulièrement touchés. Les capacités de production et de transformation nécessaires à la sécurité de l’approvisionnement doivent continuer à être garanties comme aujourd’hui avec des contributions pour certaines cultures comme les oléagineux.
Quasiment aucun recul de la production
Malheureusement, l’étude ne fournit pas le taux net d'autoapprovisionnement pertinent (qui tient compte des importations de fourrages pour animaux). D’après un calcul ultérieur de Vision Agriculture, son recul devrait être nettement inférieur à 10%. Ce qui veut dire qu’un peu plus de produits agricoles devraient être importés, mais dans une mesure limitée même en appliquant l’initiative de manière plus restrictive. Si l’on considère les progrès techniques et de sélection dans la production sans pesticides, dont l’étude ne tient pas compte, les importations supplémentaires ne sont presque plus nécessaires.
Conclusion En partant du principe que le Parlement utilisera la marge de manœuvre du texte de l’initiative pour mettre en œuvre l’initiative aussi efficacement que possible en ce qui concerne l’environnement et la rentabilité, les effets devraient être encore nettement plus positifs que dans les seuls scenarii réalistes Nr. 3, 6 et 9 d’Agroscope. L’IEPP représente donc clairement une chance pour une agriculture suisse plus durable et en même temps plus rentable. Elle permet à la politique agricole de se développer dans une direction qui correspond exactement à ses objectifs officiels qui n’ont de loin pas été atteints depuis 20 ans.
L’Institut Fédéral Suisse des Sciences et Technologies de l'Eau Eawag a de nouveau étudié les effets des pesticides sur les cours d'eau suisses et a constaté des résultats alarmants. Des résidus de dizaines de pesticides entraînent un déclin massif des microorganismes aquatiques dans nos eaux. Il en résulte une disparition des poissons, comme la truite, pour lesquels les ressources alimentaires viennent à manquer.
Depuis 2000, les captures de l’ensemble des poissons de cours d’eau suisses a diminué d’environ un tiers. La Fédération Suisse de Pêche estime qu’'il est indispensable d’interdire onze des pesticides les plus dangereux pour les eaux suisses, d’autant plus que l’agriculture pourrait renoncer à l’utilisation de ces pesticides. L’un de ces pesticides est le Diuron qui est utilisé en agriculture comme herbicide et qui est considéré comme gravement dangereux pour les eaux.
Il existe aujourd’hui en agriculture différentes méthodes de lutte mécanique contre les mauvaises herbes. Il est donc grand temps d’abandonner l’utilisation de ces pesticides et de retirer leur utilisation.
Intensiv bewirtschaftete Obstanlagen führen zu einer massiven Reduzierung der Biodiversität und zu einer starken Abhängigkeit von externen Inputs um die Bodenfruchtbarkeit zu erhalten und einen wirkungsvollen Pflanzenschutz zu gewährleisten.
Nun zeigen innovative Obstproduzenten, dass mit einem zukunftsweisenden Management im Obstbau die Bodenfruchtbarkeit und Biodiversität nachhaltig verbessert werden kann. Nicht nur die ökonomischen Leistungen verbessern sich dadurch markant, auch die Vorteile für Umwelt und Gesellschaft überwiegen.
Aucun groupe ne gagne plus d’argent dans l’agriculture suisse que la multinationale Fenaco. Les multinationales rusées du secteur agroalimentaire reçoivent des milliards de francs pour l’achat des aliments pour animaux, des engrais, des pesticides etc. des exploitations agricoles suisses. Plus la production est industrielle, plus l’affaire est rentable.
Si à l’avenir moins de ces matières auxiliaires nocives pour l’environnement doivent être utilisées, comme le veut l’Initiative pour une eau potable propre, ce sera autant de moins directement dans les poches de Fenaco, Syngenta & Co. Pas étonnant que l’agro-industrie fasse tout son possible pour lutter contre cette initiative. Par exemple Fenaco investit 200'000 francs dans la campagne contre l’initiative. Pas directement, mais à travers l’Union suisse des paysans, qui est étroitement liée à Fenaco financièrement et personnellement.
Ceux qui souhaitent une agriculture paysanne plus durable et moins d’agro-industrie, soutiennent l’Initiative pour une eau potable propre.
La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité IPBES présente ces jours à Paris son analyse mondiale sur l’état de la biodiversité. Le Président d’IPBES Sir Robert Watson a mis en garde contre un effondrement mondial de la biodiversité en début de conférence. Elle se trouverait dans une situation d’urgence grave, pour laquelle une action toute aussi énergique que celle pour le changement climatique est nécessaire.
La production de denrées alimentaires est l’activité humaine qui affecte le plus fortement les écosystèmes. L’agriculture et les menaces qu’elle fait peser sur la biodiversité, par exemple la détérioration des habitats ou la pollution de l’environnement par les pesticides, seront donc un thème central de la conférence plénière IPBES.
Pour une fois, la Suisse ne peut pas pointer du doigt d’autres pays et continents. Selon l’OCDE, les déficits dans le domaine de la biodiversité en Suisse sont particulièrement élevés, et en premier lieu dans l’agriculture.
"L’utilisation de pesticides en agriculture est de plus en plus critiquée. On trouve des résidus dans presque tous les sols et toutes les eaux du pays", selon le journal Landbote, qui rapporte que de plus en plus d’agriculteurs souhaitent se distancer des pesticides. L’un d’entre eux est le vigneron Roland Lenz qui exploite l’un des plus grands vignobles de Thurgovie.
Maintenant, Lenz crée le label "Pesticide free" pour sa méthode de production. Lui et d’autres viticulteurs suisses vont désormais étiqueter le vin qu’ils produisent sans pesticides.
De nombreux pesticides sont normalement utilisés dans les vignes. S’en débarrasser est considéré comme particulièrement exigeant. Lenz a réussi grâce à un travail de pionnier sur plusieurs années. Il n’utilise plus non plus de cuivre. Sa production va donc encore plus loin que l’agriculture Bio.
Ce qui est possible en viticulture, devrait s’implanter dans toujours plus de cultures à l’avenir. Vision Agriculture se bat pour y parvenir avec son projet "agriculture suisse sans pesticides" et un comité d’agriculteurs. Ils montrent concrètement comment cette méthode de production prometteuse peut être mise en œuvre.
Deux études de l’Institut de Recherche de l'Eau (eawag) et du centre suisse d'écotoxicologie appliquée (centre ecotox) menées sur mandat de l’Office fédéral de l’environnement, ont de nouveau montré que les eaux des zones agricoles sont fortement contaminées par des pesticides. À certains endroits, comme Eschelisbach (TG), la concentration de ces pesticides est toxique pendant des mois durant la période de végétation. Cela menace gravement certaines plantes et certains animaux, comme par exemple des gammares, mais aussi des biocénoses entières. Les espèces sensibles sont ainsi totalement absentes des sites les plus pollués.
De 71 à 89 substances actives de pesticides ont été trouvées par site, soit un total de 145 substances. Non seulement certaines substances actives constituent une menace importante pour la biodiversité, mais aussi leurs mélanges, appelés cocktails de pesticides. Pour Christian Stamm, du département de la chimie de l’environnement de l’eawag, c’est donc clair: «Nous devons nettement réduire la charge en pesticides provenant de l’agriculture.» Cette revendication correspond au Plan d'action national sur les produits phytosanitaires qui a été accepté à Berne. Cela va dans la bonne direction mais n’est pas assez concret. Font également défaut d’autres mesures comme des taxes d’incitation ou l’augmentation immédiate du taux de TVA pour les pesticides actuellement trop bas et injustifié.
Un cocktail de différents pesticides menace les colonies d'abeilles. C’est ce que confirme l’analyse des abeilles mortes l’an dernier. Les abeilles étaient contaminées par 10 à plus de 20 différentes substances actives. À ce jour, la recherche en sait encore beaucoup trop peu sur la manière dont le mélange de pesticides agit sur les animaux. C’est ce qu’écrit le centre de conseil et de compétences pour l’apiculture Apiservice.
Quinze apiculteurs ont annoncé une mortalité notable d’abeilles l’an dernier en 2018. Des analyses de laboratoire ont confirmé une intoxication aiguë dans quatre cas. En sont responsables les insecticides bifenthrine et chlorpyrifos, ainsi que les biocides fipronil et perméthrine. Ces substances actives sont largement utilisées en agriculture. Marianne Tschuy, experte en santé et intoxication des abeilles, explique: «Comme les méthodes d’analyse s’améliorent constamment, des quantités plus petites de substances peuvent être détectées.» En outre, les effets à long terme des «cocktails de pesticides» sur les colonies d'abeilles sont encore à peine connus.
Après l’autorisation controversée de l’herbicide glyphosate, l’UE a décidé de réformer l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). Son élément principal est l’obligation de divulguer toutes les études des fabricants à un stade précoce de la procédure d’autorisation des pesticides dans l’UE. L’adoption finale de la loi devrait avoir lieu d’ici à la fin du mois de mars.
La réforme est aussi une réaction à l’initiative citoyenne européenne «Stop au glyphosate» qui a récolté plus d’un million de signatures de citoyens européens. La population devrait avoir un accès automatique à toutes les études et informations. Dans des cas particuliers, la commission de l’UE pourrait à l’avenir mandater l’AESA pour mener des études supplémentaires. L’AESA devra de plus à l’avenir être informée de toutes les études existantes lors de l’autorisation de produits. Les fabricants ne devraient ainsi plus avoir la possibilité de garder sous clé des études encombrantes.
La Suisse à la traîne La publication automatique des études menées par l’industrie et jusqu’à présent secrètes, va révolutionner le système d’autorisation des produits chimiques en Europe. La Suisse accuse un retard considérable par rapport à la transparence de longue date et aux derniers progrès de la procédure d’autorisation au sein de l’UE.
L’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a publié les statistiques de ventes des produits phytosanitaires pour la période 2008-2017. Le volume total des ventes est en baisse depuis 2013. C’est encourageant et cela montre un bonne évolution. Malgré cette tendance positive, Vision Agriculture rappelle que la quantité de substances actives particulièrement dangereuses vendues reste à peu près stable depuis des années. Pourtant c’est là que l’OFAG veut obtenir une réduction avec le plan d’action national.
Indicateur inapproprié Les nouvelles statistiques publiées par la Confédération sont plus détaillées que jamais. Cependant, elles présentent un grave défaut: les tonnages de produits phytosanitaires vendus ne disent pas à quel point ces quantités sont problématiques pour l’homme et l’environnement. Quelques grammes de néonicotinoïdes, qui sont particulièrement nocifs pour l’environnement, suffisent ainsi pour le traitement d’un champ d’un hectare contre les insectes. En revanche, la quantité de poudre de roche utilisée par hectare s’élève à plusieurs centaines de kilogrammes. La poudre de roche est aussi utilisée contre les insectes, et est inoffensive pour les hommes et l’environnement. Si la poudre de roche est utilisée plus fréquemment à la place des néonicotinoïdes, le volume de vente de produits phytosanitaires augmente notablement dans les statistiques, alors que ce changement pour la poudre de roche représente un important soulagement pour l’homme et l’environnement.
Nécessité d’un indicateur pertinent Cet exemple montre que les statistiques actuelles, qui se basent uniquement sur les quantités vendues, sont difficiles à interpréter et peuvent être trompeuses. D’autres pays d’Europe ont donc introduit depuis longtemps des indicateurs plus pertinents. Vision Agriculture exige depuis des années que la Suisse en fasse de même. Ce qui importe, c’est la quantité de pesticides épandues et leur toxicité.
Alors que la politique suisse refuse d’instaurer des taxes sur les pesticides, et même qu’elle les exonèrent largement de la TVA, la France agit. L’Assemblée nationale a entériné la hausse de la Redevance pour pollution diffuse (RPD) à partir du 1er janvier 2019, concernant des substances présentant une certaine toxicité pour l’homme et/ou pour l’environnement, dont les produits phytosanitaires. La grande mobilisation des organisations agricoles n’a rien empêché. La Suisse reste à la traîne concernant l’utilisation des pesticides à grande échelle.
L'utilisation d'herbicides sur les routes, les chemins et les places est interdite. Cependant cette interdiction est largement méprisée, comme le montre une nouvelle étude de l'Office fédéral de l'environnement. Seulement la moitié des potentiels utilisateurs privés d'herbicides ont entendu parler de cette interdiction. Elle même s'ils connaissent l'interdiction, jusqu'à un quart les utilisent illégalement. Parmi les utilisateurs professionnels comme les jardiniers ou les personnes qui s'occupent de l'entretien des vois de circulation, ce sont quand même 90% des personnes interrogées qui sont au courant de l'interdiction. Cependant souvent ils ne s'y conforment pas parce qu'ils ne semblent pas connaître de méthodes alternatives ou parce qu'elles leur semblent trops complexes et coûteuses. Il est aussi souvent fait référence à l'agriculture qui a été autorisée à utiliser ces poisons à grande échelle.
C'est le résultat d'une enquête menée par l'Office fédéral de l'environnement. Par rapport à l'enquête précédente réalisée ily a 8 ans, la situation n'a guère évolué malgré les efforts d'information. L'utilisation d'herbicides dans les communes a même augmenté. Afin d'améliorer la mise en oeuvre de l'interdiction des pesticides, l'étude propose d'améliorer encore l'information à destination des parties prenantes à différents niveaux. Il n'est pas question de sanctions contre les violation, ni même d'interdiction de l'utilisation d'herbicides dans les zones d'habitations et le domaine privé comme par exemple en France. Le fait que les herbicides soient largement utilisés illégalement dans le secteur des transports et les zones urbaines au point de mettre en danger les eaux semble être accepté par l'Office fédéral compétent comme un fait totalement immuable.
Vision Agriculture a plusieurs fois attiré l’attention de autorités sur des violations de l’utilisation de pesticides dans les vignobles valaisans (voir le rapport en allemand). L’état du Valais vient de présenter un plan d’action cantonal pour la réduction des risques liés à l’utilisation de produits phytosanitaires. Les mesures, élaborées en collaboration avec les milieux agricoles et Vision Agriculture, sont ciblées sur la viticulture et l’arboriculture.
Vision Agriculture salue favorablement ce plan d’action. Il crée de meilleures conditions pour respecter à l’avenir les exigences légales en matière d’utilisation de pesticides. Il n’y a cependant pas de mesures allant au-delà des programmes de la Confédération. Vision Agriculture estime qu’une promotion plus forte de la biodiversité, comme des vignes enherbées, ainsi qu’un engagement plus prononcé pour l’écologie rendrait la viticulture valaisanne très attractive face à la concurrence internationale. >> Lire l’article dans Le Temps
La quantité et la nature des substances utilisées dans la production de raisins restent un sujet d’actualité dans les médias. Il est parfois visible même pour les profanes si des herbicides ont été pulvérisés ou non entre les rangées. Par contre, ce qui se passe ensuite lors de la vinification est largement inconnu du public. Vision Agriculture a fait des recherches sur les substances autorisées dans différents systèmes ou labels pour les comparer.
Et pour vous inspirer, nous énumérons aussi les auxiliaires qu’utilise Roland Lenz pour vinifier son «Cerowein»: aucune. La table suivante donne des informations. >> Auxiliaires autorisés pour la vinification
Le succès du domaine Lenz à Uesslingen (TG) repose sur quatre piliers: le premier est l’exploitation de la vigne selon les directives biologiques. Le deuxième est la promotion de la biodiversité qui va bien au-delà des directives. Troisièmement, Roland Lenz mise sur une grande diversité de cépages. Les nouveaux cépages résistants aux champignons sont enfin la cerise sur le gâteau. Avec ces quatre piliers, il peut presque se passer de tout pesticides aujourd’hui. Et dans la cave aussi, Roland Lenz utilise de moins en moins d’auxiliaires.
(VA) Le vignoble de Roland Lenz se distingue nettement de l’image habituelle d’un vignoble suisse. Ses parcelles sont traversées par des prairies naturelles, des buissons et de grands arbres. Entre les rangées, du vert pousse spontanément. Pour libérer de l’espace pour toute une variété d’organismes vivants, il a arraché 13 pour cent de ses vignes et planté environ 600 arbres. Grâce à une grande biodiversité, Roland Lenz n’a pratiquement aucun ravageur. Il n’a pas non plus eu besoin de pulvériser contre la drosophile du cerisier jusqu’à présent. Il est convaincu que ses vignes n’offrent simplement aucune possibilité d’attaque car elles sont protégées par de nombreux auxiliaires différents.
Illustration: Roland Lenz dans ses vignes. Photo: VA
Technique de confusion En viticulture biologique, on ne traite qu’à partir d’un seuil de tolérance plus élevé qu’en viticulture conventionnelle. Mais Roland Lenz n’apprécie pas non plus des pesticides bio comme «Audienz», un insecticide avec la matière active spinosad, qui est autorisé en agriculture biologique par exemple contre la drosophile du cerisier. «Je ne veux utiliser aucun de ces soi-disant «insecticides bio»! Qu’ils soient d’origine naturelle ou chimique de synthèse, les pesticides sont des poisons pour les êtres vivants», explique-t-il. Il existe d’autres stratégies efficaces pour lutter contre les ravageurs: «Nous travaillons contre la drosophile du cerisier avec des pièges et utilisons la confusion sexuelle contre les vers de la grappe. Cela veut dire que nous utilisons des ampoules qui émettent des hormones féminines afin que les mâles ne puissent pas trouver de femelles et qu’il ne puisse pas y avoir de copulation».
La vitalité par la diversité Roland Lenz est un inconditionnel de la diversité. Sur ses 17 hectares, il a 34 cépages différents. La diversité des cépages réduit aussi le risque des maladies. «Les vignes les plus vigoureuses se trouvent au milieu de parcelles mixtes. Est-ce que vous saviez que la vigne tisse en quelque sorte des amitiés?», philosophe-t-il. En plus de réduire le risque de maladies, la diversité des cépages offre aussi des avantages en cas de sécheresse, qui a justement été un problème majeur pour de nombreux viticulteurs cette année. Ses vignes sont protégées contre la grêle par des filets latéraux pérennes. Il en résulte en même temps une ombre souhaitable, de sorte que les raisins ne prennent pas de coups de soleil. Autre avantage: pas besoin d’attacher les pousses, ce qui représente une importante économie de temps de travail. Les dommages causés par les tempêtes et les pertes dues aux oiseaux sont également réduits. Contrairement aux filets jetables, les filets réutilisables sont fixés à environ un demi mètre du sol et ne posent aucun problème pour les oiseaux ou les hérissons.
Nouveaux cépages résistants aux champignons De «nouveaux cépages» ont été plantés sur 11 hectares, soit 60 pour cent de ses parcelles de vignes. Ils sont résistants contre les champignons (voir encadré «cépages résistants»). Sur ces surfaces, Roland Lenz peut se passer de pesticides, y compris de cuivre que les viticulteurs utilisent contre les champignons et qui est problématique. Les cépages traditionnels généralement très sensibles aux champignons, comme le Pinot Noir, ne couvrent plus que 6,5 hectares chez Roland Lenz. Il n’a pas encore trouvé de nouveau cépage vraiment bon et résistant qui pourrait remplacer le Pinot Noir. Aujourd’hui, Roland Lenz produit 60 pour cent de vin blanc et 40 pour cent de vin rouge. Pourquoi? «La sélection de variétés pour le vin rouge pour la culture sans pesticides est beaucoup plus difficile que celle des variétés pour le blanc. En plus, le climat de la Suisse alémanique est parfait pour le vin blanc», répond-il.
Produit naturel au carré A la place d’utiliser des pesticides, Roland Lenz fortifie ses vignes avec des extraits d’algues. Ils rendent les vignes plus résistantes aux champignons et favorisent la cicatrisation, par exemple quand des feuilles sont arrachées. Si nécessaire, Roland Lenz utilise de la levure chimique contre le «vrai mildiou», et depuis peu des extraits de mélèze. Il fait confiance à son instinct au moment du traitement. Il s’appuie aussi sur ce qu’on appelle des «microorganismes effectifs» avec lesquels il a inoculé ses sols. Ils forment un système symbiotique avec les racines de la vigne. Chacun des 34 cépages est examiné séparément afin de trouver le meilleur moment pour les vendanges. A partir des raisins de deux parcelles avec des plants de Souvignier gris et de Léon Millot, Roland Lenz produit le fameux «Cerowein»: absolument aucun auxiliaire, ni dans le vignoble, ni dans la cave, c’est ce qui le caractérise. C’est remarquable quand on pense combien d’auxiliaires sont encore autorisés en vinification Bio. Le vin est devenu un produit design que l’on peut façonner arbitrairement avec des tas d’additifs. La plupart ne doivent même pas être déclarés.
Exigences élevées mais réalistes Il arrive aussi parfois que cela tourne mal. «2015, une année humide et chaude : après trois jours de pluie je ne pouvais pas aller dans les vignes et je ne pouvais rien épandre, même pas les extraits de plantes fortifiants. Et j’ai perdu la récolte de Cabernet Jura sur deux hectares à cause de ce trou dans la défense contre les champignons», raconte Roland Lenz. Sa réussite économique lui permet de constituer des réserves pour de tels cas. En collaboration avec l’Institut de recherche de l’agriculture biologique FiBL et le marchand de vin Delinat, Roland Lenz procède à un essai de production de Pinot Noir sans pesticides. Son objectif est de cultiver toutes ses vignes totalement sans pesticides, même sans pulvérisation de cuivre. Ce sont des exigences très élevées, mais absolument réalistes, dit-il, car il a pu déjà cultiver toutes les nouvelles variétés sans pesticides. Chaque année, il renouvelle trois ou quatre pour cent du vignoble en plantant de nouveaux cépages, évidemment résistants aux champignons. Roland Lenz a de la chance avec son sol vivant: ses terres n’étaient pas un vignoble auparavant et n’ont pas été contaminées par des pesticides. Il n’a donc pas eu à reconstruire l’écosystème du sol pendant des décennies comme d’autres vignerons.
Les nouveaux cépages offrent des coûts avantageux Roland Lenz renonce à la plupart des auxiliaires non seulement dans le vignoble, mais aussi pendant la vinification. Il économise ainsi beaucoup d’argent et réduite d’environ 50 pour cent des coûts de main-d’œuvre. L’entreprise avec Karin et Roland Lenz, deux apprentis viticulteurs, un employé de bureau et une aide-ménagère, se porte bien sur le plan économique. Par hectare de vigne, Roland Lenz compte environ 90 heures pour une récolte ou environ 1’500 francs de coûts de main-d’œuvre. C’est le même prix que pour une récolteuse. Et ils sont plus efficaces et flexibles qu’avec l’utilisation d’une telle machine. 20 client(e)s aident chaque fois à la vendange. Roland Lenz partage ses efforts entre culture de la vigne et conseils, production de raisin, vinification et vente. Son but est d’atteindre une clientèle jeune. Il ne veut donc pas proposer que du haut de gamme. Il n’y parvient que parce qu’il maîtrise les coûts. Selon lui: «Avec une bouteille que je vends 17,50 francs, j’ai encore une bonne valeur ajoutée». Roland Lenz produit plus de 70 vins différents par an.
Récompenses L’International Wine Challenge, AWC Vienna est le plus grand concours de vins du monde avec plus de 12000 vins soumis, produits de manière conventionnelle ou biologique. Dans cet environnement international, les vins de Lenz rencontrent un vif succès et sont largement en mesure de concurrencer les vins conventionnels: en 2015 et 2016, chacun de ses vins présentés a été récompensé avec deux médailles d’or et quatre d’argent! Sur ces deux années, son vin «Panorama» a obtenu la meilleure note avec 91 points. De plus, Roland Lenz a déjà été nommé à deux reprises Meilleur Vigneron Bio Suisse de l'année, en 2015 et 2018. En cliquant ici, vous accédez au site web du domaine viticole Lenz.
Illustration: Roland Lenz dans sa cave. Photo: VA
Vinification La quantité et la nature des substances utilisées dans la production de raisins restent un sujet d’actualité dans les médias. Il est parfois visible même pour les profanes si des herbicides ont été pulvérisés ou non entre les rangées. Par contre, ce qui se passe ensuite lors de la vinification est largement inconnu du public. Vision Agriculture a fait des recherches sur les substances autorisées dans différents systèmes ou labels pour les comparer. Cliquez ici pour la table «Auxiliaires autorisés en vinification» .Et pour vous inspirer, nous énumérons aussi les auxiliaires qu’utilise Roland Lenz pour vinifier son «Cerowein»: aucun.
Les deux plus importantes maladies, pour lesquelles l'utilisation répétée de produits phytosanitaires est nécessaire pour les cépages traditionnels, sont le mildiou et l'oïdium. Ces maladies cryptogamiques n'étaient à l'origine pas présentes sur le territoire européen. Elles ont été introduites au 19ème siècle par l’importation de nouvelles variétés originaires d’Amérique du Nord et se sont répandues de manière exponentielle à cette époque. La viticulture en Europe a menacé de périr, à cause du phylloxéra, qui sévissait à cette même période. Depuis cette époque, toutes les variétés traditionnelles doivent être traitées avec des fongicides jusqu’à 20 fois par an, en fonction des conditions météorologiques et des moyens employés, car une attaque peut détruire totalement une récolte. Les cépages résistants aux maladies cryptogamiques (aussi appelés «PIWI») sont à l’origine issus de croisements entre des cépages européens et des espèces américaines porteuses de résistances. Aujourd’hui, on connaît de nouveaux cépages multi-résistants dont la résistance aux moisissures est stable car elle est basée sur plusieurs gènes.
Si les Européens et Européennes se nourrissaient davantage de céréales, de protéagnieux, de fruits et de légumes, de protéagineux, et de moins de viande, d'oeufs, de poisson et de produits laitiers, l'Europe serait en mesure se nourrir tous ses habitants en 2050. Et cela grâce à une agriculture durable, écologique et respectueuse du climat, sans utiliser de pesticides. Ce sont les conclusions d'une étude de l'Institut français du développement durable et des relations internationales IDDRI.
Pour y parvenir, il faudrait mettre fin à l'utilisation de pesticides et d'autres intrants agricoles comme les engrais chimiques et les achats de fourrages, et à la place adopter des méthodes agricoles écologiques comme la rotation des cultures, la sélection des variétés, le travail minimal du sol, l'utilisation d'insectes auxilaires, etc. En outre, il faudrait promouvoir la restauration et préservation des structures pour la biodiversité comme les haies, les étangs, les bandes fleuries et autres. Dans le même temps, l'Europe pourrait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% et préserfver la biodiversité. Les chercheurs français soulignent que ce scénario agro-écologique permettrait au secteur agricole européen non seulement de nourrir les consommateurs européens, mais aussi de maintenir les exportations actuelles de céréales, produits laitiers et vin. De plus, la dépendance de l'Europe face aux importations agricoles serait considérablement réduite. > > Vers l'étude de l'IDDRI "Une Europe agroécologique en 2050: une agriculture multifonctionnelle pour une alimentation saine"
Parce que la neurotoxine chlorpyrifos est reconnue comme dangereuse tant pour l’homme que pour les animaux, la Confédération examine sont interdiction jusqu’à la fin de l’année. Jusqu’à présent, les associations environnementales telles que Greenpeace et le WWF n’ont pas eu leur mot à dire quant aux autorisations des pesticides. Toutefois le Tribunal fédéral a rendu une décision qui fera date, à savoir que des organisations environnementales devraient aussi avoir accès aux documents. Mais à présent, l’Office fédéral pour l’agriculture se braque et il ne veut pas accorder l’accès à l’ensemble du dossier mais seulement à un résumé des études. > > Vers l'article de Saldo (en allemand) > > Fiche Info en allemand de Vision Agriculture «Ephosin zur Drahtwurmbekämpfung im Kartoffelanbau»
Vision Agriculture recherche des pommes non traitées d’arbres fruitiers haute-tige. Cela s’adresse aux exploitations Bio comme aux exploitations conventionnelles qui respectent les prestations écologiques requises. Elles doivent pouvoir livrer au moins 300 kg de pommes de tables et/ou 1000 kg de pommes à cidre de culture d’arbres à haute tige, toutes les variétés sont les bienvenues.
Vision Agriculture soutient et met en réseau des initiatives qui combinent une production sans pesticides avec une bonne valeur ajoutée et une grande efficacité de production. Un tel projet a été réalisé pendant 2 ans par l'IG Kulturlandschaft et l'Office fédéral de l'agriculture en tant que projet pilote : «Ungespritztes Tafelobst von Hochstammobstbäumen» (fruits de table non pulvérisés provenant d'arbres fruitiers à haute tige). La start-up Öpfelchasper a spontanément décidé de lancer une campagne pour faire connaître les fruits non traités des arbres à haute tige. Öpfelchasper paie pour cette campagne un prix de Fr. 3,20 par kg de fruits de table et 50 ct./kg de fruits à cidre. Öpfelchasper approvisionne les citadins sur leur lieu de travail et pendant leur temps libre : en fruits frais biologiques et toujours à vélo. Lire l'appel et les conditions en allemand dans Schweizer Bauer.
Plus tout renseignement : Ralph Hablützel, Vision Agriculture, 079 135 15 85
L'Office fédéral de l'environnement a déjà proposé un fort réhaussement des valeurs limites de pesticides dans les eaux en 2017. Au cours du processus de consultation les critiques ont plu de la majorité des organisations interrogées, y compris l'Union suisse des paysans, et parfois sévèrement. Dans une prise de position détaillée, Vision Agriculture souligne que l'augmentation prévue violerait le principe de précaution, qui est contraignant selon la Loi sur la protection de l'environnement concernant les pesticides.
La Confédération aurait l'intention d'augmenter massivement la limite de 25 pesticides, dont le controversé glyphosate, dans les eaux à partir de 2019. C'est un peu moins que ce qui était prévu à l'origine. Toutefois la plupart des parties interrogées considèrent ce procédé de maladroit, voire stupide. Seuls le PLR et l'UDC accordent leur confiance à l'Office fédéral de l'environnement qui en est responsable.
En 26 ans, les populations d’oiseaux ont dramatiquement diminué en Suisse dans les régions agricoles, sur l’ensemble des espèces de plus de moitié. Certaines espèces sont menacées d’extinction en Suisse. L’utilisation de pesticides, un paysage agricole monotone et une exploitation très intensive, en sont les raisons. Les oiseaux manquent simplement de nourriture, insectes et graines. Il manque aussi de structures pour les sites de reproduction.
La part des surfaces de promotion de la biodiversité est inférieure à 1% dans les terres cultivées, donc extrêmement faible. De plus, la qualité écologique de ces surfaces fait souvent défaut.
Les objectifs de la politique agricole n’ont manifestement pas été atteints dans le domaine de la biodiversité. La situation est meilleure outre-Rhin, alors que les paiements à l’agriculture ne représentent qu’environ 10% de ceux de la Suisse.
Une nouvelle étude met en évidence que l'agriculture biologique favorise le potentiel global de lutte biologique.
En utilisant deux méta-analyses distinctes, les chercheurs français montrent que par rapport aux systèmes de culture conventionnels, l'agriculture bio ne subit pas plus d’infestation de ravageurs, mais elle est par contre plus envahie par les plantes adventices. La plus forte présence de ces "mauvaises herbes" en bio permet d’améliorer la lutte globale contre les parasites et les agents pathogènes. Cette étude conclut que les cultures tomberaient moins malades sans les pesticides censés les protéger et que l’agriculture bio « offre un moyen de réduire l'utilisation de pesticides synthétiques ».
Une communauté extrêmement diversifiée de bactéries, champignons et virus vivent sur les feuilles, les racines, les fleurs et les graines. Un grand nombre d’entre eux sont des auxiliaires qui renforcent la résistance aux maladies des plantes cultivées et favorisent leur croissance. Ils sont actuellement au centre de différentes recherches. Les chercheuses et chercheurs espèrent qu’on pourra un jour se passer totalement de pesticide grâce à leur utilisation ciblée.
Parce que les pesticides endommagent ou détruisent ces minuscules assistants, souvent les auxiliaires et les pesticides s’excluent mutuellement. Dans un article du Tages-Anzeigers, des chercheurs déclarent qu’il serait de loin préférable de tabler aujourd’hui déjà sur les mesures de protection des plantes sans produits chimiques, comme par exemple une rotation culturale adaptée, le choix des variétés, la couverture du sol. Vision Agriculture partage cette vision et y travaille avec son projet „agriculture suisse sans pesticides“.
Un échantillon actuel réalisé par K-Tipp le montre: presque tous les légumes produits de manière conventionnelle des supermarchés suisses sont contaminés par des pesticides. Qu’ils soient importés ou indigènes, cela ne fait aucune différence.
Au total, ce sont 41 substances actives de pesticides qui ont été détectées, dans de nombreux échantillons plusieurs pesticides à la fois. Pour ne pas dépasser les valeurs limites, de plus en plus de substances différentes sont utilisées, et celles-ci en plus petites quantités. On ne sait toujours pas comment les cocktail de pesticides affectent la santé, même s’il se situe en-dessous des valeurs limites.
L’étude ne s’est pas penchée sur les légumes Bio. Des analyses précédentes (K-Tipp en novembre 2016, A bon entendeur en 2007) montrent que les légumes Bio sont exempts de pesticides.
Les exploitants Christian Meier et Bruno Künzli sont représentatifs de nombreux agriculteurs qui ne pratiquent pas la culture biologique, mais qui réussissent à produire des céréales panifiables IP-Suisse sans fongicides, ni insecticides ou raccourcisseurs de tige, ni même herbicides. Un défi exigeant entre rentabilité et écologie, qui demande une grande capacité d’observation, de calcul et de bonne intelligence. Soutenir et mettre en réseau des exploitants qui produisent sans pesticides est l’un des objectifs du projet «Agriculture suisse sans pesticides» de Vision Agriculture.
(VA) Un nombre croissant d’agriculteurs IP-Suisse cultivent leurs céréales sans pesticides. Selon le gérant d’IP-Suisse Fritz Rothen, cela représente environ 2 pour cent des surfaces de céréales panifiables. Cela ne semble pas beaucoup. Pourtant ce chiffre est d’autant plus remarquable qu’il n’y a pas de supplément de prix pour les céréales IP-Suisse sans pesticides. Sans compter que renoncer aux pesticides est un challenge: les céréales sont très sensibles à la concurrence des mauvaises herbes. Ces dernières peuvent entraîner d’importantes pertes de rendement.
Moins de pesticides, moins de coûts
L’une des clés de la rentabilité dans la culture céréalière sans pesticides, tient à la baisse des charges: «En renonçant aux herbicides, j’économise 121 francs par hectare, soit 15 francs pour le tracteur, 26 francs pour la location du pulvérisateur et 80 francs d’herbicide. De plus, selon la prolifération des mauvaises herbes, j’ai parfois moins de travail que pour pulvériser», énumère Christian Meier, agriculteur dans la cinquantaine à Niederwenigen près de Zurich.
Christian Meier et sa fille Ladina dans le champ de blé. Photo: Vision Landwirtschaft
Maintenir les mauvaises herbes sous contrôle
Pour que cela marche sans pesticides, il est important de contrôler les mauvaises herbes avec des mesures culturales comme une rotation équilibrée des cultures avec une certaine part de prairies artificielles. Alors que Christian Meier maintient une rotation des cultures fixe, le quarantenaire Bruno Künzli varie la rotation des cultures sous les noyers thurgoviens et sème ses céréales panifiables après une culture qui a été maintenue chimiquement et mécaniquement sans mauvaises herbes. En 2017, il a pu cultiver 60 pour cent de ses terres assolées sans herbicides. «Cependant, c’est ma dernière année avec du blé panifiable. A la place, je vais agrandir les surfaces d’amidonnier et d’épeautre car ces variétés, grâce à une croissance élevée, sont beaucoup mieux adaptées à la culture sans herbicides.» L’agriculteur Christian Meier rapporte la même expérience avec le seigle. «Le seigle est si haut qu’il empêche les mauvaises herbes de germer par manque de lumière.» Ni les mauvaises herbes ni les ravageurs n’ont pu nuire à ses cultures cette année. Cependant, il doit vivre avec une perte de rendement car la grêle a cassé environ 30% des grains.
Diversité des modèles d’exploitation
Christian Meier doit faire des réserves en prévision d’événements climatiques défavorables. Dans son modèle d’exploitation, dont il tire un revenu agricole de Fr. 45’000.-, il élève aussi des vaches laitières en plus de la culture des champs. «En été, quand les génisses d’élevage sont sur les pâturages, il reste du temps pour du travail supplémentaire.» Il gagne environ la moitié de son revenu annuel total comme photographe de mariage. C’est ainsi qu’ils arrivent à joindre les deux bouts avec sa femme, qui travaille à temps partiel comme jardinière d’enfants, et leurs quatre enfants de 2 à 16 ans.
Toujours quelque chose de nouveau
Bruno Künzli n’est pas non plus qu’agriculteur. Il est également courtier en assurances, mécanicien sur machines, moniteur de plongée et opérateur touristique. Le métier d’agriculteur est le plus dur de tous. Bruno Künzli est un homme qui calcule et qui compare. Il bidouille sans arrêt avec des idées innovantes qu’il teste. C’est la seule manière pour lui et ses parents de gagner encore un revenu durable sur l’exploitation. Et c’est ainsi qu’il s’en sort avec moins de pesticides. Il travaille sur différentes formes de production, qu’il recherche principalement sur internet ou en échange avec des agriculteurs bio. Il expérimente par exemple le sel pour combattre le criocère des céréales. L’agriculture lui a permis d’avoir un revenu d’environ Fr. 41’000.- en 2017.
Fonds fédéraux pour la gestion des risques
L’agriculteur Künzli reçoit un supplément de prix pour la culture sans herbicides quand il ne laboure pas le sol. Il peut alors utiliser le semis sous litière, une méthode de semis sans labour dans laquelle les résidus végétaux de la culture précédente couvrent le sol avant et après le nouveau semis, ou le semis en bandes fraisées. Avec cette méthode, le travail du sol se limite à une étroite bande de sol travaillée et aussitôt ensemencée. Le semis direct est aussi possible: l’ensemencement a lieu directement après la récolte de la culture précédente sans travail du sol. En renonçant au labour, il est difficile de se passer d’herbicides. Pourtant Bruno Künzli n’est plus autorisé à utiliser d’herbicides après la récolte de la culture préparatoire s’il veut recevoir des contributions à l’efficience des ressources. Il faut une météo idéale et un sol sec pour la lutte mécanique contre les mauvaises herbes. «Ce créneau si étroit est souvent synonyme de stress», déclare Bruno Künzli. Il doit profiter de chaque moment favorable pour contrôler mécaniquement les plantes adventices. Selon Bruno Künzli, cela entraîne des coûts supplémentaires pour le désherbage mécanique ainsi qu’un risque accru pour la culture. Mais ces facteurs sont couverts par les contributions fédérales supplémentaires. «Je reçois 150 francs par hectare pour le semis sous litière et 400 francs pour les cultures sans herbicides. J’économise en plus 150 francs de la pulvérisation.» Ces contributions et l’économie réalisée couvrent tout juste le travail supplémentaire et le rendement inférieur auxquels on peut s’attendre dans une culture sans pesticides. Avec les subventions fédérales, la quantité récoltée joue une rôle moindre dans la rentabilité économique. Les paiements directs aident à mieux gérer le risque d’une mauvaise année.
Bruno Künzli dans le champ d’amidonnier. Photo: Vision Landwirtschaft
Le rôle du marché
Fritz Rothen, gérant d’IP-Suisse, souligne que les consommateurs, mais aussi les transformateurs, exigent de plus en plus de céréales sans pesticides. Cela a des conséquences: «A partir des semis 2018, il y aura une interdiction de glyphosate pour les céréales panifiables Extenso. Cela vaut aussi pour la culture préparatoire.» Les céréales Extenso IP-Suisse ne sont donc pas traitées avec l’herbicide le plus controversé et le plus fréquemment utilisé. Mais elles ne sont pas totalement exemptes de pesticides, car l’utilisation d’autres herbicides est toujours autorisée. Au moins, cette interdiction du glyphosate a fait bouger les industries en amont et en aval. Les fabricants de machines auraient soudainement mis sur le marché des outils de désherbage mécanique plus précis. Ils pourraient être utilisés autant avant la sortie de terre qu'après la germination des grains de céréales.
Variétés suisses résistantes
Les semences de céréales IP-Suisse proviennent exclusivement de variétés suisses. D’une part, elles sont plus résistantes aux maladies et aux ravageurs que de nombreuses variétés étrangères, et d’autre part elles produisent de la farine de haute qualité, déclare Fritz Rothen. «Les céréales panifiables exemptes de pesticides sont de plus en plus comparables aux céréales conventionnelles sur le plan économique», ajoute-t-il. Jowa, une filiale de Migros, achète 80 pour cent des céréales panifiables pour ses boulangeries avec le label IP-Suisse et joue ainsi un rôle décisif dans la détermination de la qualité et du prix. Migros ne fait pas encore la promotion de céréales sans pesticides. De plus petits moulins, comme l’entreprise Bachmann à Willisdorf (TG), à qui l’agriculteur Bruno Künzli livre ses céréales, ou le moulin Steinmauer (AG), qui prend les céréales panifiables de l’agriculteur Christian Meier, font de la publicité avec le slogan «voll Natur» («pleine nature»). Fritz Rothen en est convaincu: «L’avenir appartient à la culture de plantes résistantes, au travail minimum du sol, et aux techniques robotiques pour les travaux sur le terrain.»
La recherche comme l’innovation au moyen de la technologie moderne et de la sélection, montrent la voie vers une agriculture sans pesticides.
René Sgier, exploitant de «Hansjürg Imhof Bioprodukte» à Schwerzenbach (ZH), réfléchit de manière pratique. Il cultive des légumes sur 70 hectares, sans pesticides. Il gère la plus grande exploitation maraîchère de Suisse selon les directives Demeter. Il n’a aucune baguette magique. Mais il observe, réfléchit, soupèse et prend des décisions économiquement intelligentes. Il explique sans idéologie, mais avec beaucoup d’expertise, ce qu’il entend par de bonnes pratiques culturales: sélectionner quelques variétés, choisir des sites appropriés et favoriser les auxiliaires. Il prend soin du sol pour préserver autant que possible sa structure et bien laisser prospérer les organismes qui y vivent. Il crée ainsi dès le départ un bon climat pour des plantes saines.
(VL): Monsieur Sgier, la philosophie de l’entreprise d’Imhofbio AG est décrite par des phrases qui décrivent très bien la motivation de notre projet «agriculture suisse sans pesticides»: «L’utilisation importante des pesticides, et les dangers qui y sont liés pour la santé humaine, les résidus de pesticides dans les produits et le sol, le développement de résistances de nombreux organismes ravageurs contre des produits phytosanitaires, mais aussi la situation du marché avec une surproduction, nous ont poussés à repenser …..». Pouvez-vous souscrire à l’idée d’une production libre de pesticides? (René Sgier): En 2017, nous avons converti toutes les cultures maraîchères de Bio à Demeter. Ce n’est pas la réflexion sur l’utilisation des pesticides qui a alors été décisive, mais les concepts de base généraux de Demeter, de la protection et de la fertilité du sol. Déjà auparavant, nous n’avions pulvérisé pratiquement dans aucune culture. J’ai donc à peine été touché par les restrictions plus strictes de Demeter par rapport au Bio: on n’a plus le droit d’utiliser du cuivre pour Demeter, mais je ne produis pas de fruits ou de pommes-de-terre, des cultures dans lesquelles le cuivre est encore permis selon les directives du bourgeon.
Est-ce que cela a toujours été votre philosophie de vous passer de pesticides? Jusqu’à présent, les pesticides n’ont presque jamais été nécessaires! Les pesticides sont des mesures d’urgence, par exemple quand des choux sont infestés de pucerons. La pulvérisation a été utilisée trois à quatre fois l’an dernier pour des cas d’urgence. Et j’ai alors aspergé une préparation autorisée avec Bacillus thuringiensis (Bt) [1] . C’est une bactérie du sol qui produit une protéine dont la toxicité est très spécifique envers les larves de noctuelle du chou. C’est ainsi que le ravageur est contenu.
Quelles cultures produisez-vous? Salades, fenouil, chou blanc, brocoli, choux-raves, tomates, courgettes, fleurs coupées et courges. Je les commercialise avec le label Demeter auprès de gros distributeurs, de détaillants Bio et dans le magasin à la ferme.
Quelles sont les mesures que vous prenez pour ne pas avoir à pulvériser? Le choix des variétés est déjà très important pour les salades. Le marché exige des salades grandes, fortes et saines. Et la résistance aux pucerons est l’un des principaux buts d’élevage. Ainsi, de nouvelles variétés, résistantes grâce à la sélection naturelle, sortent toutes les quelques années. Ce sont les variétés modernes Lollo-, Batavia et de laitues. C’est la même chose pour le fenouil, qui est de toute façon peu sensible. Nous ne les avons jamais pulvérisés.
De quoi a-t-on encore besoin pour produire sans pesticides? La situation, la direction du vent, le sol doivent être adaptés à la culture. Par exemple sur les sites exposés au vent, où la mouche de la carotte ne pose pas de problème, la culture de la carotte marche très bien sans insecticide, comme j’ai pu le prouver dans mon travail de diplôme.
Quels sont les points sensibles? Nous avons compris qu’on cultive mieux les carottes sur des sols sableux sur des sites exposés au vent. En général, une bonne pratique professionnelle - choix des variétés, rotation des cultures - et le bon sens sont nécessaires. Par exemple, si mes voisins ont fait une couverture végétale d’hiver avec du colza, je ne vais pas mettre mon brocoli à côté. Sinon j’aurais plus de problèmes avec le méligèthe du colza.
Comment déterminez-vous quand une intervention d’urgence est nécessaire? Pour la lutte contre la piéride du chou, j’observe le vol. Quand le champ est blanc de papillons, je sais que des œufs y sont aussi pondus et que des larves vont bientôt éclore. Mais l’éclosion dépend aussi des auxiliaires qui sont aussi là et dont je prends soin. Agroscope dispose d’un bon service de prévisions qui annonce une infestation parasitaire.
De quoi disposez-vous en cas d’urgence? Les pyréthroïdes naturels sont toujours autorisés comme mesure d’urgence contre les insectes, aucun fongicide ni herbicide n’est autorisé. Il faut alors changer de mentalité. Par exemple avec les tournesols coupés, il y a un risque de développement de champignons, donc ce risque rentre dans notre calcul et nous semons plus de tournesols: Si un groupe est infesté, alors on espère que le prochain reste sain et que nous en vendons plus. Jusqu’à présent cela a marché. Comme notre exploitation Demeter produit exclusivement en plein air, les dommages de ces dernières années ont été surtout dus aux intempéries, grêle et tempêtes. Là contre on ne peut de toute manière rien pulvériser.
Quelles sont vos considérations économiques? L’année dernière, j’ai eu de gros problèmes avec le chou blanc et des champignons pathogènes. C’est une culture marginale chez nous. C’est pourquoi je pense à ne cultiver du chou blanc que pour la transformation fraîche et non plus pour l’entreposage. Parce que sans cuivre, je ne peux pas les avoir assez sains pour pouvoir les conserver. Il faut de meilleures variétés plus résistantes. Autrefois, on faisait de la choucroute pour conserver le chou. Ce qui est clair du point de vue économique, c’est que dans l’ensemble tout nécessite un peu plus de travail, et aussi que les prix des produits Bio sont sujets à de fortes pressions. De plus, nous avons des directives aux fournisseurs strictes dans le commerce. Mais pour nous le compte y est, et nous versons des salaires suisses raisonnables selon un contrat standard. Les frais de personnel constituent aussi le poste le plus onéreux.
Visiblement vous réussissez à répondre aux exigences élevées des grands distributeurs comme des consommateurs au niveau esthétique et qualitatif! Oui, et nos produits sont demandés et vendus! Finalement c’est la société qui décide combien de taches sont tolérées sur une pomme ou sur une pomme-de-terre. Je constate à ce sujet un certain assouplissement, car les hommes en ont assez des pesticides et de leurs risques, et ils sont prêts à ignorer une petite tache.
----------- [1] Dans la définition du Plan de réduction des pesticides en Suisse (2016, p. 6) le Bt n’est pas considéré comme un pesticide, mais comme un produit phytosanitaire non problématique pour l’environnement.
René Sgier
Jeunes plants de brocoli pour la production de semences d'une variété résistante aux ravageurs
L’écosystème et les bases de la vie importantes sont sérieusement menacés par l’utilisation actuelle des pesticides. Telle est la conclusion d’une nouvelle étude de l’Académie nationale des sciences «Leopoldina» en Allemagne. Son titre «Le printemps silencieux: de la nécessité des moyens de protection des plantes respectueuses de l’environnement» rappelle le cri d’alarme de Rachel Carson en 1962.
D’après les agronomes, biologistes et toxicologues, la procédure d’agrément est déficiente et a déjà conduit à des erreurs de jugement dangereuses dans le passé. C’est valable pour l’UE comme pour la Suisse. Comme Vision Landwirtschaft et une alliance d’organisations agricoles et environnementales dans le Plan suisse de réduction des pesticides en Suisse, les auteur(e)s de la publication Leopoldina exigent une procédure d’approbation critique et indépendante. Des études sérieuses sur le comportement des pesticides dans l’environnement sont nécessaires, car les tests d’aujourd’hui ne reflètent pas suffisamment la réalité. Les auteur(e)s réclament l’abandon des pratiques actuelles. En outre, toujours plus d’études et d’expériences montrent qu’une très importante réduction de l’utilisation des pesticides est aussi possible sans perte de rendement. Il est donc essentiel que l’agriculture conventionnelle remette en question de manière critique les pratiques acceptées de longue date et d’agir de manière innovante vers plus de liberté dans l’utilisation des pesticides.
Dans le verger et dans la petite pépinière de Helmut Müller" et Monika Bühler, on se sent comme au paradis. Ici prospèrent plus de 80 variétés de pommes, plus de 120 variétés de poires, plus de 60 variétés de prunes et de pruneaux, ainsi que des cerises et des raisins. Helmut et Monika cultivent beaucoup de variétés, même très rares. Les fruits sont vendus directement à la ferme, comme fruits de table ou sous forme de jus et de cidre, qui sont aussi vendus dans des magasins Bio. Le cidre de leurs pommes les a même rendus célèbres dans le monde entier. L’exploitation agricole thurgovienne se base depuis 30 ans sur la production biologique et elle génère un revenu suffisant pour une exploitation à titre principal sur une superficie de seulement 10 hectares sans «cultures intensives». Et cela malgré les prix modestes auxquels Monika et Helmut vendent leurs produits biologiques de haute qualité.
Helmut, quelle est la philosophie de votre exploitation? Nous misons tout sur les fruits. Tout notre assortiment pousse sur des arbres vigoureux et robustes. Le verger se compose de 600 grands arbres fruitiers haute-tige. Notre énorme diversité de variétés nous aide à tenir à distance les maladies et les ravageurs. Ainsi, nous n’effectuons que 2 à 3 traitements de soutien avec des produits autorisés en agriculture biologique. Nous n’utilisons que des fongicides autorisés en agriculture biologique, aucun insecticide et évidemment aucun herbicide.
Quels sont les principes actifs que tu utilises encore et quand? En 2017, j’ai pulvérisé les pommes et les poires deux fois avec du soufre en poudre, et cette année ce sera au maximum trois fois car il y a plus de fleurs. J’utilise du soufre en poudre avec parcimonie, à savoir 0,8 kg de soufre pur par hectare, ce qui est très peu.
Le soufre agit contre les champignons, quand est-ce que tu pulvérises? Environ deux semaines avant la floraison la première fois, ensuite une deuxième fois juste après la floraison en même temps qu’une préparation à base d’algues brunes. Après quoi début juin de nouveau avec du soufre et la préparation aux algues, ce qui stimule l’arbre pour la fructification. Quand les fruits se forment, je ne fais plus de traitement. Un jour, je serais complètement débarrassé des pesticides, y compris les naturels.
Qu’est-ce qui manque donc pour que ce soit possible? Je cultive encore quelques variétés de pommes qui sont sensibles aux maladies ou qui souffrent grandement des modifications liées au changement climatique. Par exemple la Pomme Cloche, la Reine des Reinettes et la Gravenstein. Elles représentent environ 30% de mes fruits de table. Si je ne pulvérise pas ces arbres avec du soufre, il n’y aura pas de fruits de table mais cela sera suffisant pour la production de jus. Mais nous observons attentivement et nous savons quelles variétés sont robustes contre les maladies et les ravageurs. Je pense que d’ici 5 ans, j’aurai remplacé ces arbres par des variétés moins sensibles. Une des jeunes plantations contient déjà une centaine de variétés très prometteuses.
Tu n’utilises plus de cuivre, alors qu’il est toujours autorisé comme fongicide en agriculture biologique? Pour les pommes et les poires, plus du tout. Sur les cerises, je pulvérise 50 grammes de cuivre pur par hectare contre la tavelure et selon l’infestation de l’année précédente. C’est aussi très peu, mais je voudrais bien m’en passer. Je teste actuellement différentes variétés de cerises dans l’espoir d’en trouver qui ne sont pas sensibles.
Le changement climatique semble t’aider à utiliser moins de pesticides Oui, les précipitations se répartissent différemment qu’autrefois, et je choisis des variétés moins sensibles aux maladies. Avec celles-ci, la tavelure n’est pas un problème. Je fais pousser mes propres petits arbres. Ce qui veut dire que j’ai des plantes parfaitement adaptées à mon site. Et à travers cette diversité de variétés, je réduis le risque de perte totale de rendement ou de propagation épidémique de maladies. D’un autre côté, la hausse nette des températures entraîne l’apparition de nouvelles maladies et nouveaux ravageurs qui étaient encore inconnus dans notre pays (par ex. Marssonina et coquette). Il existe quelques variétés de fruits qui n’arrivent plus à faire face à ces changements. À propos de changement climatique et d’eau: la gestion rationnelle de l’eau est une préoccupation importante pour nous. Nous collectons dans des citernes souterraines jusqu’à 100 mètres cube d’eau provenant des toitures de nos bâtiments, pour couvrir les besoins en eau de nos jeunes plantes. L’eau de la cidrerie est aussi réutilisée pendant les périodes sèches.
Comment arrives-tu à te débrouiller avec si peu de produits pulvérisés? Nos arbres fruitiers haute-tige sont robustes, forts, et ils sont en bonne santé. Leurs racines sont profondes et vont chercher elles-mêmes l’eau et les nutriments. Je n’ai plus fertilisé le sol depuis 9 ans. Il est très actif, et c’est important pour la santé des plantes. Comme nous ne produisons par pour le commerce de gros, nous pouvons laisser mûrir nos fruits sur les arbres et offrir à nos clients des fruits très aromatiques et digestes. Les petits défauts visuels ne posent aucun problème.
Et comment est-ce que tu maîtrises une éventuelle infestation d’insectes?
Grâce à l’énorme diversité, les insectes nuisibles ne posent pas vraiment de problème. Et si cela arrive, les pertes se limitent à quelques arbres ou quelques variétés. Bien sûr, nous favorisons les auxiliaires à différents niveaux (abeilles mellifères, abeilles sauvages, haies, plantes vivaces à fleurs, 100 nichoirs etc.). Je fauche les prairies de manière alternée entre les arbres. Ainsi, il y a toujours des bandes herbeuses qui fleurissent et d’autres qui sont récoltées. J’utilise le foin et le regain pour nos chèvres, je les vends ou je les utilise comme paillis pour revitaliser les sols. Contre la drosophile du cerisier, je préfère des variétés précoces pour les fruits à noyaux.
Et la question fondamentale: est-ce que votre concept de fonctionnement est aussi satisfaisant pour vous financièrement? Nous n’avons pas de dette, et c’est très important pour nous. De plus, ce n’est pas produire le plus possible de fruits qui nous intéresse. Nous vendons à la ferme les fruits de table qui conviennent pour cela, soit environ un quart de la récolte. Avec le reste, nous produisons du jus de fruit et du cidre que nous vendons également à bon prix, en partie pour notre propre mise en bouteille depuis le tonneau.
Quel est votre revenu annuel? Les bonnes années, nous réalisons un chiffre d’affaires maximum d’environ CHF 100’000 dont CHF 38’000 de paiements directs. Ceux-ci couvrent les coûts d’assurance, d’entretien des machines, d’amortissement, d’eau et d’électricité. Nous maintenons les coûts d’exploitation aussi bas que possible et ça va. En moyenne, nous payons des impôts sur env. CHF 50’000 - 60’000 de revenus agricoles pas an, y compris les revenus locatifs de la maison d’habitation à côté. Les mauvaises années comme 2017, lorsque nous avons subi de graves dommages à cause du gel, nous devons puiser dans les réserves. Nous vendons nos pommes à la ferme à 1 ou 2 francs le kilo, selon leur «beauté». Tout le monde devrait pouvoir se payer des pommes biologiques, c’est notre credo. Et Jacques Perritaz produit exclusivement à partir de nos pommes un cidre qui fait le tour du monde: en ce moment, c’est la boisson «branchée» dans la jet set de New York. «Premier Emois» est exporté dans 19 pays! Cette reconnaissance vaut plus que de l’argent.
Est-ce que ce modèle économique est bon pour vous? Oui, bien sûr, nous n’avons pas de salaires à payer, nous ne faisons pas d’investissements coûteux et nous produisons à bas prix. Généralement, nous effectuons nous-mêmes des réparations et des rénovations. Cela dure depuis quatre générations, depuis 130 ans. Nous sommes tout simplement satisfaits.
Comment voyez-vous votre avenir? Nous sommes en discussion avec un successeur potentiel, car j’aurai bientôt 60 ans, et cela se présente bien. Nous en manquons ni de travail, ni de joie: que vouloir de plus?
Portrait de l’exploitation
Helmut Müller et Monika Bühler, Stocken 14, 9315 Neukirch, www.bio-obst.ch
10 hectares de prairies avec environ 600 arbres haute-tige et 500 autres arbres dans une zone de culture où les arbres sont maintenus petits malgré la forte croissance
2 unités de main-d’œuvre familiale
8 chèvres, 5 poules, 6 ruches d’abeilles
2 tracteurs (âgés de 40 ans)
Cidrerie avec des presses à eau autonomes en électricité et une capacité de 500 kilos par heure: production annuelle d’environ 14'000 litres de moût et 2'000 litres de cidre (selon la récolte et l’année). La production est en forte croissance en raison de la demande élevée Distribution directement dans le magasin à la ferme et une sélection de magasins Bio.
Le cidre est fabriqué à partir des pommes de Monika et Helmut, par ex. le mousseux doux et effervescent naturel «Premiers Emois» ou le sec «Raw Boskoop». Distribution dans le monde entier via: www.cidrelevulcain.ch. Ou le cidre de ZOBO, fabriqué de manière artisanale selon la méthode anglaise, distribution directement via www.zobo-getraenke.ch.
Interview et photos: Fausta Borsani
Le fait qu’une production de fruits de table, extensive et en harmonie avec la nature, est économiquement rentable, aussi en comparaison avec la culture intensive de fruits, est confirmé par les chiffres des récents travaux d’Ivo Bosshard supervisés par IG-Kulturlandschaft (en allemand).
La Suisse est tout sauf un paradis pour les oiseaux. En comparaison internationale, de nombreuses espèces sont particulièrement menacées dans notre pays. Selon les experts, l’exploitation intensive des terres cultivées et l’utilisation élevée des pesticides en sont parmi les causes principales.
Dans l’ensemble, près de 40% des oiseaux de Suisse figurent sur la liste rouge des espèces menacées. C’est un chiffre record en comparaison internationale. D’après les nombreuses données disponibles en Suisse, en particulier les zones agricoles intensives et leur fertilisation excessive, l’utilisation excessive de pesticides, contribuent à cette évolution alarmante. De plus, il n’y a pas assez de petites structures telles que des haies, des arbres individuels ou des bandes herbeuses.
La Suisse mène la politique agricole la plus coûteuse du monde et justifie cette dépense annuelle de plusieurs milliards par son engagement ciblé en faveur d’une agriculture durable. Cependant, la majorité de cet argent a encore l’effet inverse: une intensification encore plus grande de la production et donc une agriculture particulièrement dommageable pour l’environnement. La politique agricole détruit ainsi ses propres efforts pour accroître la biodiversité. Malgré les milliards versés, aucune des exigences légales en matière d’environnement n’a encore été satisfaite: c’est une bilan désastreux que le Conseil fédéral a dû lui-même admettre récemment.
L’Union suisse des paysans rejette ces conclusions depuis des années avec toujours les mêmes réactions. David Brugger, chef de la production végétale à l’Union suisse des paysans, demande des fonds fédéraux supplémentaires pour la poursuite des recherches. On devrait en savoir plus avant de pouvoir prendre des mesures ciblées.
Pendant ce temps, le mécontentement de la population à l’égard de la politique agricole désastreuse de la Suisse continue de croître, comme le montrent souvent les réactions des lecteurs sur les blogs.
Débat télévisé avec des députés européens et reportage aur un village italien qui vient de voter par referendum la suppression des pesticides, une première en Europe. Un agronome a montré aux agriculteurs comment se passer des produits chimiques. Les agriculteurs ont aussi mis en place une assurance collective en cas de mauvaise récolte. L'idée, c'est d'être dédommager en cas de mauvais rendement. Sur 50000 hectares couverts par l’assurance, moins d’un pourcent a dû être remboursé.
En réautorisant le glyphosate pour cinq ans en décembre dernier, la Commission européenne avait promis plus de transparence dans les procédures d'homologation des pesticides. Le Parlement européen a mis en place une commission spéciale sur le système d'autorisation des pesticides en Europe (PEST). Elle a commencé son travail d'enquête et les conclusions de l'enquête seront rendues en décembre.
Comme le DDT à l’époque, les néonicotinoïdes ont été considérés comme la panacée dans la lutte contre les insectes en agriculture. Ainsi ces poisons ont été largement utilisés ces deux dernières décennies. Même en très petites quantités, les néonicotinoïdes endommagent le système nerveux des insectes. De plus en plus d’études continuent de montrer que les écosystèmes ou les abeilles en subissent de graves conséquences.
On retrouve désormais des néonicotinoïdes partout dans le pays, même dans des réserves naturelles éloignées du site d’utilisation. Les pesticides pourraient être les principaux responsables de l’effondrement de la diversité des insectes au cours de ces dernières années. Ce désastre environnemental est probablement de la même ampleur que celui causé par le DDT dans les années 1950.
Pourtant l’industrie a jusqu’à présent continué à se défendre contre l’interdiction des néonicotinoïdes par tous les moyens à sa disposition. L’UE a enfin pris des mesures. Les trois néonicotinoïdes les plus nocifs et les plus répandus sont interdits d’utilisation en plein champ. L’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) semble emboîter le pas. À partir de 2019, clothianidine, imidaclopride et thiamethoxame ne seront plus autorisés que dans les serres en Suisse.
L’histoire se répète. Tant que des milliards peuvent être gagnés grâce aux pesticides dans l’agriculture, aucun dommage ne semble être trop grand. Encore beaucoup d’autres pesticides, dont les effets sur l’environnement sont à peine connus, continuent d’être vendus en grandes quantités à travers le monde aux paysannes et paysans. Des entreprises suisse comme Syngenta sont à l’avant-garde dans ce domaine.
Il est prouvé depuis longtemps que les pesticides ne sont pas nécessaires pour une agriculture plus sûre et plus productive. Au contraire. D’après des études détaillées, les dommages causés aux sols et aux écosystèmes par les pesticides pourraient être bien plus importants que le bénéfice de ces toxiques.
C’est pourquoi Vision Landwirtschaft s’engage en faveur d’une agriculture suisse sans pesticides. Aucun pays n’est mieux placé pour montrer comment produire sans pesticides des aliments sains et durables.
La nécessité de réduire l’utilisation des pesticides est un consensus politique. La conversion à l’agriculture biologique à l’échelle nationale serait un grand pas dans cette direction. Le FiBL a étudié combien de pesticides seraient économisés en Suisse. Dans les terres arables et les herbages, soit 90% de la superficie, il en résulterait une réduction de volume de 98,5 %. Dans les cultures spéciales ne pourraient être économisés que 20 % mais seuls quatre de spesticides d’origine naturelle utilisés sont nocifs pour l’environnement et devraient être remplacés à moyen terme.
René Sgier, exploitant de «Hansjürg Imhof Bioprodukte» à Schwerzenbach (ZH), réfléchit de manière pratique. Il cultive des légumes sur 70 hectares, sans pesticides. Il gère la plus grande exploitation maraîchère de Suisse selon les directives Demeter. Il n’a aucune baguette magique. Mais il observe, réfléchit, soupèse et prend des décisions économiquement intelligentes. Il explique sans idéologie, mais avec beaucoup d’expertise, ce qu’il entend par de bonnes pratiques culturales: sélectionner quelques variétés, choisir des sites appropriés et favoriser les auxiliaires. Il prend soin du sol pour préserver autant que possible sa structure et bien laisser prospérer les organismes qui y vivent. Il crée ainsi dès le départ un bon climat pour des plantes saines.
(VL): Monsieur Sgier, la philosophie de l’entreprise d’Imhofbio AG est décrite par des phrases qui décrivent très bien la motivation de notre projet «agriculture suisse sans pesticides»: «L’utilisation importante des pesticides, et les dangers qui y sont liés pour la santé humaine, les résidus de pesticides dans les produits et le sol, le développement de résistances de nombreux organismes ravageurs contre des produits phytosanitaires, mais aussi la situation du marché avec une surproduction, nous ont poussés à repenser …..». Pouvez-vous souscrire à l’idée d’une production libre de pesticides? (René Sgier): En 2017, nous avons converti toutes les cultures maraîchères de Bio à Demeter. Ce n’est pas la réflexion sur l’utilisation des pesticides qui a alors été décisive, mais les concepts de base généraux de Demeter, de la protection et de la fertilité du sol. Déjà auparavant, nous n’avions pulvérisé pratiquement dans aucune culture. J’ai donc à peine été touché par les restrictions plus strictes de Demeter par rapport au Bio: on n’a plus le droit d’utiliser du cuivre pour Demeter, mais je ne produis pas de fruits ou de pommes-de-terre, des cultures dans lesquelles le cuivre est encore permis selon les directives du bourgeon.
Est-ce que cela a toujours été votre philosophie de vous passer de pesticides? Jusqu’à présent, les pesticides n’ont presque jamais été nécessaires! Les pesticides sont des mesures d’urgence, par exemple quand des choux sont infestés de pucerons. La pulvérisation a été utilisée trois à quatre fois l’an dernier pour des cas d’urgence. Et j’ai alors aspergé une préparation autorisée avec Bacillus thuringiensis (Bt) [1] . C’est une bactérie du sol qui produit une protéine dont la toxicité est très spécifique envers les larves de noctuelle du chou. C’est ainsi que le ravageur est contenu.
Quelles cultures produisez-vous? Salades, fenouil, chou blanc, brocoli, choux-raves, tomates, courgettes, fleurs coupées et courges. Je les commercialise avec le label Demeter auprès de gros distributeurs, de détaillants Bio et dans le magasin à la ferme.
Quelles sont les mesures que vous prenez pour ne pas avoir à pulvériser? Le choix des variétés est déjà très important pour les salades. Le marché exige des salades grandes, fortes et saines. Et la résistance aux pucerons est l’un des principaux buts d’élevage. Ainsi, de nouvelles variétés, résistantes grâce à la sélection naturelle, sortent toutes les quelques années. Ce sont les variétés modernes Lollo-, Batavia et de laitues. C’est la même chose pour le fenouil, qui est de toute façon peu sensible. Nous ne les avons jamais pulvérisés.
De quoi a-t-on encore besoin pour produire sans pesticides? La situation, la direction du vent, le sol doivent être adaptés à la culture. Par exemple sur les sites exposés au vent, où la mouche de la carotte ne pose pas de problème, la culture de la carotte marche très bien sans insecticide, comme j’ai pu le prouver dans mon travail de diplôme.
Quels sont les points sensibles? Nous avons compris qu’on cultive mieux les carottes sur des sols sableux sur des sites exposés au vent. En général, une bonne pratique professionnelle - choix des variétés, rotation des cultures - et le bon sens sont nécessaires. Par exemple, si mes voisins ont fait une couverture végétale d’hiver avec du colza, je ne vais pas mettre mon brocoli à côté. Sinon j’aurais plus de problèmes avec le méligèthe du colza.
Comment déterminez-vous quand une intervention d’urgence est nécessaire? Pour la lutte contre la piéride du chou, j’observe le vol. Quand le champ est blanc de papillons, je sais que des œufs y sont aussi pondus et que des larves vont bientôt éclore. Mais l’éclosion dépend aussi des auxiliaires qui sont aussi là et dont je prends soin. Agroscope dispose d’un bon service de prévisions qui annonce une infestation parasitaire.
De quoi disposez-vous en cas d’urgence? Les pyréthroïdes naturels sont toujours autorisés comme mesure d’urgence contre les insectes, aucun fongicide ni herbicide n’est autorisé. Il faut alors changer de mentalité. Par exemple avec les tournesols coupés, il y a un risque de développement de champignons, donc ce risque rentre dans notre calcul et nous semons plus de tournesols: Si un groupe est infesté, alors on espère que le prochain reste sain et que nous en vendons plus. Jusqu’à présent cela a marché. Comme notre exploitation Demeter produit exclusivement en plein air, les dommages de ces dernières années ont été surtout dus aux intempéries, grêle et tempêtes. Là contre on ne peut de toute manière rien pulvériser.
Quelles sont vos considérations économiques? L’année dernière, j’ai eu de gros problèmes avec le chou blanc et des champignons pathogènes. C’est une culture marginale chez nous. C’est pourquoi je pense à ne cultiver du chou blanc que pour la transformation fraîche et non plus pour l’entreposage. Parce que sans cuivre, je ne peux pas les avoir assez sains pour pouvoir les conserver. Il faut de meilleures variétés plus résistantes. Autrefois, on faisait de la choucroute pour conserver le chou. Ce qui est clair du point de vue économique, c’est que dans l’ensemble tout nécessite un peu plus de travail, et aussi que les prix des produits Bio sont sujets à de fortes pressions. De plus, nous avons des directives aux fournisseurs strictes dans le commerce. Mais pour nous le compte y est, et nous versons des salaires suisses raisonnables selon un contrat standard. Les frais de personnel constituent aussi le poste le plus onéreux.
Visiblement vous réussissez à répondre aux exigences élevées des grands distributeurs comme des consommateurs au niveau esthétique et qualitatif! Oui, et nos produits sont demandés et vendus! Finalement c’est la société qui décide combien de taches sont tolérées sur une pomme ou sur une pomme-de-terre. Je constate à ce sujet un certain assouplissement, car les hommes en ont assez des pesticides et de leurs risques, et ils sont prêts à ignorer une petite tache.
----------- [1] Dans la définition du Plan de réduction des pesticides en Suisse (2016, p. 6) le Bt n’est pas considéré comme un pesticide, mais comme un produit phytosanitaire non problématique pour l’environnement.
René Sgier
Jeunes plants de brocoli pour la production de semences d'une variété résistante aux ravageurs
L'arrêt du tribunal fédéral a un caractère exemplaire au niveau international: pour la première fois, les associations environnementales ont le droit de s'opposer à l'homologation des pesticides. Cela met fin à l'opacité de la procédure d'homologation des pesticides, qui est combattue par de nombreuses organisations depuis des années. L'Office fédéral de l'agriculture s'est défendu avec l'agro-industrie contre l'ouverture de la procédure secrète "scientifique" par tous les moyens. Ce jugement devrait rendre le processus d'homologation des pesticides beaucoup plus sûr et contribuer à autoriser moins souvent des pesticides intolérables pour l'environnement ou la santé humaine, et à prévenir de futurs scandales liés aux pesticides.
Andreas Bosshard, directeur de Vision Agriculture, explique comment sortir de l'impasse des pesticides dans le "Bauernzeitung". Pour en savoir, ci-dessous une traduction de son opinion publiée dans "Bauernzeitung".
Presque chaque semaine, les médias font état d'un scandale liés aux pesticides, à propos de colonies d'abeilles, de l'effondrement de populations d'insectes comme conséquence présumée de l'utilisation généralisée de pesticides dans l'environnement, des produits phytosanitaires soudainement reconnus comme étant trop toxiques et qui doivent être retirés du marché après des années d'utilisation, etc. etc.
Depuis six mois, la Suisse - le dernier pays d'Europe à l'avoir fait - dispose d'un "Plan d'action national pour les produits phytosanitaires". Il vise à réduire l'utilisation des pesticides de 1 % par an (!) et, après 12 ans, à réduire seulement de moitié les dépassements réguliers actuels des valeurs limites de pesticides dans les cours d'eau. Il est difficile de considérer un tel document comme une réponse sérieuse aux problèmes permanents liés à la gestion des pesticides.
Vision Agriculture a publié le "Plan de réduction des pesticides en Suisse" avec près de 30 organisations renommées quelques mois avant le plan d'action de la Confédération. Contrairement au concept fédéral, le présent rapport se fonde sur une analyse détaillée de la situation et d'abondantes références. Les mesures proposées vont beaucoup plus loin que celles proposées par la Confédération. Vision Agriculture a effectué diverses recherches sur le terrain pour ce plan d'action. Ce faisant, il a été constaté à plusieurs reprises: en Suisse, nous ne maîtrisons tout simplement pas l'utilisation des pesticides. Nous sommes loin de maîtriser ces poisons puissants en pleine nature avec les moyens disponibles. Et toutes les mesures d'accompagnement relatives aux pesticides coûtent déjà des millions de francs par an aux contribuables.
Du point de vue de l'agriculture, il n' y a qu'une seule réponse possible: nous devons nous éloigner de ces poisons. C'est l'exigence centrale du plan de réduction des pesticides.
Les innombrables exemples d'agriculteurs qui produisent des aliments de façon rentable et productive sans pesticides, confirment que cette voie est tout sauf une utopie. Pourtant il faut également clairement dire que dans certaines cultures, nous n'avons pas encore de solutions pratiques. Cependant, si seulement une fraction de la recherche utilisée aujourd'hui pour l'autorisation et la surveillance des pesticides était réorientée vers le développement de méthodes de culture sans pesticides, de telles solutions seraient sur la table dans 5 à 10 ans. Grâce à l'une des agricultures les plus subventionnées au monde et à nos vastes recherches agricoles, aucun pays n'est mieux placé que la Suisse pour ouvrir la voie en tant que pionnier sur cette voie vers une production alimentaire sans pesticides.
La crainte souvent exprimée de rendement inférieurs entraînant davantage d'importations de denrées alimentaires, est hypocrite. Aujourd'hui par exemple en Suisse, et dans la seule production laitière et son alimentation extrêmement inefficace basée sur des aliments concentrés, nous détruisons de la nourriture pour 2 millions de personnes (extrapolation selon l'étude FiBL), soit un quart de la population suisse, et contribuons à un marché du lait aberrant. Activons ces leviers pertinents pour améliorer l'auto-approvisionnement en Suisse. Mis en perspective, la réduction de 10% ou 15% des rendements qu'une production sans pesticides devrait accepter (avec des recherches de plus en plus nombreuses et probablement beaucoup moins nombreuses), ne semble être plus qu'une broutille.
Le fait qu'il fut un temps où la production alimentaire n'était réalisable qu'avec l'usage permanent du poison, devrait sembler aux générations futures aussi absurde que les exorcismes et autres errements médiévaux aujourd'hui. Avec la politique agricole 2022+, nous pourrions être le premier pays au monde à sortir de l'impasse des pesticides.
Réussir sans pesticides reste encore pour beaucoup une utopie. Pourtant des centaines d’agriculteurs et d’agricultrices prouvent chaque jour en Suisse et dans le monde qu’une agriculture productive et rentable est possible sans une utilisation régulière de poison. L’objectif ambitieux du nouveau projet de Vision Agriculture est de contribuer à la percée en Suisse d’une agriculture libérée des pesticides. Un grand nombre d’organisations des domaines de l’agriculture, de l’environnement, de la santé et de la consommation partagent cette vision.
Cette initiative a provoqué un grand remue-ménage dans la politique agricole. Il est devenu clair à quel point l'initiative est bien accueillie par la population, et l'union suisse des paysans est consternée. Elle essaie maintenant de présenter des agriculteurs bio qui prétendent qu'ils devraient abandonner leur production si l'initiative était acceptée. C'est un mensonge.
Le fait est que les exploitations qui produisent déjà de manière durable aujourd'hui, c'est-à-dire qui n'emploient pas de produits phytosanitaires toxiques et prêtent une attention particulière aux cycles fermés des éléments nutritifs, ne sont pratiquement pas affectées par l'initiative. Au contraire, elles peuvent s'attendre à un meilleur soutien de la part d'une réorientation de la politique agricole à l'avenir, qu'elle soit biologique ou non.
Toutefois, cette initiative représente un défi pour l'agriculture suisse qui depuis bien trop longtemps résiste à tout changement dans le sillage de l'union suisse des paysans. L'initiative donne maintenant l'impulsion nécessaire à des avancées déjà en mouvement.
Le glyphosate cause de graves dommages à la santé, comme par exemple le cancer ou des malformations chez les nouveau-nés lorsque les femmes enceintes ont été en contact avec l’herbicide. Les conséquences pour la santé sont catastrophiques dans les régions où le glyphosate est utilisé intensivement. Les effets sur les animaux, les plantes et les sols sont également graves.
Les faits présentés dans le film sont connus depuis longtemps, y compris par Monsanto qui produit le glyphosate. Cependant, l’industrie des pesticides et les gouvernements impliqués ont manipulé des études scientifiques et ont toujours contesté de manière scandaleuse les rapports envers le grand public. Les images et les destins qui sont présentés dans le film sont insupportables. Reste à savoir s'ils auront un impact dans les débats sur la prolongation ou non de l’autorisation du glyphosate en Suisse et dans l’UE.
Avec l’interdiction de l’herbicide controversé glyphosate dans la culture des céréales labellisées, IP-Suisse franchit une nouvelle étape importante en direction d’une agriculture qui réduit l’utilisation des pesticides. Des autorisations spéciales sont encore possibles pour le moment dans des situations difficiles. La réglementation entrera en vigueur en 2018.
L’approche déterminée et courageuse d’IP-Suisse montre à quel point les méthodes de production plus durables se développe actuellement dans les cultures. Pendant ce temps, la Confédération, avec son "plan d’action des produits phytosanitaires" hésitant, est largement à la traîne concernant les possibilités existantes pour une production alimentaire qui réduit les pesticides. Par rapport au potentiel de réduction des pesticides à court terme de 50% avancé par Vision Agriculture, l’Office fédéral de l’agriculture estime qu’une réduction de 12% est possible : une valeur qui relève du domaine de l’incertitude statistique. Cette démarche est d’autant plus bienvenue que ce sont les producteurs eux-mêmes qui la prennent en main.
La grogne de la population s’amplifie face aux conséquences non résolues de l’utilisation intensive de pesticides en Suisse. Le plan d’action national des produits phytosanitaires (PAN) adopté aujourd’hui par le Conseil fédéral, malgré des améliorations par rapport au projet en consultation, est une réponse insuffisante. Les mesures sont principalement axées sur l’optimisation technique pour laquelle la Suisse a relativement peu de retard à rattraper. On cherche en vain dans le PAN les nombreuses propositions de mesures plus efficaces qui ont été proposées par une large alliance prônant un rôle pionnier de l’agriculture suisse. Le plan d’action lui-même n’atteint pas l’objectif de réduction des pesticides de 1500 tonnes par année fixé autrefois par la Confédération. Cela reste incompréhensible qu’il manque en particulier un concept sur la manière de financer les mesures supplémentaires. Le destin de tigre de papier plane ainsi sur le plan d’action.
L'intégralité du communiqué de presse n'est disponible qu'en allemand.
Un nouveau rapport d’experts de l’ONU condamne sévèrement l’industrie des pesticides. Elle est accusée de nier systématiquement les dommages causés par les pesticides, de diffuser des informations pas soutenables, ainsi que de faire du marketing avec des tactiques agressives et contraires à l’éthique. Que les pesticides sont nécessaires à l’alimentation de l’humanité n'est qu'un mythe dépourvu de base factuelle.
Les pesticides ont plutôt entravé une production alimentaire durable. L’alimentation de la population mondiale pourrait être améliorée à plus long terme sans ou avec très peu d’utilisation de pesticides, et sans causer de dommages aux hommes et à l’environnement. Les pesticides sont responsables d’atteintes à la santé de millions de personnes. On estime que l’empoisonnement aigu aux pesticides cause 200'000 décès par an.
La thématique des pesticides est au cœur des préoccupations de nos voisins français. Quelques jours après la publication des résultats navrants des statistiques nationales sur ce sujet, une étude, basée sur le monitoring de nombreuses fermes témoins, montre qu'une forte réduction du recours aux pesticides n'entame pas la productivité. La proportion de 42% est même avancée. Pour rappel, les chiffres du plan de réduction des pesticides en Suisse sont du même ordre de grandeur, ceci pour les mesures à court terme !
La production de sapins suisses est en augmentation. Mais la provenance locale n'est pas toujours motivée par des choix écologiques. Un projet mené par Coop et Vision Agriculture montre comment il est possible de lier les deux !
(VL) Des centaines de milliers d’arbres de Noël prennent ces jours le chemin du domicile de nombreux Suisses. Mais souvent, les sapins proposés sur les marchés ont déjà un long chemin derrière eux. La majorité vient de l’étranger, en particulier d’Allemagne et du Danemark. Mais la proportion de ceux qui sont produits en Suisse a progressé ces dernières années pour atteindre pratiquement 50%. Ceci constitue une bonne nouvelle, car cela crée de la valeur ajoutée pour l’agriculture et la sylviculture tout en réduisant l’impact des transports. De plus, ces sapins de Noël peuvent être cultivés de manière naturelle et durable, ce qui est également bénéfique pour l’environnement.
Cette affirmation n’est cependant pas valable pour tous les arbres produits en Suisse. Dans le cadre du plan de réduction des pesticides pour la Suisse, Vision Agriculture a mené son enquête en 2014 sur les méthodes de production dans plusieurs régions de Suisse. Il en est ressorti que les pesticides étaient utilisés sur de nombreuses surfaces à vocation agricole, parfois avec des produits interdits.
Des alternatives valables sont disponibles
L’emploi d’herbicides dans la culture de sapins de Noël est de loin la plus problématique. Ces derniers sont utilisés plusieurs fois par année pour supprimer toutes les mauvaises herbes. Le controversé glyphosate, mais également d’autres herbicides toxiques sont employés. Avec un sol mis à nu, le risque de ruissellement des eaux de surface et de lixiviation dans les eaux souterraines est particulièrement grand. De plus, les distances minimales de pulvérisation visant à la protection des cours d’eau, des boisements ou des chemins n’était pas respectées dans la moitié des cas.
En plus de l’utilisation avérée d’herbicides, des fongicides est des insecticides ont aussi été employé, ce qui est dommage, car de bonnes alternatives existent. Par exemple, certains producteurs utilisent la pâture avec des moutons pour supprimer les mauvaises herbes, sans utiliser de pesticides. On estime qu’un bon 10% des sapins de Noël produit en Suisse le sont sur des surfaces forestières, où aucun pesticide n’est autorisé. Le plus souvent, ces surfaces sont particulièrement riches en espèces, comme Vision Agriculture a pu le constater dans son enquête.
Coop va de l‘avant
Fort de ces conclusions, Vision Agriculture s’adressa à la Coop, le plus grand détaillant de sapins de Noël produits en Suisse, afin d’établir un cahier des charges visant à instaurer des pratiques durables permettant de réduire considérablement l’utilisation de pesticides.
Coop s’est montré ouvert sur ce sujet et a demandé une mise en œuvre rapide et pragmatique. Les lignes directrices ont également fait l’objet de discussions intenses avec IG-Suisse Christbaum qui regroupent les producteurs de ces arbres. Afin de ne pas trop les pénaliser, certaines mesures de réduction des pesticides ont dû être abandonnées, du moins pour l’instant. Néanmoins, l’adoption de ces directives limitant une culture intensive aura permis de diminuer de moitié l’utilisation de ces produits.
Détaillants et consommateurs pour une production durable
Désormais, tous les producteurs d’arbres de Noël désirant fournir la Coop devront dès cette année se conformer à ces nouvelles lignes directrices. Des contrôles externes seront réalisés. Cette réduction de l’utilisation des pesticides a été réalisée par de nombreuses plantations suisses de sapins, ce qui devrait les distinguer des arbres produits à l’étranger. Dans ce cas précis, local signifie également durable. Et il y a fort à parier que les autres détaillants vont emboîter le pas de Coop d’ici peu.
Vous pouvez contribuer à ce que cette norme de réduction, voire d’abandon d’ici à quelques années, des pesticides devienne un standard national en privilégiant par votre achat ce type d’arbres. N’hésitez pas à demander d’où vient votre sapin et comment il a été produit. Et si les réponses ne vous donnent pas satisfaction, optez pour un arbre bio ou qui suit les lignes directrices de la Coop !
Nous vous souhaitons de merveilleuses fêtes de Noël !
La mise en consultation du plan d’action national sur les produits phytosanitaires (PAN-PPh) se termine à la fin de la semaine. Vision Agriculture ne peut que soutenir la démarche entreprise par la Suisse d’élaborer un plan d’action national. De même, nous soutenons les propositions formulées dans le PAN visant à améliorer l’utilisation et la sécurité des produits phytosanitaires (PPh), avec comme optique d’en utiliser « aussi peu que possible mais autant que nécessaire ». Toujours-est-il que la version actuelle du PAN reste clairement éloignée des missions qui lui sont confiées.
(VL) De nombreuses organisations ont déposé ces derniers jours leurs commentaires sur le PAN. Vision Agriculture, avec plusieurs autres acteurs, a aussi travaillé sur une prise de position très détaillée et très critique. Les principaux déficits ont été identifiés dans les quatre domaines suivants:
Aucune information sur les véritables coûts: L’emploi de pesticides génère un coût annuel de quelque 100 millions de francs qui est supporté par la population. Les procédures d’autorisations, le monitoring et les divers contrôles réalisés par la Confédération et les Cantons coûtent à eux seuls plusieurs dizaines de millions. Le subventionnement indirect de ce secteur industriel par le contribuable est questionnable politiquement. Un plan d’action qui se fixe pour but de réduire l’usage des pesticides en Suisse, alors que dans le même temps il n’examine pas ces subventions accordées à la promotion de la consommation, n’est juste pas crédible. La couverture de ces coûts par les revendeurs et les utilisateurs de pesticides est une requête de base qui doit être intégrée dans la révision du PAN. L’industrie des pesticides n’est pas que fermement opposée aux taxations proposées par la Confédération, mais également à la prise en charge des frais qu’ils génèrent. Scienceindustries, l’association des fabricants de pesticides, demande clairement à ce que la vaste diversité des PPh soit soutenue par la Suisse pour leur mise sur le marché. Sans quoi, ces produits « bénéfiques pour les utilisateurs » seraient hors de prix. Rien que le réajustement de la TVA sur les pesticides de 2.8% (!) à 8% est déjà demander trop aux yeux de scienncesindustries. Le modèle commercial des fabricants de pesticides ne semblent être basé que sur des subventions publiques.
Peu de transparence en matière d’autorisation de vente ou de collecte des données: Les organisations professionnelles et environnementales ont toujours pointé du doigt le manque de transparence de la Confédération dans le domaine des pesticides, ainsi que le manque flagrant de données crédibles. Où et dans quel but est justifiée l’application d’un pesticide reste une boîte noire. Plusieurs demandes clés pour une plus grande transparence et un enregistrement systématique des utilisations de pesticides sont tout simplement absentes dans cette version du PAN, alors que ces données basiques sont récoltées depuis de nombreuses années dans plusieurs pays.
Pas de volonté d’avoir au moins une fois des exigences légales ambitieuses: De nombreuses mesures effectives présentées dans d’autres plans d’action ou développées dans le PRP ne sont pas incluses dans le PAN. Dans son état actuel, une réduction minime de l’utilisation des pesticides est prévue, selon les calculs de la Confédération, 1.2% par an, soit à comprendre dans le texte : rien ! Alors que nous avons démontré dans le PRP qu’il était possible de réduire de 50% en six ans. Avec cette ébauche hésitante, la Confédération ne pourra même pas atteindre les normes fixées pour la protection de l’environnement. Les violations à large échelle dans le domaine de la qualité des eaux ne pourrait être réduites que de moitié d’ici 2026 selon le PAN, alors que la Confédération doit demander que les bases légales soient appliquées aussi vite que possible. Il est donc crucial pour l’agriculture suisse que la Confédération produise une version qui est compatible avec les lois existantes.
Aucun objectif de développement à long terme: Le PAN doit montrer la direction dans laquelle l’utilisation des pesticides doit se développer sur le long terme. C’est à l’aune d’une telle vision que l’efficacité des mesures sera évaluée et ceci manque dans le projet actuel. Seulement une vision claire permettra aux agriculteurs de planifier leurs activités de manière sûre et leur montrera dans quelle direction il est possible de développer leurs exploitations, tout en anticipant les soutiens futurs de la Confédération. Nous revendiquons une vision courageuse, permettant à l’agriculture suisse de se démarquer des productions étrangères. Ce PAN peu ambitieux, restant en deçà de ce qu’il est possible de faire, ne fera pas avancer notre agriculture.
En résumé: Cette version du PAN répond à ses propres objectifs qui sont nommément des améliorations visant à une utilisation et une sécurité correspondant à l’adage « aussi peu que possible mais autant que nécessaire », mais pas plus. Nous réclamons que les nombreuses mesures connues et faciles mettre en place (comme celles énumérées dans le PRP) soient intégrées afin de réduire les dommages à la santé humaine et à l’environnement ainsi que les risques qui sont liés à l’utilisation des pesticides. Un PAN ambitieux ne va pas à l’encontre de l’agriculture, mais une aide indispensable pour une agriculture suisse durable.
En Suisse, les pesticides sont utilisés en quantités nettement supérieures aux besoins. D’ici à 2020, il serait possible d’en réduire l’utilisation de plus de 50%. C’est ce qui ressort du plan de réduction des pesticides publié aujourd’hui par Vision Landwirtschaft, dont les revendications sont soutenues par une large alliance des cercles de l’agriculture, de l’approvisionnement en eau potable, de la protection des eaux, de l’environnement, de la santé et des consommateurs. Le plan de réduction des pesticides présente des alternatives possibles à l’utilisation actuelle des pesticides et complète ainsi le plan d’action national sur les produits phytosanitaires que le Conseil fédéral va mettre en consultation ces prochaines semaines.
Le plan de réduction des pesticides est basé sur une analyse systématique de la situation en Suisse et sur les expériences faites dans les pays ayant déjà élaboré un plan d’action en vue de réduire l’emploi des produits phytosanitaires. Cette analyse montre que la Suisse fait partie des pays qui utilisent des pesticides en quantités particulièrement élevées. Les dépassements par rapport aux prescriptions légales sont quotidiens. La présence de bien plus de 100 substances indésirables est régulièrement constatée dans les eaux. Pour ce qui est de la transparence et de la disponibilité des données en matière d’utilisation de pesticides, la Suisse se situe en queue de classement des pays d'Europe. Les conséquences des pesticides sur la biodiversité, la santé des populations et le sol ne sont connues que de manière fragmentaire et les risques sont élevés en proportion. L’analyse met également en évidence le fait qu’une forte utilisation de pesticides n’est souvent pas judicieuse sur le plan économique.
Les alternatives ne sont jusqu’à présent pas assez exploitées
Les mesures décisives qui pourraient garantir une production sûre et durable des aliments issus des cultures agricoles, ne reposent pas sur l’utilisation de pesticides, mais sur la mise en place adaptée des cultures et de bonnes pratiques d'exploitation. Dans les zones privées et urbanisées, il est même possible de bannir complètement l’usage des pesticides problématiques – c'est ce qui a été fait en France. Certaines mesures parfaitement réalisables permettent de réduire l’emploi de pesticides de 40-50% dans l’agriculture et même de 80% dans les zones privées, sans difficultés d’approvisionnement et sans coûts supplémentaires pour le contribuable – mais en revanche avec un impact positif sur les eaux, le sol et la biodiversité.
De nombreuses organisations appartenant aux cercles de l’agriculture, de l’approvisionnement en eau potable, de la protection des eaux, de l’environnement, de la santé et des consommateurs soutiennent explicitement l’orientation principale du plan de réduction des pesticides et exigent de la Confédération que celle-ci exploite les alternatives à l’emploi de pesticides et mette résolument à profit les opportunités socio-économiques et écologiques qui en découlent. Le «plan d’action visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires» de la Confédération sera envoyé en consultation prochainement et confronté à l’actuel plan de réduction des pesticides.
Les antécédents
En mars 2012, la Conseillère nationale Tiana Moser a déposé un postulat (12.3299) chargeant le Conseil fédéral d'examiner si – et sous quelle forme – un plan d'action visant à la réduction des risques et à l'utilisation durable des produits phytosanitaires, similaire à celui prévu par l'UE, permettrait de réduire la pollution causée par les pesticides en Suisse. Le 23.5.2012, le Conseil fédéral a proposé d’accepter le postulat; le Conseil national l’a adopté le 15.6.2012. Le 21.5.2014, le Conseil fédéral a publié la détermination des besoins correspondants.
Un an auparavant, le 2.5.2013, la Commission de la science, de l'éducation et de la culture s’était prononcée dans sa motion 13.3367 en faveur d’un paquet de mesures visant à l’utilisation durable des produits phytosanitaires et un certain pourcentage de réduction de leur emploi jusqu’en 2023. Le Conseil national et le Conseil des États ont approuvé sans opposition. Depuis, les offices fédéraux travaillent à l’établissement de ce plan d’action.
En collaboration avec un groupe d'accompagnement, Vision Agriculture a élaboré le plan de réduction des pesticides publié ce jour. Celui-ci respecte l’orientation principale du plan d’action fédéral tout en donnant une vision globale de l’emploi des pesticides et en présentant des possibilités de réduction substantielle. Les bases, faits et mesures ainsi rassemblés ont pour but de soutenir la procédure de réduction déterminante des pesticides en vue de protéger la santé des populations et l’environnement.
Faits & chiffres clés
Plus de 2000 tonnes de pesticides sont utilisés chaque année en Suisse.
La Confédération est ainsi bien loin de l’objectif qu’elle s’était elle-même fixé. Dès 2005, l’objectif intermédiaire de la politique agricole prévoyait de diminuer l’emploi de produits phytosanitaires à 1500 tonnes par an.
Sur le Plateau suisse, la presque totalité des captages d'eaux souterraines utilisées pour l’eau potable sont chargés de pesticides et de produits de décomposition. La part de stations de mesure installées dans des puits d’eaux souterraines affichant des taux de concentration de produits phytosanitaires supérieurs au seuil de tolérance est passée de 11% à 21% entre 2005 et 2011.
Une enquête approfondie menée sur cinq cours d'eau de taille moyenne du Plateau suisse a montré qu’aucun ne respectait les exigences de l’ordonnance sur la protection des eaux en matière de pollution causée par les pesticides. Au total, 100 substances différentes ont été identifiées dans les échantillons prélevés, et chacun de ces échantillons affichait en moyenne 40 substances pesticides différentes..
Une agriculture productive n’implique pas nécessairement le recours à des pesticides, comme le démontrent aujourd’hui de nombreux producteurs suisses.
Documents et liens: La version intégrale du plan de réduction des pesticides est disponible en français et en allemand; le résumé, en français, en allemand et en italien. La version imprimée peut être commandée auprès de Vision Landwirtschaft, les versions PDF sont à télécharger sur les sites Internet de Vision Landwirtschaft et d’autres organisations.
Le plan de réduction des pesticides livre des analyses sur la situation des pesticides en Suisse et montre ce qui est possible et nécessaire pour réduire de manière significative la charge en pesticides sur l'homme et l'environnement tout en répondant aux prescriptions légales. Le plan de réduction des pesticides, publié en mai 2016 par Vision Landwirtschaft, complète le plan d'action national de la Confédération sur les produits phytosanitaires avec des analyses critiques, et montre de nombreuses alternatives à l'utilisation actuelle et intensive des pesticides en Suisse. 27 Organisations soutiennent la ligne directrice du plan de réduction des pesticides.
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Des chercheurs ont démontré que deux insecticides du groupe des néonicotinoïdes ont des effets graves sur la fécondité des reines . Cela pourrait nuire aux colonies d'abeilles entières car les abeilles mellifères sont un modèle d'organisation sociale complexe basé sur la division du travail. Il n'y a qu'un seule reine par colonie et elle seule pond des œufs pour assurer le renouvellement des ouvrières. L'état de santé de cette reine est crucial pour la survie de la colonie.
Dans les prochains mois, les autorités vont décider, en Suisse ainsi que dans l'UE, de prolonger ou non l'autorisation du glyphosate. L'OMS a classifié l'herbicide le plus utilisé de par le monde comme étant probablement cancérigène. L'autorité environnementale californienne veut même le classifier comme étant cancérigène. Mais ce n'est pas tout: des études de l'université de Leipzig rendent l'herbicide responsable aussi de malformations, notamment chez les cochons, et de maladies de carences chez les boeufs. En outre, elles associent le glyphosate à d'autres problèmes de santé graves chez les êtres humains. Dans ces circonstances, on ne peut répondre d'une poursuite de l'utilisation du glyphosate. Les médecins en faveur de l'environnement, Greenpeace et SKS Konsummentenschutz exigent une interdiction immédiate du glyphosate.
"De nombreuses études montrent toutefois qu'il existe une relation statistique entre l'exposition à des pesticides et un risque accru de maladies. Les agriculteurs et les jardiniers sont particulièrement exposés", telle est la conclusion de l'analyse des cas d'exposition aux pesticides de différentes études déjà existantes. En comparaison avec les pays européens, l'utilisation élevée de pesticides est une faiblesse de l'agriculture suisse face à l'environnement, la biodiversité, et la santé humaine. Vision Agriculture cherche à proposer une alternative solide avec l'élaboration de son propre plan d'action de réduction efficace de l'utilisation des pesticides par crainte que le plan d'action en préparation du gouvernement ne se résume qu'à un alibi.
Une étude vient de montrer que la charge en insecticides et fongicides a été sous-estimée en Suisse, avec des concentrations au-dessus des critères de qualité chronique pour certains insecticides, notemmant pour les pyréthroïdes, les organophosphates et les néonicotinoïdes.
Deux nouvelles études viennent aussi de montrer de manière inquiétante les effets encore pas connus des insecticides du groupe néonicotinoides sur les abeilles domestiques et sauvages. Celles-ci sont visiblement attirées par ce groupe de substances, et une exposition même faible affecte la reproduction des abeilles solitaires ainsi que la croissance des colonies de bourdons et leur reproduction.
Les néonicotinoïdes sont des insecticides très efficaces mais qui agissent de manière non spécifique. Ils sont utilisés largement dans de nombreuses cultures dans l'agriculture suisse, particulièrement pour le colza, les céréales, la production de légumes et l'arboriculture. Des quantités infimes suffisent déjà pour endommager le système nerveux des insectes.
Les indices se multiplient pour montrer que l'emploi de néonicotinoïdes dans l'agriculture ne porte pas seulement atteinte aux abeilles, comme cela a été largement discuté ces derniers mois, mais conduit à un recul drastique des populations d'insectes sur l'ensemble des terres agricoles. Cela perturbe toute la chaîne alimentaire, car les néonicotinoïdes sont facilement solubles dans l'eau et ne se dégradent que lentement. En moyenne, seulement 5% du pesticide reste là où il doit agir – à savoir sur ou dans la plante cultivée – et le reste se retrouve dans les sols, dans les eaux et dans l'air où il intoxique les écosystèmes à de larges échelles (voir figure ci-dessous).
Selon une étude récente publiée dans la revue scientifique "Nature", les populations d'oiseaux insectivores déclinent déjà de 3,5% par an avec des concentrations de seulement 20 nanogrammes d'Imidacloprid – un néonicotinoïde très répandu - dans les eaux de surface. La valeur limite est de 100 nanogrammes par litre dans la législation actuelle sur l'environnement en Suisse.
La raison de ce recul des populations d'oiseaux n'est pas un phénomène d'intoxication mais le manque de nourriture disponible. Dans les commentaires de la revue Nature, un parallèle est tiré entre le désastre causé par le DDT, utilisé à large échelle dans les années 1950 et 1960, et l'emploi actuel de néonicotinoïdes.
Pour Vision Landwirtschaft, il devient urgent et indispensable que la Confédération décrète une interdiction rapide et totale des insecticides néonicotinoïdes particulièrement insidieux. Nous invitons de plus les agriculteurs responsables à se passer volontairement de ce poison. De même nous convions les chaînes de transformation et de distribution à ne prendre en compte que les modes de production qui cultivent sans l'utilisation de néonicotinoïdes. Les labels Bio-Suisse et IP-Suisse en font partie. Ils montrent qu'une agriculture durable et productive est aussi possible sans ce poison problématique.
L'agriculture est fière de ses rendements de plus en plus hauts et de son rôle primordial dans l'approvisionnement de la population. A cette fin elle utilise volontiers, ou par obligation, des produits phytosanitaires. Mais à quel prix? Après de nombreux cas de maladies et de décès professionnels liés aux pesticides, une opposition paysanne s'est mise en place en France contre l'utilisation intensive des pesticides.
La France est le 1er consommateur de pesticides au niveau européen. Pour la plupart des exploitants, les pesticides sont un important facteur de production et représentent en même temps une sorte d'assurance contre les risques météorologiques. Dans certaines régions de France, pour limiter les épidémies de ravageurs, les viticulteurs ont même l'obligation d'effectuer des traitements phytosanitaires, sous peine d'amendes. Du côté de l'industrie, les pesticides représentent un commerce lucratif de 44 milliards de dollars au niveau mondial en 2011, avec une tendance à la hausse. Voilà pourquoi il n'est pas étonnant que les fabricants de pesticides mettent tout en œuvre pour dissimuler le revers de la médaille – la mise en danger de l'environnement et de la santé même avec un emploi correct de leurs produits. Celui qui s'essaie à réagir là-contre, se retrouve dans une situation très difficile. Mais le vent pourrait tourner.
Des cas qui pourraient faire jurisprudence Les maladies d'agriculteurs qui ont employé normalement des pesticides répandus et non pas suite à des accidents, ont fini par déclencher des batailles juridiques. Depuis des années, des groupes d'agriculteurs, victimes de produits phytosanitaires, se battent pour faire reconnaître leurs pathologies et informer des risques liés à l'usage de ces produits. Ils se sont informés puis ont commencé à alerter victimes, médias, autorités. Des médecins convaincus du lien entre des pathologies et des pesticides sont aussi montés au créneau.
En 2005, un tribunal a reconnu pour la première fois le lien de causalité entre l'activité d'un salarié agricole et sa maladie de Parkinson. Quelques semaines après le verdict, un avertissement supplémentaire a été lancé par le fabricant du produit incriminé. Il stipulait que tout patron d'entreprise agricole se devait de mettre des masques homologués à disposition de ses employés. Depuis, 6 autres agriculteurs ont obtenu la reconnaissance en maladie professionnelle pour lymphomes, infertilité, maladie de Parkinson, et d'autres sont en attente de jugement. En 2012, un fabricant de pesticides a pour la première fois été jugé coupable de l'empoisonnement d'un agriculteur par son produit, ouvrant la voie à des dommages et intérêts. Puis c'est l'Etat français qui a été condamné par la justice pour manquement à une obligation de sécurité ainsi qu'une faute d'imprudence. C'est la première fois que l'Etat devra indemniser un agriculteur ayant développé un cancer suite à son exposition à des pesticides. Légalement, l'Etat pourrait par la suite se retourner contre les fabricants par le biais d'une action récursoire.
Effets chroniques de pesticides Outre les intoxications aiguës et les accidents, il y a des maladies chroniques qui peuvent apparaître même des années après l'utilisation de ces traitements. L'épidémiologie montre que les personnes exposées aux pesticides ont plus de risque de développer des maladies comme des cancers (hématologiques, prostate, dermatologique, estomac, cerveau, sarcomes des tissus mous), des maladies neurologiques, des pathologies respiratoires, dermatologiques, immunitaires et de la reproduction, une altération des fonctions cognitives… L'Agence nationale sanitaire et scientifique en cancérologie estime qu'entre 1 et 2 millions de personnes en France sont concernées par des pathologies chroniques dans le cadre des expositions professionnelles aux pesticides.
Ces faits ne représentent sûrement qu'une petite pointe de l'iceberg. Car le lien de cause à effet entre pesticides et risques ou apparition de maladies est difficile à prouver compte tenu des nombreux produits utilisés et de leur évolution en fonction de divers facteurs. Cela empêche souvent d'apporter des conclusions précises (voir aussi encadré).
Problème de santé publique Les troubles de la santé, par suite de l'utilisation réglementaire de pesticides, sont déjà bien reconnus dans les communautés scientifiques, mais paradoxalement semble-t-il peu connu de la population générale et des utilisateurs eux-mêmes – les agriculteurs. Face aux sonnettes d'alarme tirées par différents organismes, les grandes firmes agro-chimiques soulignent toujours qu'avec les précautions d'usage et le respect des consignes, leurs pesticides ne sont pas dangereux pour l'utilisateur. Au vu des cas largement discutés en France, la minimisation est flagrante. Même en suivant les prescriptions, les cas d'atteintes à la santé graves et irréversibles se multiplient.
Les mentalités ne changent pas qu'en France au sujet du très haut coût de l'emploi massif de pesticides sur la santé. En Allemagne, la maladie de Parkinson a été reconnue comme maladie professionnelle pour 2 agriculteurs et des discussions ont lieu dans d'autres pays européens. L'Union européenne a reconnu que la consommation actuelle de pesticides, en particulier dans l'agriculture, est liée à des dangers qui ne sont plus supportables. Tous les membres de l'UE ont eu l'obligation de rédiger jusqu'à fin 2012 un plan d'action national visant une réduction du risque et de l'utilisation des pesticides (directive 2009/128/CE). Le Danemark a déjà de l'expérience. Il a réduit de plus de 50% les quantités vendues de pesticides à usage agricole entre 1986 et 2001 et continue de prendre de nouvelles mesures. L'Allemagne a adopté son plan d'action national en 2013, visant par exemple 20% de surfaces agricoles exploitées selon les normes bio. La France a commencé à prendre des mesures depuis 2007. Dans son plan Ecophyto, elle s'engage entre autre au retrait du marché (déjà commencé) de préparations contenant les 53 substances actives les plus préoccupantes, et si possible la réduction de 50% des quantités de pesticides utilisés d'ici 2018.
La Suisse agit seulement sous la pression En Suisse, on suit après coup les développements et mesures préventives de l'UE. Malgré les nombreuses évidences et les revendications des organisations de protection de l'environnement et des abeilles, l'Office Fédéral de l'agriculture a longtemps refusé une restriction des néonicotinoïdes fatals aux abeilles. Ce n'est que quand l'UE a franchi ce cap que la Confédération a suivi à contrecœur. La situation semble se répéter concernant un plan d'action national. Ce n'est qu'en 2012, suite au postulat de la conseillère nationale Moser "Plan d'action pour réduire les risques et favoriser une utilisation durable des produits phytosanitaires", que le Conseil fédéral a reconnu qu'un tel plan permettrait de clarifier la politique dans ce domaine et de proposer éventuellement des mesures complémentaires. Les travaux pour répondre à cette demande sont en cours.
Quant aux conséquences sur la santé de l'utilisation des pesticides, ce thème est resté jusqu'à présent tabou. La conseillère nationale John-Calame a évoqué le sujet dans une interpellation mais n'a reçu qu'une réponse frileuse du Conseil fédéral.
D'élève à la traîne à premier de la classe Vision Landwirtschaft s'est toujours occupé et préoccupé du thème des pesticides par le passé. L'association va encore s'engager fortement sur ces questions ces prochaines années. Notre but est de réformer, aussi dans ce domaine, l'agriculture et la politique agricole suisse, pour passer de mauvais élève qui repousse les problèmes autant que possible, à premier de la classe au niveau international. Quand figure l'appellation Suisse, la qualité suisse doit aussi être présente. Ce n'est pas seulement bon pour l'environnement et la santé, mais aussi indispensable pour que la stratégie qualité de l'agriculture suisse devienne crédible et soit économiquement un succès.
La réforme agraire amorcée depuis bientôt deux décennies s'est arrêtée pratiquement à mi-chemin. Les instruments actuels de la politique agricole ne sont pas conformes à l'article constitutionnel de 1996. Le Livre blanc de l'agriculture suisse offre une analyse de la situation complète et accessible à tous ; elle met en évidence quelles réformes s'avèrent indispensables à la mise en œuvre d'une politique agricole porteuse d'avenir et conforme à la Constitution. En publiant ce livre, Vision Landwirtschaft pose une première pierre sur laquelle devra s'appuyer le débat qui s'instaurera au sujet de la politique agricole dans les années à venir.
Analyse scrupuleuse. Dans le Livre blanc de Vision Landwirtschaft, les auteurs offrent une documentation complète et critique des derniers développements de la politique agricole suisse et une analyse accessible à tous de leurs répercussions au niveau des exploitations agricoles, de la production de denrées alimentaires et de l'environnement. Sur la base d'un état des lieux scrupuleux, ils proposent des améliorations de la politique agricole, axées de manière ciblée et transparente sur le mandat constitutionnel de l'agriculture – et, partant, sur l'indemnisation des prestations d'intérêt général d'une agriculture productive. Les incidences de l'amélioration du système des paiements directs sont analysées en détail à l'aide de modélisations.
Réalisation des objectifs.Les résultats dévoilent un potentiel d'optimisation inattendu. Les réformes proposées permettent d'atteindre voire de surpasser les objectifs politiques fixés dans le cadre du budget agricole actuel, tout en assurant à moyen terme des revenus supérieurs et une production agricole nette plus élevée. L'agriculture sera ainsi beaucoup mieux armée pour l'avenir, indépendamment d'une plus grande ouverture des marchés.
Le Livre blanc de l'agriculture est en vente dans les librairies ou au secrétariat de l'association. Les membres de Vision Landwirtschaft bénéficient d'un rabais de 10% sur le prix en librairie.