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24.2. 2022

Écoblanchiment et moyens pédagogiques – Swissmilk idéalise la production de lait

Écoblanchiment et moyens pédagogiques – Swissmilk idéalise la production de lait

(VA) Swissmilk met à disposition des écoles des moyens pédagogiques sur le lait et la production laitière. C’est une bonne chose en soi, car l’organisation peut travailler avec des spécialistes. Ce qui est moins réjouissant, c’est que seuls les aspects positifs de la production laitière sont présentés alors que les conséquences négatives sont totalement occultées. À côté des moyens pédagogiques pour les écoles, desdits documentaires pour la publicité sont créés, à l’image du court-métrage « La vache suisse, une menace climatique ? » Le message principal du film est le suivant : pendant leur digestion, les vaches rejettent du méthane qui, après dix ans, se dégrade en CO2 qui retourne dans la nature et fait reverdir nos prairies. Et pour conclure, la vache Lovely est remerciée « pour l’entretien de nos prés ».

Par ce film, Swissmilk veut faire croire que l’élevage des bovins, tel que pratiqué à l’heure actuelle, fait partie du cycle naturel du carbone. Mais il ne s’agit malheureusement pas d’un cycle fermé. Chaque litre de lait engendre des émissions de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement climatique.

Dans la presse suisse (voir tagesanzeiger.ch), un article paru le 16.10.2021 sous le titre « Neue Milch-Werbung: Hat hier jemand Klimakiller gesagt ? » (Nouvelle pub pour le lait : parle-t-on des nuisances pour le climat ?) émet des critiques quant à ce film. Selon les auteurs Erich Bürgler et Maren Meyer, les consommateurs et consommatrices sont induits en erreur. Le porte-parole de Swissmilk Reto Burkhardt réplique par la déclaration suivante : « De nombreux faits erronés sur la durabilité et le climat circulent », puis « Swissmilk souhaite communiquer en se basant sur les faits et dans une approche globale ».

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Émissions de gaz à effet de serre et agriculture – un problème réel

Depuis environ 200 ans, le cycle naturel du carbone de la Terre est de moins en moins à même d’absorber les émissions de gaz à effet de serre libérées par les activités humaines. Des mesures effectuées sur des décennies prouvent que les concentrations des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2), le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O) sont en constante augmentation. En Suisse, l’agriculture est la principale source d’émissions de méthane et de protoxyde d’azote, deux gaz à effet de serre (MétéoSuisse, 2.11.2021). Notre alimentation actuelle et l’agriculture jouent ainsi un rôle non négligeable dans le réchauffement climatique. Dans un article intitulé «Les rots des vaches ne menacent pas le climat », Swissmilk résume : « L’agriculture suisse est responsable de 14 % des émissions de CO2 dans notre pays et se retrouve ainsi à la quatrième place », après le trafic routier (32 %), l’industrie (24 %) et les ménages (17 %) ; il s’agit d’équivalent CO2 (CO2eq). Puis on lit « Les vaches laitières rejettent 3,8 % des émissions, qui s’inscrivent dans un cycle écologique permanent. » Cette déclaration est fausse.

Selon la publication de l’Agroscope « Réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’élevage d’animaux de rente », (Recherche agronomique suisse 9 (11+12), 376–383, 2018), les bovins sont responsables de 75 % des émissions de gaz à effet de serre CO2eq dans l’agriculture. Si l’on ne considère que l’élevage des animaux, les bovins sont à la source de 88 % des émissions de gaz à effet de serre. Les vaches laitières à elles seules émettent 56 % des gaz à effet de serre. Il ressort que les vaches laitières causent environ 7 % des émissions de gaz à effet de serre en Suisse. Les 3,8 % indiqués par Swissmilk ne concernent que le méthane provenant de la digestion des vaches laitières et ne tiennent pas compte de l’effet de serre causé par les cultures fourragères et le stockage des engrais de ferme (voir figure 1).


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Émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’agriculture suisse en 2016, tiré de Recherche agronomique suisse 9 (11+12), 376–383, 2018

 

Les représentants des branches éditent du matériel pédagogique pour les écoles

L’Union suisse des paysans (USP) et diverses organisations agricoles proposent du matériel pédagogique pour les écoles décrit comme conforme au plan d’études 21, dont celui du Service de formation et de communication agricole AGIR  et celui de Swissmilk. À travers ses programmes d’e-learning, ses documentaires, sa boutique de matériel pédagogique, ses newsletters pour le corps enseignant et ses informations sur le gaspillage alimentaire, Swissmilk tente de masquer ou de minimiser les aspects négatifs de l’agriculture. Lesdits matériels pédagogiques rappellent largement le point de vue unilatéral de la publicité. C’est ainsi que parmi le matériel pédagogique, on trouve des feuilles d’exercices pour les degrés supérieurs / l’économie familiale dans lesquelles l’opinion est influencée de manière subtile. Un exemple en est « Lait contre boissons végétales ». Dans ce texte, la future ingénieure en sciences alimentaires Aline explique à sa colocataire que les boissons végétales sont un « leurre écologique ». Le texte se conclut par : « Ne t’inquiète pas, tu as tout juste avec le lait. »

Dans le matériel d’information, des vaches en train de brouter de l’herbe sont représentées comme une partie intégrante naturelle du cycle écologique. Le besoin en fourrage concentré local et importé, dont la culture concurrence l’alimentation humaine (feed no food en allemand), est presque totalement occulté. C’est évident : dans les moyens pédagogiques, il s’agit du positionnement du lait sur le marché. On y représente une production laitière proche de la nature, qui ne correspond pas à la réalité. Il est néanmoins désormais prouvé que les formes de production intensives et la consommation excessive de produits d’origine animale contribuent aux problèmes climatiques.

Un approvisionnement suffisant en protéines avec une production adaptée au site

La biodiversité et le climat sont les thèmes environnementaux les plus brûlants de notre époque. L’importante production animale avec ses importations massives de fourrage concentré nuit tant à la biodiversité en raison des dépôts azotés élevés qu’au bilan climatique de la Suisse. Ce thème gagne désormais en importance et la recherche s’y intéresse davantage. Mais la plupart du temps, il s’agit principalement de savoir comment diminuer les émissions de gaz à effet de serre tout en conservant le même niveau de production. Les mesures techniques à elles seules ne suffisent toutefois pas à réduire suffisamment les nuisances environnementales causées par la production agricole. Comme l’a déclaré Martin Rufer, directeur de l’USP, lors du Forum de politique agricole, BFH 2020, l’USP a également pris conscience de la nécessité de mener un débat autour d’un comportement de consommation respectueux du climat.

Environ 70 % de nos terres ne sont pas cultivables. ll est donc judicieux que l’herbe de nos prairies et de nos pâturages, qui ne peut être utilisée directement, soit transformée par les ruminants en aliments de qualité. Cette production devrait néanmoins être adaptée au site et se faire en grande partie avec le fourrage de l’exploitation. L’élevage intensif de bovins au moyen de fourrage concentré acheté, comme c’est le cas dans une grande partie de l’agriculture suisse, est tout sauf durable du point de vue des nuisances écologiques. Si les consommateurs et consommatrices se nourrissaient en suivant la pyramide alimentaire de la SSN, la population pourrait être suffisamment approvisionnée en protéines par un élevage bovin basé sur les herbages, à condition d’y inclure d’autres aliments riches en protéines comme le tofu. Une étude de Baur & Krayer (2021) arrive à la conclusion suivante : « Sans importer de fourrages concentrés, on pourrait encore produire 3,3 millions de tonnes de lait en Suisse. Rapporté à la population, cela correspond à environ 350 kg de lait par personne et par an, fromage compris. La production de viande serait réduite de moitié avec 21 kg par personne et par an. » Les chercheurs de l’Agroscope obtiennent les mêmes résultats (Zimmermann et al., 2017).

La transmission des connaissances aux écoles doit être objective et orientée sur les problèmes

Il est essentiel de présenter aux écoles des formes de production durables et une alimentation saine et respectueuse du climat. On doit pouvoir s’attendre à ce que les représentants des branches qui communiquent le savoir aux écoles le fassent de manière objective et honnête.

Se servir de la « Journée du lait à la pause » pour en faire une « journée de promotion du lait » est déloyal. La formule « better milk » plutôt que « more milk » serait plus adaptée à notre époque et plus crédible. Il reste à espérer que les moyens pédagogiques et les événements « Journée du lait à la pause » de Swissmilk dans les écoles ne restent pas sans commentaires, mais qu’ils suscitent un débat critique autour du thème de l’agriculture, de l’environnement et de l’alimentation.


 

ANNEXE

Film documentaire La vache suisse une menace climatique ?

https://www.youtube.com/watch?v=Z1twmEsChnI

Déclarations du film

Faits

En fait, les émissions des vaches font partie du cycle biologique.

Les émissions des vaches contribuent aussi à la surcharge du cycle planétaire du carbone.

C’est clair, …. elles produisent aussi du méthane en digérant.

Méthane(CH4)
L’agriculture contribue à plus de 80 % aux émissions totales de méthane en Suisse.Les émissions de méthane sont causées par l’élevage des animaux de rente. Les ruminants produisent de grandes quantités de ce gaz à effet de serre durant leur digestion. Ils sont responsables d’environ 75 % des émissions de méthane de l’agriculture.

Mais après dix ans, le CH4 se dégrade en CO2 qui retourne dans la nature.

 

C’est juste que le CH4 s’oxyde en CO2 dans l’atmosphère en dix ans environ. Cependant, l’effet de serre du CH4 est 25 fois plus élevé que celui du CO2, si l’on se base sur un calcul de plus de 100 ans. Sur 20 ans, l’effet est environ 80 fois plus important (IPPC, AR6, 2021).

Le fait est que les émissions actuelles de CO2 ne peuvent plus être absorbées par la nature.

Voici comment ça marche : les plantes absorbent le CO2 et le transforment.

 

De manière générale, les plantes fixent le CO2 et produisent de l’O2 au moyen de la photosynthèse (assimilation). Dans l’obscurité, les plantes consomment aussi de l’O2 et produisent à nouveau du CO2 (dissimilation).

Le carbone est stocké dans la terre et le précieux oxygène est libéré dans l’atmosphère.

 

À propos du cycle du carbone : les sols sont le plus grand réservoir terrestre de carbone et simultanément l’une des principales sources naturelles de CO2 dans l’atmosphère. La matière organique du sol n’est donc pas uniquement importante pour la fertilité du sol, mais aussi comme lieu de transfert des gaz à effet de serre pour le changement climatique.

[…] les prés ont donc un très grand potentiel de stockage du CO2. Graphique : « 50 % des stocks de carbone sur les herbages permanents et les pâturages »

 

Remarque erronée. La citation vient du Agridea 2020, Faktenblatt Humus und Klima, (en allemand) où l’on peut lire au chapitre 4 : « Les surfaces agricoles figurent actuellement dans l’inventaire national des gaz à effet de serre comme source d’émission et non pas comme puits. »