Politique agricole et paiements directs: arrêtons les paiements forfaitaires nuisibles
La Suisse soutient son agriculture avec d'énormes moyens financiers en comparaison avec les pays voisins. Cependant, seule une petite partie de ces montants, qui se chiffrent annuellement en milliards, sont utilisés pour les objectifs clairement définis dans l'article 104 de la Constitution sur l'agriculture. La plus grande partie est distribuée sous forme forfaitaire sans contrepartie concrète. Non seulement cela contredit la Constitution, mais cela nuit aussi à l'agriculture de plusieurs manières. Ainsi les exploitations agricoles suisses se retrouvent dans une situation de dépendance face à l'État, sans égal au niveau international, et en infligeant des préjudices sérieux à elles-mêmes et à l'environnement.
Depuis de nombreuses années, Vision Landwirtschaft montre ,dans des newsletters, des études ou des fiches info, quel désastre économique et écologique la politique agricole cause avec ses paiements forfaitaires si élevés et son soutien aux prix encore plus élevés en termes de montants. Cet argent public trop important entraîne les exploitations agricoles vers une production agricole trop chère, trop intensive, peu adaptée au marché, qui nuit à l'environnement, et qui est toujours plus dépendante de l'État.
Les coûts de production, aggravés par l'État, ont dépassé les recettes de la production pour la première fois en 2009, malgré la forte proctection aux frontières des prix à la production. Cela implique que depuis lors, les exploitations agricoles suisses sont en déficit avec leur production, soit leur véritable activité. Elles ne génèrent du revenu plus que grâce aux paiements directs.
Cette situation est un désastre économique pour l'agriculture, unique en ampleur au niveau international, que la politique agricole suisse a renforcé en jouant un rôle moteur comme principal responsable.
L'environnement et l'efficacité de la production subissent aussi des conséquences intolérables dues à cette politique. Le besoin en énergie de l'agriculture suisse est nettement plus grand qu'à l'étranger: pour la production d'une calorie alimentaire, nous avons besoin de 2,5 calories, en grande partie importées, d'électricité et de pétrole non renouvelable. La densité en tracteurs est beaucoup plus élevée que dans les pays voisins dans des conditions similaires. Quant aux émissions d'ammoniac, la Suisse pointe en tête au niveau mondial à cause du cheptel bien trop élevé et encouragé par l'État. Les valeurs admissibles selon la législation sont dépassées sur presque toutes les surfaces des zones agricoles.
Vision Landwirtschaft s'engage dans un travail d'information et avec des exigences concrètes et réalisables auprès des médias et des politiques pour une réforme de fond de la politique agricole suisse.
(VA) Si la Suisse veut atteindre l’objectif climatique zéro émission d’ici 2050, elle doit notamment trouver des idées innovantes de production d’énergie. La visite d’une culture de framboises dans la campagne lucernoise illustre la contribution que pourrait apporter l’agriculture à la transition énergétique.
En cette journée ensoleillée du début mars, les températures douces laissent présager le temps estival sur le plateau lucernois : chaud et ensoleillé. Les plantes ont certes besoin de l’énergie du soleil pour croître, mais à partir d’un certain point, la chaleur devient trop forte pour elles. Le rayonnement solaire toujours plus intense cause des brûlures sur les baies qui deviennent invendables sur le marché frais. Jusqu’ici, la solution consistait à recouvrir les cultures de filets. Le paysan Heinz Schmid a aussi procédé de la sorte. Mais à partir de cette année, il change de méthode. Le producteur de baies tente un essai : ce sont désormais des panneaux solaires qui ombragent une partie de ses framboisiers. Vision Agriculture a rendu visite au chef d’exploitation peu avant l’achèvement de l’installation.
L’électricité représente un précieux revenu accessoire
Les installations solaires sur des surfaces agricoles, abrégées agri-PV, sont autorisées en Suisse depuis l’été 2022. La construction d’installations solaires en zone agricole est permise à condition que celles-ci présentent un avantage pour la production agricole ou qu’elles servent à des fins d’expérimentation ou de recherche. Cela signifie que les surfaces agri-photovoltaïques doivent continuer de servir en premier lieu à la production de denrées alimentaires, l’électricité étant produite accessoirement.
La plus grande installation agri-photovoltaïque actuelle de Suisse est située dans le canton de Lucerne, chez Bioschmid à Aesch. La ferme, exploitée selon les directives de l’agriculture biologique depuis 1996, produit notamment des myrtilles et des framboises. À l’instar d’autres producteurs de baies, Heinz Schmid couvrait jusqu’ici de temps à autre ses cultures de filets et de films de protection. Ces filets non seulement protègent les plantes contre les événements météorologiques violents comme la grêle ou les fortes pluies, mais ils procurent aussi de l’ombre aux baies durant les périodes de forte chaleur. Exposées à des températures supérieures à 27 °C, les baies souffrent de stress dû à la chaleur : lorsque la plante a emmagasiné la lumière nécessaire à sa croissance, elle ne peut plus stocker de produits métaboliques par la photosynthèse, ce qui entraîne une diminution de la qualité.
Sur une surface expérimentale correspondant à la taille d’un terrain de football, ses framboises sont désormais ombragées par des panneaux solaires. Pour Heinz Schmid, une chose est claire : « La production agricole est prioritaire chez nous. » Il continuera à récolter la même quantité de baies en maintenant leur qualité, tout en produisant de l’électricité pour environ 110 ménages.
Photo : Disposition des panneaux solaires dans un système de culture traditionnel avec filets de protection
« Ça fait longtemps que je rêvais d’agri-photovoltaïsme »
C’est grâce à Monika et Heinz Schmid que cette installation a vu le jour ici. Il y a seize ans, Bioschmid posait sa première installation solaire sur le toit de la grange et, quelques années plus tard, il étendait l’installation à tous les bâtiments ruraux de l’exploitation. Enthousiasmé par le solaire, Heinz Schmid avait l’idée de relier la production d’énergie solaire et son exploitation opérationnelle. « Apparemment, j’envisageais déjà l’agri-photovoltaïsme », sourit Heinz Schmid. L’idée de produire de l’énergie au-dessus de ses cultures de baies, sur une surface dont il dispose en tant qu’agriculteur, ne l’a plus lâché depuis. Il a d’abord entrepris lui-même un premier essai sur quelques mètres carrés en installant quelques panneaux à proximité immédiate de sa maison, afin d’observer l’effet que pourrait avoir une telle installation sur les baies. « Quasiment personne ne l’a remarquée », les panneaux passant inaperçus entre les filets usuels des cultures de framboises. Et les baies ? Elles ont poussé aussi bien que celles situées sous les filets. L’effet réel n’a toutefois pas pu être mesuré avec précision sur la petite surface.
Mais cette tentative personnelle a motivé Heinz Schmid à développer son idée à plus grande échelle. À l’occasion d’un échange avec des producteurs bio et la station de recherche Agroscope, une collaboration s’est concrétisée et la décision a été prise de lancer un projet de recherche sur son exploitation. C’était à l’automne 2021. Après des discussions préalables avec le canton, des modifications de la loi, des calculs et une garantie de financement, l’installation est désormais à bout touchant au printemps 2024 et sera exploitée prochainement à des fins de recherche.
En jetant un regard sur son installation, le chef d’exploitation déclare en souriant : « Si nous en sommes là aujourd’hui, c’est un petit miracle ». Contre toute attente, les choses se sont bien déroulées dans l’ensemble et il a reçu un large soutien des propriétaires des fonds, de la commune, du canton et de l’Office fédéral de l’énergie qui finance également le projet. « Nous avons été soutenus par des fondations et les partenaires nous ont accordé des rabais », déclare Heinz Schmid.
Les premiers résultats sont attendus cet automne
Sur l’installation de Bioschmid, il s’agit de comparer trois systèmes solaires différents, situés à proximité immédiate de la zone de comparaison où les framboises sont cultivées de la manière traditionnelle (voir aussi « Comparaison entre les trois différents systèmes agri-photovoltaïques »). Les effets sur l’agriculture et le potentiel d’une installation solaire posée au-dessus du champ, ainsi que les effets sur la santé des plantes, sur les méthodes de cultures et sur le sol et la biodiversité seront analysés sous la supervision scientifique de l’Agroscope. Dans certains systèmes, les panneaux couvrent notamment durablement le sol et les précipitations n’atteignent pas le sol – même si aucune culture ne se trouve en dessous. Avec son projet pilote, Heinz Schmid souhaite aussi apporter sa contribution afin de résoudre les conflits d’objectifs et de trouver de bonnes solutions. Des solutions qui englobent la protection du climat, la production des denrées alimentaires, la biodiversité et l’aménagement du territoire.
Le projet ne fait pas l’unanimité
Pourtant, le projet de Heinz Schmid n’a pas eu que des échos favorables. Les critiques émanant des milieux de la protection du paysage et de la nature ont pu être abordées lors de notre entretien : comme il est déjà courant de couvrir les cultures dans de tels systèmes de production, le paysage ne change pratiquement pas. « Les panneaux solaires représentent tout simplement une couverture d’un autre type », déclare Heinz Schmid. Il voit aussi des perspectives pour l’agri-photovoltaïque sur des champs de cultures spéciales, qui sont soit déjà équipés de filets, soit toujours cultivés sur les mêmes rangées. D’autres agriculteurs ont également émis des critiques. Pour eux, l’installation représenterait un gaspillage des subventions, une concurrence pour les installations solaires sur les étables et serait, de manière générale, un non-sens total.
Heinz Schmid comprend bien ces réflexions. Il est aussi d’avis qu’il faut équiper en premier lieu toutes les étables et tous les toits des bâtiments de panneaux solaires. « Si les toits des étables sont tous recouverts d’ici dix ans, nous devons savoir ce qui fonctionne, comment et où », estime Heinz Schmid. C’est pour cela que nous devons effectuer des recherches aujourd’hui.
Le raccordement au réseau électrique est un facteur décisif
Pour garantir le succès de l’agri-photovoltaïque à grande échelle, un aspect est décisif selon Heinz Schmid : le raccordement au réseau électrique. « Ce raccordement au réseau pourrait représenter un obstacle pour de nombreuses exploitations », considère Heinz Schmid. De nombreuses terres agricoles ne sont en effet pas raccordées au réseau électrique. Heinz Schmid a dû lui aussi tirer une ligne électrique de 90 mètres pour se raccorder au réseau, afin que le courant produit au-dessus des baies puisse être injecté dans le réseau électrique du gestionnaire de réseau. L’usine située à proximité a aussi fait part de son intérêt pour l’électricité de Heinz Schmid, mais la loi actuelle sur l’énergie ne lui permet pas de la lui vendre. « Cela va changer avec la nouvelle loi pour l’électricité », estime Heinz Schmid (voir encadré 2 loi pour l’électricité). Pour lui, il est évident qu’avec les défis tels que le changement climatique par exemple, l’agriculture doit collaborer avec d’autres secteurs. Non seulement au niveau des lignes électriques, mais des ressources en général.
Cet automne, les premiers résultats de la recherche dévoileront les effets de l’installation solaire sur les cultures de baies au niveau de la qualité, de l’exploitation et du sol. Heinz Schmid a toutefois déjà noté un avantage indéniable l’été dernier : des cueilleuses et cueilleurs heureux. Les températures plus fraîches sont en effet aussi plus agréables. « Ces quelques degrés de moins sous les panneaux valent de l’or durant la période de la cueillette au plus fort de l’été », déclare Heinz Schmid.
Texte encadré 1
Comparaison entre les trois systèmes agri-photovoltaïques
Sur la surface d’essai de 0,72 ha de Bioschmid, trois systèmes solaires différents sont comparés, directement à proximité de la zone de comparaison où les framboises sont cultivées de manière traditionnelle.
En raison de l’exploitation mécanique des champs, la structure de base est la même pour les trois systèmes, tout comme la distance de trois mètres entre les lignes. Le tableau suivant illustre les différences entre les systèmes.
Texte encadré 2
Loi pour l’électricité (loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables)
Le 9 juin 2024, le peuple suisse se prononcera à propos d’une nouvelle loi sur l’énergie, la loi pour l’électricité. Le projet a pour objectif de promouvoir le développement des énergies renouvelables et de renforcer la sécurité du réseau et l’efficacité énergétique.
Dans l’exemple de Bioschmid, cela voudrait dire qu’en cas d’acceptation du projet, la ligne électrique cantonale pourrait aussi être utilisée à titre privé. Heinz Schmid pourrait ainsi se servir de cette ligne électrique pour vendre son électricité directement à l’usine située à proximité, sans devoir tirer une ligne supplémentaire. Cette loi concerne aussi les installations solaires sur les toits en zone agricole, car la production décentralisée d’électricité requiert des adaptations du système d’approvisionnement étant donné qu’ici aussi, davantage d’acteurs y participent. À l’heure actuelle, de nombreuses exploitations agricoles ne peuvent pas exploiter le potentiel de leurs toits en raison de la capacité limitée des lignes. En cas d’acceptation par le peuple, la loi pour l’électricité permettra d’améliorer ces conditions-cadres et de soutenir la constitution de communautés électriques locales. De plus, une prime de marché flottante – une protection contre les prix très bas du marché et un gel des subventions en cas de prix du marché très élevés – sera introduite en guise d’alternative aux rétributions uniques et aux contributions d’investissements déjà établies. Par ailleurs, la réinjection sera désormais rémunérée à un prix harmonisé sur le plan national, calculé sur la base de la moyenne trimestrielle des prix du marché au moment de l’injection. En outre, des rétributions minimales seront fixées pour les petites installations jusqu’à 150 kW.
En 2021, le Parlement a décidé de soumettre à déclaration obligatoire la vente et la distribution, à savoir le commerce, de produits phytosanitaires et de fertilisants (spécialement les aliments concentrés et les engrais). En même temps, la déclaration a été rendue obligatoire pour les entreprises et les personnes qui utilisent des produits phytosanitaires à titre professionnel. Cela concerne l’agriculture, les entreprises de travaux agricoles ainsi que les exploitants d’infrastructures et d’espaces verts dans le secteur privé ou le secteur public. Pour la saisie de toutes les données exigées par la déclaration obligatoire, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a développé l’application web digiFLUX en étroite collaboration avec les futurs utilisateurs et utilisatrices. Une période transitoire de quelques années avec une déclaration obligatoire simplifiée devrait faciliter l’introduction des saisies numériques. L’OFAG a toutefois communiqué récemment des reports dans le calendrier (https://digiflux.info/fr/#actualites).
Une résistance, qui semble venir du secteur commercial, s’organise désormais contre le devoir de communiquer. Cela n’est pas étonnant, car digiFLUX garantit enfin la transparence dans le commerce des pesticides et des engrais chimiques. Jusqu’ici, seules les exploitations agricoles étaient tenues de fournir des données sous différentes formes. La revendication selon laquelle digiFLUX ne devrait pas causer davantage de travail pour les agricultrices et agriculteurs est légitime. Toutefois, la transparence dans le commerce répartit désormais la responsabilité sur l’ensemble de la chaîne de valorisation. Il s’agit d’une nouveauté qui revêt aussi une importance cruciale, car toutes les parties concernées portent ainsi leur part de responsabilité.
digiFLUX est un instrument indispensable au fonctionnement sans faille de tous les acteurs concernés à l’échelle nationale. Parmi eux, on compte aussi l’OFAG, l’OFEV et les cantons, qui ont urgemment besoin de ces données pour le monitoring agro-environnemental (MAE)et les indicateurs agroenvironnementaux (DC-IAE), afin de garantir un contrôle efficace du résultat des mesures de la politique environnementale. D’autre part, digiFLUX apporte une précieuse contribution au développement durable par l’identification des modèles et des causes des dangers dans l’optique d’un processus d’amélioration continue.
Dans les échanges avec les agriculteurs et agricultrices qui pratiquent l’épandage de pesticides, la question de l’impact sur la santé des utilisatrices et utilisateurs est récurrente.
Il existe peu de données à ce sujet en Suisse. Dans d’autres pays, certaines maladies pouvant être causées par les pesticides sont classées comme des maladies professionnelles. La définition du « délai de rentrée » livre quelques indices quant au danger sanitaire : des délais sont fixés pour le retour dans les cultures si, le lendemain de la pulvérisation, aucun travail de suivi ne peut être effectué en toute sécurité malgré le port de vêtements de travail et de gants. Pendant cette période, les travaux sur les feuilles sont totalement interdits et il faut attendre que les résidus sur les feuilles se soient suffisamment dégradés pour qu’il soit à nouveau possible de marcher sur la parcelle en toute sécurité avec des vêtements de travail et des gants. Agridea estime cette mesure nécessaire uniquement pour les produits requérant une protection de niveau 3. Toutefois, ces produits sont apparemment très toxiques, sinon de telles mesures de protection ne seraient pas recommandées aux utilisatrices et utilisateurs. Une étude du SECO s’est également penchée sur la question. Elle montre que certains effets sur la santé constatés dans l’agriculture sont plus fréquents que dans d’autres professions. Il est prouvé scientifiquement que les maladies spécifiques survenant chez les agricultrices et agriculteurs ont un rapport avec l’utilisation de produits phytosanitaires. La tendance émanant de la littérature concerne deux types de maladies : les cancers et les lésions du système nerveux.
Le sujet n’a été que très peu abordé en Suisse par l’opinion publique, l’accent étant mis sur les effets des pesticides sur les consommatrices et consommateurs ou l’environnement. Dans le canton de Zurich, les parlementaires Benjamin Krähenmann (Les Vert-e-s), Hans Egli (UDF) et Konrad Langhart (Le Centre) ont déposé une intervention à ce sujet. « Même si des études internationales indiquent une direction claire, les données disponibles en Suisse sont encore minimes », peut-on lire dans le texte. Le thème s’invite ainsi désormais dans les discussions politiques.
Une première étude sur la surveillance des pesticides portant principalement sur les consommatrices et consommateurs dirigée par la biologiste Dr Caroline Linhart est actuellement menée en collaboration avec l’Université de Neuchâtel.
Dans un communiqué de presse, l’Alliance agraire a demandé au Parlement de poursuivre une politique alimentaire et agricole constructive et cohérente. Lors de sa session de printemps, le Parlement n’a pas seulement torpillé les objectifs de la politique agricole, mais aussi suscité des incertitudes inutiles pour les paysannes et les paysans. Avec deux décisions, le Parlement intervient dans deux processus de consultation en cours (mo. Bregy 21.4164 et mo. Grin 22.3819). Ces décisions sont problématiques, car elles tentent d’affaiblir après coup le paquet global sur la trajectoire de réduction des pesticides et des fertilisants (initiative parlementaire 19.475 « Réduire le risque de l’utilisation de pesticides »). L’Alliance agraire exige une mise en œuvre cohérente des deux trajectoires de réduction, afin d’atteindre les objectifs environnementaux dans l’agriculture. Dans son rapport de juin 2022 en réponse aux postulats, le Conseil fédéral présentait, sur mandat du Parlement, une stratégie claire pour l’orientation future de la politique agricole. L’Alliance agraire attend du Parlement qu’il s’oriente vers cette stratégie largement soutenue et qu’il cesse de la torpiller par une microgestion. Cela nuit également aux agricultrices et agriculteurs qui ont besoin d’une planification sûre et de conditions-cadres claires. Afin d’intégrer l’ensemble de la chaîne de valorisation, la transformation du système de la politique agricole en politique agroalimentaire s’impose. Une simplification du système et une attitude plus responsable de tous les acteurs du marché sont aussi indispensables. L’Alliance agraire a collaboré de manière intensive à l’élaboration des bases en vue de la transformation du système agricole en un système agroalimentaire qui prenne en compte l’ensemble de la chaîne de valorisation. Elle veut désormais inclure ces propositions de solutions (voir Konzept Agrarpolitik 2030) dans la conception de la PA 2030+. Vision Agriculture s’engage dans ce travail concernant la PA 2030+ et sa co-directrice Laura Spring représente l’Alliance agraire dans le groupe de suivi de l’Office fédéral de l’agriculture.
La motion 19.3445 « Indemniser équitablement le conjoint ou le partenaire enregistré d’un exploitant agricole en cas de divorce » a été déposée au Parlement en 2019 et adoptée par les deux Chambres. En automne 2023, la Confédération a présenté une proposition de mise en œuvre et l’a soumise à consultation.
L’équipe de projet « Les femmes dans l’agriculture : leur donner plus de visibilité, les renforcer et les relier entre elles » de Vision Agriculture et de la BFH-HAFL a élaboré une prise de position sur le projet de loi en se basant sur les résultats du projet obtenus à ce jour et sa longue expertise sur le thème des femmes dans l’agriculture. La solution proposée par la Confédération est insuffisante pour la mise en œuvre dans la pratique. Nous proposons des mesures additionnelles et des adaptations de lois.
L’exploitation familiale traditionnelle comme standard
En Suisse, l’exploitation agricole familiale est la forme habituelle d’une exploitation agricole. Le droit matrimonial et le droit successoral pour l’agriculture sont ancrés dans la loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR). Une exploitation familiale se caractérise par la présence d’au moins deux générations ainsi que la coopération et la solidarité entre les générations. Celles-ci travaillent ensemble et se soutiennent mutuellement. Ce qui définit par ailleurs l’exploitation familiale est la remise de l’exploitation d’une génération à la suivante, ce qui implique la présence d’enfants et leur éducation en tant que successeurs potentiels (Nave-Herz 2006). S’inspirant du modèle familial bourgeois selon lequel le travail productif et le travail reproductif étaient séparés et le rôle de la femme était réduit à des tâches d’entretien non rémunérées (p. ex. Folbre 2001), un idéal d’« exploitation agricole familiale traditionnelle » s’est développé. Celui-ci voit l’homme comme chef de famille et chef d’exploitation (Brandth 2002 ; Little 2006) ainsi que propriétaire et responsable des travaux de l’exploitation. La femme en revanche assume les tâches familiales et le ménage et peut être employée en outre dans l’exploitation comme main-d’œuvre flexible (Koller 1965).
Le rôle méconnu des femmes dans l’agriculture
À travers les processus de changement dans la société et dans la politique, cette image traditionnelle des rôles et l’attribution stricte des domaines de travail s’estompe peu à peu. Les femmes assument des tâches importantes, par exemple en exerçant une activité lucrative hors de l’exploitation ou en diversifiant leurs activités au sein de l’exploitation, et contribuent à l’accroissement du revenu de l’exploitation (Contzen 2013). Les femmes sont en outre les instigatrices avérées d’une agriculture innovante et durable (Fhlatharta et al. 2017; Serpossian et al. 2022) et assument une fonction importante dans les processus d’adaptation (Heggem 2014). Elles jouent donc un rôle essentiel dans la transformation vers une agriculture plus durable et plus écologique.
Des lois datant en partie de 1951
Les adaptations des lois aux nouvelles réalités dans les familles paysannes ont été frileuses jusqu’ici. Ainsi, la loi fédérale sur le droit foncier rural actuellement en vigueur est basée sur plusieurs concepts issus de la loi précédente de 1951, notamment en matière de protection sociale des conjoints et partenaires. En règle générale, le chef d’exploitation est enregistré en tant qu’indépendant, tant auprès de l’AVS que de l’administration fiscale. En revanche, la couverture sociale de la partenaire travaillant sur l’exploitation (dans la grande majorité des cas, ce sont encore les hommes qui possèdent l’exploitation et les femmes qui y travaillent) n’est pas suffisamment ancrée dans la loi. Si elles ne sont pas annoncées en tant qu’employées et rémunérées en tant que telles, leur contribution économique ne doit pas figurer dans le compte d’exploitation (et donc pas non plus dans la déclaration d’impôts). Une autre grande lacune réside dans le fait que leurs biens propres ne doivent pas être mentionnés explicitement, qu’il s’agisse du salaire d’un emploi hors de l’exploitation ou même des biens propres apportés dans le mariage / partenariat. Leur capital propre se fond ainsi complètement dans le compte d’exploitation et ne peut plus être justifié par la suite. Même si l’exploitation bénéficie d’un soutien financier étatique de milliers de francs pour des mesures d’améliorations structurelles (p. ex. pour la construction d’une nouvelle étable), le législateur n’exige aucune preuve de versement d’un salaire à la partenaire travaillant dans l’exploitation. Les conséquences de cette couverture légale insuffisante font qu’en cas de divorce, la partenaire du chef d’exploitation n’est pas en mesure de prouver sa contribution économique passée ; elle est ainsi fortement désavantagée et se retrouve souvent sans le sou.
La Confédération mise avant tout sur le conseil
Pour combler cette lacune – qui concerne uniquement l’agriculture et non pas les autres travailleurs indépendants –, une motion (19.3445) a été déposée au Parlement fédéral en 2019 et acceptée par les deux Chambres. À l’automne 2023, la Confédération a présenté une proposition de mise en œuvre et l’a soumise à consultation.
La motion propose notamment que le conjoint ou le partenaire enregistré perçoive un salaire en espèces en qualité de membre de la famille participant aux travaux de l’exploitation ou qu’il reçoive une partie du revenu agricole (les acquêts) en qualité de travailleur indépendant. Si le conjoint ou le partenaire enregistré n’a pas reçu sa part des acquêts, il doit se voir reconnaître par la loi le droit de recevoir une indemnité équitable en cas de divorce.
Plutôt que proposer une solution légale claire, la Confédération opte pour une autre solution et souhaite régler le problème par le conseil. La condition préalable à l’octroi d’aides financières de l’État pour des améliorations structurelles individuelles de l’exploitation est que les deux partenaires se fassent conseiller ensemble en matière de droit matrimonial et de réglementation de la collaboration ou alors qu’ils fournissent la preuve du versement d’un salaire en espèces ou de l’octroi d’une part du revenu agricole. Ils peuvent néanmoins aussi faire les deux choses.
La couverture sociale demeure insuffisante
L’équipe de projet tire les conclusions suivantes sur la base des connaissances acquises dans le projet et de son expertise de longue date sur le thème des femmes dans l’agriculture : selon différentes études et enquêtes, la situation des femmes dans l’agriculture n’est pas aussi bonne que selon le rapport de la Confédération. Malgré quelques progrès, un besoin urgent d’amélioration des indemnisations et de la couverture sociale existe toujours pour les conjoints / partenaires travaillant dans l’agriculture.
Il s’agit d’examiner d’un œil critique la proposition visant à miser sur le conseil. Divers projets de sociologie agricole de la BFH-HAFL indiquent que des services de conseil agricole sont réticents à aborder les thèmes « sociaux » lors des consultations. Ces réticences reposent d’une part sur le fait que les personnes en charge du conseil ne se sentent pas assez compétentes en la matière et, d’autre part, qu’elles ne veulent pas se mêler des affaires privées de la famille paysanne. Une récente enquête de la BFH-HAFL sur la couverture sociale des conjointes et partenaires travaillant dans l’exploitation a montré que les représentations traditionnelles que se font les conseillers et conseillères du rôle des hommes et des femmes pouvaient également exercer une influence.
L’adaptation proposée de la loi n’est qu’un tout premier pas vers l’alignement du droit matrimonial et social dans l’agriculture à celui en vigueur pour le reste de la population. L’équipe de projet a donc proposé des mesures supplémentaires en vue d’améliorer la situation des conjoints / partenaires travaillant dans l’exploitation agricole incluant des adaptations de lois dans le domaine du droit foncier rural et dans les dispositions de la prévoyance professionnelle. D’autre part, les incitations négatives relatives aux déductions d’impôts doivent être éliminées et des adaptations dans la façon de déclarer les prêts pour les aides de l’État à l’investissement doivent être entreprises.
Les médias ont récemment rapporté que l’association des paysans rêvait d’un Conseil fédéral « qui ne se mêle pas de l’agriculture », afin que le ministre en charge de l’agriculture Guy Parmelin puisse faire son travail en paix.
Aussi logique que cela puisse paraître au premier abord pour les agricultrices et agriculteurs, cette attitude est déconcertante et alarmante pour l’avenir de notre agriculture. Ce au moment même où le Conseil fédéral a enfin indiqué clairement et décidé qu’une politique agroalimentaire intégrale était nécessaire. Notre système agroalimentaire concerne tous les sept conseillères et conseillers fédéraux, tout comme l’ensemble de la société qui doit prendre ses responsabilités.
Nous avons toutes et tous besoin de denrées alimentaires saines et savoureuses, car l’alimentation est synonyme de vie. Nous avons toutes et tous besoin d’une eau potable propre, de sols sains, d’une biodiversité qui fonctionne et d’un climat stable.
Or actuellement ce ne sont pas les consommatrices et consommateurs ni les productrices et producteurs qui profitent des réglementations en vigueur, mais seuls quelques grands groupes. Les agriculteurs et agricultrices gagnent souvent trop peu et ni les atteintes à l’environnement ni les coûts sociaux et sanitaires ne sont intégrés aux prix du marché. Cela entraîne des incitations négatives dans la consommation.
L’engagement de toute la société est donc nécessaire pour transformer notre système agroalimentaire, afin qu’à l’avenir l’agriculture puisse produire des aliments sains et que nous disposions d’eau propre, de sols sains et d’une biodiversité intacte. Cet engagement est aussi fondamental pour que les paysannes et les paysans participent aux bénéfices du système agroalimentaire et puissent continuer à développer leur activité en conséquence.
Le ministre en charge de l’agriculture ne peut pas porter cela tout seul, ses collègues doivent aussi en assumer la responsabilité. À l’heure actuelle, les agricultrices et agriculteurs doivent supporter pratiquement à eux seuls toutes les prescriptions légales et la jungle des ordonnances. Il y a donc encore beaucoup à faire dans la chaîne de valorisation globale, ce qui en fin de compte déchargera aussi les paysannes et les paysans. L’agriculture est concernée par toutes les activités de notre société : lorsque de nombreuses terres cultivables continuent de disparaître au profit de la construction d’autoroutes, lorsque l’industrie et l’ensemble de notre consommation continuent à dérégler le climat, lorsque le commerce de détail a carte blanche pour vendre n’importe quel produit à n’importe quel prix, lorsque les coûts de la santé augmentent parce que nous nous nourrissons mal, lorsque les consommatrices et les consommateurs sont pénalisés par les prix en achetant des aliments sains et respectueux de l’environnement. Ce sont là des défis que le ministre en charge de l’agriculture ne peut relever seul.
Actuellement, les agricultrices et agriculteurs sont livrés à eux-mêmes face aux nombreux conflits en matière d’objectifs. Cela ne changera que si la politique assume enfin sa responsabilité et définit les règles du jeu pour l’ensemble du système agroalimentaire. Les premiers bénéficiaires en seront les paysannes et les paysans.
Dans son nouveau rapport agricole 2023, l’Office fédéral de l’agriculture tire le bilan de 30 ans de paiements directs – succès et défis. Le rapport agricole 2023 montre que le taux d’autosuffisance a reculé une fois de plus, que la culture du soja augmente en Suisse et que les Suisses et les Suissesses privilégient les produits animaux d’origine suisse. L’OFAG arrive à la conclusion que le système des paiements directs touche à ses limites.
Vision Agriculture tire encore d’autres conclusions des chiffres actuels : le système des paiements directs a échoué, en particulier en matière d’objectifs environnementaux. Le bilan d’azote et de phosphore est comme par le passé en déséquilibre et les émissions d’ammoniac, qui continuent d’augmenter, sont loin d’atteindre les valeurs cibles. Les émissions d’ammoniac à elles seules devraient être réduites de 40 %. L’objectif environnemental de réduire les apports d’azote de l’agriculture dans les eaux de 50 % par rapport à 1985 n’a pas non plus été atteint. Les émissions de gaz à effet de serre et le besoin général en énergie continuent même d’augmenter même si une réduction est urgente.
L’objectif serait :
Une agriculture qui produit des aliments sains et respecte les limites de l’écosystème afin que notre eau potable, nos sols, notre biodiversité et notre climat demeurent intacts.
Une agriculture qui laisse aux prochaines générations d’agriculteurs et d’agricultrices des bases de production permettant de développer un système alimentaire résistant et productif.
Non seulement la Confédération, mais aussi quelques organisations agricoles, n’ont cessé de déclarer ces dernières semaines que le système des paiements directs, de par sa complexité, atteint ses limites et les agriculteurs et agricultrices critiquent la charge administrative excessive qui en découle. Face à la jungle des articles de loi et des ordonnances, non seulement les cantons dans l’exécution et les agriculteurs et agricultrices dans la mise en œuvre ont perdu la vue d’ensemble, mais aussi les parlementaires qui doivent décider de la politique agricole future.
Il est grand temps de procéder à un état des lieux et d’envisager une nouvelle voie cohérente tant pour le système des paiements directs que pour l’ensemble de la politique agricole. Les premières informations concernant la PA30+ nous rendent confiants quant au succès de ce changement vers une politique alimentaire intégrale.
Mais il faut maintenant un engagement clair de l’ensemble de la chaîne de création de valeur ; tous les offices fédéraux concernés et les représentantes et représentants élus par le peuple doivent s’engager en faveur de ce changement crucial.
Sans progrès significatif en matière de vérité des coûts – c.-à-d. l’intégration des coûts environnementaux et sociaux dans les prix du marché des denrées alimentaires – cette transformation sera impossible. Il est donc urgent que la Confédération prenne au sérieux les prémisses du principe du pollueur-payeur dans tous les instruments de la politique agricole et agroalimentaire.
Vision Agriculture a fait réaliser une étude sur la manière dont la politique soutient indirectement sept styles alimentaires différents – de « végétalien » à « à dominante carnée ». En résumé : les aliments des différents styles alimentaires sont soutenus de manière très inégale. En fin de compte, il y a un transfert de plusieurs centaines de francs par personne et par an des styles alimentaires « végétalien » et « optimisé environnement » vers ceux « riche en protéine » et « à dominante carnée ».
(VA) Il y a deux ans, Vision Agriculture a chiffré les coûts (coûts complets) et les payeurs (consommateurs, contribuables, collectivité) des denrées alimentaires suisses. Il s’est avéré que l’équité du pollueur-payeur et la réalité des coûts sont loin d’être atteintes, même en comparaison avec d’autres domaines politiques.
Après de nouvelles températures record, la question de l’alimentation demeure actuelle. De plus en plus souvent, on entend que la clé de la solution aux problèmes environnementaux réside dans les styles d’alimentation. Récemment, le directeur de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) l’a également mentionné. Que fait la politique agricole dans cette optique ?
Nouvelle étude
Dans une nouvelle étude, Vision Agriculture a analysé la manière dont la politique soutient financièrement ou entrave différents styles de consommation – les encourage ou les décourage. À l’instar de l’étude de 2020, les contributions de la Confédération pour la production de denrées alimentaires et les coûts non couverts à la charge de la collectivité (coûts externes de l’impact de la production sur l’environnement) ont été pris en compte.
Les calculs ont été effectués par la société de conseil bâloise BSS sur mandat de Vision Agriculture et accompagnés par la Haute école spécialisée Kalaidos. Les données sont basées sur les chiffres de l’écobilan pour les aliments et les styles d’alimentation de la société ESU-Services et les estimations de coûts (actualisées) de l’étude « Coûts et financement de l’agriculture » de Vision Agriculture.
Nous avons comparé les coûts indirects de sept styles d’alimentation se distinguant par les quantités consommées de 34 groupes de produits différents (informations plus détaillées dans le tableau ci-après) :
flexitariste (consommation raisonnable de viande, de produits laitiers, d’œufs)
axée sur les protéines (forte consommation de viande, de produits laitiers et d’œufs)
axée sur la viande (très forte consommation de viande)
adaptée à l’environnement (basée sur la pyramide alimentaire suisse et les recommandations de FOODprints® pour manger et boire de manière durable)
Apports des contribuables et coûts environnementaux
Les contributions de la Confédération à la production des denrées alimentaires ont représenté environ 300 francs par personne en 2020. Il s’agit ici du soutien accordé aux denrées alimentaires consommées de manière générale. Mais si l’on distingue les styles d’alimentation, le tableau est différent. Environ 50 francs par personne et par an ont été consacrés aux aliments du style d’alimentation végane. En revanche, 500 francs ont été alloués à la production d’aliments des styles d’alimentation « axée sur les protéines » et « axée sur la viande » (illustration, zone jaune clair des barres).
Les coûts à charge de la collectivité (coûts externes) acceptés par les politiques et non imputés aux pollueurs s’élevaient en moyenne à 800 francs par personne en 2020. Dans ce cadre, les styles d’alimentation « adaptée à l’environnement » et « végane » affichaient les coûts externes les plus bas, à savoir 450 et 500 francs par personne, tandis que l’alimentation « axée sur les protéines » et celle « axée sur la viande » présentaient les coûts externes les plus élevés, soit 1050 francs chacun (illustration, zone jaune foncé).
Pour la viande, lorsqu’on fait la distinction entre une alimentation modeste (viande hachée, abats) et luxueuse (morceaux nobles), les chiffres divergent encore plus. Sans surprise, les styles d’alimentation les plus encouragés sont ceux qui mettent l’accent sur les morceaux nobles de viande, avec des contributions de l’ordre de 2500 francs par personne en 2020.
Des calculs plus approfondis montrent comment le revenu est indirectement redistribué en Suisse par le biais des subventions versées à la production des denrées alimentaires – à savoir le montant du solde redistribué pour les différents styles d’alimentation, de l’alimentation végane à celle axée sur la viande.
Soutien indirect de différents styles d’alimentation par des contributions de la Confédération et par la prise en charge de coûts externes par la collectivité (en francs) par personne en 2020.
Source : étude BSS (2022). Indirekte Kosten unterschiedlicher Ernährungsstile in der Schweiz. BSS, Bâle.
Aperçu du système global
Aujourd’hui, lorsqu’on évoque la politique agricole, on se réfère volontiers au système dans son ensemble. Les coûts environnementaux de l’agriculture deviennent ainsi le problème des consommatrices et des consommateurs. Cela ressort notamment d’une interview du Tagesanzeiger à Christan Hofer, directeur de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG).
Tagesanzeiger : Comment comptez-vous inciter l’agriculture à produire moins de fourrages et plus d’aliments végétaux pour les êtres humains ?
Le directeur de l’OFAG Christian Hofer : Le changement sera dicté par la demande – c’est la consommation qui doit changer en premier lieu. […] Si la production animale diminue en Suisse, nous importerons plus et exporterons les émissions.
Ce discours, nous l’entendons déjà chez les lobbyistes de l’industrie agroalimentaire. Il est largement trompeur. Les chiffres le montrent : les mesures de la Confédération entravent le développement des styles d’alimentation durables. Malgré toutes les belles paroles, la Confédération continue de faire en sorte que ceux et celles qui s’efforcent d’adopter une alimentation durable soient pénalisés financièrement.
Des styles d’alimentation plus ou moins favorisés
Dans ce cadre, la politique agit non seulement sur les prix, mais aussi de manière plus subtile, sur les plans psychologique et moral. Avec ses subventions pour la viande et les animaux et sa publicité pour « Viande Suisse », la Confédération encourage ouvertement une alimentation axée sur la viande : elle garantit des prix bas, une bonne conscience et une reconnaissance étatique teintée de patriotisme.
Ainsi, la déclaration : « Si la production animale diminue en Suisse, nous importerons simplement plus et exportons les émissions », est tout au plus une demi-vérité.
La publicité pour « Viande Suisse » en est la meilleure preuve. Cette publicité ne peut s’expliquer de manière rationnelle que si la « bonne conscience » encourage la consommation de viande dans son ensemble. Pourquoi peut-on dire cela ? Parce que la part de viande locale ou importée ne dépend pas du choix des consommatrices et consommateurs, mais de la consommation globale. Ce sont les contingents d’importation qui y veillent. Si l’on veut accroître la production de viande suisse, on doit accroître la consommation globale de viande. C’est exactement ce que fait la publicité avec bonne conscience. Elle vise une augmentation de la demande globale en viande – contrairement à ce que prétendent Proviande et le Conseil fédéral.
De plus, même si la consommation restait inchangée, les émissions ne seraient que partiellement exportées, ce pour deux raisons : premièrement, parce que la production en Suisse est déjà plus intensive et donc plus nocive pour l’environnement – notamment en ce qui concerne la pollution par l’azote – que dans de nombreux pays d’origine des importations. Deuxièmement, parce que la Suisse est beaucoup plus densément peuplée. Les coûts environnementaux de la production supplémentaire sont donc particulièrement élevés en Suisse. L’OFAG a également oublié que le taux d’auto-approvisionnement n’est pas une bonne indication de la sécurité de l’approvisionnement.
Responsabilité et marge de manœuvre
Pour terminer, une autre déclaration de Christian Hofer: « Nous examinons actuellement si la politique agricole actuelle fait encore l’objet d’incitations négatives. […] Mais comme déjà mentionné, l’évolution de la production dépend fortement de l’évolution du comportement des consommateurs. »
Il est bon et important d’avoir une vue d’ensemble du système global. Mais cela ne doit pas servir à minimiser la responsabilité et la marge de manœuvre dont on dispose soi-même. La responsabilité envers l’environnement et la marge de manœuvre sont particulièrement élevées dans la politique agricole.
Durant ces dernières décennies, la Confédération a largement orienté sa politique agricole vers les intérêts de l’industrie en amont et en aval en accordant des subventions et des allègements douaniers pour les fourrages au détriment d’autres préoccupations sociales importantes. Les régions de montagne ont également subi cette évolution et en sont fortement touchées. Dans ces régions, la production animale intensive utilisant des fourrages importés cadre particulièrement mal avec ce que nous, les consommatrices, consommateurs et contribuables, attendons de l’agriculture. L’initiative pour une eau potable propre représente par conséquent une chance unique pour l’agriculture de montagne : l’occasion de générer à nouveau un revenu grâce à des produits et des prestations d’intérêt public exceptionnelles conformes à leur potentiel naturel.
(VA) Spontanément, on pourrait penser que les paysans et la population des cantons de montagne comptent parmi les partisans convaincus des objets soumis à votation le 13 juin – en particulier l’initiative pour une eau potable propre. Celle-ci veut en effet redistribuer les paiements directs – les retirer aux types de production nuisant à l’environnement et les allouer à de véritables prestations d’intérêt public auxquelles les régions de montagne contribuent bien plus que le reste de l’agriculture. Pourquoi donc de nombreux paysans des régions de montagne s’opposent-ils à l’initiative pour une eau potable propre ?
Les plus-values sont mises à mal
Le motif réside dans les fourrages achetés en complément. Les prestations d’intérêt public et la bonne image des produits des régions de montagne sont de plus en plus mises à mal. La politique a entraîné peu à peu une dépendance des exploitations agricoles en accordant des allègements douaniers ciblés pour les fourrages importés, notamment dans le cadre de la politique agricole 2011. Les représentants de Fenaco et compagnie ont contribué de manière décisive à cette évolution au Parlement. Des incitations ont été créées afin que le transport de grandes quantités de fourrage vers les montagnes en vaille la peine. De nombreux paysans et paysannes de montagne se sont adaptés à cette situation et craignent désormais d’emprunter une autre voie respectueuse du climat et de l’environnement. Ils sont encouragés par les nombreux bénéficiaires de cette évolution.
En important du fourrage, l’agriculture contribue aujourd’hui à réduire massivement et rapidement la biodiversité dans les régions de montagne également, comme elle l’a fait il y a des décennies dans les zones de collines et de plaine.
Que révèlent les chiffres ? Dans sa nouvelle étude intitulée « Agriculture et environnement dans les cantons », Vision Agriculture a effectué une évaluation des statistiques et des données disponibles en vue d’analyser les différences régionales en matière de type de production, de nuisances environnementales par les nutriments et les pesticides dans les milieux proches de l’état naturel, les eaux de surface et les eaux souterraines ainsi que les conséquences sur le paysage.
Les prestations d’intérêt public sont en baisse
Les chiffres des comptes économiques régionaux de l’agriculture le montrent : dans le domaine des fourrages, les cantons de montagne ne font actuellement pas mieux que ceux du Plateau. Sur les recettes de la vente de la viande et du lait, un franc sur deux revient au marchand de fourrage ou au vétérinaire. Les chiffres relatifs à l’impact sur le paysage sont également médiocres. Selon la statistique de la superficie la plus récente, l’augmentation du nombre de bâtiments agricoles s’est poursuivie pratiquement sans relâche ces dernières années.
La situation est meilleure en ce qui concerne la pollution environnementale par les nutriments (phosphore, azote) et les pesticides. La teneur en nutriments dans les eaux est nettement inférieure. Les émissions d’azote dans l’air sont également élevées dans certains cantons de montagne, mais de manière très localisée, contrairement aux régions de plaine et de collines. La pollution environnementale des eaux souterraines par les nitrates et les pesticides n’est pas préoccupante. Si l’on considère l’ensemble des incidences environnementales, les cantons de montagne, dont les prairies constituent la principale exploitation, s’en sortent bien mieux (voir tableau ci-dessous). Ils respectent aujourd’hui déjà la législation environnementale.
Cela souligne leur potentiel en matière de prestations véritables en faveur de la société au-delà de toute attente. Cependant, les fourrages en provenance du monde entier remettent de plus en plus en question ces prestations et plus-values.
De solides perspectives – économiques et pour l’image
L’évolution est prévisible. La politique agricole va s’orienter vers la réalité des coûts en raison des objectifs climatiques, les consommatrices et consommateurs seront donc de plus en plus amenés à assumer l’intégralité des coûts des denrées alimentaires. Dans les régions de plaine, des paiements forfaitaires massifs tomberont inévitablement et, dans ce contexte, les paiements pour la prévention des dommages environnementaux arriveront également à échéance.
Ces fonds « chercheront » de véritables prestations d’intérêt public. Les exploitations de montagne qui s’orientent avec cohérence vers leur fort potentiel de services en faveur du bien commun génèrent une plus-value parfaitement justifiée pour la société dans le cadre de la production alimentaire – pour le paysage, la biodiversité et le tourisme.
L’initiative pour une eau potable propre représente dès lors une grande chance pour les exploitations de montagne : après le délai de transition, elles renoncent au fourrage importé, à l’intensification constante de leur production et à la dégradation de la biodiversité sur leurs terres. En contrepartie, elles reçoivent pour leurs prestations une part importante des subventions dégagées par l’initiative pour une eau potable propre et la politique climatique.
Cette perspective est plus sûre que la production de viande et de lait à la merci des gros producteurs de fourrage et des tarifs douaniers préférentiels sur les fourrages – sur le plan économique et surtout en matière d’image. En outre, la sécurité de l’approvisionnement de tout le pays s’en voit renforcée.
Agriculture et environnement dans les cantons : évaluation globale
Classement
Canton
Classement moyen 1
1
GL
6.75
2
GR
7.65
3
OW
9.04
4
UR
9.65
5
AI
10.35
6
JU
10.85
7
NW
11.12
8
BB
11.31
9
VS
12.08
10
BE
12.23
11
NE
12.38
12
TI
12.62
13
SH
13.00
14
ZG
13.42
15
AR
13.88
16
SZ
13.88
17
LU
14.00
18
VD
14.08
19
GE
14.15
20
AG
14.31
21
SG
14.60
22
ZH
14.92
23
FR
15.54
24
SO
16.31
25
TG
16.96
1Classement moyen sur l’ensemble des indicateurs. Les can- tons de même rang ont été classés selon la valeur moyenne des classements attribués. Source : VA (2021), Agriculture et environnement dans les cantons.
Un bon tiers du territoire suisse est utilisé à des fins agricoles. Sans les exploitations d’estivage (alpages), cela représente près d’un quart de la surface nationale, à savoir 1 million d’hectares. La manière dont ces terres sont exploitées a de lourdes conséquences sur l’environnement – l’air, les eaux de surface, les eaux souterraines, le paysage et la biodiversité – bien au-delà des surfaces agricoles également.
C’est ainsi l’agriculture qui détermine l’environnement pour nous toutes et tous. Au magasin, nous avons certes le choix entre les produits bio ou conventionnels, mais l’environnement influencé par l’agriculture nous concerne tous. Personne ne peut y échapper et il est très important pour notre santé et notre bien-être.
Les publications de la Confédération traitent avant tout de l’impact environnemental de l’agriculture sur le plan national. Mais qu’en est-il au niveau régional ? Le présent rapport analyse les incidences environnementales de l’agriculture dans les cantons.
Les résultats des cantons en matière d’indicateurs environnementaux dépendent non seulement des méthodes de production, mais aussi des conditions naturelles déterminant l’orientation de l’agriculture vers les grandes cultures, l’économie laitière, la viticulture, etc. Par ailleurs, ce ne sont pas les cantons, mais la Confédération qui détermine les types de production à soutenir et la façon de le faire. La marge de manoeuvre des cantons est limitée. Il convient d’en tenir compte lors de i’interprétation des chiffres.
Cette compilation de données environnementales n’a pas pour intention d’explorer les causes des impacts environnementaux. Vous trouverez davantage d’informations dans les études spécifiques aux différents domaines. Certaines sont mentionnées au chapitre « Explications relatives aux indicateurs ».
Le débat sur l'initiative sur l'eau potable est controversé. Vision Agriculture commente ici des déclarations particulièrement marquantes et importantes sans prétendre à l'exhaustivité.
En juin prochain, nous voterons sur l’initiative pour une eau potable propre. Cette initiative est bien plus qu’un signal urgent nécessaire. Modérée, elle est également appliquée au bon endroit avec les moyens adéquats. Enfin de compte, elle ne veut rien d’autre que ce que veulent eux-mêmes le Conseil fédéral et le Parlement – selon la Constitution, les lois environnementales, les engagements internationaux et les déclarations et stratégies publiques. Cette initiative est malgré tout qualifiée de radicale, voire d’extrême par le Conseil fédéral et d’autres cercles. Comment concilier cela – du Conseil fédéral à BioSuisse – avec l’attachement actuel de la population à une agriculture et à un secteur agroalimentaire durables ?
(VA) Il est frappant de constater que l’initiative pour une eau potable propre veut résoudre les problèmes que tout le monde veut résoudre – ou du moins le prétend. Elle est aussi libérale : au lieu d’interdire, elle veut mettre fin aux incitations négatives du gouvernement et utiliser les fonds publics avec prudence. Même dans son approche libérale, elle est modérée et laisse beaucoup de temps et de marge de manœuvre pour son application. Et pourtant, les opposants affirment que cette initiative est radicale.
Respecter le droit environnemental
La nécessité d’agir contre les pesticides est désormais claire pour la plupart des gens. Après la suspension de la politique agricole 22+, le Parlement a rapidement adopté la «loi fédérale sur la réduction des risques liés à l’utilisation de pesticides » pour ne pas se retrouver les mains vides le 13 juin prochain. Les risques devraient être diminués de moitié d’ici 2027. L’objectif est modeste. Or, selon les études de l’Eawag largement diffusées, les valeurs écotoxicologiques sont dépassées à raison d’un facteur de dix à trente fois. Rien n’a encore été décidé concernant les aires d’alimentation importantes des captages d’eau potable.
Au-delà du fait que le problème actuel touchant l’eau potable, les eaux de surface et les animaux et plantes sauvages est occulté par les « risques liés à l’utilisation des pesticides », l’objectif de réduction est un pas dans la bonne direction. Ce n’est pas pour autant que l’initiative pour une eau potable propre est inutile, bien au contraire. Seules des mesures concrètes supplémentaires permettront d’atteindre l’objectif de réduction. Même avec cette initiative, d’autres mesures seront nécessaires pour garantir le respect des lois environnementales en matière de pesticides.
Les nuisances environnementales dues à l’azote constituent le second volet important de l’initiative. En mars dernier, le Parlement a refusé les objectifs contraignants relatifs aux excédents d’azote. Les émissions d’ammoniac dues à l’agriculture violent massivement le droit environnemental suisse, presque partout sur le Plateau et dans la zone des collines. Sur les 17 000 tonnes d’excédents qui endommagent les forêts proches de l’état naturel, les marais et les prairies riches en espèces, environ deux tiers proviennent des fourrages importés.
L’initiative pour une eau potable propre promeut le respect de la législation environnementale en vigueur en adoptant une approche aussi libérale que possible. Elle ne veut pas interdire, mais seulement mettre fin aux paiements directs destinés aux méthodes de production non durables. Une étape raisonnable, aucune trace de radicalité. Les autres aides, tels les suppléments pour le lait et la protection douanière, ne sont pas concernées par l’initiative.
Prendre au sérieux les objectifs climatiques
L’initiative pour une eau potable propre vise aussi indirectement les objectifs climatiques. La production animale bien trop élevée n’est pas seulement problématique pour l’environnement en Suisse, mais aussi pour la protection du climat sur le plan mondial (en raison du méthane et du protoxyde d’azote). Selon la « Stratégie Climat pour l’agriculture » de la Confédération, l’agriculture et l’alimentation doivent réduire les émissions de gaz à effet de serre de deux tiers d’ici à 2050. En totale contradiction avec cet objectif, la Confédération combat néanmoins l’initiative pour une eau potable propre au moyen d’études, partant du principe que (a) la consommation de viande ne diminuera pas à l’avenir et (b) que l’on continuera d’importer à grande échelle des produits nécessitant le défrichement des forêts vierges dans les pays d’origine. Elle arrive ainsi à la conclusion qu’une réduction de la production de viande en Suisse entraîne obligatoirement une augmentation des importations et une pollution accrue du point de vue global.
Si nous prenons au sérieux les objectifs officiels en matière de climat, de gaspillage alimentaire et d’importations durables, nous n’importerons pas plus, mais moins à l’avenir. Les importations annuelles de fourrage concentré de 1,2 million de tonnes ne sont pas compatibles avec les objectifs. Cela est très pertinent pour l’évaluation de l’initiative pour une eau potable propre. Lorsque le Conseil fédéral avance l’argument de l’augmentation des importations, une chose est claire : il ne prend pas plus au sérieux ses objectifs climatiques en matière de politique agricole qu’il ne l’a fait en matière de droit environnemental au cours des dernières décennies (en savoir plus).
D’ailleurs, le même jour, nous voterons sur la loi sur le CO2. Celle-ci donne à la Confédération la compétence d’augmenter la taxe d’incitation sur les combustibles fossiles actuelle d’environ cent francs par tonne de CO2 à environ deux cents francs. Pendant ce temps, dans le cadre de la politique agricole, la production de viande bovine et de lait, y compris celle qui utilise du fourrage importé, est subventionnée à hauteur d’environ trois cents francs par tonne d’équivalent CO2 (sans compter les paiements directs pour la gestion du paysage). Le Conseil fédéral et le Parlement ne considèrent pas encore le climat, l’agriculture et l’alimentation comme un tout.
Faire payer les coûts aux pollueurs
Aujourd’hui, tout le monde exige une agriculture et un secteur agroalimentaire durables. Nombreux sont ceux qui réalisent que cela n’est possible que si les paiements directs, les autres subventions et les prix ne génèrent pas de fausses incitations. Mais presque personne n’a encore vraiment songé à ce que cela signifie concrètement pour la politique agricole.
C’est pourquoi Vision Agriculture esquisse dans un nouveau document une vision de la voie vers une agriculture et un secteur agroalimentaire durables au sens des objectifs climatiques officiels et des autres objectifs de la Confédération. Elle démontre également le rôle crucial joué par la révision des subventions et, plus généralement, le principe du pollueur-payeur ou la « réalité des coûts » (voir encadré 1 ci-dessous).
L’initiative pour une eau potable propre est dans tous les cas sur la bonne voie dans cette perspective à long terme : elle constitue une première étape vers une réalité des coûts accrue dans notre agriculture et notre secteur agroalimentaire, vers une réduction du gaspillage des ressources et plus d’équité envers ceux qui produisent et consomment durablement, et ce non seulement dans les marchés de niche, mais de manière générale. Sans une répartition équitable des coûts, il est illusoire d’envisager un système agricole et alimentaire durable.
Conclusion
L’initiative pour une eau potable propre est nécessaire afin que le Parlement et le Conseil fédéral prennent plus au sérieux le droit environnemental que par le passé. L’initiative lève en outre les premiers obstacles à une agriculture et une alimentation durables.
Si l’on compare les ambitions et la réalité de la politique agricole de ces dernières années et décennies, on constate malheureusement que le Conseil fédéral n’a cessé de tromper la population sur l’impact environnemental (voir encadré 2). Des améliorations ont été saluées, mais ensuite les chiffres d’affaires de la production animale et de l’industrie liée à l’agriculture ont pris le pas sur le droit environnemental, les objectifs climatiques et le principe du pollueur-payeur.
Si le Conseil fédéral et le Parlement rejettent l’initiative pour une eau potable propre et ne jugent pas utile de proposer un contre-projet, le message est clair : la violation généralisée du droit environnemental et le déclin de la biodiversité continuent d’être admis. Les contribuables continuent de subventionner des méthodes de production nuisibles à l’environnement. Les modèles de consommation durables continuent d’être systématiquement désavantagés. Les dégâts collatéraux devront être supportés par la collectivité.
C’est cela que nous qualifions de radical, et non pas l’initiative. Les personnes bien informées jugeant pourtant l’initiative radicale ou extrême ne montrent aucune volonté de faire ne serait-ce qu’un premier pas vers une agriculture et un secteur agroalimentaire durables.
Encadré 1 : Document de réflexion « Réalité des coûts dans l’agriculture et l’alimentation »
Comme le soulignait Vision Agriculture dans une étude il y a six mois, la politique agricole suisse va largement à l’encontre du principe du pollueur-payeur et de la « réalité des coûts ». Dans la perspective du droit environnemental et des objectifs climatiques, cela devient de plus en plus problématique.
Le principe du pollueur-payeur est d’ailleurs ancré dans la Constitution (Art. 74 Cst.) : « La Confédération légifère sur la protection de l’être humain et de son environnement naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes. Elle veille à prévenir ces atteintes. Les frais de prévention et de réparation sont à la charge de ceux qui les causent. » La législation sur l’agriculture ne se gêne néanmoins pas de bafouer cette disposition.
Les paiements directs pour la « production de lait et de viande basée sur les herbages » (PLVH) est un exemple éloquent du résultat d’un renversement du principe de pollueur-payeur. Plutôt qu’édicter les prescriptions nécessaires au respect de la législation environnementale ou appliquer des taxes incitatives sur les émissions excessives, la Confédération distribue de l’argent aux exploitations agricoles pour autant qu’elles n’utilisent pas davantage de fourrage concentré. Et ce même si les émissions sont bien supérieures au niveau acceptable pour l’environnement. Depuis 2014 (voir également encadré 2), les contributions versées à grande échelle sont à la mesure du dépassement des valeurs limites des apports d’azote dans les écosystèmes proches de l’état naturels.
Selon une évaluation de la station de recherche Agroscope, l’impact environnemental est pratiquement nul – pour un coût d’environ 110 millions de francs par année. Dans le rapport d’évaluation et la newsletter de l’Office fédéral, le manque de résultat est passé sous silence et le programme décrit comme un succès. Il en va de même dans le texte du site internet relatif à la contribution PLVH.
Il y a deux ans, cette approche problématique, qui viole clairement le principe du pollueur-payeur inscrit dans la Constitution et dans la législation environnementale, a été étendue à l’utilisation des pesticides. Depuis 2019, la Confédération verse des « contributions à l’efficience des ressources » pour les méthodes d’application réduisant les émissions. Elle subventionne des appareils de pulvérisation et des techniques d’application particulières.
Sur la base de cette expérience, Vision Agriculture présente aujourd’hui un document de réflexion qui met en évidence le rôle important du principe du pollueur-payeur et de la réalité des coûts dans la transition vers une agriculture et un secteur agroalimentaire durables. Le premier pas en direction du principe du pollueur-payeur ou de la réalité des coûts est la suppression des subventions pour les modes de production ayant une incidence négative pour l’environnement – c’est précisément ce que revendique l’initiative pour une eau potable propre en matière de pesticides, d’excédents alimentaires et d’antibiotiques prophylactiques.
Encadré 2 : Politique agricole, cheptel et excédents d’éléments nutritifs dans les pronostics du Conseil fédéral et dans la réalité
Dans son message sur la PA 14-171, le Conseil fédéral écrivait : « En ce qui concerne la garde d’animaux, il faut s’attendre avec la PA 14–17 à un recul d’environ 9 % des UGB […] » et cependant, comme l’extension de la production fourragère et la réduction du cheptel « entraîneront une baisse de près de 10 % des importations d’aliments concentrés par rapport au scénario de référence, la PA 14–17 renforcera la production nette de calories. » En réalité, le cheptel n’a pas du tout diminué (+0,3 %), tout comme les importations d’aliments concentrés (+0,2 %)2.
Quant aux excédents d’azote, l’écart entre les prévisions et la réalité est récurrent dans les messages du Conseil fédéral de 2002 à 2018, sans que des leçons en aient été tirées (plus de détails ici et ici, p. 30). On peut en déduire que le Conseil fédéral a placé le chiffre d’affaires de la production animale et des industries liées à l’agriculture au-dessus du droit environnemental (cf. texte principal).
1FF 2012 2310. 2 Cheptel en unités gros bétail (UGB) : OFAG, rapport agricole ; importations d’aliments concentrés : OFS, bilan des fourrages 2017 (importations des « fourrages commercialisables ») ; chiffres 2013/2018 (PA 2011/2014-17).
Comme l'a souligné Vision Agriculture dans une étude réalisée il y a six mois, l'agriculture et la nutrition suisses sont loin d'être "fidèles aux coûts". Compte tenu de la législation environnementale et des objectifs climatiques, cela devient de plus en plus un problème. Dans un nouveau document, Vision Landwirtschaft montre donc à quoi pourrait ressembler la voie vers un secteur agricole et alimentaire durable au regard des objectifs climatiques officiels et des autres objectifs du gouvernement fédéral. La restructuration des subventions dans le sens du principe du pollueur-payeur et de la vérité des coûts joue un rôle de premier plan.
Des systèmes économiques entiers sont actuellement bouleversés à une vitesse impressionnante. Le secteur financier, l'industrie automobile, l'industrie de l'énergie, tous sont au milieu d'un bouleversement fondamental qui est censé les sortir d'une dynamique autodestructrice alors qu'il est grand temps d'agir. Il n'y a que dans les secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire où les forces qui continuent à donner le ton veulent à tout prix empêcher le changement. Avec une ténacité redoutable, elles continuent de présenter des solutions de façade comme des réponses durables pour les enjeux auxquels nous sommes confrontés. Mais en coulisses, un changement tout aussi fondamental vers un nouveau système agricole et alimentaire est en cours. Avec une série de newsletter, nous essayons rendre ces solutions plus visibles, de les placer dans un contexte plus large et de contribuer à leur donner la force nécessaire pour permettre de changer le système.
(VA) Dans le forum de discussion d'une conférence internationale sur l'avenir de l'utilisation des pesticides dans l'agriculture, une historienne de la science qui fait des recherches sur l'histoire de l'agriculture en Allemagne a déclaré : "Je suis étonnée de constater que dans l'agriculture, on débat encore exactement des mêmes questions et problèmes qu'il y a 30 ans". On peut faire exactement le même constat concernant l'agriculture suisse. Pesticides, biodiversité, surplus de fertilisants, baisse de la fertilité des sols, émissions de gaz climatiques, efficacité énergétique négative, pollution de l'eau, etc. Tous ces chantiers existentiels datent de plusieurs décennies, sans qu'aucun progrès significatif n'ait été réalisé, voir le contraire. L'agriculture conventionnelle détruit ses propres moyens de subsistance à un rythme effréné, et ce avec l'aide de milliards de subventions financées par l'État.
De nombreux secteurs de l'économie ont reconnu - ou ont été contraints par la politique - de reconnaître le besoin urgent d'agir. Ils subissent une transformation aussi profonde qu'incroyablement rapide. L'industrie automobile investit des milliards dans le remplacement du moteur à combustion qui, il y a encore quelques années, dominait le trafic routier depuis un siècle environ, sans aucune alternative apparente. Tout aussi fondamental est le changement dans le secteur de l'énergie, où des groupes entiers de consommateurs disparaissent en grande partie en raison des gains d'efficacité et où le soleil/le vent deviennent soudainement moins chers que les "anciennes" sources d'énergie néfastes pour l'environnement et le climat, qui semblaient absolument indispensables il y a peu de temps encore.
Agriculture : des fausses solutions qui continuent d'être vendues comme une réponse durable
Le contraste avec l'agriculture ne pourrait pas être plus flagrant. Au lieu de s'attaquer à la source du problème et de remplacer le "moteur à combustion", pour ainsi dire, d'énormes investissements sont encore réalisés dans la recherche pour rendre ce même "moteur" plus efficace et productif. Les tracteurs deviennent un peu plus puissants chaque année afin qu'ils puissent continuer à tirer leur équipement lourd sur des sols de plus en plus compacts. De plus en plus de technologies se retrouvent dans ce qui est déjà une activité agricole largement industrialisée, ce qui rend leur dépendance vis-à-vis de l'industrie encore plus grande. Même dans les derniers recoins des vallées alpines, les souffleurs de feuilles vrombissants remplacent désormais les râteaux à main, les hélicoptères le transport du foin par de petits téléphériques et les robots les modestes machines à traire. Grâce à une technologie robotisée, les pesticides doivent être utilisés "de manière encore plus ciblée" et "leur risque doit être encore plus réduit". Ce slogan de l'agrochimie, vieux de plusieurs décennies, a même trouvé sa place dans le "Plan d'action Produits phytosanitaires" du gouvernement fédéral et continue de façonner chaque débat parlementaire sur la " solution " au problème des pesticides.
Les problèmes ne diminueront pas si nous essayons de les résoudre avec les mêmes moyens que ceux qui les ont causés. Les coûts de ces solutions sont en constante augmentation et les revenus de la production diminuent en conséquence. La facture est payée par les agriculteurs qui se laissent prendre dans la logique implacable du "progrès". De nombreuses exploitations agricoles se sont endettées. La dette agricole n'est nulle part aussi élevée qu'en Suisse. L'État entre dans la brèche et maintient le système en vie avec des paiements se chiffrant en milliards, alors que les déficits environnementaux et les dettes continuent de s'accroître.
Contraste avec la transformation énergétique
Derrière cette évolution grotesque de l'agriculture se cache un récit qui est encore aujourd'hui profondément ancré dans les esprits et que l'industrie agroalimentaire continue de cultiver à grands frais. Après tout, elle y gagne énormément d'argent. Dans un petit pays comme la Suisse, elle extrait plus d'une demi-douzaine de milliards de francs par an des exploitations agricoles.
Le secteur de l'énergie montre pourtant comment d'autres industries ont réussi à surmonter l'ancien paradigme de la croissance. Imaginez que les fournisseurs d'énergie avertissent à chaque occasion que l'humanité devra disposer de beaucoup plus d'énergie à l'avenir parce qu'elle continuera à se développer rapidement et que ses besoins énergétiques augmenteront donc fortement. Par conséquent, il faudrait extraire davantage de pétrole, produire davantage d'énergie nucléaire et utiliser même les dernières réserves d'énergie hydroélectrique - bien sûr, tout devrait être fait avec le plus grand soin, avec la technologie la plus moderne et de manière durable. Et bien sûr avec l'ajout des énergies renouvelables, qui ne pouvaient malheureusement rester qu'une niche au vu de la demande. Une telle façon de penser – une norme incontestée il y a encore quelques années - ne serait guère osée par un homme politique qui souhaite être pris au sérieux aujourd'hui.
Les vieux schémas de pensée bloquent le changement
Il est depuis longtemps reconnu que nous n'avons pas besoin de sources d'énergie supplémentaires malgré la croissance rapide de la population en Suisse. Au contraire, le potentiel des économies d'énergie est bien plus important que l'augmentation de la population, et nous devons satisfaire le plus rapidement possible la demande restante à partir de ressources durables qui sont à notre portée et qui fonctionnent de manière totalement différente de l'ancien système d'approvisionnement énergétique. Ce changement de paradigme est devenu une réalité depuis longtemps. Il suffit de penser au secteur de l'éclairage, où aujourd'hui 80 % de l'énergie électrique auparavant nécessaire peut être économisée grâce au remplacement des ampoules à incandescence par la technologie LED, avec le même niveau de confort et une demande d’éclairage plus élevée. Pensons aussi au secteur du bâtiment, où les bâtiments modernes d'aujourd'hui non seulement consomment beaucoup moins d'énergie, mais produisent même de l'énergie si toutes les possibilités sont exploitées. Cela a bouleversé les idées reçues et a fait place à une nouvelle réalité.
Un récit encore profondément ancré dans de vieux concepts
Dans le secteur agricole et alimentaire, en revanche, les représentants de l'agriculture continuent de propager le même récit à chaque occasion qui se présente: L'humanité est en pleine croissance, nous avons donc un besoin urgent de plus de nourriture. Les multinationales agroalimentaires et les politiciens qui donnent le ton continuent de propager ce conte de fées dépassé depuis longtemps sur la demande mondiale croissante de nourriture dans les débats politiques, les médias, dans d'innombrables projets de recherche scientifique et même dans les salles de classe. Selon eux, l'humanité serait obligée d'exploiter encore plus de surface et d'animaux sur les terres disponibles - c'est pourquoi elle a besoin de technologies encore plus nombreuses et encore meilleures, d'additifs, de robots, de drones...
D'énormes ressources privées et gouvernementales sont encore gaspillées pour continuer à cultiver selon cette idée dépassée. Pour le développement du secteur agroalimentaire, le refus de repenser le système de production a un effet désastreux. Des dizaines de millions d'argent public sont utilisés pour financer des projets de recherche qui sont ancrés dans les anciens réseaux et paradigmes, souvent liés à l'industrie et aux profiteurs de l'ancien système. Ils n'ont aucun intérêt à provoquer ce changement, qui est pourtant inévitable.
Le changement de système nécessite une diversification des solutions
Cela est d'autant plus fatal que, tout comme dans le secteur de l'énergie, les connaissances sur la manière dont un changement de système pourrait réussir sont en fait largement disponibles depuis longtemps. Tout comme le changement de système dans le secteur de l'énergie n'est pas simplement des panneaux solaires, le changement de système dans l'agriculture n'est pas simplement biologique. Le bio est un label, un bon label. Mais aucun changement de système n'est accompli par une seule marque, un seul concept. L'industrie solaire a été extrêmement importante pour la transformation du système énergétique, Tesla a été extrêmement important pour la transformation de l'industrie automobile - mais l'avenir de l'approvisionnement en énergie n'est pas simplement solaire et l'avenir de l'automobile n'est pas simplement Tesla, et l'avenir de l'agriculture n'est pas que biologique. Ce qu'il faut, c'est une variété de solutions qui, prises dans leur ensemble, rendent possible le changement de système et qui apportent leur contribution respective.
Dans ce contexte, il est important de souligner en toute clarté que le bio a énormément contribué au changement de système émergent. Le bio est plus ou moins le Tesla de l'agriculture. Toutefois, de nombreuses autres approches, dont certaines vont bien au-delà des exigences biologiques et apportent des améliorations fondamentales supplémentaires grâce à une approche de réflexion hors des sentiers battus, demeurent pour l'instant largement ignorées. Derrière cela se cache souvent un système. Les grands distributeurs et même les labels de durabilité établis n'ont aucun intérêt à laisser émerger la concurrence. Ils se sont confortablement installés dans le système actuel. Toutes les nouvelles approches sont généralement catégorisées dans les médias agricoles avec l'affirmation habituelle : "c'est une niche intéressante, mais elle ne convient pas pour nourrir la grande majorité". Contre l'émission de SRF "Netz Natur", qui a présenté il y a quelques semaines un excellent documentaire (en allemand) sur les méthodes agricoles d'avenir, les milieux agricoles conventionnels veulent même engager une poursuite judiciaire, par l'intermédiaire de l'Union suisse des paysans. Voilà où nous en sommes arrivés dans le domaine de l'agriculture : quiconque pense à l'avenir est immédiatement freiné, ridiculisé ou même poursuivi par le principal lobby agroalimentaire.
Mais ce n'est pas si inhabituel. C'est exactement comme cela qu'à l'époque, les premiers pionniers de l'électricité dans l'industrie automobile ont été ridiculisés, méprisés et contrecarrés. Aujourd'hui, ils donnent le ton. Leurs investissements, aidés par des politiques publiques cohérentes, les ont fait sortir de la niche dans laquelle ils étaient et ont rendu possible le changement de système.
Rendre les solutions visibles !
Nous aimerions soutenir et promouvoir les pionniers souvent encore invisibles grâce à notre travail. Il s'agit parfois d'approches étonnamment simples et extrêmement efficaces, tant sur le plan économique qu'écologique, mais qui présentent un potentiel énorme précisément parce qu'elles sortent des sentiers battus. Dans une série d'articles, nous présenterons ces "solutions de niche", souvent peu spectaculaires en apparence, qui rendront finalement possible un changement de système, démontrant ainsi la variété des solutions déjà disponibles et la façon dont elles peuvent fonctionner ensemble pour permettre une véritable transformation du système de production agricole. Nous n'avons pas le choix. Et tout est (presque) prêt. Faisons le maintenant !
Vos quatre contributions personnelles qui feront la différence pour l'agriculture de l'avenir:
Réduire la consommation de viande à 200-300 grammes par semaine et par personne.
Achetez des produits locaux ! Par exemple, les produits biologiques et IP-Suisse. Assurez-vous qu'ils ont été produits sans pesticides et sans aliments pour animaux importés.
Réduisez le gaspillage de nourriture ! 50 % des aliments produits sont jetés, dont plus de la moitié dans les ménages. C'est un énorme gaspillage que nous pouvons changer nous-mêmes - et économiser de l'argent en même temps.
Soutenez les initiatives pour une eau potable propre et contre les pesticides ! Ces deux initiatives populaires forceront les politiciens à prendre les premières mesures décisives en vue d'un changement urgent de système. Ce n'est pas pour rien que le lobby agroalimentaire les combat de toutes ses forces.
(VL) Qui doit supporter les coûts de production des biens et des services ? En principe, la réponse est claire et largement acceptée : Celui qui génère les coûts est celui qui doit payer, en l’occurrence, le consommateur. Si c'est le cas, on parle de "vérité des coûts". Dans l'agriculture et l'alimentation, ce principe est aujourd'hui bouleversé. Les méthodes de production et les modes de consommation nuisibles à l'environnement sont massivement favorisés par l'État. Les biens produits de manière non durable deviennent ainsi beaucoup trop bon marché, tandis les biens durables demeurent trop chers. Le problème n'est donc pas le consommateur qui n'est pas prêt à payer beaucoup plus cher pour une alimentation durable, mais un système de politique agricole qui fausse les prix en faveur d'une consommation néfaste pour l’environnement et qui entrave donc systématiquement les modes de consommation durables. Une nouvelle étude de Vision Agriculture quantifie pour la première fois l'ampleur de ce déséquilibre. Afin d'atteindre les objectifs de la politique agricole dans le domaine de l'environnement et de la sécurité alimentaire, il sera essentiel de réorienter fondamentalement le système actuel pour tenir compte de la vérité des coûts.
La vérité des coûts est un principe de base d'une économie de marché transparente et équitable. Celui qui génère des coûts doit également les payer. Cependant, ce n'est pas toujours facile à déterminer selon les cas. Dans le domaine des transports, il a été reconnu il y a de nombreuses années que les coûts comprennent non seulement les coûts privés des véhicules et des carburants, mais aussi d'autres types de coûts : Coûts pour le contribuable, par exemple par la construction de routes, et coûts pour la collectivité en raison de la pollution de l'environnement et des accidents de la circulation, ce qu'on appelle les coûts externes. L'Office fédéral de la statistique (OFS) publie régulièrement les coûts totaux des transports et précise qui les supporte. Quelle est la situation dans l'industrie agricole et alimentaire ? Outre les consommateurs, les contribuables et le grand public supportent également une partie des coûts. Toutefois, contrairement au transport, on n'a jamais déterminé le niveau de ces coûts dans l'agriculture. Pour la première fois, Vision Agriculture présente des statistiques qui recensent de manière transparente les coûts totaux de la production alimentaire et les ventilent par unité de coût. Celles-ci se fondent sur les statistiques fédérales officielles et sur un calcul scientifiquement fondé des coûts externes de l'agriculture suisse.
Loin des coûts véritables
Les résultats de l'étude le montrent : L'agriculture et l'alimentation sont aujourd'hui très éloignées du principe de la vérité des coûts. Des combustibles fossiles aux contributions pour les pulvérisateurs de pesticides et la publicité pour la viande en passant par l'élimination des déchets d'abattoirs, la production alimentaire est subventionnée par le gouvernement fédéral de toutes les manières imaginables. À cela s'ajoutent les coûts environnementaux au détriment de la collectivité, qui sont causés, par exemple, par les pesticides ou les émissions d'ammoniac et nécessitent des contre-mesures onéreuses.
Ce qui est particulièrement problématique : ce sont les produits les plus polluants pour la collectivité qui sont les plus subventionnés. La production de denrées alimentaires d'origine animale, qui représente la moitié de la production de calories et les trois quarts des coûts environnementaux de l'agriculture, soit 3,6 milliards de francs, est subventionnée quatre fois plus par la Confédération que la production de denrées alimentaires d'origine végétale. Dans le cas de la viande de bœuf, par exemple, les consommateurs paient donc moins de la moitié du coût véritable de la production.
Contradiction avec les objectifs et les stratégies
Lorsque les haricots ou les burgers végétariens coûtent plus cher que le poulet ou la viande hachée, un comportement durable équivaut à nager à contre-courant. L'opinion populaire dans les milieux agricoles, selon laquelle le problème réside dans les consommateurs qui ne sont pas prêts à payer plus cher pour des produits durables (voir par exemple le président de l'Union suisse des paysans Ritter dans la NZZ du 11.08.2020), est bien trop simpliste. L'agriculture et l'alimentation sont aujourd’hui systématiquement accompagnées de mauvaises incitations économiques qui entravent les modes de production et de consommation sains et durables.
La politique fédérale est également en contradiction avec ses propres objectifs et stratégies, et ce pas seulement dans le domaine de l'environnement. Selon la Stratégie suisse pour la nutrition (OSAV 2017), on consomme trop de viande et de produits laitiers à forte teneur en graisses et trop peu de produits céréaliers, de pommes de terre, de légumineuses et de légumes. Avec ses conditions-cadres pour l'agriculture, la Confédération contribue ainsi à des modes de consommation malsains et nuisibles à l'environnement.
L'absence de vérité des coûts explique également pourquoi la politique agricole, malgré l'importance des fonds qui lui sont alloués, est loin de répondre aux exigences du droit de l'environnement (voir le rapport "Indicateurs d’appréciation de la politique agricole suisse", avec résumé en français). Aujourd'hui, la Confédération verse des centaines de millions de francs par an pour limiter les dégâts, c'est-à-dire simplement pour veiller à ce que les objectifs environnementaux ne soient pas encore davantage manqués, comme le montre une récente étude prenant la biodiversité comme exemple.
Une question d'équité
Toutefois, les coûts réels dans l'agriculture ne sont pas seulement une condition préalable à la réalisation des objectifs environnementaux, mais aussi et surtout une question d'équité.
Loin du principe du pollueur-payeur, la politique actuelle pénalise, par exemple, les végétariens ou les agriculteurs qui, par leur comportement, font beaucoup pour l'environnement.
Comment parvenir à la vérité des coûts ?
La vérité des coûts dans l'agriculture signifie concrètement :
Les subventions liées aux intrants agricoles tels que l'énergie fossile ou aux extrants tels que le lait ou les déchets d'abattoirs sont supprimées.
Les coûts supportés par la collectivité en raison des émissions provenant de moyens de production importés ou artificiels (énergie fossile, aliments pour animaux importés, engrais minéraux, pesticides) sont imputés à ceux qui les provoquent.
production importés ou artificiels (énergie fossile, aliments pour animaux importés, engrais minéraux, pesticides) sont imputés à ceux qui les provoquent.
Les charges environnementales qui surviennent dans le cadre de bonnes pratiques professionnelles basées sur une production régionale et utilisant des technologies économisant les ressources n'ont pas de conséquences financières pour les producteurs.
D'autres services tels que la production sans pesticides, la réduction des émissions de CO2 par la conversion des tourbières en prairies, etc. sont soutenus en tant que prestations d'intérêt public.
Dans le cas des aliments importés, l'impact environnemental de la production est déclaré et une taxe est imposée pour éviter toute discrimination à l'encontre de la production locale. Les droits de douane forfaitaires peuvent être réduits dans cette mesure.
Le résultat est que l'agriculteur durable peut produire à moindre coût que celui qui a une production nuisible à l'environnement. Par conséquent, les aliments respectueux de l'environnement coûtent moins cher en magasin que les aliments produits de manière nuisible pour l'environnement.
Plan directeur requis
Un plan directeur est nécessaire pour ancrer la vérité des coûts dans la politique agricole et ainsi empêcher que des milliards de fonds publics ne continuent à faire obstacle à une agriculture durable. Son horizon dépasse ainsi les étapes quadriennales de la politique agricole. Il doit également être étroitement coordonné avec les objectifs et stratégies officiels de l'administration fédérale dans les domaines de l'environnement, du climat, de la santé et de l'alimentation.
Littérature citée
OSAV (2017) Stratégie suisse de nutrition : savourer les repas et rester en bonne santé. Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaire OSAV, Berne.
Le débat du 14 septembre sur les initiatives en matière de pesticides et le contre-projet de la Commission du Conseil des États a été largement mené par les conseillers aux États du PDC. Avec d'innombrables votes et motions, qui ont retardé le déroulement de la session de plus d'une heure, ils ont présenté au Conseil des Etats une action manifestement concertée, partiellement soutenue par l'UDC. Bien que l'on ait évité de justesse de couler le projet de loi dans son ensemble, toutes les mesures un minimum contraignantes ont été systématiquement rejetées.
Ce que le Conseil des États a laissé dans le projet de loi est maintenant complètement inefficace. Les prélèvements incitatifs ont été supprimés et les objectifs clés de la voie décisive de réduction des éléments fertilisants ont été supprimés, à savoir réduire les excédents de 10 % d'ici 2025 et de 20 % d'ici 2030 - ce qui, il faut le noter, ne suffirait même pas pour atteindre les objectifs environnementaux.
Comme dans le débat sur le CO2, le PDC a fait preuve d'une indifférence surprenante à l'égard des préoccupations environnementales et même de la violation de la législation environnementale existante dans l'agriculture, ce qui, dans le débat, n'a été constaté que par le camp rouge-vert lors des votes engagés. D'autre part, les besoins du secteur ont été au premier plan de presque tous les votes du PDC et de l'UDC - un clientélisme souvent flagrant. De nombreux votes du PDC et de l'UDC, dont certains n'ont même pas été pris en compte et apparemment prescrits, contenaient des faits faux ou des déclarations trompeuses.
Un autre acte dans la tragédie politique sans fin qui entoure la future politique agricole. Le Parlement n'est évidemment pas en mesure de s'attaquer aux problèmes qui se posent. Le Conseil des États donne ainsi une nouvelle impulsion aux deux initiatives sur les pesticides.
A l’instar des statistiques «coûts et financement des transports » publiées par la Confédération, Vision Agriculture a, dans une nouvelle publication, répertorié pour la première fois l'ensemble des coûts de l'agriculture suisse et les a répartis entre les unités de coûts "consommateurs", "contribuables" et "collectivité" selon des critères transparents. Les résultats sont détonants et déterminants pour les prochaines décisions en matière de politique agricole
Qui doit supporter les coûts de production des biens et des services ? En principe, la réponse est claire et largement acceptée : Celui qui génère les coûts est celui qui doit payer, en l’occurrence, le consommateur. Si c'est le cas, on parle de "réalité des coûts".
Dans l'agriculture et l'alimentation, ce principe est aujourd'hui bouleversé. Les méthodes de production et les modes de consommation nuisibles à l'environnement sont massivement favorisés par l'État. Les biens produits de manière non durable deviennent ainsi beaucoup trop bon marché, tandis les biens durables demeurent trop chers.
Le problème n'est donc pas le consommateur qui n'est pas prêt à payer beaucoup plus cher pour une alimentation durable, mais un système de politique agricole qui fausse les prix en faveur d'une consommation néfaste pour l’environnement et qui entrave donc systématiquement les modes de consommation durables.
Une nouvelle étude de Vision Agriculture quantifie pour la première fois l'ampleur de ce déséquilibre. Afin d'atteindre les objectifs de la politique agricole dans le domaine de l'environnement et de la sécurité alimentaire, il sera essentiel de réorienter fondamentalement le système actuel pour tenir compte de la vérité des coûts.
La Commission de l'économie du Conseil des États CER-E veut retarder de plusieurs années la réforme de la politique agricole. Cette décision a suscité l'étonnement de tous. Cette étroite majorité est le fruit d'un accord entre le président de l'USP, Markus Ritter, et les membres du PLR au Conseil des États, menés par Ruedi Noser. En retour, M. Ritter veut contribuer à la lutte contre l'initiative multinationales responsables et soutenir le libre-échange agricole - deux préoccupations qui vont à l'encontre des intérêts des agriculteurs.
Ce geste révèle tout l'opportunisme et le cynisme du président de l'USP, qui s'obstine depuis des mois à résister à toute réforme de la politique agricole vers un peu plus d'écologie, et qui utilise tous les moyens à sa disposition pour l'empêcher.
La décision du Conseil des États donne une nouvelle impulsion à l'initiative pour une eau potable propre et à l'initiative pour une Suisse sans pesticides. Apparemment, même dans sa composition plus verte, le Parlement n'est actuellement pas disposé à s'attaquer aux graves problèmes environnementaux auxquels l'agriculture est confrontée en termes de sol, d'eau et de biodiversité et à affecter des milliards d'argent public à des méthodes de production durables.
L'acceptation de l'Initiative pour une eau potable propre aurait un impact positif sur l'environnement et sur le revenu des agriculteurs en Suisse. C'est ce qu’a montré une étude antérieure d'Agroscope. Avec une étude complémentaire publiée aujourd'hui, Agroscope inclut également les impacts environnementaux de l’initiative à l'étranger. Et surprise : on s'attend désormais à ce que l'initiative ait des effets très négatifs sur l'environnement à l'étranger. Cependant, ce résultat n'est atteint qu'avec une série d'astuces et d'hypothèses totalement irréalistes.
(VA) L'institut de recherche Agroscope a publié aujourd'hui sa deuxième analyse des effets de l'Initiative pour une eau potable propre, précisément à temps pour les négociations de la commission des États CER portant sur l'initiative.
Mais Agroscope ne fait pas seulement de la politique avec son timing exact. Le contenu est également plus politique que scientifique. Cette étude confirme une étude précédente qui affirmait déjà que l'adoption de l'Initiative pour une eau potable propre permettrait de réduire de deux tiers l'utilisation de pesticides en Suisse et d'améliorer massivement la qualité de l'eau et de l'environnement en conséquence.
Cependant, avec cette nouvelle étude, Agroscope affirme toutefois avoir découvert que l'Initiative pour une eau potable propre est finalement préjudiciable à l'environnement. La raison : la Suisse devrait importer davantage de denrées alimentaires en raison de la baisse des rendements. Et chaque calorie importée de l'étranger serait massivement plus nocive pour l'environnement que les aliments produits en Suisse.
Des astuces pour atteindre le résultat souhaité
Afin de prouver cette affirmation hasardeuse - avec laquelle Agroscope contredit de nombreuses autres études - l'institut de recherche fonde sa modélisation sur des hypothèses presque rocambolesques.
Vision Agriculture a fait partie du groupe de suivi de l'étude et a critiqué avec véhémence ces hypothèses. Dans aucun cas, Agroscope n'a pris en compte les points critiqués par le groupe de suivi et n'a corrigé aucune des hypothèses de modélisation totalement irréalistes.
Un exemple : dans son modèle, Agroscope suppose qu'une extensification a lieu au niveau national par le biais de l'initiative, ce qui a relativement peu d'impact sur le bilan écologique, mais entraîne une baisse de la production. Cela entraînerait donc une augmentation des importations. À l'étranger, en revanche, Agroscope part du principe que pour chaque calorie supplémentaire importée, des terres agricoles additionnelles sont sollicitées au détriment des zones semi-naturelles. C'est totalement irréaliste. On mélange ainsi les torchons et les serviettes en comparant l'incomparable. Cette hypothèse hasardeuse du modèle conduit à un résultat extrêmement négatif de l'impact environnemental à l'étranger. Agroscope conclut que l'Initiative pour une eau potable propre favorise la déforestation et que presque tous les autres facteurs environnementaux seraient également affectés de manière négative.
L'étude est pleine de telles absurdités (pour plus de détails, voir l‘encadré ci-dessous), qui aboutissent en fin de compte exactement au résultat qui devait en découler.
La crédibilité d’Agroscope compromise
Les résultats de l'étude Agroscope doivent être classés avec le mot-clé "politique d'une administration fédérale", ils n'ont rien de scientifique. Vision Landwirtschaft se distancie donc de l'étude sous toutes ses formes.
Dans ce contexte, l'engagement de la directrice d'Agroscope, Eva Reinhard, dans l'introduction de l'étude, semble être une mauvaise blague :
"Elle (la science) développe des bases scientifiquement solides et communique ces informations. Elle soutient ainsi une discussion objective et aide à trouver ensemble des solutions durables."
Encadré : Les principales lacunes de la nouvelle étude d’Agroscope sur l'Initiative pour une eau potable propre
L'étude suppose qu'une fois que l'initiative sera adoptée, des terres agricoles supplémentaires devront être exploitées à l'étranger, et ce au détriment des forêts et des zones semi-naturelles. Cette hypothèse, totalement irréaliste (voir les informations complémentaires, en allemand), conduit à un très mauvais bilan environnemental des aliments importés.
L'étude ne tient pas compte de l'impact de l'Initiative sur la sécurité alimentaire adoptée par la population en 2017. Les mesures, déjà en préparation par le gouvernement fédéral, signifient que les aliments produits de manière nocive pour l'environnement ne pourront plus du tout être importés. La mise en œuvre de l'article de loi sur la sécurité alimentaire sera achevée depuis longtemps lorsque l'Initiative pour une eau potable propre entrera en vigueur vers 2029 après une période transitoire de huit ans. Le bilan environnemental négatif des produits importés supplémentaires déterminé par Agroscope n'aura alors plus aucune validité. Les résultats de l'étude sont donc dénués de sens si l'on ne tient pas compte de l'article de loi concernant la sécurité alimentaire.
L'étude ne tient également pas compte du fait que la Suisse devra réduire de 50 % le gaspillage alimentaire qui peut être évité d'ici 2030 (objectif de développement durable ODD 12.3). Cela entraînera une réduction de la demande de denrées alimentaires et réduira également le besoin d'importations de plus de 20 %. Même si l'Initiative pour une eau potable propre devait entraîner une légère baisse de rendement de certaines cultures, ce déclin de la production serait largement compensé par la réduction du gaspillage alimentaire.
L'initiative exige que les fonds de recherche dans le secteur agricole soient systématiquement orientés vers le développement de méthodes de production agricole durables. 90 % des fonds de recherche actuels sont consacrés aux techniques de culture dépendantes des pesticides. Les experts supposent que si les fonds destinés à la recherche sont réorientés en faveur de méthodes de culture agro-écologiques, les rendements des cultures sans pesticides ne seront guère inférieurs dans quelques années. Cela signifierait qu'il n'y aurait pratiquement pas besoin d'importations supplémentaires et que les résultats de l'étude Agroscope évolueraient davantage en faveur de l'Initiative pour une eau potable propre.
Le Conseil fédéral a présenté aujourd'hui son dernier message sur la réforme de la politique agricole. Les précédentes propositions qui manquaient fortement d’ambition ont été considérablement améliorées. Mais une fois de plus, la perspective d'une politique agricole qui respecte au moins le droit environnemental fait défaut. En ce qui concerne les émissions d'azote, le Conseil fédéral est même en deçà des objectifs précédents et souhaite utiliser de nouveaux programmes pour promouvoir plus fortement l'élevage. En plus de Vision Landwirtschaft, de plus en plus d'organisations veulent maintenant obliger le gouvernement fédéral à respecter au moins les objectifs environnementaux d'ici 2035. Pour y parvenir, des améliorations fondamentales sont encore nécessaires, notamment l'omission des paiements et des programmes qui font plus de mal que de bien: "Moins, c'est souvent plus".
(VL) L'Office fédéral de l'agriculture y travaille intensément depuis plus de deux ans et une bonne partie de ses ressources humaines a été investie dans ce projet : La "Politique agricole 2022+". Et les attentes sont importantes. La PA22+ a été annoncé il y a de nombreuses années comme une étape de réforme substantielle. Les initiatives en matière de pesticides, d'eau potable et d'élevage intensif, les objectifs climatiques, mais aussi les mauvaises nouvelles presque hebdomadaires concernant l'eau potable polluée par les pesticides, la mort des insectes, la perte de biodiversité et le changement climatique génèrent une forte pression supplémentaire.
Une tactique de mystification délibéré
En effet, le message plutôt exhaustif sur la PA22+ donne l'impression d'une réforme. Certains défis et déficits sont énumérés en détail (comme dans de nombreux messages et rapports agricoles précédents), des objectifs sont fixés et d'innombrables nouvelles mesures et changements sont proposés. Certaines d'entre elles devraient en effet apporter des améliorations substantielles. Il manque cependant une analyse sérieuse qui montrerait si et ce que les mesures apporteraient. Le message est encore loin d'atteindre les objectifs environnementaux et donc de se conformer au droit de l'environnement.
Une violation systématique des lois sur la protection de l’environnement
La politique agricole est largement au point mort depuis 20 ans. La seule chose qui a été réalisée pendant cette période a été une répartition plus équitable des ressources entre les zones de vallée et de montagne et donc une croissance beaucoup plus lente des terres agricoles sur les pentes raides - un succès auquel Vision Landwirtschaft a largement contribué. En outre, les programmes de protection des animaux ont été étendus.
Toutefois, en ce qui concerne les graves déficits environnementaux constatés, notamment en matière d'azote, de pesticides et de biodiversité, aucun progrès n'a été réalisé au cours des 20 dernières années malgré des milliards de paiements, et dans certains cas, la situation s'est même encore détériorée. Il semble que l'on doive maintenant s'attaquer pour la première fois à l'immobilisme. Mais les mesures concrètes sont encore loin d'atteindre les objectifs environnementaux, qui sont juridiquement contraignants. La solution ne réside pas dans un enchevêtrement de nouveaux programmes, parfois contradictoires. Même après la mise en œuvre des programmes coûteux sur le plan administratif, l'agriculture continuera à enfreindre la législation environnementale de manière chronique, causant des dommages qui se chiffrent en milliards d'euros chaque année. La réhabilitation des seuls captages d'eau potable, en raison de la concentration excessive en pesticides, risque de coûter des centaines de millions de francs suisses aux contribuables au cours des deux prochaines années.
Le mécontentement s'empare d'autres domaines
L'absence d'une orientation cohérente de la politique agricole vers une agriculture durable se joue en fin de compte principalement sur le dos de l'agriculture. L'activisme bureaucratique tient non seulement ce secteur en haleine, mais aussi la Confédération et les cantons avec une charge administrative inutile. Mais plus encore, de nombreux agriculteurs ont le sentiment de devenir de plus en plus la cible de l'indignation publique. Les défaillances et les dommages environnementaux leur sont imputés. Pour la plupart, ils réagissent simplement aux incitations grotesques de l'administration fédérale.
Le mécontentement suscité par le fait que la politique agricole onéreuse de la Suisse ne soit même pas capable de produire des conditions au moins juridiquement conformes, alors que d'autres pays ont fait de grands progrès au cours de la même période avec des moyens beaucoup plus modestes, s'est considérablement accru dans de nombreuses organisations.
Des revendications essentielles largement soutenues
Vision Landwirtschaft n'est heureusement plus la seule organisation avec des demandes plus ambitieuses pour un changement de politique agricole aujourd'hui. Pour la première fois, les larges organisations membres de l'Alliance Agraire, dont six organisations paysannes, s'engagent à l'unanimité en faveur des objectifs environnementaux de l'agriculture dans une nouvelle prise de position: elles exigent que la politique agricole respecte la législation environnementale d'ici 2035. Outre l'échéance, le document préconise également une trajectoire de réduction contraignante pour l'azote et les pesticides afin d'atteindre cet objectif.
Automatisme en cas d'objectifs manqués
Une autre nouvelle demande de l’Alliance Agraire concerne l'obligation d'introduire des taxes d'incitation ou des instruments aussi efficaces que les interdictions ou les réductions forfaitaires des paiements si les objectifs intermédiaires ne sont pas atteints. Cet automatisme doit éviter que le Conseil fédéral ne se contente de reporter indéfiniment à l'avenir les objectifs non atteints, comme cela a été le cas jusqu'à présent, voire de les annuler complètement. Utilisant l'exemple de l'azote, une nouvelle analyse de Vision Landwirtschaft montre que cela a effectivement été le cas au cours des 20 dernières années et que la population a été trompée à maintes reprises.
Le vent a tourné
Le Conseil fédéral et l'Office fédéral de l'agriculture ne semblent pas encore avoir suffisamment pris en compte le mécontentement croissant de la population face aux échecs de la politique agricole. En tout cas, le Conseil fédéral n'a pas encore trouvé de réponse aux initiatives concernant l'eau potable, les pesticides et l'élevage intensif dans son message. Vision Agriculture fera également tout son possible lors de la prochaine discussion parlementaire pour que l'AP22+ soit utilisé de manière cohérente pour trouver des solutions au lieu d'un travail administratif inutile, comme cela avait été promis.
Pourtant, les solutions sont depuis longtemps sur la table. C'est ce que démontrent également les milliers d'agricultrices et d’agriculteurs qui gèrent déjà aujourd'hui leurs exploitations de manière durable. En matière de politique climatique, le vent a déjà tourné. Le vent contraire de la politique agricole, qui rend encore aujourd’hui la vie difficile aux exploitations agricoles gérées de manière durable, doit maintenant aussi complètement tourner pour soutenir de manière cohérente ceux qui préparent leur agriculture pour l'avenir.
Tandis que les pertes de terres cultivables dues aux surfaces d’habitat et aux infrastructures de transport hors zone à bâtir diminuent et que la population de cette zone est en constante diminution, la perte de terres agricoles due aux constructions agricoles continue d’augmenter. Dans les années 1980, on perdait en Suisse encore environ 40 hectares de terres cultivables par année à cause de l’agriculture elle-même. On atteint déjà presque les 50 hectares aujourd’hui. Et cela malgré le fait qu’il y a toujours moins d’exploitations agricoles. Selon l’Office fédéral du développement territorial, ces chiffres montrent qu’il est urgent d’agir. L’Union suisse des paysans s’oppose pourtant à une Loi sur l’aménagement du territoire plus durable alors qu’en d’autres occasions elle prône la sécurité de l’approvisionnement.
L’avenir du sucre suisse fait débat. Car la culture de betteraves sucrières menace de perdre tout attrait économique malgré l’énorme soutient étatique. La raison: la chute des prix du sucre sur le marché mondial. La politique agricole 22+ décidera du cadre de la poursuite de la production indigène de sucre. Jusqu’à présent, la discussion a surtout tourné autour de la rentabilité. Grâce à une campagne d’image conséquente élaborée par l’industrie sucrière, les graves problèmes écologiques sont passés à la trappe.
(VA) C’est une volonté politique que le sucre soit encore cultivé en Suisse aujourd’hui. Et cela coûte cher au contribuable – environ 70 millions de francs par année. Cela représente environ 4000 francs par hectare, soit plus que la plupart des cultures.
Comme le prix du sucre baisse continuellement sur les marchés internationaux, la production de sucre est soumise à une pression croissante. Pour remédier à cette situation, les contributions à la culture ont encore été augmentées ces dernières années et un régime de protection douanière a été mis en place. Ces deux mesures sont controversées, c’est pourquoi la Confédération les a limitées jusqu’en 2021.
Dans le cadre de la politique agricole 2022+, il va donc falloir décider si et comment nous voulons continuer à produire du sucre à l’avenir dans notre pays. De nouvelles études commandées par l’industrie sucrière montrent que la rentabilité peut être nettement augmentée par des optimisations dans la chaîne de production. Ainsi le sucre suisse pourrait aussi avoir un avenir sans soutiens supplémentaires de l’État. Toutefois, un aspect important est occulté dans ce point de vue.
Grands déficits en matière de développement durable
Les aspects écologiques ont été presque complètement exclus de la discussion jusqu’à présent. Cela est probablement dû avant tout au fait que l’industrie sucrière a commandé plusieurs études qui attribuent un bon bilan écologique à la culture sucrière suisse. Cela a donné l’impression que tout va au mieux dans ce domaine. Mais les résultats des études ont été fondamentalement remis en question par des organisations environnementales, et les déclarations ont été critiquées comme étant tendancieuses.
Le fait est qu’en comparaison avec d’autres grandes cultures en Suisse, la culture de la betterave sucrière a recours à des quantités particulièrement importantes de pesticides. Parmi eux, il y a certaines substances actives parmi les plus toxiques, dont l’interdiction a été demandée à plusieurs reprises. Par exemple l’insecticide chlorpyrifos qui est extrêmement toxique même en très petite quantité autant pour les hommes que pour les animaux, et qui a un effet nocif sur la reproduction et les nerfs (voir encadré 1).
Comme le sol des champs de betteraves reste longuement nu, les betteraves sucrières font partie des cultures les plus soumises à l’érosion. Les pesticides utilisés sont ainsi très facilement emportés dans les eaux de surface en cas de pluie. De nouvelles mesures montrent que par exemple le chlorpyrifos est présent dans la plupart des cours d'eau étudiés et nuit gravement aux microorganismes.
En plus de l’ampleur de l’utilisation des pesticides dans les betteraves sucrières cultivées traditionnellement, il y a le problème du compactage du sol. La récolte des betteraves intervient généralement à la fin de l’automne. En raison des conditions souvent humides, le sol est alors particulièrement sensible aux contraintes mécaniques. C’est pourtant dans les cultures de betteraves sucrières que sont utilisées les machines les plus lourdes, laissant derrière elles une image d’horreur: un compactage irréversible du sol qui compromet la croissance des cultures suivantes pour de nombreuses années.
Alternatives à la culture de la betterave sucrière dangereuse pour l’environnement
Et si nous arrêtions de produire du sucre en Suisse? Une importation de sucre de betteraves de l’étranger ne serait guère plus écologique, mais serait plus de moitié moins chère que la matière première indigène.
Du point de vue écologique, seules deux solutions semblent meilleures: un remplacement par du sucre fair trade serait doublement avantageux car il est produit avec beaucoup moins d’engrais et de pesticides et est de plus bien meilleur marché. Une autre solution consisterait à ne verser des subventions qu’aux cultures raisonnablement écologiques pour la production de sucre indigène, ce qui est tout à fait possible (voir encadré 2). La superficie consacrée à la betterave sucrière pourrait être un peu réduite et la transformation rassemblée sur un seul site de production (au lieu de deux actuellement). Et la sécurité de l’approvisionnement serait ainsi toujours parfaitement assurée. Il est absurde d’empoisonner l’environnement avec les pesticides les plus toxiques et les plus problématiques en Suisse juste pour pouvoir mettre sur le marché du sucre suisse fortement subventionné. Le slogan de l’Initiative pour une eau potable propre "Nous subventionnons la pollution de notre propre eau potable" prend tout son sens concernant la culture de la betterave sucrière conventionnelle.
Bilan
La question de savoir s’il est logique de subventionner autant la culture de la betterave sucrière, a été soulevée à maintes reprises ces dernières années. D’autant plus que la Confédération mène en même temps des campagnes de prévention pour réduire la consommation de sucre.
Si l’État investit déjà 70 millions de francs par année dans une production indigène de sucre, alors la culture de betteraves doit au moins être quelque peu respectueuse de l’environnement. Toute autre approche est en nette contradiction avec l’art. 104 de la Constitution. Des betteraves sucrières sont aujourd’hui déjà cultivées selon les directives IP-Suisse et Bio et soutenues par diverses contributions de la Confédération. Ces méthodes de culture résolvent la plupart des problèmes environnementaux. Nous devons nous engager en faveur d’une production respectueuse de l’environnement sur l’ensemble du territoire – ou alors tirer un trait définitif sur la production de sucre suisse.
Encadré 1: Utilisation massive de pesticides dans la culture traditionnelle de la betterave sucrière
Les betteraves sucrières font partie des grandes cultures les plus productives en ce qui concerne la production de calories par hectare. Mais la culture est exigeante. Les jeunes plantes de betteraves sont peu compétitifs et donc vulnérables à l’envahissement par les adventices. Comme les feuilles de betteraves ne couvrent pas le sol pendant très longtemps, et que les jeunes plantes sont sensibles aux herbicides, il faut trois à six traitements dits «splits» contre les mauvaises herbes. Les pesticides sont pulvérisés directement sur le sol nu. Le risque de ruissellement est donc particulièrement grand. Outre la pression des mauvaises herbes, certaines espèces d’insectes, en particulier les larves de tipules, représentent un danger pour les jeunes plantes. C’est pour ça que des insecticides avec la substance active chlorpyrifos sont souvent appliqués sous forme de granulés tout de suite après le semis. La substance active chlorpyrifos n’est pas seulement très toxique avec des effets à long terme pour les organismes aquatiques, mais aussi pour l’homme, notamment pour le développement de l’enfant à naître dans l’utérus. Alors que l’utilisation d’insecticides qui contiennent du chlorpyrifos est déjà interdite en Allemagne depuis dix ans, ces produits sont encore autorisés en Suisse.
En plus des insecticides dangereux pour la santé humaine et animale, d’énormes quantités de fongicides sont aussi pulvérisés dans les cultures conventionnelles de la betterave sucrière. C’est ainsi que le pourridié des racines, les maladies du feuillage telles que la cercosporiose, la ramulariose, l’oïdium et la rouille sont traités avec des pesticides comme par ex. Amistar Xtra. Le produit contient des substances actives comme azoxystrobine et cyproconazole, qui ont un effet très nocif sur les organismes aquatiques et peuvent causer des dommages à vie aux enfants à naître. En revanche, aucun pesticide n’est utilisé dans la culture Bio des betteraves sucrières. Mais les rendements sont en conséquence plus faibles.
Encadré 2: Défis et solutions pour une culture durable de betteraves sucrières
Abandonner les pesticides dans la culture de la betterave sucrière, c’est un challenge. Le chemin du succès commence déjà avant le semis. Ainsi, le bon site, les propriétés du sol, une rotation culturale adaptée, ainsi que la sélection des variétés jouent une grand rôle pour un développement sain et une bonne capacité de résistance. Aujourd’hui, il existe déjà sur le marché des variétés très résistantes qui sont moins sensibles à la cercosporiose et également bien tolérantes à la rhizomanie.
Afin de renoncer à l’utilisation de pesticides pour une culture durable de la betterave sucrière, différentes mesures doivent être prises. En cas d’abandon des pesticides, un lit de semences propre est indispensable. Plus tard, les betteraves peuvent être «étrillées à l’aveugle» et hachées. Cependant, il manque à ce jour une technologie fiable avec laquelle les lignes peuvent aussi être hachées avec une machine. Le désherbage manuel prend encore beaucoup de temps (jusqu’à 200h par ha). Avec une rotation culturale adaptée en conséquence, par ex. pas de betteraves sucrières après la destruction de prairie, on peut maîtriser les larves de tipules. Ce qui permet de renoncer complètement à l’utilisation d’insecticides. Un autre problème redouté par de nombreux planteurs de betteraves, c’est l’infestation sur toute la surface de la cercosporiose. Cela peut être évité avec une récolte précoce. Cela réduit un peu le rendement, mais cela ménage aussi le sol qui est généralement plus praticable en début d’automne que lors de dates tardives de récoltes.
La production agricole durable de betteraves sucrières est possible et a été testée. Mais cela nécessite de repenser autant la culture que les subventions.
Chaque année, les agriculteurs reçoivent des millions d’aides à l’investissement de l’État. Pour recevoir ces contributions, les calculs de la capacité financière doivent être fournis aux offices cantonaux. Ces calculs ne tiennent cependant pas compte de la durabilité économique ou écologique. En raison de modèles de calculs obsolètes, les contributions fédérales sont versées aux exploitations agricoles qui ne sont pas rentables du tout.
Afin d’éviter de fausses incitations étatiques en matière de financement, les Verts Libéraux demande un renforcement des exigences pour les aides à l’investissement à travers une intervention parlementaire déposée par Kathrin Bertschy.
Le Danemark est considéré comme un pays modèle en matière de politique agricole. Par exemple, nulle part ailleurs les émissions d'azote ou l'utilisation de pesticides n'ont été réduites aussi fortement ces dernières années alors que la productivité est restée la même. Et pratiquement aucun autre pays ne poursuit des objectifs aussi ambitieux en matière de protection du climat dans l'agriculture. Vision Agriculture voulait savoir sur le terrain en quoi consistent ces succès.
Dänemark : la politique agricole au service des citoyens
(VA) Hautement professionnelle, spécialisée et taillée pour toujours plus d'efficacité et de protection de l'environnement dans un marché à peine protégé : c'est ainsi que peut se résumer la vision politique de l'agriculture du Danemark. Le premier après-midi du voyage de recherche, au cours d'une visite à l'immense institut de recherche agricole de Folum, nous apprenons comment les Danois font face à ce défi de manière ciblée.
Dans le cadre d'essais de grande envergure sur de vastes parcelles, la productivité et les effets environnementaux de différentes grandes cultures sont examinés, en particulier leur efficacité énergétique et les pertes d'azote. La productivité de loin la plus élevée, même supérieure à celle du maïs, avec des pertes d'azote nettement plus faibles et une meilleure efficacité énergétique, est obtenue par une prairie artificielle pérenne avec un peuplement de ray-grass hybride et de fétuque. Elle n'est fauchée que 3 fois par an, soit à peine la moitié de la fréquence d'une prairie intensive en Suisse.
Estomac artificiel de vache
Cette utilisation extensive des terres permet en effet d'économiser beaucoup d'énergie et d'argent tout en réduisant les dépressions de rendement qui se produisent dans les prairies après chaque coupe. "Cela maximise à la fois le rendement économique et le rendement de la biomasse ", explique le responsable de projet Sillebak Kristensen. Inconvénient : l'alimentation est difficile à digérer et donc peu adaptée aux vaches performantes, qui produisent en moyenne environ un quart de plus de lait par vache et par an qu'en Suisse.
Afin d'éliminer cet inconvénient, l'institut de recherche, en étroite collaboration avec des entreprises de construction de machines, a développé une sorte d'estomac de vache artificiel dans lequel le matériau vert est pratiquement pré-digéré. Sous haute pression, l'herbe est broyée et séparée en une fraction liquide et une fraction solide. Les protéines sont extrudées de la fraction liquide et la fraction solide est transformée en cubes d'alimentation à haute énergie. Bien que ces procédés techniques coûtent de l'argent et ne pourvoient pas complètement à leur propre financement, ils offrent des perspectives intéressantes. La protéine extrudée peut non seulement être utilisée comme alimentation locale de haute qualité pour la production laitière, mais sa composition le rend également adapté aux non-ruminants. Ce processus pourrait présenter un intérêt particulier pour la Suisse, car il pourrait remplacer dans les herbages une partie des importations de soja en augmentation constante pour les porcs et les poulets.
Des exigences environnementales élevées favorisent l'innovation
Cette approche d'optimisation rationnelle et techniquement orientée est caractéristique de l'approche adoptée dans l'agriculture et l'industrie alimentaire danoises. La coopération étroite et partiellement institutionnalisée entre la recherche publique, la vulgarisation semi-privée et les entreprises privées dans l'agro-industrie est également typique. De telles coopérations sont à l'origine de nombreuses innovations. Outre l’institut de recherche de Folum, un vaste parc d'innovations agricoles a été construit il y a 30 ans sur une prairie à l'extérieur d'Aarhus, où des sociétés de conseil et des entreprises privées du secteur agro-alimentaire travaillent en étroite collaboration sous un même toit.
Par exemple, le fabricant danois de machines agricoles Samson, spécialisé dans l'épandage efficace d’engrais de ferme, y est très présent. En raison de la réglementation extrêmement stricte concernant les pertes d'azote, les agriculteurs sont dépendants des techniques qui leur permettent d'atteindre ces objectifs en premier lieu. L'une des spécialités de Samson est la tonne à lisier, qui peut être utilisée pour incorporer les engrais de ferme dans le sol sans presque aucune perte. L'entreprise construit ses machines dans un nouveau bâtiment d'usine moderne près de Viborg. Les vastes bureaux très soignés rappellent davantage les banques ou les entreprises pharmaceutiques que les constructeurs de machines agricoles. Samson prospère et se développe. En raison de la forte demande au Danemark, l'entreprise est un leader mondial dans l'épandage efficace d’engrais de ferme et attend actuellement que d'autres pays de l'UE se conforment à sa réglementation et que la demande pour les produits Samson continue de croître.
Samson démontre ainsi comment des réglementations environnementales strictes stimulent l'innovation et aident les entreprises à atteindre une position de leader et améliorer leurs possibilités d’exportation dans le monde entier grâce à une technologie efficace. En revanche, les fabricants suisses de machines agricoles autrefois florissants, tels que Rapid et Bucher, ne sont plus que l'ombre de leur gloire d'antan. L'époque où les entreprises suisses jouaient un rôle de premier plan dans la mécanisation de l'agriculture de montagne est révolue depuis longtemps.
Approche politique en matière de pesticide
Le Danemark adopte une approche différente à l'égard des pesticides. Les innovations techniques en matière de pulvérisation étant déjà largement épuisées, le pays a opté pour un instrument politique dans ce domaine : des taxes d’incitation. Ce faisant, les coûts des pesticides ont tellement augmenté que les produits toxiques sont désormais utilisés avec beaucoup plus de retenue. Aujourd'hui, au Danemark, la pulvérisation n'est guère effectuée de manière préventive ou selon des plans de traitement fixes, mais seulement si elle est inévitable pour assurer le rendement. Étant donné que les produits plus toxiques sont taxés plus lourdement que les produits moins toxiques, une réduction sensible de la toxicité a également été obtenue, ce qui a encore réduit la pollution environnementale. Grâce à cette mesure relativement simple d'introduction d'une taxe incitative, l'utilisation des pesticides a pu être réduite de 40 % en quelques années seulement.
La Suisse ne peut qu'en rêver : le plan d'action fédéral des produits phytosanitaires, élaboré il y a trois ans, prévoit une cinquantaine de mesures impressionnantes. Toutefois, ces mesures visent à réduire l'utilisation des pesticides de seulement 12 %. Dans une étude commandée par la Confédération à l'ETH Zurich, l'approche danoise a été examinée en détail et décrite comme très efficace. Toutefois, la résistance tenace de l'Union suisse des paysans a jusqu'à présent empêché ne serait-ce que l’examen de l'introduction de taxes d’incitation en Suisse dans le plan d'action. L'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) préfère recourir à d'innombrables petites mesures peu efficaces, et repousse ainsi le problème tout en augmentant la charge administrative.
Agriculture et eau potable
Les pesticides et la lixiviation des nitrates sont également une question centrale dans l'agriculture danoise, car plus de 70 % des terres sont utilisées de manière intensive pour l'agriculture et, en même temps, pratiquement toute l'eau potable provient des sols agricoles. Pour les Danois, une utilisation durable des sols qui protège les eaux souterraines est donc vitale. Contrairement à la Suisse, où l'eau potable polluée peut être diluée assez longtemps par d'autres sources provenant de régions agricoles exploitées moins intensivement, le Danemark ne dispose pas de cette alternative. Cette condition préalable particulière du pays est au cœur de la politique agricole du Danemark, qui est axée de manière cohérente sur l'environnement.
La politique agricole comme politique citoyenne
Une autre différence fondamentale entre la Suisse et le Danemark concernant la politique agricole est évidente. Malgré une production intensive et une proportion de surface agricole utile beaucoup plus élevée qu'en Suisse, le lobby agricole a peu d'influence au Parlement. Le lien à l'agriculture est beaucoup plus faible chez les citoyens, dont près de 90% vivent dans les zones urbaines, qu'en Suisse. L'agriculture est considérée comme une industrie comme une autre. La politique agricole au Danemark est pragmatique etguère déterminée par les mythes qui dominent encore à ce jour dans les autres pays européens. Le marché agricole n'est donc pratiquement pas protégé et les contributions à la surface sont inférieurs à 10% de ceux de la Suisse. Il n’y a pas non plus lieu de craindre une exécution ciblée sur les objectifs qui repose sur un système de contrôle et de sanctions ingénieux et performant, contrairement à la Suisse qui montre de fortes lacunes d'exécution.
Important changement structurel
Comme tout succès, la politique agricole danoise, proche des citoyens, et le développement rapide de l'agriculture danoise vers une production plus respectueuse de l'environnement et plus efficace ont aussi leurs revers. Le changement structurel dans les exploitations agricoles danoises est beaucoup plus important qu'en Suisse. Sur un marché pratiquement non protégé, seules des exploitations agricoles de plusieurs centaines d'hectares, gérées avec professionnalisme, peuvent souvent survivre. Elles gagnent encore de l'argent aujourd'hui, mais l'agriculture à temps partiel est presque inexistante, et les diverses structures agricoles que nous connaissons en Suisse ont largement disparu.
Biodiversité : séparation plutôt qu’'intégration
Dans le domaine de la biodiversité aussi, le Danemark montre des insuffisances par rapport à la Suisse. En dehors des haies encore très répandues comme éléments paysagers, il n'y a pratiquement pas d'autres structures ni zones riches en espèces sur les terres agricoles. En effet, les programmes d'incitation correspondants font largement défaut. La politique de la biodiversité se concentre sur des zones protégées qui sont cependant généreusement dimensionnées. Celles-ci sont dans une large mesure séparées de l'agriculture productive, et les mesures qui y sont prises sont intransigeantes sur le plan de la biodiversité. Ainsi les émissions d'ammoniac qui peuvent détériorer les zones protégées, sont déterminées individuellement pour les exploitations agricoles aux alentours au moyen de limites d'émission et de distances strictes à respecter. En Suisse, par contre, les Critical Loads d'ammoniac sont dépassées presque partout. Il en résulte des dommages irréversibles à la biodiversité, même dans les réserves naturelles par ailleurs protégées. Malgré des programmes d'incitation coûteux sur une base volontaire, la situation ne s'est pas améliorée au cours des 20 dernières années, en violation du droit de l'environnement et des accords internationaux.
Échange prévu
La politique agricole suisse n'a pas besoin de réinventer la roue pour enfin résoudre les nombreux problèmes environnementaux qui se posent depuis des décennies. Elle peut apprendre beaucoup du Danemark. Vision Agriculture veut maintenant initier un tel échange. Des groupes de travail seront mis en place avec des spécialistes danois et les autorités intéressées afin de déterminer comment les programmes menés avec succès au Danemark peuvent être transférés dans notre pays. Le fait qu'un tel échange n'ait guère eu lieu jusqu'à présent est surprenant. "Nous avons beaucoup de visiteurs de nombreux pays d'Europe et d'Asie. En revanche, je ne me souviens pas de Suisses...", a déclaré en souriant Martin Hansen, responsable de la vulgarisation.
Exécution cohérente et sans failles : une caméra dans le réservoir qui peut être contrôlée directement par l'organisme de contrôle (devant le hangar moderne ouvert en bas à droite de l'image) documente si l'acide sulfurique prescrit pour la réduction de l'ammoniac est effectivement utilisé. Photo : Peter Maly
Encadré 1 : L'agriculture danoise en bref
2,7 millions d'hectares, soit 60 % de la superficie du Danemark, sont consacrés à l'agriculture. Cela signifie que le Danemark possède presque trois fois plus de terres agricoles (c'est-à-dire sans alpages) que la Suisse, mais un peu moins d’exploitations agricoles. En conséquence, la taille moyenne d'une exploitation agricole est plus de trois fois supérieure à celle de la Suisse.
90% des terres agricoles sont affectées aux grandes cultures, seules 200 000 ha sont des prairies et pâturages. Les sols sont essentiellement sablonneux, les précipitations sont plus faibles et la période de végétation plus courte qu'en Suisse.
La production agricole est essentiellement hautement spécialisée et orientée vers les domaines à forte valeur ajoutée et les exportations. Le Danemark est le plus grand producteur mondial de semences de graminées et l'un des plus grands producteurs de fourrures de visons. Les piliers économiques les plus importants sont la production laitière et porcine. Le budget agricole, qui doit être réduit dans les années à venir, s'élève actuellement à environ 1 milliard de francs suisses par an, contre 3,6 milliards en Suisse.
Encadré 2 : Comment les Danois ont maîtrisé les émissions d'azote d’origine agricole
Le Danemark a ouvert la voie en réduisant les pertes d'azote dans l'agriculture pour deux raisons. D'une part, l'UE a exercé une pression avec la directive sur les nitrates pour la protection des eaux ; d'autre part, son propre approvisionnement en eau potable a été de plus en plus menacé dans les années 1980 par des niveaux élevés de nitrates provenant de l'agriculture intensive. Le Danemark a donc mis en œuvre de nombreux programmes de réduction des nitrates.
Par exemple, l'épandage de lisier avec des déflecteurs est interdit depuis les années 1990. Depuis 2011, sauf exceptions (lisier acidifié et cultures arables sur pied), la rampe à pendillards n'est plus autorisée ; le lisier doit être incorporé dans le sol par des procédures d'injection. La couverture de toutes les installations servant à stocker le lisier ainsi que des aliments pour animaux optimisés en N et en P est généralement obligatoire. En hiver, les cultures intermédiaires sont obligatoires sur les terres assolées. Si le nombre requis de plantes par mètre carré n'est pas atteint, l'azote maximal autorisé pour l'épandage est réduit. Soit ce chiffre est réduit à 90% des chiffres économiquement optimaux, soit les drainages doivent être conduits sur de petits étangs/mini zones humides (70% des sols au Danemark sont drainés), où les copeaux de bois et les plantes absorbent le P et aussi une partie du N.
Une grande importance a également été accordée à la réduction des émissions d'ammoniac. L'acidification du lisier par l'acide sulfurique est une solution répandue afin de respecter les valeurs limites fixées. Cela réduit les émissions de plus de 50 %, mais permet de garder plus d'animaux à la ferme. La mesure est coûteuse et ne bénéficie pas d'un soutien de l’État.
Dans les régions où les émissions d'ammoniac sont excessives, le nombre d'animaux a également été réduit au niveau de chaque exploitation. La raison de ces mesures est la directive sur la biodiversité de l'UE. Elle oblige les pays à respecter les charges critiques (Critical Loads) pour l'ammoniac afin de protéger la biodiversité. Toutefois, l'objectif obligatoire n'a pas encore été pleinement atteint au Danemark. Au lieu de 2020, l'objectif doit maintenant être atteint d'ici 2022, faute de quoi des pénalités seront dues.
Enfin et surtout, la limitation de l'utilisation de l'azote au niveau des exploitations agricoles est un instrument important pour les Danois afin de prévenir les dommages environnementaux. L'apport maximal possible d'azote est calculé en fonction du "BAT level for the specific farm ". Contrairement au bilan de fumure, qui devrait assumer ce rôle en Suisse mais n’y arrive pas en raison de nombreuses lacunes, la solution danoise est largement étanche. Ainsi, ce sont toujours les Best Available Techniques (BAT) qui sont prises en compte dans le bilan. Seuls ceux qui utilisent réellement ces meilleures techniques disponibles ont suffisamment d'éléments nutritifs disponibles sur l’exploitation pour leurs cultures. Les agriculteurs ont donc tout intérêt à réduire leurs émissions.
Figure 1: Émissions et dépôts d'azote d'origine agricole au Danemark et dans l'UE. À titre de comparaison : en Suisse, les émissions ont pu être constamment réduites jusqu'en 1997 ; depuis lors, elles sont restées constantes bien au-dessus des valeurs cibles légales.
Figure 2: Efficacité de l'utilisation de l'azote dans l'agriculture danoise. À titre de comparaison : en Suisse, l'efficacité de l’azote en agriculture est passée de 22% en 1990 à 30% en 2005. Depuis lors, aucune autre amélioration n'a été réalisée.
C’est un rituel qui est devenu la norme en politique agricole: lorsqu’il s’agit de plus favoriser des exploitations économiquement durables qui fournissent d’importantes prestations en faveur du bien-être des animaux et de l’environnement, la politique met le frein. La célèbre journaliste Susanne Aigner explique pourquoi c’est le cas en Allemagne. L’industrie agricole, qui pèse des milliards, est étroitement liée aux associations d’agriculteurs, à la politique et aux services de l’État. Ils n’ont aucun intérêt à une agriculture plus respectueuse de l’environnement qui utilise moins d’intrants et moins de machines.
En Suisse, la situation est comparable. L’Union suisse des paysans travaille ainsi en étroite collaboration avec l’industrie des pesticides à combattre les initiatives contre les pesticides. Il est ironique que Markus Ritter, agriculteur bio, lutte en première ligne pour les intérêts de Syngenta&Co et pour une utilisation des pesticides si possible sans restriction.
Le Conseil fédéral a évalué les avis sur la PA22+. Environ 400 institutions y ont participé et plus de 3 000 prises de position individuelles ont été reçues - un phénomène nouveau.
Dans le rapport d'évaluation, le Conseil fédéral fait également part de ses intentions pour la suite de la démarche. Dans le domaine du marché et du droit du bail à ferme agricole, le Conseil fédéral a une fois de plus perdu son courage. La plupart des nouveautés visant à réduire le protectionnisme ont de nouveau été supprimées. Mais la pression de l’initiative pour une eau potable propre a fait effet. Contre toute attente, le paquet contient quelques améliorations importantes dans le domaine de l’environnement. Cependant pour l’heure, elles restent encore si vagues et si peu ambitieuses, qu’elles pourraient ne se révéler être qu’une duperie. Le Conseil fédéral ne veut présenter qu’en février 2020 dans un message détaillé comment les déficits environnementaux doivent être concrètement traités.
De fait, le rapport du Conseil fédéral publié aujourd’hui contient quelques améliorations par rapport aux propositions initiales. D’une part, la plupart des nouveautés particulièrement inachevées et fortement critiquées par Vision Agriculture ont disparu, comme par exemple le système de promotion de la biodiversité en deux parties et la suppression de la dégression des paiements directs pour les grosses exploitations.
D’autre part - contre le souhait du ministre de l’agriculture UDC - quelques améliorations dans le domaine de l’environnement sont apparues au programme. Elles sont manifestement une réaction à la grande pression politique exercée par l’initiative pour une eau potable propre. En particulier, les objectifs contraignants de réduction concernant le nitrate et le phosphore doivent être considérés comme un grand pas en avant. Si les objectifs ne sont pas atteints, le Conseil fédéral veut prendre des mesures: une évidence en soi, mais une première totalement inédite pour la politique agricole suisse. Les objectifs d’étape n’ont jusqu’à présent jamais été atteints. Et cela n’a jamais porté à conséquences. Les objectifs ont été soit abandonnés, soit reportés dans le message suivant.
Toutefois, tout reste ouvert quant à savoir à quoi vont ressembler les mesures annoncées pour garantir la réalisation des objectifs. C’est donc une énorme échappatoire qui est inclue et pourrait faire basculer l’intention louable en une simple duperie. Une autre critique majeure à l’égard des objectifs de réduction, est son manque total d’ambition. Avec les réductions d’émissions visées, on pourrait atteindre au mieux en 2070 une état des émissions d’azote conforme à la loi. C’est totalement inacceptable. Les objectifs environnementaux, et donc juste le respect du droit de l’environnement, doivent être atteints jusqu’en 2035 au plus tard. Le reste serait une parodie au vu des milliards des contribuables que la Confédération dépense pour une agriculture prétendument durable. Sur ce point, le Conseil fédéral doit apporter des améliorations massives.
En outre, la protection du climat a été nouvellement intégrée au domaine de l’environnement - une réaction aux nombreuses demandes provenant de la procédure de consultation, de Vision Agriculture également. Certaines améliorations sont envisagées aussi concernant les pesticides, mais sans aucune information concrète.
Pour l’Union suisse des paysans qui doit avaler un peu plus d’écologie au lieu de la diminution espérée, le Conseil fédéral semble avoir ajouté à la dernière minute une petite concession controversée. Il promet de créer une base juridique afin que la Confédération puisse participer financièrement aux primes d’assurance en cas d’événement météorologique extrême - une mesure qui introduira un nouvel élément d’incitation inopportune dans la politique agricole et qui coûtera de l’argent supplémentaire aux contribuables.
Conclusion: il n’est pas exclu que la PA22+ ne pose quelques jalons notables en direction d’une agriculture plus durable et qui porte moins atteinte à ses propres ressources, mais vu comment se déroulent actuellement les événements, cela reste précaire. Et même si les promesses sont tenues, la politique agricole est encore loin de respecter la législation en matière d'environnement. Quoi qu’il en soit, le besoin élémentaire d’amélioration est impératif.
Après des années de manquements de l’agriculture allemande en matière d’environnement, l’UE exige maintenant un durcissement sévère des pratiques de fertilisation, et notamment - une saisie électronique des flux d’éléments nutritifs sur l’ensemble du territoire électronique, - des apports d’engrais réduits sur les terrains en pente à partir d’une inclinaison de 5% déjà, et - des périodes de restriction rallongées pour l’épandage d’engrais dans les zones polluées. Si ces exigences ne sont pas respectées dans un délai assez court, des sanctions financières menacent. C’est ce que les politiciens allemands veulent éviter à tout prix. Politiciens et associations s’entendent maintenant soudainement sur des durcissements nécessaires.
L’agriculture et la politique agricole restent pour le moment loin derrière en Suisse par rapport aux exigences de l’UE. Ici ce n’est pas Bruxelles mais "le peuple" qui fait pression. Si l’Initiative pour une eau potable propre était acceptée, la Suisse devrait elle aussi nettement corriger ces lacunes qui durent depuis des décennies, et réduire la charge d’engrais excessive et illégale des eaux, des sols et des écosystèmes sensibles.
En savoir plus sur la situation en Allemagne dans agrarheute en allemand.
Facebook
Twitter
Whatsapp
FELIX SCHLÄPFER / ARTICLES SCIENTIFIQUES 16.8. 2019
La culture de la betterave sucrière pollue le sol et l’eau. Presqu’aucune grande culture ne traite aussi souvent avec des pesticides que celle des betteraves sucrières De plus, les cultures betteraves sucrières, avec celles de pommes de terre et de légumes, sont parmi les plus vulnérables à l’érosion en raison de leur faible couverture du sol. Enfin, les betteraves sont récoltées à la fin de l’automne avec des machines très lourdes (arracheuses à betteraves), ce qui cause régulièrement à de forts compactages du sol.
La production suisse de sucre peut certainement être justifiée pour des raisons de sécurité de l’approvisionnement. Mais la Confédération soutient des surfaces cultivées et des quantités de production qui vont bien au-delà de cet objectif, et qui entraîne des coûts inutiles et élevés - pour le contribuable, la filière industrielle su sucre et l’environnement.
Le Conseil national s'est opposé aujourd'hui aux deux initiatives sans contre-projet. Le président de l'Unions suisse des paysans, Markus Ritter, a ainsi pu mettre en œuvre son plan afin que la Confédération ne prenne aucune mesure supplémentaire pour résoudre les problèmes liés aux pesticides. Le facteur décisif a été le retrait du PLR.
«En luttant contre le contre-projet, l'Union suisse des paysans ne lutte pas pour la qualité de nos terres, pour la durabilité de nos sols, pour la pureté de nos ruisseaux et nos rivières, pour la biodiversité et l'environnement. L'USP lutte en vase clos pour préserver la haute main dans le rapport incestueux - monde agricole versus Confédération - qui perdure depuis trop longtemps : vouloir toucher le maximum de paiements directs sans avoir à rendre de compte sur le rapport entre agriculture et protection de l'environnement.» Tel est le message posté de son compte facebook par le conseiller national PLR Benoît Genecand, absent du Parlement car actuellement en chimiothérapie, avant le vote. >> Benoît Genecand appelle les élus à ne pas «plier le genou»
Suite au rejet des deux initiatives sans contre-projet, on a pu lire le commentaire suivant dans la NZZ: «La Suisse a un problème avec les pesticides, même le président de l'Union suisse des paysans l'admet. Néanmoins, il ne fait aucune concession - seulement des promesses pour l'avenir. Quelle belle vision qu ces agriculteurs qui tiendront leurs promesses. Malheureusement, quelles naïveté aussi.» >> vers le commentaire en allemand dans la NZZ: Seule Berne peut résoudre le problème des pesticides
Dans une interview accordée à la NZZ, André Olschewski, de la Société Suisse de l’Industrie du Gaz et des Eaux, explique où se situent les problèmes liés à l'utilisation actuelle des pesticides et pourquoi il est de plus en plus difficile d'obtenir une eau potable propre. >> Zum Interview mit André Olschewski
L’initiative pour une eau potable propre fait avancer une politique agricole qui est restée bloquée pendant des décennies. Les auteurs de l’initiative exigent de la Berne fédérale qu’elle tienne enfin ses promesses concernant une agriculture durable. L’agro-industrie et les organisations affiliées s’insurgent déjà de cette initiative et mettent à disposition un budget de plusieurs millions pour défendre leurs chiffres d’affaires avec de la désinformation. Leur stratégie actuelle consiste à présenter de manière erronée les exigences de l’initiative et à dénigrer cette initiative comme étant «radicale» et «contre-productive» alors qu’elle ne réclame que des conditions conformes à la loi et laisse suffisamment de place pour une mise en œuvre significative.
Le comité de l’initiative pour une eau potable propre a ainsi chargé Felix Schläpfer, détenteur d’une habilitation de chercheur en économie et membre du comité directeur de Vision Agriculture, de compiler les fondements et les faits de l’initiative pour une eau potable propre. Il montre que subventionner aussi des méthodes de production particulièrement nuisibles à l’environnement, auxquelles les organisations agricoles veulent s’accrocher, viole non seulement le droit environnemental, mais conduit aussi à un démantèlement économique.
L’étude de Felix Schläpfer montre que: • La politique agricole viole massivement et à large échelle depuis près de 20 ans le droit de l’environnement à l’encontre des objectifs. • L’initiative pour une eau potable propre ne réclame rien de plus que des mesures efficaces pour la mise en œuvre du droit en vigueur. • Comme le montre un avis juridique, l’initiative pour une eau potable propre peut être mise en œuvre de manière flexible et n’est en aucun cas extrême comme prétendu. Un texte d’initiative un peu moins clairement formulé n’aurait guère d’impact sur la politique agricole. • L’initiative peut être mise en œuvre de telle sorte que les effets soient positifs sur l’agriculture comme sur l’environnement. Les revenus agricoles devraient même augmenter, comme le suggèrent les résultats d’une nouvelle étude de la station de recherches agronomiques Agroscope. • L’initiative renforce l’agriculture suisse car sans amélioration des prestations écologiques, les écarts de prix par rapport aux pays étrangers ne pourront pas être maintenus et justifiés à long terme. Une agriculture et une politique agricole qui détruisent l’environnement, et donc sa propre base de production, n’ont aucun avenir hormis une opportunité de marché.
La politique agricole officielle promet une agriculture durable depuis 20 ans. Elle n’a pas tenu sa promesse jusqu’ici. Au contraire, une grande partie de l’argent investi affaiblit la production durable. Une étude récemment publiée par Agroscope montre qu’un OUI à l’initiative pour une eau potable propre (IEPP) obligerait la Confédération à utiliser enfin l’argent des contribuables de manière cohérente pour une agriculture durable.
La station de recherches agronomiques Agroscope a examiné les conséquences possibles de l’initiative pour une eau potable propre (IEPP) sur l’agriculture au moyen de modèles de calculs détaillés. Différents scenarii ont été défini, chacun avec une mise en œuvre différente du texte de l’initiative. 15 des 18 scenarii ne sont pas réalistes et ont été majoritairement pris en compte dans l’étude sous la pression de l’Union suisse des paysans. Ils interprètent le texte de l’initiative de manière beaucoup plus restrictive que les auteurs de l’initiative eux-mêmes. Une telle interprétation du texte de l’initiative n’est donc en aucun cas réaliste et elle restreindrait l’agriculture bien plus fortement que nécessaire.
Peu de scenarii sont réalistes
Seuls 3 scenarii (Nr. 3, 6 et 9) correspondent à une interprétation réaliste du texte de l’initiative. C’est ce que montre Vision Agriculture dans son évaluation publiée dans le rapport d’Agroscope. Selon ces scenarii, la plus grande partie des terres agricoles de Suisse seraient exploitées à l’avenir sans pesticides après adoption de l’initiative. Les dépassements fréquents des valeurs limites de pesticides dans les captages d’eau potable et dans les eaux de surface qui sont constatés en Suisse depuis tant d’années sur presque l’ensemble des régions de grandes cultures sans amélioration, pourraient enfin appartenir au passé.
Il en va de même pour les émissions provenant de la détention d’animaux, en particulier de l’ammoniac. Ces émissions ont dépassé de plusieurs fois les valeurs limites légales dans la plupart des régions ces dernières décennies. D’après les résultats de la modélisation, l’IEPP entraîne une diminution modérée des effectifs d’animaux ainsi que des émissions – un résultat que la politique agricole n’a pas atteint jusqu’ici malgré les centaines de millions de francs des contribuables dépensés. L’IEPP devrait ainsi poser efficacement les jalons d’une agriculture enfin conforme à la législation suisse en matière de protection de l’environnement et des eaux.
Hausse du revenu agricole
D’après les calculs du modèle, les impacts économiques attendus sont particulièrement réjouissants du point de vue agricole. Si le scénario Nr. 6, le plus réaliste des trois scenarii mentionnés (évolution moyenne des prix) est retenu comme référence, le revenu augmente de 12% pour les exploitations qui maintiennent les Prestations écologiques requises PER; avec le scénario Nr. 9 qui se base sur une évolution des prix plus favorable, l’augmentation s’élèverait même à 32%. Même les exploitations qui arrêtent les PER et renoncent aux paiements directs (environ 11%), gagnent en moyenne 2% de plus car ils sont en mesure de compenser la perte des paiements directs par des rendements bruts plus élevés.
En ce qui concerne la production et l’utilisation des terres, les résultats du modèle montrent une hausse des terres ouvertes; le recul des surfaces de betteraves sucrières, d’oléagineux ainsi que des vignes, des fruits et des baies, est compensé par une augmentation des céréales et des légumes. Cela montre bien que les défis d’une adaptation essentielle aux exigences de l’IEPP pour différentes directions de production, s’inscrivent généralement dans une cadre réalisable, mais qu’ils sont d’importances diverses. Des programmes de soutien et d’ajustement appropriés doivent être mis en place pour une phase de transition de 8 ans pour les types de production particulièrement touchés. Les capacités de production et de transformation nécessaires à la sécurité de l’approvisionnement doivent continuer à être garanties comme aujourd’hui avec des contributions pour certaines cultures comme les oléagineux.
Quasiment aucun recul de la production
Malheureusement, l’étude ne fournit pas le taux net d'autoapprovisionnement pertinent (qui tient compte des importations de fourrages pour animaux). D’après un calcul ultérieur de Vision Agriculture, son recul devrait être nettement inférieur à 10%. Ce qui veut dire qu’un peu plus de produits agricoles devraient être importés, mais dans une mesure limitée même en appliquant l’initiative de manière plus restrictive. Si l’on considère les progrès techniques et de sélection dans la production sans pesticides, dont l’étude ne tient pas compte, les importations supplémentaires ne sont presque plus nécessaires.
Conclusion En partant du principe que le Parlement utilisera la marge de manœuvre du texte de l’initiative pour mettre en œuvre l’initiative aussi efficacement que possible en ce qui concerne l’environnement et la rentabilité, les effets devraient être encore nettement plus positifs que dans les seuls scenarii réalistes Nr. 3, 6 et 9 d’Agroscope. L’IEPP représente donc clairement une chance pour une agriculture suisse plus durable et en même temps plus rentable. Elle permet à la politique agricole de se développer dans une direction qui correspond exactement à ses objectifs officiels qui n’ont de loin pas été atteints depuis 20 ans.
Un avis juridique publié aujourd’hui est explosif: il montre que le texte constitutionnel de l’initiative pour une eau potable propre (IEPP) laisse une grande marge de manœuvre au Parlement pour la mise en œuvre. Elle peut être utilisée pour des solutions pratiques et sensées. L’expertise arrive en même temps à la conclusion que le Conseil fédéral a adopté une position tendancieuse et erronée dans son message sur l’initiative, au détriment de l’IEPP. La Haute école des sciences agronomiques HAFL en rajoute encore et calcule les possibles impacts de l’initiative sur la base d’informations erronées du Conseil fédéral – pour le compte de l’Union suisse des paysans dans sa campagne contre l’IEPP. Un exemple frappant de ce qui se passe entre l’industrie agricole, les autorités fédérales et la science.
Avec son message sur l’initiative pour une eau potable propre, le Conseil fédéral a provoqué en décembre dernier un sacré embarras. Le texte de l’initiative a été interprété de manière si partiale que même les auteurs de l’initiative observent que cela allait beaucoup plus loin que leurs propres attentes. Derrière cette interprétation rigide se cache naturellement un calcul. Le Conseil fédéral est ainsi parvenu à la conclusion que „l’initiative aurait des conséquences considérables et néfastes pour l’agriculture suisse et la sécurité alimentaire“, et qu’elle devrait donc être absolument rejetée. Vision Agriculture avait alors qualifié le message du Conseil fédéral de propos alarmistes déconnectés de la réalité.
Le Conseil fédéral induit les électeurs en erreur
Désormais, un avis juridique arrive à la conclusion que dans son message, le conseil fédéral a interprété le texte de l’initiative IEPP non seulement de manière tendancieuse, mais aussi trop rigide et irrecevable du point de vue juridique. D’après les analyses juridiques détaillées, le texte de l’initiative laisse au Parlement une importante latitude dans la mise en œuvre. Elle peut être en principe utilisée de manière à ce que les effets négatifs sur l’agriculture puissent être évités.
Cette expertise commandée conjointement par l’Association suisse des professionnels de la protection des eaux (VSA) et la Fédération Suisse de Pêche (FSP), est rendue encore plus explosive suite à un arrêt récent du Tribunal fédéral. Le 10 avril, il a accusé le Conseil fédéral de désinformation si grave avant la votation concernant l’initiative sur la pénalisation du mariage, que pour la première fois une votation populaire devra probablement être répétée. Dans le cas de l’IEPP aussi, les fausses informations du Conseil fédéral devraient préoccuper le public et peut-être aussi occuper les tribunaux dans les mois à venir.
Une Haute école s’égare dans les bas-fonds de la politique
Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Au contraire, la désinformation du Conseil fédéral à propos de l’IEPP a déjà d’autres répercussions. La Haute école des sciences agronomiques HAFL publie également aujourd’hui une étude qui se base sur les hypothèses tendancieuses du Conseil fédéral sans esprit critique et en toute connaissance de cause, et devient ainsi une déclaration scientifiquement indéfendable – à nouveau au détriment de l’IEPP.
À savoir: l’étude a été commanditée par l’Union suisse des paysans dans le cadre de sa campagne de plusieurs millions contre l’initiative pour une eau potable propre. Plus encore: l’Union suisse des paysans a elle-même contribué au contenu de l’étude. C’est l’Union suisse des paysans qui a sélectionné les exploitations agricoles sur lesquelles calculer les impacts de l’initiative. Il s’agit d’exploitations dont la production est plus intensive que la moyenne, qui fournissent moins de services environnementaux que la moyenne, et qui seraient donc beaucoup plus touchées par l’initiative que les exploitations moyennes.
Manifestement, le HAFL n’était pas tout à fait à l’aise avec ce choix d’exploitations. „Il est important de préciser que les exploitations sélectionnées ne sont pas représentatives de l’agriculture suisse. Par conséquent, les résultats ne peuvent en aucun cas être généralisés“, écrivent les auteur(e)s dans l’introduction.
La HAFL s’interroge ainsi elle-même sur la pertinence de son étude. Elle a néanmoins publié l’étude, et des conclusions d’une portée considérable sont quand même tirées – bien sûr dans l’esprit du commanditaire qu’est l’Union suisse des paysans.
Hormis le choix tendancieux des exploitations analysées et l’interprétation restrictive juridiquement intenable, l’étude du HAFL présente d’autres faiblesses graves. Les données économiques chiffrées n’ont pas été calculées correctement et les pertes de rendement possibles ont été fixées bien trop haut (voir encadré 1 en allemand). Il est frappant de constater que toutes les erreurs vont dans le même sens: elles présentent des impacts sur l’agriculture aussi négatifs que possible qui résulteraient de l’initiative
Toutefois, certaines conclusions de l’étude – déjà largement connues – ne sont pas touchées par les hypothèses et les calculs erronés. L’IEPP constitue un défi particulier pour les exploitations particulièrement intensives avec des grandes cultures et des cultures spéciales, ainsi que pour celles qui achètent beaucoup d’aliments pour animaux (voir encadré 2 en allemand). Cet effet correspond justement à l’intention des auteurs de l’initiative, à savoir ne plus subventionner les formes d’exploitations qui nuisent à l’environnement avec des fonds publics, mais à la place mieux soutenir celles qui exploitent à un niveau adapté au site.
Moralité de l'histoire
Pourquoi une Haute école de renom s’est laissée entraîner dans les bas-fonds de la politique sous la coupe de l’Union suisse des paysans avec une étude aussi discutable, cela reste un mystère. Les opposants à l’IEPP ont visiblement un tel respect pour l’initiative qu’ils ne croient pas pouvoir venir à bout de l’initiative avec des moyens justes et objectifs. Le Conseil fédéral comme la Haute école prennent un risque énorme avec les informations fallacieuses qu’ils diffusent, et ils mettent en danger leur atout le plus important: leur crédibilité.
Par ailleurs, la Haute école a rejeté une demande de Vision Agriculture au HAFL de compléter l’étude avec des hypothèses réajustées et réalistes ainsi qu’une sélection représentative d’exploitations.
Fin février, le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a publié cinq études réalisées sur mandat, sur le thème des étapes en amont et en aval de la création de valeur de l’agriculture. Ce que les études ne considèrent pas, c’est le parallèle des résultats par rapport à la politique agricole actuelle et d’autres études. Le dernier numéro de la revue du SECO «La Vie Économique» avec pour thème principal «L’avenir de l’agriculture» ne comble pas non plus cette lacune. Les résultats sont interprétés en conséquence par exemple dans le Bauernzeitung en fonction de ses propres intérêts.
Vision Agriculture a examiné les études du SECO à la loupe. Voici les résultats les plus importants de la politique agricole et le commentaire du point de vue de Vision Agriculture (ce dernier en caractères gras):
1) Les secteurs en amont et en aval profitent aussi du niveau élevé du soutien à l’agriculture. Cela veut surtout dire que l’agriculture pourrait être soutenue de manière plus ciblée.
2) Les effets de la puissance du marché des secteurs en amont et en aval sur les prix et les marges sont difficilement décelables. En revanche, les associations de producteurs peuvent largement fixer les quantités et les prix grâce à leur situation de monopole, tant que la production ne dépasse pas la consommation intérieure.
3) Pour les produits à haute transformation, la part de l’agriculture dans la différence des prix avec les pays étrangers est (logiquement) insignifiante. Ce qui n’est pas mentionné: Pour les produits examinés pain, yogourt et jambon cru, la part des prix aux producteurs dans le prix au consommateur en Suisse est nettement plus élevée en Suisse que dans les pays voisins.
4) Les prestations préalables que les agriculteurs achètent pour la production, comme les aliments pour animaux et les engrais, sont 20% plus chères que dans les pays voisins. Or les prix suisses à la production sont en moyenne environ 50% plus élevés qu’à l’étranger. La thèse formulée dans le Bauernzeitung d’une «agriculture entre le marteau et l’enclume» est donc bien exagérée. D’autant plus que les paiements directs en Suisse sont cinq fois plus hauts que dans les pays qui nous entourent.
5) Le fort soutien augmente la demande en intrants (tels qu’engrais et aliments pour animaux) et conduit donc à une production agricole plus intensive. Cela nuit aussi dans une large mesure à l’environnement.
6) La valeur ajoutée dans l’agriculture suisse est aussi élevée que dans les pays voisins. Cela néglige le fait que la protection à la frontière en vigueur pour les produits agricoles fausse les prix dans le pays. Si l’on en tient compte, la valeur ajoutée de l’agriculture suisse est nettement inférieure à celle des pays voisins.
En résumé: la valeur ajoutée de l’agriculture suisse est faible et bien inférieure à ce que l’on suppose généralement. Mais cela n’est pas dû aux marges élevées dans les secteurs en amont et en aval ou à des prix excessifs pour les intrants. La raison en est plutôt la production bien trop coûteuse, y compris les grandes quantités d’intrants achetés et utilisés aussi de manière inefficiente (par ex. aliments concentrés pour la production laitière).
D’importantes études sur le sujet n’ont pas été incluses: ainsi par exemple une étude mandatée par l’Office fédéral de l’agriculture OFAG fin 2017 a estimé que les trois quarts des 3,3 milliards de francs de soutien au marché ne bénéficient pas à l’agriculture, mais aux secteurs en amont et en aval. Cette étude, probablement la plus importante sur le sujet, n’est même pas mentionnée dans l’article de synthèse du dernier numéro de la revue du SECO «La Vie Économique» qui tourne autour de «L’avenir de l’agriculture», ni dans les autres articles.
Des informations sur le contenu et des commentaires sur les différentes études sont compilés ici dans un document en allemand de Vision Agriculture.
Jusqu’à présent, l’impact de la politique agricole était mesuré avec des indicateurs qui voilaient plus qu’ils ne clarifiaient. Ce manque de transparence est une condition préalable décisive pour que le Parlement puisse axer la politique agricole en grande partie sur les intérêts de l’industrie proche de l’agriculture, plutôt que sur les objectifs fixés par la loi. Pour remédier à cette situation, Vision Agriculture a publié, en collaboration avec d’autres organisations, 21 indicateurs. Ils donnent pour la première fois un aperçu général de la réalisation des objectifs de la politique agricole en se basant sur les bases légales. Ils montrent que seuls 2 des 21 objectifs sont atteints. Cela concerne non seulement tous les objectifs environnementaux importants, mais aussi les objectifs économiques et sociaux qui ne sont pas atteints, souvent largement. Dans le même temps, les ressources les plus importantes sont utilisées pour des objectifs qui ont déjà été plus qu’atteints.
(VA) Depuis vingt ans, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) publie une série de données chiffrées, des indicateurs, afin d’évaluer la réalisation des objectifs de la politique agricole et d’identifier les mesures supplémentaires nécessaires.
Toutefois, les indicateurs utilisés jusqu’à présent sont trop peu clairement axés sur les objectifs légaux, et donc peu pertinents. Par exemple, la sécurité de l’approvisionnement en cas de crise est mesurée par rapport à la quantité de calories produites aujourd’hui, sans rapport avec le besoin en différentes denrées alimentaires et indépendamment de savoir si les conditions pour la production seraient aussi disponibles avec une crise des importations. Pour certains objectifs importants de la politique agricole, tels que la réalisation d’un objectif en matière de revenu selon la Loi sur l’agriculture (Art. 5 LAgr) ou la compétitivité, aucun indicateur n’a été publié à ce jour.
Vision Agriculture désapprouve depuis longtemps les indicateurs de la Confédération considérés comme inadaptés, et a soumis à l’OFAG des analyses et des propositions pour de nouveaux indicateurs l’an dernier. Les propositions, ainsi qu’une interpellation au Parlement, ont sans doute contribué à ce que l’OFAG propose de nouveaux indicateurs dans la consultation sur la PA22+. Mais ils ne sont pas meilleurs que les anciens. Il manque des thèmes importants, la référence aux objectifs reste très vague, et les valeurs des indicateurs ne sont pas comparées aux valeurs cibles légales. De plus, les indicateurs sont difficilement identifiables sur la base du cadre législatif (Art. 185 LAgr et ordonnance sur la durabilité).
Nouveaux indicateurs
Vision Agriculture, en collaboration avec d’autres organisations, a donc développé un nouvel ensemble de 21 indicateurs. Ces 21 indicateurs englobent 10 domaines cibles: 7 indicateurs sont associés aux domaines social / économie / approvisionnement, 7 aux domaines environnementaux sol, air et eau / eau souterraine, 3 au domaine biodiversité, 2 au domaine paysage et 2 au domaine du bien-être des animaux.
Les indicateurs ont été définis sur la base de principes clairs et de nombreuses discussions avec des experts. Ils doivent donner un aperçu général sur la réalisation de la politique agricole dans tous les domaines cibles importants, allant de l’économie au bien-être animal, sur la base de chiffres disponibles actuellement. Les valeurs cibles ont ainsi été calculées aussi directement que possible à partir des bases légales.
Les indicateurs montrent (voir la fig. 1 en français pour les détails, disponible également en italien) que: 1. Seuls 2 des 21 objectifs ont été atteints. Sont souvent loin d’être atteints non seulement tous les objectifs environnementaux, mais aussi les objectifs économiques et bien d’autres. 2. Les objectifs atteints ou dépassés sont la contribution à la sécurité de l’approvisionnement en cas de crise et le revenu cible conformément à la loi sur l’agriculture (Art. 5 LAgr). 3. Précisément, c’est pour les objectifs déjà plus qu’atteints que les moyens les plus importants sont injectés – par exemple les paiements directs pour la sécurité de l’approvisionnement et des (autres) formes de soutiens au revenu forfaitaires. 4. Seule une fraction de l’argent (environ 1,5 milliard de francs) est utilisée pour les prestations d’intérêt général de l’agriculture, qui servent de justification au soutien total de 7 milliards de francs. 5. Seule une fraction qui n’est pas liée à des prestations, donc à un soutien à motivation sociale, bénéficie aux exploitations qui ont particulièrement besoin de ce type de soutien.
Ces résultats signifient que les moyens de la politique agricole sont utilisés d’une manière tout sauf ciblée.
Système d’immobilisme
Le manque de transparence sur l’utilisation des moyens et l’effet des mesures, a un système dans la politique agricole. Le Conseil fédéral et l’administration facilitent ainsi le guidage de l’argent des contribuables vers l’agro-industrie par le Parlement, encore et toujours sans prendre en compte les intérêts des consommateurs-trices et des contribuables.
Avec le manque de transparence actuel, les contribuables et les consommateurs-trices restent dans l’ignorance quant à l’impact des 5 milliards d’argent public – ou dans la croyance, diffusée par l’Union suisse des paysans, qu’une orientation plus forte du soutien vers une production respectueuse de l’environnement menacerait l’existence des agriculteurs et l’agriculture suisse. Tant que la population y croit, elle est prête à s’arranger avec les coûts élevés et les dommages environnementaux.
Si les 5 milliards étaient utilisés de manière ciblée, les 21 objectifs de la politique agricole pourraient être atteints en quelques années, comme l’ont déjà montré en 2010 des modèles de calcul dans le Livre Blanc de Vision Agriculture. Au lieu de cela, le soutien est versé jusqu’à ce jour principalement aux producteurs d’aliments pour animaux, à de puissants groupes commerciaux et aux industries comme Fenaco, qui est représenté au Conseil fédéral par deux anciens membres du conseil d’administration.
Les fonds publics favorisent ainsi une agriculture suisse industrielle et basée sur les importations, qui surfertilise les eaux, continue de réduire encore la diversité des espèces, et dévalue le paysage suisse avec des poulaillers et des serres - tout en incitant de nombreuses exploitations à faire des investissements peu judicieux des points de vue macro-économique et souvent aussi opérationnel.
Soutien à la transparence
Vision Agriculture demande à la Confédération de faire preuve de transparence avec ses propres indicateurs concernant l’utilisation et l’impact de l’ensemble des 7 milliards de francs. Il faut en particulier rendre transparent les effets des 5 milliards de francs de soutien forfaitaire. Les bases pour cela sont déjà en grande partie disponibles à la station fédérale de recherche Agroscope, mais elles doivent cependant être préparées de manière compréhensible.
Il faut également réallouer les soutiens qui ne sont pas axés sur les objectifs, à des contributions ciblées, ou alors les éliminer. Une évaluation des besoins serait donc appropriée pour les soutiens qui ne sont pas liés à des prestations (c’est-à-dire à motivation politico-sociale). Les demandeurs devraient être tenus de prouver (a) qu’ils gèrent leur exploitation selon des critères économiques, (b) qu’ils contribuent à la réalisation des objectifs environnementaux et (c) qu’ils ne dépassent pas un certain revenu du travail. Cela empêcherait le soutien au revenu d’être versé à une production coûteuse et dommageable pour l’environnement, qui va à l’encontre des objectifs de la Constitution et des lois.
PA22+: beaucoup d’effort, peu d’impact
Avec la politique agricole 2022, dont la consultation vient de se terminer, la Confédération a laissé entrevoir une utilisation plus efficiente des fonds fédéraux. Pourtant, les propositions sont loin de dépeindre des objectifs clairs, des indicateurs transparents et des mesures efficaces. Les nombreux petits ajustements au niveau des lois et des ordonnances impliquent beaucoup de travail administratif, mais ils ne changent pas grand-chose aux milliards d’argent public déversés dans l’agro-industrie.
Vision Agriculture demande à la Confédération de revoir et de corriger la réforme agricole 2022+ en profondeur et de commencer enfin à s’attaquer aux problèmes connus avec des mesures qui sont déjà connues de longue date (voir Consultation en allemand).
Vision Agriculture a exprimé des positions détaillées sur la PA22+, la politique agricole qui doit être introduite dès 2022. Les propositions de la Confédération n’offrent aucune réponse aux lacunes toujours présentes depuis 20 ans. Les paiements forfaitaires néfastes, qui se chiffrent en milliards, sont rebaptisés pour berner l’OMC, mais devraient continuer à couler à flots dans les mêmes proportions. La Confédération va poursuivre avec une politique de petits pas. Les adaptations entraîneront à tous les niveaux beaucoup d’efforts administratifs mais guère d’amélioration en fin de compte. Beaucoup de ces adaptations sont d’ailleurs encore mal élaborés. VA demande l’interruption de cet exercice, à l’exception de quelques très rares propositions.
Le Conseil fédéral rejette l’Initiative pour une eau potable propre au motif que les mesures déjà prises seraient suffisantes pour combler les lacunes environnementales de l’agriculture suisse. "Les autorités n’ont aucun contrôle sur les problèmes que l’agriculture causent à l’environnement", écrit le magazine Saldo, qui établit une longue liste de problèmes non résolus depuis des années. "Selon un rapport de l’Office fédéral de l’environnement, la politique agricole n’a atteint aucun des objectif environnementaux légaux". Malgré les dépenses record pour l’agriculture, la politique agricole n’est même pas en mesure de garantir le respect des lois sur l’environnement.
Les propositions que le Conseil fédéral a rendues publiques dans le document de consultation sur la politique agricole 2022+, n’y changeront rien. L’analyse de Vision Agriculture s’ajoute à ce constat désenchanté. Seule l’acceptation de l’Initiative pour une eau potable propre pourrait enfin faire avancer la politique agricole suisse en introduisant les réformes nécessaires. Les premières analyses sur les effets montrent que ce n’est pas seulement l’environnement qui en profiterait, mais également le revenu des agriculteurs, car la qualité des produits augmente et que les coûts de production diminuent en partie.
La consultation sur la Politique agricole 2022+ est en cours depuis mi-novembre et agite les esprits dans les milieux agricoles. "Le moment est venu d’en discuter", a déclaré Marc Peter, de l’association paysanne zurichoise Zürcher Bauernverband, lors de l’ouverture du traditionnel congrès de Wülflingen. Devant une salle comble, Bernhard Belk de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), Roger Wehrli d’Economiesuisse et Andreas Bosshard de Vision Agriculture (VA) ont présenté leurs conceptions sur le développement de la politique agricole. VA a souligné les graves lacunes de la politique actuelle, et a demandé à l’OFAG de proposer enfin des solutions pour résoudre les problèmes reconnus de tous dans un délai raisonnable.
La politique agricole a connu un boom en 2018. Pas moins de cinq textes liés à l’agriculture ont été soumis au référendum – depuis les années 1990 il n’y en avait jamais eu autant. 2018 a également été l’année où la Confédération a présenté avec l’AP22+ sa vision tant attendue pour la poursuite de la politique agricole. Toutes ces activités n’ont mis en évidence qu’une seule chose: l’immobilisme. L’initiative pour une eau potable propre, qui a été déposée en janvier de cette année, a provoqué en revanche quelques remous.
(VA) Cela faisait longtemps que la Suisse n’avait pas autant discuté d’agriculture et de politique agricole. Cinq projets agricoles, sur lesquels la population a dû se prononcer, ont fourni matière à discussion tout au long de l’année 2018.
À part générer des frais, rien à signaler pourrait résumer le bref bilan. Tous les textes agricoles ont été rejetés à une exception près. Cette acceptation a été d’autant plus forte pour l’initiative pour la sécurité alimentaire, un contre-projet élaboré par la Confédération face au texte de l’Union suisse des paysans, qui a retiré son projet en voyant qu’il n’avait aucune chance. Le texte a été accepté avec un résultat record de près de 80%.
La raison de ce succès est aussi simple que modeste: le texte laissait une interprétation très ouverte, qui a été assidûment utilisée. Les organisations environnementales y voyaient un modèle écologique, les associations économiques une occasion de réduire la protection aux frontières, tandis que l’Union suisse des paysans en espérait en revanche un renforcement de la production nationale, une restriction de l’écologie et une sauvegarde de la protection aux frontières. Aucune grande organisation ne s’est lancée dans la course contre ce texte. Également parce qu’il ne visait aucune modification explicite au niveau des lois. Un jeu démocratique inutile dans lequel les électeurs ont étonnamment joué avec passivité.
Le Conseil fédéral a achevé ce jeu inutile en novembre 2018 en présentant sa vision du futur développement de la politique agricole, qui a été élaborée ces deux dernières années: un dossier costaud de 160 pages, difficile à lire, avec de nombreuses répétitions, et quasiment dépourvu de vision. Les problèmes sont abordés et la nécessité d’agir est bien reconnue, mais le courage d’agir fait défaut. Une fois de plus, l’immobilisme est masqué par le tumulte habituel de rapports sans fin et de nombreux petits changements, qui permettront à l’administration de continuer ces prochaines années sans faire de mal à quiconque.
Immobilisme sous contrôle
Pourtant l’absence de bilan de la politique agricole suisse est grotesque au vu des milliards investis provenant de nos impôts. La Suisse s’est dotée d’un système agricole qui coûte 5 à 10 fois plus cher que dans les pays étrangers voisins. La justification de ces dépenses tient avant tout dans le soutien à une agriculture suisse durable. Pourtant la politique agricole n’a pas atteint un seul des objectifs environnementaux juridiquement contraignants ces 20 dernières années. Dans les domaines importants comme la biodiversité, l’efficience énergétique ou les émissions, la Suisse se classe parmi les pires pays d’Europe. Économiquement aussi il s’agit d’un désastre. Poussée par de fausses incitations de l’État, l’exploitation agricole suisse moyenne ne gagne aujourd’hui plus un seul centime de sa production trop chère et souvent bien trop intensive. Une grande partie de l’argent ne reste pas dans les mains des agriculteurs, mais atterri dans les secteurs en amont et en aval, qui gagnent des milliards grâce au système agricole suisse, et qui continuent d’augmenter chaque année.
Le document soumis à la consultation sur la réforme agricole 2022+ et publié il y a quelques semaines, contrairement à ce qu’avait promis le Conseil fédéral, n’apporte aucune réponse satisfaisante à la question de savoir comment remédier aux problèmes.
Mouvements de la base
Un petit groupe externe à l’establishment de la politique agricole a créé un véritable événement. En janvier dernier, l’association „Une eau propre pour tous“ a déposé l’initiative populaire „Pour une eau potable propre et une alimentation saine – Pas de subventions pour l’utilisation de pesticides et l’utilisation d’antibiotiques à titre prophylactique“ après une collecte éclair de signatures. Presqu’aucune initiative n’a déclenché autant d’écho dans les médias à un stade aussi précoce que celle sur l’eau potable propre. Elle a suscité bien des inquiétudes au sein des milieux paysans. Des débats ont été organisés, une série ininterrompue de lettres ont rempli pendant des mois les colonnes des lecteurs de journaux paysans, et tout soudain ont eu lieu d’intenses discussions dans les milieux paysans autour des problèmes des pesticides, des préoccupations environnementales ou de la protection des eaux.
Non sans raison. L’initiative devrait être capable de changer fondamentalement la politique agricole et lui donner l’impulsion que la politique agricole officielle bloque depuis 20 ans avec moults efforts et actions fumeuses.
Étant donné l’absence de perspectives et solutions de la politique de la Confédération, l’initiative pour une eau potable propre est porteuse d’espoir pour de nombreuses organisations. Actuellement, plusieurs études sont en cours pour évaluer l’impact d’une acceptation de l’initiative sur l’agriculture. Les premiers résultats montrent qu’une mise en œuvre pragmatique du texte de l’initiative pourrait résoudre quelques-unes des plus importantes lacunes de la politique agricole de manière raisonnable et sans nuire à l’agriculture, en particulier dans les domaines de la qualité de l’eau, de la biodiversité, des pesticides, de l’élevage et des antibiotiques. On doit se défaire de l’idée que le prix des denrées alimentaires augmenterait, entre autres car les coûts de production peuvent être considérablement réduits en même temps que la pollution de l’environnement. La sécurité alimentaire peut même être améliorée avec des sols et des eaux moins pollués.
L'histoire se répète?
Le flot d’initiatives populaires liées à l’agriculture et l’incapacité d’agir de la politique officielle rappellent les années 1990. Aujourd’hui comme autrefois, un mécontentement diffus se fait sentir dans la population concernant le système agricole, qui coûte bien trop cher et provoque dans le même temps d’énormes dommages collatéraux. Aujourd’hui comme autrefois, les profiteurs du système disposant d’un bon réseau, et financièrement solides, tentent d’étouffer dans l’œuf tout effort de réforme. Alors que ce blocage tournait largement à vide lors des étapes de la réforme de la politique agricole 2014-17, il est à nouveau couronné de succès dans la constellation actuelle de la Berne fédérale. Plus l’impasse politique s’éternise, plus le malaise et la pression viendront du bas. L’initiative pour une eau potable propre en est un signe avant-coureur. D'autres initiatives sont en route.
Le boom de la politique agricole va donc perdurer ces prochaines années.
Avec le message d'aujourd'hui, le Conseil fédéral confirme le sur-place de la politique agricole. Ceci après que ses propres études aient montré à quel point la politique agricole est inefficace et qu'elle comment elle méprise largement les lois environnementales.
La politique agricole menée jusqu'à présent en Suisse est l'une des plus coûteuses d'Europe, et elle est extrêmement ineffficace. Au lieu de soutenir une agriculture suisse durable conforme à la Constitution, elle favorise à long terme une production surtout surintensive, chère et qui nuit à l'environnement. De plus, elle a rendu les familles d'agriculteurs complètement dépendantes de l'État.
L'évaluation actuelle des milliards de contributions à la sécurité de l'approvisionnement a montré l'inefficacité de l'utilisation de ces moyens financiers. Elle confirme une fois de plus qu'elles n'ont pas grand chose à voir avec leur nom et que la politique agricole ne remplit pas ses tâches de manière rationnelle et adéquate. Les lacunes sont particulièrement graves dans le domaine de l'environnement en matière d'émissions d'ammoniac et de biodiversité, la Suisse étant à la traîne en Europe. En 2016, le Conseil fédéral était parvenu à la conclusion qu'aucun des objectifs environnementaux pour l'agriculture n'avaient été atteint au cours des 20 dernières années, objectifs qui ne sont que des indicateurs concrets définis par la loi en vigueur. La politique agricole actuelle va donc à rebours de la Constitution et viole la loi environnementale. En novembre dernier dans sa vue d'ensemble sur la politique agricole 2022+, le Conseil fédéral s'est vanté d'améliorations. Aujourd'hui, après une bonne année de maturation, la montagne a accouché d'une souris. Le message publié aujourd'hui est loin de la réforme promise. À l'exception de quelques ajustements mineurs (tout de même bienvenu), le Conseil fédéral continue à faire du sur place. Il ne propose aucune solution efficace pour remédier à ces graves lacunes.
Des solutions aux déficits de la politique agricole connues de longue date On connaît depuis au moins 10 ans quelles mesures pourraient être prises pour remédier aux déficits de la politique agricole. Dans le Livre blanc de l'agriculture, Vision Agriculture a déjà montré en 2010 avec des modélisations, que de mesures ciblées pourraient permettre d'atteindre les objectifs de la politique agricole en quelques années, y compris une efficacité économique nettement améliorée. Les résultats de cette étude ont été confirmés une fois de plus dans une étude récemment publiée par des organisations environnementales. Il est fort possible que l'histoire de la dernière réforme agricole des années 1990 se répète et que le blocage de la réforme ne puisse forcé qu'avec une pression croissante des référendums.
Plus d'information: Andreas Bosshard, Dr. sc. nat., directeur de Vision Agriculture Téléphone: +41 56 641 11 55, Mobile: +41 78 715 55 89
Si les Européens et Européennes se nourrissaient davantage de céréales, de protéagnieux, de fruits et de légumes, de protéagineux, et de moins de viande, d'oeufs, de poisson et de produits laitiers, l'Europe serait en mesure se nourrir tous ses habitants en 2050. Et cela grâce à une agriculture durable, écologique et respectueuse du climat, sans utiliser de pesticides. Ce sont les conclusions d'une étude de l'Institut français du développement durable et des relations internationales IDDRI.
Pour y parvenir, il faudrait mettre fin à l'utilisation de pesticides et d'autres intrants agricoles comme les engrais chimiques et les achats de fourrages, et à la place adopter des méthodes agricoles écologiques comme la rotation des cultures, la sélection des variétés, le travail minimal du sol, l'utilisation d'insectes auxilaires, etc. En outre, il faudrait promouvoir la restauration et préservation des structures pour la biodiversité comme les haies, les étangs, les bandes fleuries et autres. Dans le même temps, l'Europe pourrait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% et préserfver la biodiversité. Les chercheurs français soulignent que ce scénario agro-écologique permettrait au secteur agricole européen non seulement de nourrir les consommateurs européens, mais aussi de maintenir les exportations actuelles de céréales, produits laitiers et vin. De plus, la dépendance de l'Europe face aux importations agricoles serait considérablement réduite. > > Vers l'étude de l'IDDRI "Une Europe agroécologique en 2050: une agriculture multifonctionnelle pour une alimentation saine"
Facebook
Twitter
Whatsapp
VISION AGRICULTURE / COMMUNIQUÉ DE PRESSE 7.9. 2018
Pour la première fois, une vue d’ensemble complète et détaillée des coûts économiques directs et indirects de l’agriculture suisse: c’est le mérite d’une nouvelle étude d’envergure d’Avenir Suisse, même si dans le détail on peut discuter sur de nombreux chiffres et exigences rigoureuses dans l’important rapport.
Le fait que la Suisse soit parmi les premiers au monde quant à son soutien à l’agriculture n’est pas nouveau, de même que notre pays verse plusieurs milliards par an à l’agriculture. Cependant personne n’a encore analysé en détail l’ensemble de ce soutien agricole. Le résultat peut surprendre. Selon Avenir Suisse, les coûts économiques annuels s’élèvent à environ 20 milliards de francs.
Quand on regarde l’élaboration de cette somme, on voit qu’elle a été soigneusement déterminée sur la base de connaissances existantes. Le « Registre des privilèges de l’agriculture Suisse » sur lequel se base le calcul, contient un aperçu complet des coûts directs et indirects de l’agriculture sous cette nouvelle forme.
Bon nombre de quantifications contenues dans le Registre des privilèges peuvent être contestées. Et les revendications qui en découlent ne pourraient jamais recueillir une majorité.
La valeur de l’étude ne réside pas dans ce résultat final avec les 20 milliards de coûts économiques, mais dans la base solide de discussion qu’Avenir Suisse met à disposition avec son document, qu’il entend développer, et le cas échant corriger de manière transparente en collaboration avec des experts et des acteurs de l’agriculture. Même si au final les coûts pourraient être deux fois moins élevés: même ainsi, il est inacceptable que la plupart des objectifs de la politique agricole ne soient pas atteints à un coût si haut.
On peut espérer qu’une fois les premières réactions vives des milieux agricoles passées, l’étude d’Avenir Suisse sera prise pour ce qu’elle est: un service à la société et à la Confédération pour permettre une discussion sur la base de faits sur l’avenir de la politique agricole suisse.
En 26 ans, les populations d’oiseaux ont dramatiquement diminué en Suisse dans les régions agricoles, sur l’ensemble des espèces de plus de moitié. Certaines espèces sont menacées d’extinction en Suisse. L’utilisation de pesticides, un paysage agricole monotone et une exploitation très intensive, en sont les raisons. Les oiseaux manquent simplement de nourriture, insectes et graines. Il manque aussi de structures pour les sites de reproduction.
La part des surfaces de promotion de la biodiversité est inférieure à 1% dans les terres cultivées, donc extrêmement faible. De plus, la qualité écologique de ces surfaces fait souvent défaut.
Les objectifs de la politique agricole n’ont manifestement pas été atteints dans le domaine de la biodiversité. La situation est meilleure outre-Rhin, alors que les paiements à l’agriculture ne représentent qu’environ 10% de ceux de la Suisse.
(VA) Deux textes concernant l’agriculture sont soumis en même temps à votation le 23 septembre. L’Initiative pour des aliments équitables veut favoriser des denrées alimentaires produites de manière équitable et durable dans le cadre des accords commerciaux internationaux existants. L’Initiative pour la souveraineté alimentaire veut aussi plus de durabilité et d’équité envers les agriculteurs. Mais cela avant tout dans une perspective paysanne traditionnelle, avec des interventions de l’état importantes et un risque de conflits avec des accords commerciaux existants. Que penser de ces textes? Nous résumons quelques réflexions sur ces initiatives dans cette newsletter.
En bref, l’Initiative pour des aliments équitables vise à promouvoir des denrées alimentaires produites de manière équitable et durable. Les produits provenant d’une agriculture paysanne, du commerce équitable ainsi que d’une production et d’une transformation de saison et régionales, doivent bénéficier d’un avantage concurrentiel sur le marché. Le gaspillage alimentaire et l’impact sur le climat du transport et du stockage doivent être réduits, et les formes d’élevage, même pour les importations, et les produits alimentaires transformés doivent être déclarés. Les produits obtenus de manière cruelle envers les animaux ne doivent plus être importés en Suisse, et les denrées alimentaires doivent répondre aux exigences sociales et écologiques minimales qui correspondent à celles de la Suisse. L’origine et les conditions de production doivent également être déclarées de manière transparente.
• L’initiative favorise le développement de règles commerciales qui récompensent le développement durable plutôt qu’elles ne le pénalisent. Pour cela, elle agit sur un point crucial, à savoir les dispositions relatives à l’importation de denrées alimentaires. Contrairement à l’opinion répandue et aux arguments des opposants à l’initiative, il existe une grande marge de manœuvre pour des incitations liées au commerce, comme l’initiative vise à le faire. La crainte des opposants que les règles commerciales soient violées, que l’État doive se doter d’une lourde bureaucratie et que les aliments deviennent plus chers, sont exagérées (l’étude sur les importations agricoles durables de la juriste Elisabeth Bürgi Bonanomi de l’Uni de Berne fournit des détails intéressants):
o Les dispositions requises pour la déclaration et l’échelonnement des droits de douane et des contingents selon des critères de développement durable, peuvent être mises en œuvre de sorte à être compatibles avec les conventions de l’UE et les règles de l’OMC. La Confédération accorde déjà aujourd’hui des allègements fiscaux par exemple pour les agrocarburants importés produits de manière durable. Selon l’OMC, des concessions commerciales visant à protéger certains intérêts publics, en particulier des normes environnementales ou sociales, peuvent être soumises si les mesures sont élaborées de sorte à être non discriminatoires, c’est-à-dire quand tous les acteurs du marché ont la possibilité de se conformer à ces normes. En outre, elles doivent être proportionnées, donc ne pas intervenir plus qu’il n’est nécessaire pour atteindre l’objectif. D’après l’expert Bürgi Bonanomi, l’intention non discriminatoire de conditions d’importation liées à la durabilité serait plausible, surtout si les dispositions favorisaient une production suisse moins intensive en capital, dans laquelle moins d’intrants (par ex. aliments pour animaux) seraient importés, de sorte qu’en retour le cas échéant il faudrait importer plus de denrées alimentaires. C’est exactement ce que réclame Vision Agriculture depuis des années.
o Les inquiétudes des opposants concernant une bureaucratie excessive semblent aussi exagérées. Les certifications de méthodes de production n’ont pas à être organisées par l’État. La certification peut être laissée aux privés comme pour des labels existants (par ex. Max Havelaar). De toute façon, seules des mesures praticables seraient mises en œuvre. Selon Bürgi Bonanomi, il pourrait s’agir de listes positives de labels pour appliquer des différenciations de droits de douane. Les tarifs différenciés créeraient une incitation pour des certifications privées et contribueraient ainsi à rendre les normes de production plus élevées aussi économiquement attrayantes au niveau international.
o L’appréhension liée à une hausse des prix des denrées alimentaires, comme celle exprimée en tant que contre-argument par des associations de consommateurs, n’est certainement pas totalement infondée. En Suisse, des prix plus forts affectent surtout les couches de la population les moins aisées. Cependant, il n’est pas aussi simple de prévoir l’incidence sur les prix qu’on le prétend souvent. Par exemple, de la viande produite de manière durable à l’étranger n’a pas à être plus chère que de la viande suisse. Et ce qui n’a encore jamais été discuté jusqu’à maintenant: une importation libre de viande certifiée provenant d’élevages respectueux des animaux entraînerait probablement une baisse des prix de la viande produite en Suisse. Donc selon les cas, des aliments produits de manière durable pourraient même devenir moins chers.
• L’initiative pourrait surtout contribuer indirectement à rendre l’agriculture suisse plus écologique. Faciliter l’importation de denrées alimentaires produites de manière particulièrement durable, pourrait conduire à un recul de la forte demande en produits de masse suisses mais moins durables. De plus, l’image des produits importés serait améliorée au sein de la population.
• Le texte de l’initiative est formulé de manière très ouverte. Les conséquences dépendent donc fortement de la mise en œuvre par le Parlement. En ce qui concerne cette mise en œuvre, la formulation ouverte présente un risque. Dans le pire des cas, l’initiative pourrait finalement entraver plutôt que promouvoir en Suisse une production judicieuse des points de vue écologique, économique, et de la politique du développement. Mais cet argument peut aussi être avancé pour bien des initiatives.
Conclusion: en thématisant la durabilité des importations, l’initiative reprend une préoccupation centrale pour le développement de systèmes d’alimentation mondiaux durables. Le point crucial de l’initiative réside dans sa mise en œuvre ultérieure dans la politique et l’administration.
Initiative pour la souveraineté alimentaire
L’Initiative pour la souveraineté alimentaire a des similitudes avec l’Initiative pour des aliments équitables, mais elle veut aller beaucoup plus loin. Par exemple, le revenu des agriculteurs doit s’améliorer, des prix justes doivent être assurés et le nombre de personnes actives dans l’agriculture doit augmenter. Et tout cela avec des fonds publics.
L’initiative prend en compte les préoccupations importantes pour une agriculture durable, mais met l’accent sur les intérêts et demandes d’un groupe spécifique d’agricultrices et d’agriculteurs. Elle ne tient pas compte du fait que des méthodes de production qui font appel à beaucoup de main-d’œuvre et à une production indigène la plus élevée possible, ne sont pas nécessairement de l’intérêt de l’environnement et des consommateurs, ni même de nombreuses familles paysannes. À certains égards, l’initiative semble aspirer à une agriculture comme celle qu’on connaissait en Suisse il y a cinquante ans. L’initiative se base largement sur les idées de Via Campesina, un mouvement international d’organisations de petits paysans, qui cherche surtout à améliorer la situation des agriculteurs dans les pays en développement.
Presque toutes les demandes sont aussi formulées de manière très générale dans l’Initiative pour la souveraineté alimentaire. Contrairement à l’Initiative pour des aliments équitables, les auteurs de l’Initiative pour la souveraineté alimentaire n’ont guère été en mesure de proposer des solutions concrètes jusqu’à présent quant à la manière dont ils envisagent la mise en œuvre de l’initiative. En outre, bon nombre d’exigences de l’Initiative pour la souveraineté alimentaire sont déjà plus ou moins contenues dans la Constitution fédérale et en partie aussi dans des textes de loi, sans que cela conduise au type d’agriculture que les auteurs de l’initiative conçoivent.
D’autres demandes sont problématiques du point de vue juridique et dans le contexte des accords internationaux et, le cas échéant, particulièrement difficiles à mettre en œuvre. L’initiative est notamment très protectionniste et nie le fait que le libre-échange des denrées alimentaires, sous condition d’un cadre législatif approprié (exigences de l’Initiative pour des aliments équitables), peut aussi avoir des aspects positifs pour l’agriculture.
Conclusion: l’initiative d’Uniterre ressemble à un bouquet multicolore de souhaits pour lequel la question se pose de savoir s’il peut même être mis en œuvre par le Parlement et l’exécutif. Comme pour l'initiative pour la souveraineté alimentaire de 2017, la Constitution fédérale serait complétée avec du contenu qui pourrait à peine aboutir à des lois et des actions de l’État.
Il semblerait qu’un accord ait été conclu entre l’Union suisse des paysans, le PDC, l’UDC, une partie de la CER et le Conseil fédéral: d’abord présenter rapidement l’initiative sur l’eau potable à la population sans contre-projet et travailler ensemble pour un Non. Ensuite seulement négocier la PA 2022+ au Parlement. Cet accord a été approuvé entre politiciens été approuvé le 4 juin par le Conseil national. Reste à savoir si la population sera aussi d'accord.
Le rejet de la Vue d'ensemble ne sert à personne, au contraire. Cette politique d'arrière-boutique restreint considérablement la marge de manoeuvre du Conseil fédéral dans son ensemble et du Parlement de manière inutile. L'Union suisse des paysans et le ministre de l'agriculture sont donc sous pression pour proposer des solutions acceptables aux vrais problèmes des pesticides, des effectifs d'animaux trop élevés, de la biodiversité, des antibiotiques etc d'ici la mi-2020. Dans le cas contraire, les deux initiatives "Pour une eau potable propre" et "Pour une Suisse libre de pesticide" pourraient être considérées par le peuple comme une issue possible.
Le président de l'Union suisse des paysans Markus Ritter et ce qui semble être un troupeau de moutons au Parlement qui le suit presque aveuglément, peuvent contribuer à ce que la colère face à la politique incompétente et aux milliards des contribuables qui sont engloutis dans la politique agricole gagne encore en importance au sein de la population.
Pendant ce temps, toujours plus d'organisations s'engagent à soutenir l'initiative pour une eau potable propre si la Confédération ne fait pas enfin bouger la réforme agricole et ne développe pas de propositions de solutions efficaces pour la politique agricole beaucoup trop coûteuse et qui ignore en grande partie la Constitution.
L’union suisse des paysans USP craint tellement l’initiative pour une eau potable propre, qu’elle considère le maintien de la politique agricole actuelle comme le moindre des maux. Dans une lettre ouverte, le directeur et le président de Vision Landwirtschaft demande une approche constructive et proactive à la place de l’attitude de blocage préconisée par le président de l’USP Ritter.
Les droits de douane élevés, qui protègent la filière de la viande en Suisse, ont des conséquences considérables sur l’environnement. Le marché cloisonné a pour effet qu’il y a bien plus de viande produite en Suisse que ne pousse de nourriture pour ces animaux. Plus d’un million de tonnes d’aliments pour animaux sont désormais importés chaque année pour nourrir le nombre excessif d’animaux d’élevage. Et cela augmente encore. Il en résulte d’immenses quantités de lisier dont on ne peut presque plus se débarrasser. Le plus grand problème reste celui des émissions d’ammoniac. La Suisse est le deuxième plus gros pollueur d’Europe après les Pays-Bas dans ce domaine, avec de graves conséquences pour la biodiversité.
Cette initiative a provoqué un grand remue-ménage dans la politique agricole. Il est devenu clair à quel point l'initiative est bien accueillie par la population, et l'union suisse des paysans est consternée. Elle essaie maintenant de présenter des agriculteurs bio qui prétendent qu'ils devraient abandonner leur production si l'initiative était acceptée. C'est un mensonge.
Le fait est que les exploitations qui produisent déjà de manière durable aujourd'hui, c'est-à-dire qui n'emploient pas de produits phytosanitaires toxiques et prêtent une attention particulière aux cycles fermés des éléments nutritifs, ne sont pratiquement pas affectées par l'initiative. Au contraire, elles peuvent s'attendre à un meilleur soutien de la part d'une réorientation de la politique agricole à l'avenir, qu'elle soit biologique ou non.
Toutefois, cette initiative représente un défi pour l'agriculture suisse qui depuis bien trop longtemps résiste à tout changement dans le sillage de l'union suisse des paysans. L'initiative donne maintenant l'impulsion nécessaire à des avancées déjà en mouvement.
Michael Gove, le secrétaire à l'environnement en Angleterre, le dit clairement: Les subventions forfaitaires de plusieurs milliards de dollars qui sont utilisées dans l'agriculture en Angleterre ont contribué de manière significative à la destruction massive de l'environnement causée par l'agriculture. De plus, ils seraient bons pour les mauvaises personnes: ceux qui ont beaucoup (de terres) recevront encore plus. Après le Brexit, l'Angleterre a la liberté de réformer de manière significative les subventions agricoles. Selon Gove, ils doivent être redirigés vers des paiements pour les services environnementaux.
Le discours ne pourrait pas être plus clair. L'analyse des problèmes et les solutions proposées correspondent exactement à celles que Vision Agriculture a introduites dans le débat public depuis sa création et qui, du moins dans une certaine mesure, ont été mises en œuvre dans la politique agricole 2014-2017.
Toutefois le collègue suisse de Gove, le directeur de l'OFEV, n'a jusqu' à présent pas fait de déclarations aussi claires. En Suisse aussi, plus de la moitié des 3 milliards de francs de l'argent du contribuable qui sont consacrés chaque année à l'agriculture, continuent d'être utilisés de manière forfaitaire et nuisible à l'environnement. Ces fonds profitent également aux mauvaises personnes. Il a été démontré qu'ils sont presque entièrement destinés aux industries en amont et en aval, plutôt que d'améliorer le revenu des familles paysannes.
La demande touche la population; pour son initiative pour une eau potable propre, Franziska Herren a recueilli plus de 100’000 signatures en peu de temps avec une petite équipe et pratiquement aucun soutien de grandes organisations. Personne ne l’aurait cru possible. Les listes de signatures seront remises au Palais fédéral dès la mi-janvier. Cette initiative en a sous le capot!
D’après le texte de l’initiative, il ne devrait y avoir de l’argent plus que pour les exploitations agricoles qui n’épandent plus de pesticides dans l’environnement, qui nourrissent leurs animaux avec leur propre fourrage et n’utilisent plus d’antibiotiques de manière prophylactique. L’initiative pour une eau potable propre n’interdit donc rien, mais elle veut réallouer les fonds publics et obliger la politique agricole à faire de manière simple ce qu’elle a promis depuis des décennies mais n’a pas réalisé, à savoir soutenir avec l’argent public une agriculture qui préserve ses propres bases vitales.
Aucune autre initiative n’a déclenché autant d’écho dans les médias à un stade aussi précoce que celle sur l’eau potable. Dans les sondages en ligne, elle est plébiscitée avec des taux records. Et quiconque lit les commentaires en ligne dans les articles des médias, a l’impression que le mécontentement face à la politique agricole a déjà gagné la population.
Vision Agriculture soutient les préoccupations de l’initiative, même si de nombreuses questions sur son impact et sur sa mise en œuvre pratique sont encore ouvertes. Par exemple: combien d’exploitations devront réajuster, et de combien, la production, avec quelle incidence sur la sécurité alimentaire ou les importations supplémentaires, ou quel poids l’initiative aurait sur les prix au consommateur.
Il est essentiel de clarifier ces questions pour avoir une discussion objective. Vision Agriculture souhaite y contribuer activement par ses propres recherches, car nous considérons que cette initiative est extrêmement importante. Elle crée la pression nécessaire pour que la réforme agricole 2022 s’oriente dans la direction aussi souhaitée par Vision Agriculture. Car le débat sur l’initiative pour l’eau potable se déroulera justement pendant que l’administration et le parlement élaboreront la PA 22+. La PA 22+ deviendra donc par la force des choses le contre-projet à l’initiative, qu’elle le veuille ou non. Si la PA 22+ ne prend pas de mesures ambitieuses en faveur de plus d’écologie, d’une utilisation plus efficace des ressources, pour un meilleur soutien aux exploitations petites et diversifiées et pour une production plus orientée vers la valeur ajoutée et la qualité, cela ajoutera directement de l’eau au moulin de l’initiative.
Derrière l’initiative se tient Franziska Herren, une personne qui fournit des efforts énormes pour ses convictions. Quelles sont ses réflexions et ses motivations? Elles sont exprimées dans un interview détaillés dans "Schweizer Bauer". Franziska Herren est une citoyenne soucieuse de ne plus de pousser une agriculture néfaste pour l’environnement vers encore plus d’industrialisation avec des milliards des contribuables. C’est pourquoi elle touche manifestement le cœur d’un si grand nombre de consommateurs et citoyens.
Le Conseil fédéral a adopté la vue d’ensemble du développement à moyen terme de la politique agricole. Dans les domaines du marché, de l’exploitation et des ressources naturelles, des lacunes existant depuis des décennies dans la politique actuelle doivent enfin être comblées avec AP22+ pour pouvoir relever les défis futurs de manière plus ciblée.
Le Parlement va prendre connaissance des orientations stratégiques du Conseil fédéral pour l’AP22+ et se prononcer sur celles-ci. Le Conseil fédéral procédera à une consultation sur l’AP22+ au cours du quatrième trimestre 2018 sur cette base.
Pour Vision Agriculture, la vue d’ensemble va dans la bonne direction. Le Conseil fédéral a eu le courage d’aborder des questions sensibles telles que la durabilité insuffisante et le manque d’efficacité de la politique agricole. Lors de la conférence de presse, il est clairement apparu que même des « vaches sacrées » comme les contributions à la sécurité de l’approvisionnement inefficaces pourraient à l’avenir être remises en question, ce que réclame depuis longtemps Vision Agriculture.
En ce qui concerne l’aménagement des lois et des ordonnances, d’âpres discussions sont en vue, comme le montrent les vives réactions de l’Union suisse des paysans et de l’UDC au concept du Conseil fédéral. Vision Agriculture va participer à l’élaboration des lignes directrices qui ont été présentées en étroite collaboration avec des organisations apparentées.
(VL) Les animaux maltraités dans l’exploitation thurgovienne de Hefenhofen a suscité une vague d’indignation dans toute la Suisse. Ce cas laisse un goût amer. Souvent des actions ne sont entreprises que lorsque la pression de l’opinion publique devient trop forte, même dans le domaine de la protection des animaux, dans laquelle l’application marche encore le mieux. Le laisser-faire dans l’exécution de la législation est une tradition dans le système suisse de l’agriculture. C’est un véritable poison pour sa plus grande richesse : la confiance des consommateurs et des contribuables.
Dans la législation agricole, le bien-être des animaux est effectivement de loin le plus rigoureusement appliqué. Car les autorités le savent bien : en cas d’incident dans ce domaine, la vindicte populaire déferle. Qu’un cas comme Hefenhofen puisse arriver est donc surprenant et montre qu’on détourne encore les yeux même dans ce domaine si sensible et émotionnel.
Dans d’autres domaines pour lesquels la majorité de la population se sent moins concernée, le laisser-faire est devenu une pratique systématique dans le système agraire. Rien que dans le domaine de l’environnement, les infractions non sanctionnées ou même existantes cachées par les autorités ne sont plus d’actualité.
Exemple de l’ammoniaque
Prenons l’exemple des émissions d’ammoniaque dans le canton de Lucerne. Le cheptel y est particulièrement élevé en raison d’un „développement interne“ longtemps et activement soutenu par l’administration et d’énormes importations de fourrage. Ce développement est si intense que les valeurs limites d’émission d’ammoniaque, dites „critical loads“, sont dépassées de plusieurs fois et depuis des nombreuses années sur presque tout le territoire à cause de l’élevage animal. Cela est en contradiction autant avec les conventions internationales que le droit fédéral, car cela endommage durablement les écosystèmes les plus sensibles comme les forêts et les tourbières. Le Conseil d’Etat lucernois a reconnu la situation et constaté en 2007 que la rénovation et les nouvelles constructions d’étables les émissions doivent être réduites de 20% par rapport à l’état initial en 2000, une réglementation prise en exemple dans toute la Suisse.
Pourtant l’autorité d’exécution se soucie de cette décision comme d’une guigne. Des agrandissements et nouvelles constructions de poulaillers et de porcheries continuent de recevoir des autorisations. Pour les requêtes, ce ne sont pas les demandeurs mais le service cantonal qui calcule l’impact des émissions du projet. Toutes les astuces possibles sont utilisées. Le bilan des émissions est si bien arrangé que la réduction des émissions de 20% prescrite par le Conseil d’Etat est atteinte sur le papier. Même quand des exploitations doublent leur cheptel, le calcul cantonal arrive à présenter la réduction suspecte de 20%. Comme par magie, cela marche même sans les mesures actuellement disponibles – mais un peu moins attractives économiquement parlant – pour la purification de l’air évacué.
Tous ont détourné les yeux de ce bidouillage jusqu’à présent. Aucun journal n’en a encore fait état, et de nombreuses personnes impliquées en politique et des offices connaissent les astuces de la branche depuis des années. Pendant ce temps, l’effectif lucernois de bétail continue joyeusement d’augmenter. Ainsi l’énorme réduction officiellement souhaitée des émissions d’ammoniaque reste un vœu pieux des politiques et ne sera jamais atteinte.
Exemple de la protection des eaux
Un domaine dans lequel il y a des manquements graves est la protection des eaux. Pro Natura a constaté avec des études détaillées dans différents cantons de la Suisse orientale et de la Suisse romande que les bandes tampons de protection des cours d’eau ne sont pas respectées dans plus de la moitié des cas étudiés concernant l’utilisation d’engrais. L’enquête de Pro Natura a certes engendré quelques articles dans la presse, mais l’indignation s’est vite éteinte et le laisser-faire routinier a vite repris ses droits. Du côté des autorités, rien ne semble avoir été entrepris pour prendre le problème à bras le corps.
Prolifération incontrôlée des pesticides
Un exemple préoccupant de mise en œuvre pratiquement inexistante concerne l’utilisation de pesticides dans l’agriculture. Dans ses recherches pour le plan de réduction des pesticides, Vision Agriculture a fait faire des sondages pour connaître comment l’application des pesticides est contrôlée en Suisse et comment les directives légales sont mises en œuvre. Cela a révélé que des violations dans l’utilisation des pesticides sont à l’ordre du jour dans certaines régions concernant la législation sur l’environnement. Dans de nombreux cantons, l’observation de la distance aux cours d’eau ou aux routes n’est jamais contrôlée et en conséquence souvent pas respectée. Une infraction a même été signalée dans l’exploitation d’une école d’agriculture, le long de la route directement devant la fenêtre d’une salle de classe.
La situation dans les vignobles valaisans est particulièrement frappante. Dans le périmètre étudié, pas un seul cas n’a été rapporté dans lequel la distance aux routes, bosquets ou cours d’eau n’a été respectée lors des vols d’épandage par hélicoptère. La plupart du temps la zone tampon manquait complètement. Alors même que sur le terrain le marquage des lignes de vol était visible en permanence. Les distances minimales ont été systématiquement ignorées lors d’application d’herbicides au sol. Même la pulvérisation de cours d’eau avec des pesticides depuis un hélicoptère ou depuis le sol est monnaie courant en Valais. Aucune de ces infractions flagrantes à la législation, au vu et au su de tous, n’a été dénoncée ne serait-ce qu’une seule fois par des organisations locales de protection de l’environnement.
Vision Agriculture a immédiatement rendu les offices compétents de la Confédération et des cantons attentifs à ces violations graves consignées en détail (rapport sur demande). C’était déjà en 2013. Mais depuis, ni l’office valaisan de l’agriculture ni les offices fédéraux n’ont entrepris quoi que ce soit. Finalement, Kassensturz et Sonntagsblick ont fait écho au scandale valaisan sur les pesticides en juin dernier et ont couvert le cas de manière exhaustive. Le battage médiatique a enfin fait bouger les autorités. Mais le mal est déjà fait depuis longtemps. L’image du vin valaisan pourrait souffrir durablement de cette déficience institutionnelle.
Les autorités font partie intégrante du système
Ce n’est pas simplement par paresse ou indifférence que les autorités détournent volontairement les yeux. La force motrice est généralement une pression massive de la branche, qui travaille étroitement avec la presse agricole. Si un fonctionnaire ou un office enquête activement sur un manquement, réduit des paiements directs ou annule une autorisation, la personne en charge est contactée par téléphone ou convoquée à une rencontre pour être interrogée. Ou l’office concerné est menacé de réduction de budget par des interventions au parlement cantonal. Dans d’autres cas, les fonctionnaires sont publiquement traînés dans la boue par les médias agricoles. C’est aussi ce qui est arrivé au vétérinaire de Thurgovie quand il a voulu activement intervenir il y a quelques années dans un cas de protection des animaux.
La culture du laisser-faire, profondément ancrée dans le système agraire, est susceptible d’être une des plus grandes faiblesses de la politique agricole suisse. Dans de nombreux domaines, l’application de la législation agricole est quasiment inexistante, même s’il existe de grande différences d’un canton à l’autre.
Ce n’est qu’avec une culture de la transparence, du regard critique et du développement constructif, que l’agriculture peut préserver la grande confiance dont elle jouit encore aujourd’hui dans le public. Se forger une bonne réputation est un travail de longue haleine, et il suffit de quelques scandales pour la détruire. C’est pourquoi Vision Agriculture s’engage, malgré les vents contraires qui soufflent toujours violemment, pour une observation active et une application efficace et cohérente de la législation.
L’évaluation longtemps attendue du programme de paiements directs pour la production de lait et de viande basée sur les herbages (PLVH) introduit en 2014 est désormais disponible.
D’après l’étude d’Agroscope, l’impact du programme sur la réduction de l’utilisation d’aliments concentrés a été, comme prévu, minime. La part d’aliments concentrés a diminué d’un peu moins d’un point de pourcentage par rapport aux exploitations qui n’ont pas participé au programme.
Il est facile de calculer ce que cela signifie en terme de rentabilité économique (on peut chercher en vain cette donnée dans le rapport d’évaluation): la réduction d’un kilo d’aliments concentrés a coûté environ 2 francs au contribuable, soit plus du double du prix du marché du fourrage lui-même.
D’après des renseignements personnels, seulement un quart environ des exploitants qui participent au programme ont modifié leur affouragement, toutefois environ la moitié dans le groupe des producteurs laitiers.
Le rapport jette un regard critique sur la contrôlabilité déficiente du programme. Malgré le programme PLVH, les importations d’aliments concentrés continuent d’augmenter en Suisse, comme le montrent les derniers chiffres d’Agristat.
Cela confirme ainsi les lacunes élémentaires que Vision Agriculture a déjà critiqué à l’introduction du programme PLVH. Le programme PLVH n’est tout simplement pas efficace dans sa forme actuelle. Il entraîne un travail administratif considérable pour presque aucun effet. Juste avant son introduction et sous la pression massive de la branche laitière, le programme a été raboté. Il en a résulté une sorte de nouvelle contribution pour animaux qui ne contribue en rien à une production de lait et de viande plus durable et plus orientée vers le marché.
Vision Agriculture a collaboré avec des experts externes pour élaborer une proposition améliorée du PLVH, qui donne une incitation efficace et dans la bonne direction, engendre bien moins d’efforts administratifs et peut effectivement être contrôlé.
L’initiative populaire de l’USP pour la sécurité alimentaire a été soutenue par le Conseil national. Mais en a-t-on besoin ? Quelques pistes de réflexion sont données dans un post du Domaine Public.
Quelle est la valeur ajoutée de l’agriculture suisse ? Elle est indiquée dans les comptes économiques suisses de la Confédération : 2,2 milliards de francs. Mais ce chiffre est trompeur et camoufle la situation économique réelle de l’agriculture car ni la protection à la frontière, ni les prestations d’intérêt général fournies par l’agriculture ne sont prises en compte. Une nouvelle étude montre ce à quoi devrait ressembler un calcul proche de la réalité qui se base sur les chiffres de la Confédération et de l‘OCDE. La différence avec les chiffres officiels se monte à plus de 3 milliards de francs.
(VL) La valeur ajoutée de l’agriculture occupe une place privilégiée dans les débats de la politique agricole. Dans le rapport explicatif du Conseil fédéral sur l’actuelle politique agricole 2014–17, le terme "valeur ajoutée" apparaît 58 fois. La valeur ajoutée est calculée dans les comptes économiques agricoles de la Confédération comme la valeur de production moins les consommations intermédiaires moins l’amortissement égal à la valeur ajoutée nette.
1. Valeur des prestations d’intérêt général non prise en compte
L’agriculture n’apporte pas seulement de la valeur ajoutée à travers la production de denrées alimentaires, mais aussi grâce à la production de biens non commercialisables que l’on dénomme prestations d’intérêt général, par exemple les contributions à la sécurité de l’approvisionnement, un paysage attractif ou la promotion de la biodiversité. Mais dans les comptes économiques agricoles, la valeur de ces prestations d’intérêt général est tout simplement occultée.
Sa valeur peut être déterminée approximativement en se fondant sur les paiements directs versés à cette fin. Vision Agriculture a effectué cette évaluation dans son étude et estimé chacune des composantes des paiements directs résultant des prestations d’intérêt général. 43% des paiements directs sont versés aux prestations d’intérêt général avec la politique agricole 2014-17, les autres paiements directs représentent un soutien au revenu qui ne génère pas de valeur ajoutée.
2. Protection à la frontière masquée
Dans les comptes économiques de la Confédération, la valeur ajoutée est calculée en utilisant les prix du marché de la production des denrées alimentaires. Cependant les prix du marché ne sont pas très pertinents car ils sont fortement et artificiellement élevés par le biais de la protection aux frontières. Le consommateur paie la différence. La différence de prix, selon l’OCDE d’environ 50%, doit être prise en compte dans le calcul de la valeur ajoutée. Jusqu’à présent, la Confédération l’a pourtant masquée dans son calcul.
3. Autres coûts et soutiens non pris en compte
Si les prestations en faveur de l’environnement sont correctement prises en compte, alors au minimum les coûts environnementaux chiffrables les plus importants de l’agriculture doivent aussi être pris en compte. Ces coûts comprennent les émissions de gaz à effet de serre et d’ammoniac, qui se montent à 0,9 milliard de francs selon les indications de l’OCDE sur niveaux d’émissions.
Calcul correct de la valeur ajoutée : différence massive avec les données de la Confédération
Quelle est la valeur ajoutée de l’agriculture quand on apporte ces corrections ?
La valeur de production de l’agriculture suisse en 2014 s’élevait à 10,7 milliards de francs selon l’Office fédéral de la statistique. Après déduction de la protection à la frontière, il reste une valeur de production de 7,2 milliards de francs. Sur un total de 2,8 milliards de francs, les paiements directs qui compensent réellement des prestations d’intérêt général se montent à 1,2 milliard de francs selon les estimations de Vision Agriculture. Il en résulte une valeur de production de l’agriculture suisse de 8,4 milliards de francs y compris les biens non commercialisables.
Les consommations intermédiaires et l’amortissement doivent être déduits. Selon l’Office fédéral de la statistique, ils représentent au total 8,5 milliards de francs (consommations intermédiaires : 6,4 milliards de francs, amortissement : 2,1 milliards de francs). Sans tenir compte des coûts environnementaux, on obtient une valeur ajoutée nette de moins 0,1 milliards de francs. Si on soustrait les coûts environnementaux (coûts externes de production) de 0,9 milliard comme des coûts de production restants, on arrive à une valeur ajoutée nette de l’agriculture suisse de moins 1 milliard de francs. Ce sont 3,2 milliards de moins que la valeur ajoutée indiquée dans les statistiques officielles de la Confédération, soit 2,2 milliards de francs.
Le calcul actuel conduit à des conclusions erronées
Des chiffres qui ne représentent la vérité qu’à moitié, comme c’est le cas pour les comptes économiques agricoles officiels, induisent en erreur les politiciens et le public. Ainsi on soutient et on encourage toujours avec des incitations étatiques pernicieuses des méthodes de production absurdes du point de vue économique et écologique, qui ne sont viables économiquement que grâce à la protection à la frontière suisse et la non prise en compte des coûts environnementaux. D’autre part, des exploitations agricoles qui fournissent vraiment une bonne valeur ajoutée avec des méthodes de production durables et rentables sont défavorisées du point de vue économique par la politique. Cela nuit énormément à l’agriculture sur le long terme.
En fait, les données chiffrées de l’agriculture suisse sont terriblement mauvaises en comparaison internationale. Aucun autre pays ne présente une valeur ajoutée de l’agriculture aussi faible en raison de consommations intermédiaires et de structures d’exploitation trop chères (actuellement 5-10 fois plus élevées que dans les pays voisins). Une plus grande ouverture des frontières aurait des conséquences catastrophiques sur les exploitations suisses, car une grande partie n’y serait pas du tout préparée.
La politique agricole des dernières décennies a entraîné l’agriculture dans une dépendance étatique immense et injustifiable. L’ampleur de cette dépendance a été jusqu’à présent grandement masquée par des comptes économiques agricoles incomplets, notamment parce que les conclusions nécessaires et urgentes n’ont pas encore été tirées par les politiques. L’une de demandes les plus urgentes qui ressort des comptes économiques agricoles complétés et correctement calculés, est l’élimination et la réallocation des paiements directs non liés à des prestations et qui soutiennent des méthodes de production coûteuses. Avec la politique agricole 2014-17, un premier pas, encore très timide, a été fait dans cette direction.
La démocratie suisse vit des temps agités. Il y a un peu plus d’une semaine, l’UDC à fait voter les citoyens et citoyennes suisses sur une initiative qui voulait décrire interminablement et dans les moindres détails comment réglementer des textes légaux et réglementaires dans la Constitution. En parallèle, l’Union suisse des paysans USP laisse le Parlement et ses commissions discuter sans fin sur une initiative qui laisse jusqu’à aujourd’hui perplexe sur ce qu’elle veut vraiment. La démocratie directe suisse n’avait encore jamais connu ces deux situations en 150 ans d’histoire. Qu’est-ce qui se cache derrière ce mystère de l‘„initiative pour la sécurité alimentaire“ de l’USP et quelles seraient les conséquences pour la Suisse en cas d’acceptation ?
Le texte de l’initiative répète celui déjà existant de la Constitution
La question devrait en fait être résolue à partir du texte de l’initiative. Mais dans le texte de l’initiative, il n’y a rien, absolument rien, qui ne soit déjà dans la Constitution – à l’exception peut-être d’un passage qui appelle à la réduction de la bureaucratie. Cette exigence est cependant déjà incontestée et l’administration a déjà fait bouger les choses avec son propre projet. Alors pourquoi l’USP utilise des millions provenant de ses membres et de l’agro-industrie qui la soutient, pour un texte qui veut seulement rallonger la Constitution avec des doublons ?
À chacun ce qu’il veut
Jusqu’à présent, l’USP a obstinément refusé d’expliquer de manière cohérente ce qu’elle veut avec son initiative. Lors de la récolte de signature dans la rue aussi organisée qu’une armée de campagne, c’est le renforcement d’une production indigène et durable, avec des chemises paysannes aux edelweiss et des vaches avec des cornes, qui a été mise en avant. Qui ne voudrait pas soutenir une telle agriculture ? Ce n’est pas pour rien que les signatures ont été récoltées si rapidement. Exactement en même temps, le président de l’USP Markus Ritter remettait sa base sur les rails lors de l’assemblée des paysans : il a averti que l’écologisation de la politique agricole doit enfin cesser grâce à l’initiative pour faire un retour en arrière. Et avec la présence médiatique régulière du président de l’USP dans les médias, on fait croire aux consommateurs que l’initiative leur garantira aussi à l’avenir des denrées alimentaires saines et indigènes. Les organisations de protection de l’environnement doivent être attirées par la protection des terres agricoles. Cela n’a pas posé de problème à l’USP que Markus Ritter a également été actif dans un comité. Chacun reçoit de l’USP justement la réponse à ses questions, ou ce qu’il veut entendre.
L’USP championne de l’agriculture industrielle
Aucune association ne lutte aussi énergiquement et avec autant d’argent contre tous les efforts visant à promouvoir le maintien de structures paysannes et une agriculture suisse durable. Aucune association ne compromet plus la protection des terres agricoles quand il s’agit d’assurer le profit provenant de la vente de terrain à bâtir en zone rurale ou de faire passer de grandes constructions agricoles sur les terres cultivables. Et maintenant cette association veut d’un coup s’engager pour une agriculture suisse durable et pour les terres agricoles avec sa propre initiative ?
La réponse à cette énigme relève d’une nouvelle combine de la démocratie de base. Les vraies préoccupations de l’USP n’ont jamais obtenu de majorité. Aucun citoyen, ou presque (et pas non plus les paysans !) ne souhaite une agriculture toujours plus intensive et qui produit de manière industrielle, fortement subventionnée, dépendante de l’État et isolée. Presque personne ne veut revenir à l’ancienne politique agricole avec ses paiements forfaitaires et ses mauvaises incitations qui coûtent des milliards. Puisqu’on ne trouve pas de majorité de telles demandes, les fins stratèges de l’USP ont concocté le texte insignifiant d’une initiative qui ne choque personne et qui laisse la porte ouverte au plus grand nombre possible d’interprétations.
Chat en sac jusqu’à l’acceptation
Si l’initiative est acceptée, l’USP peut enfin tranquillement sortir du sac le chat qu’y était maintenu longtemps et soigneusement, et expliquer comment il faut comprendre l’initiative. Dès lors quelles que soient les décisions prises en politique agricole, l’USP se référera à la volonté du peuple et rappellera au Parlement et à l’administration que l’initiative de l’USP a bien été acceptée et que la politique agricole doit être mise en place selon la volonté de l’USP. On oubliera bien vite que personne ne savait à l’avance de que voulait l’initiative et donc que cela ne pouvait pas être la volonté du peuple.
Vote au Conseil national
Il sera intéressant de voir demain le résultat au Conseil national. Le PS et le PVL ont été les premiers à jouer ce jeu. Les Verts sont encore indécis et espère un arrangement pour que l’USP soutienne leur initiative s’ils aident à faire passer celle-ci. Le groupe UDC, qui agit en politique de manière presque identique à l’USP, a déjà donné sa parole pour un oui. Finalement c’est le PLR qui pourrait faire pencher la balance, qui jusqu’à présent est resté plus ou moins ferme car il craint la poursuite de la fermeture des marché en cas d’acceptation.
Il reste aussi difficile de savoir dans quelle mesure les parlementaires des régions de montagne vont céder à la pression de l’USP. Car l’agriculture de montagne, qui a grandement profité de la réforme de la politique agricole, ferait certainement partie des perdants en cas d’acceptation de l’initiative.
Rejeter ce trucage de démocratie de base
Après l’initiative d’application qui a tenté de renverser le système actuel de démocratie directe en voulant rédiger des lois et des ordonnances directement dans la Constitution, l’initiative pour la sécurité alimentaire est une nouvelle tentative d’abuser de la volonté du peuple en faveur de ses propres intérêts, avec le texte d’une initiative qui veut contenter tout le monde, et qui sera interprété par les auteurs seulement une fois l’initiative acceptée comme ils l’entendent. Il serait souhaitable que déjà le Parlement, et pas seulement le peuple, rejette cet abus de démocratie de base.
Quatre raisons de rejeter l’initiative pour la sécurité alimentaire :
L’initiative crée de la confusion et de l’incertitude : le texte est extrêmement vague et n’apporte rien de nouveau dans la Constitution si ce n’est des doublons.
L’initiative est une imposture : l’Union suisse des paysans a jusqu’à présent refusé d’expliquer clairement ce qu’elle veut avec cette initiative. Elle ne va interpréter le texte de son initiative qu’après son acceptation et ensuite mette la politique et l’administration sous pression selon son interprétation et en se référant à "la volonté du peuple".
L’agriculture n’a pas besoin d’un débat sur la Constitution : les bases actuelles de la Constitution jouissent d’une grande acceptation pour le domaine de l’agriculture. Remettre cela en jeu avec une initiative et créer de l’incertitude est malsain et la dernière chose dont a besoin l’agriculture maintenant.
L’initiative divise l’agriculture : de nombreuses organisations paysannes rejettent l’initiative, d’autres restent sceptiques. Un tel désaccord nuit à l’agriculture et demande une énergie dont on aurait besoin de toute urgence pour des discussions constructives sur l’avenir de l’agriculture.
Quelle est la valeur ajoutée de l'agriculture suisse ? Elle est indiquée dans les comptes économiques suisses de la Confédération : 2,2 milliards de francs. Mais ce chiffre est trompeur et camoufle la situation économique réelle de l'agriculture car ni la protection à la frontière, ni les prestations d'intérêt général fournies par l'agriculture ne sont prises en compte. Les comptes économiques de l'agriculture conventionnels portent un titre trompeur.
La Fiche Info Nr. 6 de Vision Agriculture montre ce à quoi devrait ressembler un calcul proche de la réalité qui se base sur les chiffres de la Confédération et de l'OCDE. La différence avec les chiffres officiels se monte à plus de 3 milliards de francs. Par ailleurs, il est proposé, et calculé, une série d'autres indicateurs économiques pour l'agriculture multifonctionnelle suisse, comme la part des paiements directs qui rétribuent des prestations, ou le soutien l'agriculture dans l'ensemble (à l'exclusion des paiements pour des prestations) ainsi que la hauteur des coûts environnementaux de l'agriculture.
La Confédération contrôle la répartition des dépenses agricoles avec les enveloppes financières destinées à l’agriculture. La procédure de consultation sur les enveloppes 2018-21 se termine le 18 février. Vision Agriculture rejette catégoriquement les réductions proposées par le Conseil fédéral pour les paiements directs axés sur les prestations et revendique à la place une réduction et une importante réallocation des „contributions à la sécurité de l’approvisionnement“ peu efficientes et préjudiciables.
(VL) On ne peut pas remettre en question le fait que l’agriculture devra apporter sa contribution aux inévitables coupures de budget, vu la baisse probable et dramatique des recettes dans les caisses de l’État. Si des réductions sont inévitables, alors elles doivent avoir lieu là où elles ne seront pas préjudiciables et où cela permettrait de remédier à des inefficacités. Or ce n’est pas ce que propose le Conseil fédéral avec ses enveloppes financières 2018-2021. Vision Agriculture réclame trois corrections :
1. Pas de réduction dans les programmes de prestation
Nous rejetons catégoriquement la coupe proposée dans les programmes de prestations en faveur de la biodiversité et de la qualité du paysage pour plusieurs raisons. Les exploitants s’y sont engagés pour plusieurs années par contrat entre deux parties, eux et l’État, et il serait inacceptable de modifier les contributions pendant cette période d’engagement. Les décisions parlementaires pour la politique agricole 2014-27 prévoyaient des contributions à la qualité du paysage nettement plus élevées, qui ont été réduites en raison de la forte demande, mais un relèvement des contributions dès 2018 a été promis et cette promesse doit être tenue. Elle profitera surtout aux régions de montagne. Une coupe dans les contributions pour la promotion de la biodiversité (SPB) et la qualité du paysage (QP) va à l’encontre des objectifs pour l’agriculture qui montrent encore de grandes lacunes. En outre, une telle coupe concernerait d’une manière disproportionnée les régions de montagne, où sont déjà versés moins de paiements directs par unité de main d’oeuvre.
2. Diminuer les contributions à la sécurité de l’approvisionnement
Le Conseil fédéral n’a encore jamais évalué concrètement le réel potentiel ou impact des „contributions à la sécurité de l’approvisionnement“ et un postulat en ce sens pour analyser l’efficacité des mesures prises pour renforcer la sécurité de l’approvisionnement a même été bloqué. Ces contributions, qui sont versées sans contrepartie, ne contribuent pas à la sécurité alimentaire et portent préjudice à l’agriculture paysanne, comme le montrent différentes publications (par ex. la Fiche Info Nr. 5 de Vision Agriculture en allemand), en éloignant encore plus l’agriculture du marché et en favorisant une intensification de la production agricole endommageant l’environnement. Ces contributions inopportunes pourraient donc être réduites.
3. Réallocation des contributions à la sécurité de l’approvisionnement vers les programmes de prestation
Une telle réallocation permettrait de mieux atteindre les objectifs de l’agriculture suisse et de remédier à des dépenses publiques inefficientes. Un renforcement des contributions au système de production et à l’efficience des ressources offre du potentiel d’amélioration économique et écologique pour l’agriculture suisse.
Les autres revendications de Vision Agriculture concernant les enveloppes financières dès 2018 sont :
Annuler l’assouplissement des échelonnements des paiements directs par surface.
Introduire la limite supérieure de 150’000 Fr. de paiements directs par exploitation et réintroduire le plafond de revenu de 120'000 Fr.
Mesure correcte et rehaussement des contributions pour les terrains en pente.
Selon un récent sondage, la population suisse attend de l'agriculture suisse qu'elle continue sur la voie de la réforme de la politique agricole 2014-17 vers plus de durabilité. Le peuple élit en ce moment un nouveau Parlement. Cela influence aussi la direction que prendra la future politique agricole.
(VL) L'agriculture n'est pas un thème qui a joué un rôle clé dans cette campagne. Ce qui est surprenant, car les milieux agricoles cherchent pourtant à médire sur la nouvelle politique agricole (PA14-17). Et cela même si les faits dépeignent un autre tableau. Comme l'a montré une étude récente commandée par l'Office fédéral de l'agriculture, la population suisse soutient clairement le processus de réforme de la politique agricole . Une production de denrées alimentaires respectueuse de la nature et des formes de production qui préservent la diversité écologique, sont des préoccupations particulièrement importantes pour la population.
Les électrices et les électeurs peuvent contribuer au développement futur de la politique agricole lors des prochaines élections du Parlement. Le nœud du problème, c'est que la politique agricole est complexe, et peu de partis et de parlementaires formulent concrètement leurs objectifs pour l'agriculture. Vision Agriculture a passé au crible le comportement des partis face à l'agriculture et est arrivée à une conclusion surprenante.
La politique agricole semble plus qu'aucun autre domaine politique être sujette au populisme. Le populisme, c'est quand un comportement politique rapporte potentiellement des voix d'électeurs, mais va à l'encontre de solutions objectives et raisonnables ou des propres convictions du parti. Il y a deux raisons principales pour expliquer la situation souvent difficile de la politique dans le domaine de l'agriculture. Les parlementaires qui votent contre le lobby paysan concernant la politique agricole, surtout ceux qui viennent de milieux agricoles, sont régulièrement attaqués et frappés d'ostracisme. Cela joue un rôle considérable dans les médias agricoles qui soit appartiennent eux-mêmes à l'Union suisse des paysans (USP), soit coopèrent étroitement avec eux. Après chaque vote important concernant la politique agricole, des articles sont publiés qui nomment spécifiquement les politiciens ou partis qui n'ont pas voté dans le sens de l'USP. Une discussion critique et équilibrée fondée sur une base objective n'a pratiquement jamais lieu dans la presse agricole. Des jugements indifférenciés et le maintien des valeurs conformes à l'organisation faîtière dominent la discussion.
Dans les médias non agricoles, les votes sur la politique agricole par partis ne sont pratiquement jamais analysés, car la politique agricole n'intéresse que peu le public. Pour la popularité, une politique pragmatique dans le domaine de l'agriculture ne vaut donc pas la peine. C'est une des raisons des résultats de votations de parlementaires qui semblent trop souvent irrationnels concernant la politique agricole, ainsi que de l'influence si grande du "lobby paysan". Ce sont les Verts libéraux qui se sont positionnés de la manière la plus conséquente pour des solutions politiques pragmatiques, tout en s'alignant en même temps sur les lignes du parti, qui s'est positionné à plusieurs reprises avec ses propres motions pour une politique agricole axée sur des objectifs conforme à l'article 104 de la Constitution. Le Parti socialiste suisse et les Verts ont aussi largement essayé de résister à la tentation populiste.
Les partis du centre et les Libéraux-Radicaux ont agi de manière moins homogène. Il est frappant de voir des politiciens Libéraux-Radicaux ont souvent voté sur des sujets agricoles de manière diamétralement opposée aux préoccupations libérales. L'influence directe du secrétaire de l'USP et du Conseiller national Libéral-Radical Jacques Bourgeois sur ses collègues de parti est évidente. Dans le Parti démocrate-chrétien, la balance a penché en faveur du lobby paysan depuis que le Conseiller national Markus Ritter, nouveau président de l'USP, essaie de remettre son parti sur les rails. Pendant les débats parlementaires sur la réforme agricole en 2012, c'était encore différent. A cette époque, les propositions audacieuses du Conseil fédéral avaient pu être adoptées au Parlement presque sans problème grâce au soutien de quelques politiciens compétents des partis du centre, comme le Grison Hassler Conseiller national du Parti bourgeois-démocratique, malgré la résistance acharnée de l'USP et de l'Union démocratique du centre.
L'Union démocratique du centre serre les rangs et vote presque sans exception dans le sens du lobby paysan. C'est étonnant du point de vue politique. En tant que parti qui inscrit tout en haut de son programme les restrictions des dépenses publiques et un usage des deniers publics tourné vers les performances, l'UDC vote pratiquement unanimement dans le domaine de l'agriculture pour les paiements forfaitaires inefficaces à la place de la rémunération de prestations ciblées. De telles contradictions ne sont presque jamais thématisées. Au contraire, cela permet au parti de se profiler avec son engagement populiste comme un parti ancré chez les paysans. La politique agricole sera aussi réalisée en fonction du scrutin. Les parlementaires qui agissent pour une politique indépendante du lobby paysan, pragmatique et ciblée en faveur d'une agriculture durable, doivent faire preuve d'un sacré courage. Avec notre bulletin dans l'urne, nous pouvons aussi veiller à ce que des voix non populistes, mais fortes et audacieuses se fassent entendre.
P.S. sur notre propre position: Est-ce qu'un atelier de réflexion peut se permettre de s'immiscer en politique ? Penser et agir vont de pair pour Vision Agriculture. Et l'action n'est pas efficace dans l'agriculture suisse sans implication dans la politique. Vision Agriculture ne donne aucune consigne de vote. Cependant nous considérons que c'est l'une de nos tâches non seulement de fournir un travail minutieux, mais aussi de nous positionner dans le processus politique. Vision Agriculture est indépendante, mais pas neutre.
Facebook
Twitter
Whatsapp
OFFICE FÉDÉRAL DE L'AGRICULTURE / COMMUNIQUÉ DE PRESSE 10.9. 2015
Alors que certains milieux agricoles espèrent un retour en arrière de la politique agricole 2014-17 concernant les mesures écologiques, une enquête mandatée par l'Office fédéral de l'agriculture révèle que la population attend avant tout une exploitation écologique des surfaces et une production naturelle des denrées alimentaires. Cette tendance atteste qu'on accorde aujourd'hui plus de valeur à l'écologie qu'il y a huit ans.
Les nouveaux programmes de prestations de la PA 2014-17 ont reçu un accueil favorable des paysans et paysannes – meilleur que ce qu'attendait la Confédération. C'est ce que montrent les chiffres présentés actuellement de l'Office fédéral de l'Agriculture (OFAG). Cependant l'OFAG veut maintenant en partie revenir en arrière sur les changements qu'il avait lui-même instaurés. Les contributions à la biodiversité doivent en particulier être massivement réduites.
Avec quelques mois de retard, les chiffres concernant la participation des agriculteurs aux nouveaux programmes de l'an 1 de la politique agricole 2014-17 ont été présentés aujourd'hui. Comme on pouvait déjà s'y attendre, l'acceptation des nouveaux programmes de prestations a été élevée – nettement plus forte que ce qu'attendait la Confédération. Les paysans sont visiblement prêts à apporter leur contribution à une agriculture suisse plus durable.
Comme prévu par la réforme, l'agriculture respectueuse de l'environnement et des animaux et une production plus rentable ont été renforcés avec les différents programmes de prestations. Par contre une production non adaptée au site et préjudiciable à l'environnement est rendue un peu moins attractive.
Ainsi les surfaces de promotion de la biodiversité ont augmenté, avant tout la part de surfaces de promotion de la biodiversité avec qualité.
La participation des exploitations au programme de production de lait et de viande basée sur les herbages était très grande, en particulier dans les régions de montagne. La Confédération comptait sur un effet de frein aux importations exubérantes d'aliments pour animaux et aux effectifs de bétail trop hauts avec ce programme.
La distorsion du marché a été un peu réduite – sans pour autant que la production ne recule. Elle évolue en 2014 à un niveau record.
De manière générale, plus de contributions sont versées dans les régions de montagnes et celles aux conditions de production difficiles – ce faisant une exigence clé du débat sur la Politique Agricole a été réellement mise en place.
L'évolution prend donc largement la direction souhaitée et envisagée par le Parlement. Les paysannes et les paysans tirent parti des programmes de paiements directs nouveaux et déjà existants de manière dynamique et offensive. Il n'est pas question de l'effondrement de l'agriculture productrice, comme cela a été si souvent prédit de manière menaçante avant la réforme.
Voilà pour les bonnes nouvelles. Toutefois on ne peut pas se réjouir de tout. Certaines organisations, qui ne veulent pas entendre parler de cette réforme, ont visiblement été capables de mettre l'OFAG tellement sous pression qu'il est prêt à repartir en sens inverse. Avec des adaptations importantes des ordonnances, qui ont été communiquées sous le titre trompeur de "simplifications administratives", les programmes de prestations doivent être raccourcies de dizaines de millions de francs.
La biodiversité est de loin la plus touchée. L'Office fédéral propose de réduire les contributions prévues jusqu'à un tiers. Pour certaines exploitations, ces réductions pourraient représenter jusqu'à la moitié des contributions précédentes. Pour ceux qui ont misé expressément sur la promotion de la biodiversité, c'est un véritable camouflet, qui pourrait mettre en péril leur existence.
Un tel procédé ne respecte pas la bonne foi et empêche toute planification. Cela contredit aussi le mandat du Parlement de réorienter les paiements directs vers les prestations avec la PA 2014-17. Vision Agriculture rejette in globo le train d'ordonnances d'automne et ses ajustement nombreux et pas mûrement réfléchis.
À la place, nous demandons une analyse sérieuse des données maintenant connues sur la participation, et sur laquelle se basera un train d'ordonnances équilibré et reporté à plus tard, dont l'élaboration doit se faire en impliquant largement les milieux concernés.
L'objectif global ne doit pas être perdu de vue: à savoir développer la politique agricole plus avant dans la même direction. Les actuelles mesures de la réforme découlent du mandat parlementaire de rendre la politique agricole plus efficiente et de s'éloigner toujours plus des paiements forfaitaires inefficaces. Il reste encore 50% des paiements directs versés sous forme de forfaits, ce qui veut dire qu'ils ne sont pas liés à une prestation concrète. Comme il a été démontré à de nombreuses reprises, ces paiements à l'arrosoir sont plus nocifs que profitables (voir par ex. la Fiche Info Nr. 2). Les paiements forfaitaires, en particulier les contributions à la sécurité de l'approvisionnement problématiques, doivent être nettement réduits au profit des contributions pour des prestations dans une prochaine ronde de consultation. Une politique agricole efficiente serait à l'opposé de la politique qu'essaie de lancer à présent l'OFAG par voie d'ordonnance.
Tiré de la prise de position de Vision Landwirtschaft sur le train d'ordonnances agricoles d'automne 2015:
Les propositions faites par l'Office fédérale de l'Agriculture sous le titre "simplifications administratives" sont unilatérales, ne convainquent pas techniquement, et n'apportent aucun allègement administratif. Au lieu de cela, elles provoquent à tous les niveaux des coûts supplémentaires liés aux nombreux ajustements nécessaires.
En outre, nous critiquons en principe que de telles adaptations ont été proposées avant que les chiffres sur l'acceptation et la participation aux programmes aient été disponibles, et que les propositions n'ont pas été élaborées en impliquant de manière représentative les milieux concernés. Nous demandons donc pour l'heure un abandon général des adaptations pour des "simplifications administratives" et un report en 2017 ou 2018 d'adaptations nettement remaniées.
Le contre-projet du Conseil fédéral sur l'initiative sur la sécurité alimentaire est sur la table. Les voix négatives de cette consultation ont représenté une large majorité. Vision Landwirtschaft a aussi décidé de s'engager pour un contre-projet. Cela aurait compliqué la campagne de vote contre lînitiative trompeuse et inutile de l'Union suisse des paysans.
Vision Agriculture s'est prononcée résolument contre le contre-projet direct du Conseil fédéral à l'initiative sur la sécurité alimentaire de l'USP. La Constitution actuelle offre une bonne base pour l'avenir de l'agriculture suisse et de la politique agricole. Le Conseil fédéral l'a toujours reconnu. Avec son contre-projet direct pour une adaptation de la Constitution, le Conseil fédéral se contredit et affaiblit donc sa position contre l'initiative pernicieuse de l'Union suisse des paysans pour la sécurité alimentaire. La période de consultation a duré jusqu'au 14 avril 2015.
Une enquête montre que les agriculteurs, contrairement à ce que rapportent en permanence les médias du monde agricole, réagissent plutôt positivement à la nouvelle politique agricole PA 2014-2017, même plus positivement qu'avant. La majorité des agriculteurs salue même une orientation écologique. C'est ce que montrent les résultats d'une enquête publié dans la revue spécialisée "Recherche Agronomique Suisse".
La principale cause de la résistance croissante auc antibiotiques, à savoir l'utilisation préventive massive des antibiotiques existante de manière quasi inhérente au système dans de nombreux systèmes d'élevage, et la boîte noire actuelle qui fait que personne ne sait où, quand, pourquoi, qui et combien antibiotiques sont utilisés en médecine vétérinaire, sont contournées avec le projet de l'ordonnance. On y retrouve de toute évidence la patte de "l'industrie productrice". L'ordonnance permettrait ainsi de s'assurer que rien ne change, hormis une bureaucratie plus gonflée. Vision Agriculture réclame un changement plus substantiel dans sa prise de position.
Quatre initiatives sur l'agriculture sont déjà lancées. Et maintenant c'est le Conseil fédéral qui veut aussi modifier l'article constitutionnel sur l'agriculture. C'est ce qu'il a décidé dans sa séance d'aujourd'hui. La lutte acharnée pour l'orientation à donner à l'argent dédié à l'agriculture est définitivement relancée, à peine un an après l'introduction de la nouvelle politique agricole PA 2014-174-17. Sans raison objective, que sur des considérations sur des enjeux électoralistes et associatifs.
L'effort pour rendre la politique agricole un petit peu plus ciblée, durable et conforme à la constitution avec la PA 2014-17 a été, et reste, énorme pour le parlement, pour l'administration, pour les associations, et tout particulièrement pour les agriculteurs. Il y avait ainsi un large consensus dans les milieux agricoles: maintenant il faut avant tout calme et consolidation, loin de nouveaux ajustements précipités.
L'Union suisse des paysans (USP) a d'abord cassé ce consensus avec son initiative pour la sécurité alimentaire. Le président de l'USP a lancé en interne le projet explicitement avec le but de faire marche arrière avec la politique agricole. L'USP s'était battue becs et ongles contre une répartition efficiente et ciblée du budget destiné à l'agriculture, et elle espère regagner de l'influence sur la politique agricole avec son initiative.
Dans la rue, les gens ont signé, motivés par la promesse d'une production alimentaire suisse durable. Qui n'aurait pas signé? Minutieusement organisée, l'USP a rapidement récolté les signatures nécessaires. Mais voilà: jusqu'à aujourd'hui, personne ne sait vraiment ce que l'USP veut réellement avec son texte vide de sens contre lequel personne ne peut avoir sérieusement quelque chose à dire – sauf qu'il est totalement inutile et déjà couvert par la constitution actuelle.
Pendant longtemps, l'initiative pâlotte n'était pas prise très au sérieux. Cela a changé avec la décision du Conseil fédéral d'aujourd'hui de soumettre au peuple un contre-projet. Cela donne inutilement du poids à l'initiative de l'USP, dont les portails médias réagissent avec enthousiasme. L'attention désirée est enfin là.
Comment le Conseil fédéral a-t-il eu cette idée saugrenue d'opposer un contre-projet à une initiative vide de sens? Contre la volonté de l'Office fédéral de l'agriculture, et probablement celui de la plupart des conseillers fédéraux, le ministre de l'agriculture Schneider-Ammann a poussé à voter pour ce contre-projet.
Outre un motif électoral, le contre-projet est une entreprise dangereuse. Non seulement cela relance hâtivement les querelles sur le budget agricole, mais cela envoie un message confus et problématique à la population. Le Conseil fédéral, qui a toujours légitimé sa politique agricole avec la constitution, veut maintenant modifier le texte de la constitution?
La question reste ouverte de ce que signifierait un double non du peuple. Peut-être simplement l'expression d'un ras-le-bol de la majorité face à ces luttes acharnées autour des milliards d'argent du contribuable et de la politique agricole à la dérive. Les manœuvres électorales et des associations vont affaiblir davantage l'édifice complexe et instable de la politique agricole. Il s'est maintenu jusqu'à présent grâce à un large consensus de base parmi la population, à savoir que l'agriculture est importante pour nous tous et que cela justifie ce soutien unique avec l'argent de la Confédération.
Ce que Vision Agriculture trouve particulièrement fâcheux, c'est que le mandat constitutionnel existant de 1996 – depuis un référendum particulièrement plébiscité avec 78% des voix – doit être modifié alors qu'il a encore à peine été mis en œuvre. Avec la nouvelle politique agricole, ce sont aussi plus de 1,5 milliard de francs distribués chaque année sans objectif clair ni aucune preuve de leur efficacité par rapport aux objectifs constitutionnels (voir ci-dessous), alors que tant de buts reconnus restent hors d'atteinte et que la valeur ajoutée de l'agriculture continue toujours de baisser.
Une discussion constructive sur la politique agricole sera encore plus difficile à mener dans la confusion des initiatives et du contre-projet. Malgré cela, Vision Agriculture va continuer à tout faire pour informer au mieux sur le sujet et montrer qu'une agriculture durable, économiquement saine et plus efficace, respectueuse de la nature – ce qui correspondrait à la réalisation du mandat constitutionnel existant et comblerait les grandes lacunes jusqu'ici toujours béantes – n'est pas seulement possible, mais est aussi urgente et dans l'intérêt même des familles paysannes.
Bon à savoir: Haute production de denrées alimentaires, mais soutien inefficace de l'État
Le système des paiements directs révisé dans la politique agricole 2014-17 confère une haute priorité à la sécurité de l'approvisionnement. Cette catégorie de paiements directs "contributions à la sécurité de l'approvisionnement" est la mieux dotée avec 1,1 milliard de francs chaque année (en moyenne environ Fr. 20'000.- par exploitation et par an). Cependant toutes les enquêtes jusqu'à présent ont montré que ces contributions à la sécurité de l'approvisionnement n'ont quasiment rien à voir avec leur objectif et même affaiblissent plutôt la sécurité à l'approvisionnement. Elles sont inefficientes et encouragent une production non adaptée au site et nuisible à l'environnement. Pour améliorer la sécurité alimentaire, cette catégorie de paiements directs préjudiciables devrait être transformée en un instrument axé sur des objectifs. Aucune initiative nécessaire pour cela, mais bien la mise en œuvre du mandat constitutionnel existant.
Dans la politique agricole 2014-17, environ 80 pour cent des paiements directs sont directement liés à la production de denrées alimentaires. Il n'y a pas de paiements directs sans aucun lien à la production. L'agriculture suisse produit actuellement à un niveau record. Il n'y a aucune extensification pourtant toujours peinte comme le diable sur la muraille. C'est aussi dans ce contexte qu'une " initiative pour la sécurité alimentaire" est abstruse. Tous les autres objectifs sont déjà couverts par la constitution existante. Ce n'est pas sans raison que les initiants ne pouvaient rien dire de concret sur ce qu'ils visent avec leur initiative jusqu'à maintenant – sauf que le budget agricole devrait de nouveau être réparti à l'avenir avec si possible moins de paperasse et sans prestations écologiques requises.
À peine les premiers décomptes de paiements directs disponibles, qu'ils sont aussitôt utilisés à des fins politiques. Avec les chiffres trompeurs de quelques cas individuels, certains milieux paysans voudraient montrer que le nouveau système de paiements directs a des effets "catastrophiques". Mais une vue d'ensemble sérieuse ne sera pas disponible avant février 2015. Ce qu'il faut maintenant, ce ne sont pas de nouvelles tergiversations politiques, mais un regard positif tourné vers l'avenir, et le soutien des exploitations agricoles dans la mise en pratique des nouveaux programmes pour rendre l'agriculture durable sur les plans économique et écologique.
Les premiers décomptes provisoires peuvent mener à des conclusions inconsidérées. Mais il est bien trop tôt pour apprécier sérieusement les impacts réels de la nouvelle politique agricole PA 2014-17 sur les exploitations agricoles. C'est faire preuve de populisme bon marché que de tirer des conclusions pour toute l'agriculture sur la base de cas isolés et en partie exagérés. Il faudra probablement attendre jusqu'en février pour disposer des chiffres détaillés et fiables des cantons et de la Confédération et connaître quelles régions, quelles exploitations et quels types de production profitent plutôt et lesquelles doivent assumer des pertes.
Que peut-ont dire aujourd'hui avec certitude?
Gagnants et perdants s'équilibrent car le total des paiements directs versés reste inchangé dans l'ensemble.
Celui qui est prêt à bouger a des possibilités nombreuses et raisonnables de compenser, voire surcompenser, les pertes potentielles avec les nouveaux programmes des paiements directs. Des analyses d'exploitations avec des situations de départ difficiles l'ont montré (voir la Fiche info Nr.4 disponible en allemand).
Les exploitations sont plus flexibles que ce qu'attendait la Confédération. La participation aux nouveaux programmes a dépassé les prévisions, parfois même sensiblement, comme le montrent les nouveaux chiffres. Cela parle en faveur d'une position pragmatique et positive de la majorité des exploitations agricoles.
Le revenu agricole ne dépend de loin pas que des paiements directs. Le plus grand potentiel d'amélioration du revenu agricole se situe dans la réduction des coûts de production actuellement bien trop hauts en Suisse, ainsi que d'une production respectueuse des ressources. Les incitations du nouveau système de paiements directs doivent aider à utiliser au mieux ce potentiel. C'est également profitable à l'environnement car la plupart des intrants chèrement payés par l'agriculture nuisent à l'environnement (par ex. utilisation d'aliments concentrés).
Les exploitations citées en exemple par l'Union suisse des paysans et leurs médias, qui doivent avoir perdu gros dans la réforme, n'ont certainement pas exploité tout le potentiel d'amélioration du revenu qu'offre le nouveau système. Jauger la nouvelle politique agricole sur la base de ces exploitations est malhonnête et contre-productif (voir encadré).
Désormais, il faut regarder positivement vers l'avenir. La question centrale est: comment peut-on soutenir les exploitations agricoles de manière optimale pour qu'elles puissent vraiment utiliser les possibilités de se tourner vers une agriculture conforme à la Constitution, c'est-à-dire économiquement viable, utilisant rationnellement les ressources, adaptée au site et respectueuse de l'environnement? Vision Agriculture veut y contribuer et recherche avec des organisations partenaires des voies pragmatiques pour soutenir les exploitations agricoles globalement dans leur ensemble. Les premiers résultats sont prometteurs.
Une ombre au tableau : PLVH
Même si seulement quelques données récapitulatives isolées sont disponibles, il ne faut pas se voiler la face devant quelques aspects négatifs du nouveau système. Le plus douloureux est sans doute le nouveau programme de "production de lait et de viande basée sur les herbages" (PLVH). 70% des agriculteurs se sont annoncés pour la PLVH selon l'Office fédéral de l'agriculture – et la majorité des exploitations dans les zones herbagères. Dans le canton des Grisons, on s'approche des 100% d'après une estimation. Il s'est produit ce que Vision Agriculture avait prédit: le programme PLVH a été tellement dilué qu'il a dégénéré en "tout un chacun peut participer". Cette contribution liée à la détention d'animaux s'offre aujourd'hui pratiquement à toutes les exploitations dont les animaux consomment du fourrage grossier. Cela n'a que très peu à voir avec une exploitation basée sur les herbages. Alors que tous semblent être gagnants, ceux qui fournissent réellement une prestation y perdent. Car l'argent qui a été distribué selon le principe de l'arrosoir leur manque.
Élevage de vaches allaitantes perdant
Outre des producteurs de lait qui utilisent peu ou aucun aliment concentré, les grands perdants concernant les contributions PLVH doivent être surtout ceux avec des vaches allaitantes. Ils nourrissent naturellement leurs animaux avec peu d'aliments concentrés et seraient prédestinés à ce programme. Cela se complique encore pour les exploitations avec des vaches mères, qui ont pour différentes raisons plus de problèmes à compenser les éventuelles pertes de paiements directs – alors qu'elles fournissent des prestations écologiques supérieures à la moyenne. Avec une contribution PLVH digne de ce nom et telle qu'elle avait été discutée au parlement à l'origine avec des primes attractives, une compensation aurait été possible pour ceux qui élèvent des vaches mères. Maintenant, ces exploitations doivent se partager ces contributions PLVH avec une grande partie des détenteurs d'animaux, même si beaucoup d'entre eux ne pratiquent pas une production "basée sur les herbages", ce qui réduit ces contributions de 300 à 200 Fr./ha. Vision Agriculture aimerait redonner vie à ce programme tel qu'il avait été imaginé au départ pour véritablement soutenir la production basée sur les herbages – avec des exigences qui correspondent vraiment au concept de "basé sur les herbages" et des contributions qui rétribuent de manière équitable et attractive cette prestation.
Dans la bonne direction Le nouveau système de paiements directs semble passer auprès de la grande majorité des paysans et les incitations aller dans la direction donnée par l'article sur l'agriculture de la Constitution fédérale. L'Alliance agraire, qui représente des organisations paysannes ainsi que des organisations de protection des consommateurs, de l'environnement et des animaux, plaide pour une continuité dans la politique agricole pour les huit prochaines années. Vision Agriculture soutient aussi cette position. "Il faut maintenant laisser travailler les agricultrices et les agriculteurs. Cela suscite la confiance. On ne peut pas construire l'avenir sans la confiance des agricultrices et des agriculteurs et sans conditions cadres fiables. Apporter des corrections aux bases légales existantes ne serait crédible qu'après avoir évalué globalement et de manière transparente les expériences faites avec le système développé de paiements directs", écrit l'Alliance agraire dans son communiqué de presse.
Le nombre d'habitats différents joue un rôle décisif dans la préservation de la diversité des espèces en région agricole. Les exploitations biologiques qui ne prennent pas de mesures d'encouragement ciblées comme la création de milieux naturels supplémentaires riches en espèces présentent une biodiversité qui n'est que légèrement plus élevée que celle des autres exploitations. C'est ce que montre une étude réalisée dans dix régions européennes et deux régions africaines.
Est-ce que la politique agricole 2014-17 pose de meilleurs jalons qu'autrefois pour que l'agriculture se rapproche des objectifs de la Constitution et développe une production plus durable? Sur mandat, Vision Landwirtschaft a étudié en détail le cas de treize exploitations agricoles se trouvant dans différentes situations.
Pour nourrir nos animaux de rente, la Suisse a besoin de presque autant de surfaces cultivables à l'étranger que nous en avons dans notre pays.Avec cette nourriture importée pour nos vaches, on pourrait nourrir plus d'un million de personnes. La pression exercée sur les terres par notre production agricole intensive détériore déjà de manière irréversible la base de production aux dépens des générations futures et d'une alimentation plus sûre en cas de crise.
Vision Landwirtschaft (VL) a influencé de manière décisive la nouvelle politique agricole. De nombreuses innovations dérivent directement ou indirectement de notre think tank. Grâce à un réseau nouvellement formé et qui fonctionne bien, et au travail de fond de VL qui a toujours donné le ton, de nombreuses propositions de réforme ont pu percer au Parlement malgré une opposition massive des cercles les plus conservateurs. Réjouissons-nous de ce qui est été atteint : la PA 2014-17 est un premier pas en direction d'une agriculture respectueuse des ressources et d'une politique agricole efficace et ciblée.
(VL) L'adoption par le Conseil fédéral du volumineux paquet d'ordonnances relatives à la politique agricole constitue aujourd'hui la dernière étape du projet de réforme PA 2014-17 du côté de la Confédération. Les nombreuses nouveautés entreront en vigueur le 1.1.2014.
Sur la forme, la réforme ne laisse pratiquement pas une pierre debout aux paiements directs. Les anciennes catégories importantes de contributions tombent, comme les contributions pour animaux et les paiements directs généraux. D'autres reçoivent un nouveau nom, à l'exemple des surfaces écologiques devenues surfaces de promotion de la biodiversité, ou contributions bio transformées en contributions pour les systèmes. De nombreux instruments et catégories comme les contributions au paysage cultivé ou les contributions à la qualité du paysage sont nouveaux, du moins en apparence.
Nouveau concept novateur de paiements directs
Le concept du nouveau système de paiements directs est convaincant : toutes les catégories de contributions sont dénommées de façon à ce que leur désignation décrive clairement le but concerné d'après la Constitution (voir Fig. 1). Cela remplit ainsi une des exigences centrales du Livre blanc de l'agriculture. Les paiements directs généraux qui y étaient très critiqués et représentaient dans le système actuel 80% de tous les paiements directs, vont disparaître ou être réalloués.
Si le concept de base est convaincant, la mise en œuvre concrète révèle des inconséquences et des brèches. Les "contributions à la sécurité de l'approvisionnement" en sont la plus grande faille. Avec un milliard de francs annuels, elles dépassent de loin les autres catégories de contributions et restent versées principalement sous forme de forfait, comme les anciens paiements directs, simplement avec une étiquette plus aguicheuse. VL a toujours signalé qu'ainsi elles n'ont pratiquement rien à faire avec la sécurité de l'approvisionnement, mais au contraire lui nuisent (par ex. Fiche Info Nr. 2).
Au bout du compte, il en résulte un système d'après le nom conforme à la Constitution et ciblé, mais avec d'autres brèches. Il comporte encore bien 50% des paiements forfaitaires non liés à des prestations et souvent plus nuisibles qu'utiles.
Compromis du Conseil fédéral pas trop affaibli
Il n'empêche : au vu de l'opposition massive venant de l'Union suisse des paysans (USP) et de quelques partis, surtout de l'UDC et en partie du PDC, ce résultat est respectable et réaliste du point de vue politique. Il reprend sur presque tous les points la proposition d'origine de compromis du Conseil fédéral, qui intégrait de nombreuses suggestions de VL et des autres organisations de l'Alliance agraire. Certaines des innovations proposées par le think tank ont pu être inclues avec succès, comme les contributions primordiales pour les exploitations avec une grande part de terrains en pente (voir le communiqué de VL). Cette nouvelle contribution va freiner la perte de surfaces en pente particulièrement importantes pour la biodiversité et le paysage et élever de quelques milliers de francs le revenu agricole éminemment bas dans les régions à la topographie difficile pour l'exploitation.
Les tentatives de sabotage de la réforme par les opposants ont largement échoué au cours des débats parlementaires. L'échec du référendum montre aussi qu'une grande partie de notre société ne souhaite pas un retour en arrière de la politique agricole.
La politique agricole dans une nouvelle configuration
C'est la première fois depuis des décennies que l'USP et ses alliés n'arrivent pas à faire passer leurs revendications comme prévu au Parlement, contrés par des parlementaires des verts, de la gauche et de partis bourgeois progressistes. Sans le travail de fond de VL et la collaboration excellente avec de nombreuses organisations et politiciens qui se sont engagés jusqu'au bout pour une réforme, ce succès n'aurait pas été au rendez-vous.
On peut tirer des leçons importantes pour la suite du travail du think tank de la manière dont a été imposée cette réforme en collaboration étroite avec d'autres organisations, même avec des ressources financières et en personnel relativement minimes, contre un establishment politique puissant. Quatre situations ont été cruciales :
Premièrement, la politique agricole est l'un des domaines politiques les plus complexes. Par conséquent, il n'y a presque que les politiciens agriculteurs qui s'y retrouvent à peu près. Jusqu'à présent, les parlementaires non agriculteurs n'osaient généralement pas s'interposer, souvent par manque d'arguments solides. VL a pu retourner la situation grâce à un travail de base permanent. Le think tank a pu informer en continu les parlementaires et lobbyistes favorables à la réforme avec des argumentaires, des fiches infos, des entretiens personnels et des analyses réalisées sur demande.
Deuxièmement, VL a réussi à convaincre un nombre croissant d'exploitants – comme ceux qui produisent déjà de manière plus durable et orientée sur le marché ou ceux des régions de montagne – que la politique de l'USP irait à l'encontre de leurs intérêts. Les propositions de l'USP détournent régulièrement les fonds de l'agriculture de montagne au profit d'exploitations de plaine déjà mieux loties. VL a fondé une "table ronde pour les régions de montagne" qui a pu pour la première fois rassembler les préoccupations communes des agriculteurs de montagne. L'acceptation par le Parlement de certains paragraphes réformant la loi a finalement abouti parce que des représentants des paysans de montagne se sont distancés de l'USP. Mais aussi d'autres organisations de producteurs, parmi lesquelles Bio Suisse et IP-Suisse, se sont engagées pour une politique basée sur la qualité, la valeur ajoutée et l'écologie en s'opposant à l'USP.
Troisièmement, VL a pu se développer depuis la fondation d'un large réseau avec des organisations et des personnes en faveur de la réforme. Des organisations politiquement influentes se sont de plus en plus appuyées sur les analyses et les argumentaires compétents et crédibles de VL. Présente sans relâche dans différents groupes de travail et comités, VL a obtenu de nouvelles alliances sur des points importants. VL a significativement contribué à ce qu'une large alliance d'organisations paysannes, de protection de l'environnement et de consommateurs, tire à la même corde et de manière coordonnée, même dans les situations délicates. Cela a fait pencher la balance en faveur de la réforme lors de votes serrés comme pour l'abolition des contributions pour animaux ou l'introduction des contributions à la qualité du paysage.
Et quatrièmement, tout cela n'a été possible que parce que de nombreuses raisons objectives parlent en faveur de la réforme, pas seulement au vu de l'environnement et de la durabilité, mais aussi du point de vue économique en relation avec la valeur ajoutée et le revenu de l'agriculture. Malgré la complexité de la matière, les avantages de la réforme ont pu être démontrés de manière plausible dans les médias et aux politiques. Tant et si bien que le Conseil fédéral a rendu public un rapport montrant qu'une réforme encore plus poussée profiterait non seulement à l'environnement mais surtout à un revenu agricole en hausse, sans pour autant diminuer la sécurité de l'approvisionnement. Au contraire, une politique basée principalement sur plus de production engendrerait le revenu le plus bas d'après ces modèles.
Nouvelles conditions cadre à rentabiliser
Les directives légales à partir de 2014 sont une chose. Mais ce qui sera déterminant maintenant, c'est comment les paysannes et paysans vont relever le défi ces prochaines années. Des analyses détaillées de VL sur des exploitations choisies pour leurs situations initiales difficiles (cheptel important, achat de fourrage, bilan de fumure délicat etc.), le revenu peut être maintenu ou amélioré en exploitant judicieusement les nouvelles conditions cadre. Les exploitations déjà orientées vers la durabilité et le respect des ressources, ou celles en région de montagne apportant déjà de nombreuses prestations d'intérêt général, sortiront mieux leur épingle du jeu, sans ajustement notable, qu'avec la politique agricole menée jusqu'à présent.
Le nouveau système apporte donc les bonnes incitations et distribue les paiements directs plus équitablement qu'autrefois. VL veut soutenir les exploitations dans leurs processus d'adaptation. Les exemples positifs doivent déclencher une réorientation et donner le courage à nos agricultrices et agriculteurs de s'engager dans la voie d'une agriculture durable et respectueuse des ressources plutôt que celle d'une production de masse. Car c'est dans ce sens que la réforme va et doit se poursuivre.
Après la réforme, c'est déjà avant la réforme
Notre but pour la prochaine étape, Politique agricole 2018 et suivantes, est la suppression encore plus poussée des paiements forfaitaires au profit de paiements liés à des prestations – et en conséquence encore des améliorations concernant la valeur ajoutée, la durabilité, la qualité, le revenu agricole et une production efficace respectant les ressources.
Il faut s'attendre assurément à d'âpres batailles. Car les opposants à la réforme ont déclaré qu'ils allaient tenter de faire machine arrière par tous les moyens à partir de 2018. Pour que cela n'arrive pas et que les améliorations pas encore réalisées voient le jour, il faut aussi à l'avenir l'engagement de Vision Landwirtschaft.
Fig. 1: Le nouveau système des paiements directrs de la Politique agricole 2014-17. Source: OFAG
Ce que le Conseil fédéral a décidé concernant les ordonnances
Au printemps dernier, Vision Landwirtschaft a fait plusieurs interventions (voir Newsletter du mois de juin) suite aux modifications des textes d'ordonnances par rapport aux documents de consultation de l'OFAG. Certaines ont été annulées, d'autres ont été laissées.
La baisse critiquée des contributions par rapport à la situation actuelle pour les surfaces écologiques, ou plutôt nouvelles surfaces de promotion de la biodiversité, a été annulée. De plus, d'autres défauts ont été résorbés. Il existe donc de bonnes bases dans le domaine de la biodiversité.
Un point important est la charge minimale de bétail, pour lequel l'OFAG a pris en compte de nombreuses données et a abaissé le seuil. Sans cette adaptation, de nombreuses exploitations auraient dû augmenter leur nombre d'animaux pour avoir droit à une partie importante des paiements directs.
Parmi les coupes critiquées qui n'ont pas été abandonnées, les deux suivantes sont particulièrement problématiques et conduisent à des pertes de revenu de plusieurs milliers de francs par rapport au modèle discuté au Parlement pour des exploitations gérées de manière durable:
La réglementation actuelle de la contribution pour la production de lait et de viande fondée sur les herbages réduit cet instrument en une contribution forfaitaire de plus. Pourtant elle aurait justement pu avoir une fonction centrale dans la stratégie qualité.
Les fortes réductions des contributions la qualité du paysage représentent aussi un affaiblissement du projet discuté au Parlement. Dans de nombreux cantons, on disposera de facto de moins d'un tiers des montants prévus à l'origine, à savoir 120 au lieu de 400 Fr. par hectare. Cela anéantit presque les possibilités de réaliser des revalorisations. Les exploitations fournissant déjà des prestations pour le paysage, et celles de montagne en général, perdent des paiements directs significatifs.
L'audition du train d'ordonnances arrive à terme fin juin. Ces ordonnances apportent il est vrai de nombreuses améliorations par rapport à la situation actuelle, mais dans l'ensemble ne s'en tiennent pas au message du Conseil fédéral, sur la base duquel le Parlement a débattu. Les perdants sont les régions de montagne, l'environnement, la valeur ajoutée et le revenu de l'agriculture. Vision Landwirtschaft réclame des corrections substantielles. Cependant malgré nos critiques, nous refusons résolument de combattre la PA 2014-17 avec un référendum.
(VL) D'abord le positif: une grande partie des ordonnances, comme l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) l'a mise dans l'audition en avril dernier, apporte des améliorations essentielles par rapport à aujourd'hui et cadre avec une mise en œuvre des décisions du Parlement.
Cependant il y a de nombreuses exceptions qui édulcorent fortement sur son ensemble le message du Conseil fédéral ainsi que l'orientation des paiements directs vers de meilleurs buts et prestations, soutenue par le Parlement avec une large majorité.
Pas de réduction des taux de contributions dans les programmes de prestations!
D'après le projet d'audition sur le train d'ordonnances, les montants des contributions relatives aux prestations seront en grande partie réduits par rapport au message du Conseil fédéral – parfois de plus de moitié (>>Détails ici). C'est le cas en particulier pour les surfaces de compensation écologique – renommées surfaces de promotion de la diversité – pour lesquelles les contributions reculent, et pas seulement par rapport au message, mais aussi par rapport à aujourd'hui. On ne peut donc en aucun pas parler de modèle écologique.
Les diminutions des contributions à la qualité du paysage et de celles pour le nouveau programme de production de lait et de viande basée sur les herbages (LVH) sont aussi particulièrement choquantes. Pour les contributions à la qualité du paysage, il pourrait rester dans le cas extrême moins d'un tiers des contributions prévues à l'origine. De même pour les contributions LVH, qui soutiennent une production laitière de haute qualité et diminuent l'utilisation chère et problématique d'aliments concentrés – surtout importés. Elles doivent être tellement réduites, qu'elles ne seront purement et simplement plus attractives.
Selon les renseignements du compétent Office fédérale de l'agriculture, ces réductions de contributions découlent d'une demande plus forte qu'attendue par l'Office. Pourquoi maintenant subitement on doit escompter une demande nettement supérieure dans les programmes de prestations, par rapport aux modélisations sophistiquées sur lesquelles le message se basait, cela reste un mystère.
Une plus forte demande irait dans le sens de la réforme
Si la demande, c'est-à-dire la disposition des agriculteurs à adapter leur exploitation dans le sens des buts de la politique agricole et à utiliser les programmes de prestations, était réellement supérieure à ce qui est attendu, ce serait à considérer positivement et allant pleinement dans le sens de la réforme. En conséquence les moyens nécessaires supplémentaires pour cela sont à mettre à disposition. Cela répond aussi à la mission du Parlement de réallouer les paiements directs de manière ciblée.
Des milliers d'agriculteurs ont calculé ou fait calculer les conséquences pour leur exploitation dans le cadre des taux de contributions de chaque catégorie de paiements directs publiés dans le message et en ont déduit leurs besoins en ajustements. Ce n'est pas possible que ces taux de contributions soient maintenant diminués sans nécessité et sans justification fondée. Comme le montre l'exemple dans l'encadré, ce sont d'un côté les régions de montagne qui perdent de grandes sommes de paiements directs et de l'autre les exploitations qui sont prêtes à fournir les prestations recherchées, qui sont désavantagées. Celles-ci perdent aussi de manière prononcée des paiements directs par rapport au concept du message.
Paiements forfaitaires inchangés
Le seul domaine dans lequel il n'y a actuellement pas de lacune, et dans lequel pourtant le plus de moyens ont été largement attribués déjà dans le message – sans justification compréhensible – ce sont les contributions à la sécurité de l'approvisionnement. Des acteurs de différents bords ont critiqué de manière répétée que les contributions à la sécurité de l'approvisionnement sont des paiements forfaitaires contre-productifs et inefficaces, qui ne justifient que peu la sécurité à l'approvisionnement, voire même l'affaiblit. Ces contributions à la sécurité de l'approvisionnement ne s'accordent ainsi pas avec les objectifs de la réforme et la mission de la Constitution.
S'il devait y avoir une demande plus grande pour des paiements ciblés sur des prestations, il faudrait donc en première ligne raccourcir les contributions à la sécurité de l'approvisionnement. Déjà de faibles diminutions de ces contributions prévues à l'hectare suffiraient pour mettre à disposition les moyens supplémentaires nécessaires.
Contributions pour des prestations à relever intégralement au niveau du message
Vision Landwirtschaft exige pour cette raison et avec de nombreuses autres organisations, que les taux de contributions de tous les programmes de paiements directs se rapportant à des prestations soient corrigés au minimum de nouveau au niveau du message (>>Détails ici). Les moyens supplémentaires nécessaires à une éventuelle demande accrue sont à financer par une marge de 200 millions de francs prise sur les contributions à la sécurité de l'approvisionnement.
Cette suggestion vient aussi du fait que pendant l'élaboration du message, les contributions à la sécurité de l'approvisionnement ont été rehaussées constamment. En fin de compte elles ont plus que doublé dans l'ensemble. Cela relèverait ainsi de la compétence de l'OFAG de réajuster les budgets alloués aux différents paiements directs en fonction de la demande pour des programmes de prestation. Il n'y a aucune déclaration protocolée dans les débats parlementaires qui pourrait amener à conclure que la hauteur des moyens pour les contributions à la sécurité de l'approvisionnement doit être maintenue, au contraire.
Industrie en amont gagnante
L'affaiblissement de la réforme, pratiquement par la voie des ordonnances, n'est pas un hasard, mais vient d'une pression constante des milieux qui critiquent cette réforme et qui souhaitent s'en tenir à un système de soutien à la production.
Le grand profiteur de la politique agricole menée jusqu'à présent était le secteur en amont, soit tous les entrepreneurs qui fournissent des aliments pour animaux, des engrais, des pesticides, des machines ou des crédits aux agriculteurs. Les paiements forfaitaires de l'ancienne politique agricole ont conduit à une situation absurde, à savoir qu'aujourd'hui les agriculteurs ne gagnent purement et simplement plus rien de la production de denrées alimentaires. Chaque franc qu'ils encaissent, ils le redistribuent aussitôt plus loin à un niveau en amont largement ramifié à cause d'une production toujours plus intensive et chère. On a pu en arriver jusque-là parce que le revenu leur est garanti par des paiements directs forfaitaires. Le revenu moyen dans l'agriculture équivaut de nos jours assez précisément encore aux paiements directs. La valeur ajoutée de l'agriculture sur le marché est ainsi pratiquement nulle aujourd'hui, malgré un marché hautement protégé.
Plus de valeur ajoutée, c'est indispensable
La réforme selon le message du Conseil fédéral devait au moins un peu améliorer cet état de fait fâcheux. La valeur ajoutée, et ainsi le revenu de l'agriculture, aurait dû croître de plus de 100 millions de francs par an.
L'attrait pour la production jusqu'à présent souvent (trop) intensive et plus du tout adaptée au site, tombe en partie. Ainsi les forts coûts de production engendrés par des importations trop chères en énergie, fourrages, pesticides etc., baissent. Certes les quantités produites avec moins d'inputs dans la production diminuent légèrement, mais moins fortement que les coûts. A la faveur d'importations moindres, on produira au bout du compte toujours autant qu'aujourd'hui (production nette) mais à des coûts plus bas et de manière plus respectueuse de l'environnement.
Cet effet positif promis dans le message ne peut être atteint qu'en adaptant substantiellement les ordonnances.
Conséquences à l'exemple d'une exploitation ménageant les ressources naturelles en région de montagne
Pour une exploitation laitière de montagne de 20 ha avec 8 ha de SCE (4 ha de prairies peu intensives, 4 ha de prairies extensives), les adaptations dans le projet d'ordonnance constituent une diminution des recettes pouvant atteindre 3700 Fr. sans tenir compte des contributions pour animaux (mais le nouveau plafonnement des contributions à la qualité du paysage par canton proposée dans le document d'audition n'est pas encore comprise). C'est la réduction de la contribution à la production de lait et de viande basée sur les herbages qui engendre les plus grandes pertes financières. Cela représente 3400 francs de diminution des recettes pour ce type d'utilisation:
1.1
Contribution au maintien d'un paysage ouvert (Fr./an)
-20*20 = -400
3.1.1
Contribution à la qualité pour prairie extensive
-4*200 = -800
3.1.2
Contribution à la qualité pour prairie peu intensive
-4*50 = -200
5.3
Contribution à la production de lait et de viande basée sur herbages
-20*100 = -2'000
Total Fr./J.
-3'400*
* Dans la mesure où le nouveau plafonnement proposé pour les contributions à la qualité de paysage par canton est opérant, de potentielles diminutions de recettes supplémentaires s'y ajouteraient jusqu'à 5600 Fr. par an, donc en tout une diminution des recettes jusqu'à 9'000 Fr. par an pour l'exploitation concernée.
Immense a été le soulagement en ce jour d’hiver ensolleilé. Il y a encore un mois, la Commision des Etats chargée de l’examen préalable faisait contre toute attente un retour en arrière sur certaines clés de voûte de cette réforme. Mais le Conseil des Etats a pris fait et cause pour la réforme du Conseil fédéral au plénum en ce 12 décembre. Il est même revenu sur quelques manoeuvres de détournement du Conseil national. Ainsi les étapes de la réforme, dans ses grandes lignes, sont sous toit pour les quatre prochaines années.
Avec toute sa puissance, l’Union suisse des paysans fait du lobby pour affaiblir la réforme agricole. D’après une étude de la Confédération, qui a été rendue publique hier par le journal NZZ am Sonntag, l’Union suisse des paysans marque ainsi un autogoal contre ses propres membres: la variante de l’Union suisse des paysans obtient les moins bons résultats concernant aussi bien la rentabilité de l’agriculture que l’environnement. La variante qui obtient le meilleur résultat est celle qui s’oriente le plus vers des buts écologiques et qui vise une réforme cohérente, tandis que le compromis décrit dans la proposition de la Confédération se situe au milieu en matière de revenu et d’environnement.
Aujourd'hui il existe déjà des paiements directs qui doivent compenser les conditions particulièrement difficiles dans les régions de montagne. Une petite partie d'entre eux sont liés à la déclivité ("Contributions pour terrains en pente"), et plus des trois quarts soit 354 millions de francs par année, sont versés en fonction du nombre d'animaux gardés et de la situation de la zone: plus une exploitation est en altitude et plus elle possède de bétail, plus elle reçoit de contributions pour les conditions difficiles ("Contributions GACD").
Propositions de perfectionnement du système des paiements directs de l'agriculture suisse – comparaison fondée sur des simulations
La proposition de réforme de la politique agricole 2014–2017, soumise par le Conseil fédéral, contient des améliorations essentielles par rapport au système actuel des paiements directs. Il ressort d'une comparaison détaillée avec la pro- position de Vision Landwirtschaft qu'elle est toutefois loin d'exploiter le poten- tiel d'optimisation en faveur de l'agriculture et de l'environnement.
La réforme agraire amorcée depuis bientôt deux décennies s'est arrêtée pratiquement à mi-chemin. Les instruments actuels de la politique agricole ne sont pas conformes à l'article constitutionnel de 1996. Le Livre blanc de l'agriculture suisse offre une analyse de la situation complète et accessible à tous ; elle met en évidence quelles réformes s'avèrent indispensables à la mise en œuvre d'une politique agricole porteuse d'avenir et conforme à la Constitution. En publiant ce livre, Vision Landwirtschaft pose une première pierre sur laquelle devra s'appuyer le débat qui s'instaurera au sujet de la politique agricole dans les années à venir.
Analyse scrupuleuse. Dans le Livre blanc de Vision Landwirtschaft, les auteurs offrent une documentation complète et critique des derniers développements de la politique agricole suisse et une analyse accessible à tous de leurs répercussions au niveau des exploitations agricoles, de la production de denrées alimentaires et de l'environnement. Sur la base d'un état des lieux scrupuleux, ils proposent des améliorations de la politique agricole, axées de manière ciblée et transparente sur le mandat constitutionnel de l'agriculture – et, partant, sur l'indemnisation des prestations d'intérêt général d'une agriculture productive. Les incidences de l'amélioration du système des paiements directs sont analysées en détail à l'aide de modélisations.
Réalisation des objectifs.Les résultats dévoilent un potentiel d'optimisation inattendu. Les réformes proposées permettent d'atteindre voire de surpasser les objectifs politiques fixés dans le cadre du budget agricole actuel, tout en assurant à moyen terme des revenus supérieurs et une production agricole nette plus élevée. L'agriculture sera ainsi beaucoup mieux armée pour l'avenir, indépendamment d'une plus grande ouverture des marchés.
Le Livre blanc de l'agriculture est en vente dans les librairies ou au secrétariat de l'association. Les membres de Vision Landwirtschaft bénéficient d'un rabais de 10% sur le prix en librairie.
Vision Landwirtschaft a publié une fiche info qui résume le contenu du Livre blanc sur l'agriculture suisse.
Sur une dizaine de pages, la dernière fiche info de Vision Landwirtschaft condense l'essentiel des données, graphiques, résultats de modélisation et recommandations contenus dans le Livre blanc de l'agriculture suisse.
En publiant cette fiche info, nous souhaitons présenter sous une forme concise l'essentiel du Livre blanc aux décideurs politiques, à l'administration, aux ONG, au monde de l'économie et, d'une manière générale, aux citoyens intéressés par l'agriculture et aux membres de notre association. Nous renvoyons au livre lui-même pour tout approfondissement des informations.
La version imprimée (en allemand ou en français) peut être demandé au secrétariat de Vision Landwirtschaft moyennant 1 franc de participation aux frais par exemplaire et 3 francs de port.